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Date : 20090331

Dossier : T-447-09

Référence : 2009 CF 333

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 31 mