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Date : 20090325

Dossier : T-1783-08

Référence : 2009 CF 319

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 25 mars 2009

En présence de madame la juge Mactavish

 

ENTRE :

APOTEX INC.

demanderesse

et

 

SERVIER CANADA INC.

défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] En réponse aux avis d’allégation servis par Apotex Inc. (Apotex), Servier Canada Inc. (Servier) a engagé devant la Cour une procédure d’interdiction conformément aux dispositions du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement).Après l’abandon par Servier de cette procédure, Apotex a intenté la présente action.

 

  • [2] Servier demande la radiation de certaines parties de la déclaration d’Apotex, en application de l'article 221 des Règles des Cours fédérales.Servier affirme que, dans la mesure où Apotex sollicite la restitution des recettes cumulées par Servier en lien avec son produit Gliclazide à titre de recours en vertu de l’article 8 du Règlement, il est manifeste et évident qu’elle n’a pas droit à un tel recours.

 

  • [3] Servier soutient en outre que certains paragraphes de la déclaration d’Apotex sont inappropriés, puisqu’ils équivalent à des [traduction] « arguments et émotions », contrairement à ce que prévoit un exposé des faits substantiels.

 

  • [4] Pour les motifs exposés ci-dessous, la requête de Servier sera accueillie en partie.

 

 

La demande relative à une restitution des recettes

 

  • [5] Servier reconnaît qu’il y a eu par le passé une certaine confusion quant aux recours accessibles dans les demandes déposées en vertu de l’ancienne version du paragraphe 8(4) du Règlement. Cette incertitude a été réglée, selon Servier, avec la décision Apotex Inc. c. Merck & Co. Inc., 2008 CF 1185.Dans cette affaire, le juge Hughes a affirmé qu’un demandeur, fabricant d’un médicament générique, qui sollicite réparation en vertu du paragraphe 8(4) du Règlement peut uniquement être compensé pour ses pertes, et n’a pas droit à la restitution de tout profit qu’aurait pu faire le fabricant du médicament d’origine.

 

  • [6] Servier soutient de plus que tous les doutes qui auraient pu subsister quant à la portée des recours accessibles aux fabricants de médicaments génériques en lien avec les demandes déposées en vertu du paragraphe 8(4) du Règlement ont été effacés avec les modifications apportées en 2006 au Règlement.Alors que le Règlement avant les modifications autorisait la Cour à accorder réparation « par recouvrement de dommages-intérêts ou de profits », la version du Règlement qui régit la présente action prévoit que le tribunal « peut rendre l’ordonnance qu’il juge indiquée pour accorder réparation par recouvrement de dommages-intérêts ».

 

  • [7] Selon Servier, en raison de l’élimination du terme « profits » du Règlement, il est maintenant évident qu’un fabricant de médicaments génériques qui a gain de cause dans une demande déposée en vertu du paragraphe 8(4) du Règlement sera uniquement compensé pour ses propres pertes.Selon Servier, un examen du Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR) publié en lien avec les modifications démontre que c’était là l’intention du législateur lorsqu’il a adopté ces modifications.

 

  • [8] Autrement dit, concernant le débat en cours quant à la capacité d’un fabricant de médicaments génériques d’obtenir une comptabilisation des profits d’un fabricant de médicaments d’origine en vertu d’une version antérieure du paragraphe 8(4) du Règlement, le REIR affirme ce qui suit : « le gouvernement est d’avis que ce genre d’argument ne devrait plus être admis pour les fabricants de médicaments génériques invoquant l’article 8 ».

 

  • [9] Apotex reconnaît qu’en raison de la décision du juge Hughes et des modifications apportées au paragraphe 8(4), elle ne peut plus présenter une demande pour enrichissement sans cause sous le régime du paragraphe 8(4) du Règlement.Toutefois, Apotex soutient que la question qui n’a pas encore été tranchée jusqu’ici, c’est de savoir si une requête pour obtenir une réparation équitable de cette nature peut être déposée par un fabricant de médicaments génériques dans une instance du type de celle qui nous occupe en vertu du paragraphe 20(2) de la Loi sur les Cours fédérales, indépendamment de toute demande déposée par un fabricant de médicaments génériques en vertu du paragraphe 8(4) du Règlement.

 

  • [10] Par conséquent, Apotex affirme qu’il n’est pas manifeste et évident que sa demande pour enrichissement sans cause ne pourrait être accueillie, et soutient que les paragraphes de la déclaration en litige ne devraient pas être radiés.

 

  • [11] La question de savoir si une demande pour enrichissement sans cause peut ou non être déposée par un fabricant de médicaments génériques, dans des circonstances semblables aux circonstances en l’espèce, en vertu du paragraphe 20(2) de la Loi sur les Cours fédérales, indépendamment de toute demande déposée en vertu du paragraphe 8(4) du Règlement, est une question à laquelle je n’ai pas à répondre pour les besoins de la présente requête et j’y reviendrai un autre jour.

 

  • [12] Ceci parce que le fondement de l’argument d’Apotex ne correspond pas à la manière avec laquelle sa déclaration est actuellement rédigée en l’espèce.

 

  • [13] Ce qui paraît évident à la lecture de la déclaration d’Apotex, comme elle est actuellement présentée, c’est que les demandes de l’entreprise pour obtenir la restitution de recettes et pour enrichissement sans cause sont entièrement rédigées en vertu du paragraphe 8(4) du Règlement.Son acte de procédure ne fait aucune mention du paragraphe 20(2) de la Loi sur les Cours fédérales et, en fait, Servier n’était même pas au courant du fondement juridique maintenant invoqué pour cet aspect de la demande d’Apotex, avant de recevoir le mémoire des faits et du droit déposé par Apotex en lien avec la présente requête.

 

  • [14] Comme je l’ai souligné précédemment, Apotex reconnaît qu’il ne peut déposer une demande pour enrichissement sans cause en vertu du paragraphe 8(4) du Règlement.Dans ces circonstances, il est manifeste et évident que les demandes d’Apotex pour une restitution des recettes et pour enrichissement sans cause, comme elles sont actuellement formulées, ne révèlent aucune cause raisonnable d’action.Par conséquent, la requête déposée par Servier pour faire radier les paragraphes 1(b), 20, 21, 22, 23, 24 et 25 de la déclaration d’Apotex est accueillie, sous réserve du droit d’Apotex de modifier sa déclaration afin de défendre correctement son utilisation du paragraphe 20(2) de la Loi sur les Cours fédérales.

 

 

 

 

Les « actes de procédure de contexte »

 

  • [15] Servier demande aussi que soient radiés les paragraphes 6 à 13 de la déclaration d’Apotex, affirmant qu’ils n’énoncent pas des faits substantiels, mais traduisent plutôt l’interprétation d’Apotex quant à la conséquence juridique du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), de la Loi sur les aliments et les drogues et des règlements qui en découlent.À ce titre, Servier affirme que ces paragraphes ne sont pas pertinents et qu’ils devraient être radiés.

 

  • [16] Un examen des paragraphes contestés confirme qu’ils expliquent essentiellement le régime réglementaire soutenant l’action.À ce titre, je suis convaincue que les actes de procédure fournissent bien le contexte de la demande, et qu’ils ne sont ni peu pertinents, ni redondants, ni scandaleux, frivoles ou vexatoires.De plus, il n’est pas allégué que Servier subira un préjudice si les paragraphes ne sont pas supprimés, et il est clair que Servier a compris les paragraphes suffisamment pour être en mesure d’y répondre, puisqu’elle a déjà livré sa défense sur la question.

 

  • [17] Par conséquent, cet aspect de la requête de Servier est rejeté. Considérant le succès partagé de la demande, aucuns dépens ne seront adjugés.


ORDONNANCE

 

 

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

 

 

1.   La requête de Servier est accueillie en partie.  Les paragraphes 1(b), 20, 21, 22, 23, 24 et 25 de la déclaration d’Apotex sont radiés, sous réserve du droit d’Apotex de modifier sa déclaration afin de défendre correctement son utilisation du paragraphe 20(2) de la Loi sur les Cours fédérales.  À tout autre égard, l’appel est rejeté.

 

2.   Chaque partie doit prendre en charge ses propres dépens.

 

 

 

« Anne Mactavish »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :  T-1783-08

 

INTITULÉ :  APOTEX INC. C. SERVIER CANADA INC.

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  OTTAWA (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :   LE 24 MARS 2009

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 ET ORDONNANCE :  LA JUGE MACTAVISH

 

 

DATE DES MOTIFS :  LE 25 MARS 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Lederman

 

POUR LA DEMANDERESSE

Daniel A. Artola

Laetitia Caporicci

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GOODMANS LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

OGILVY RENAULT S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

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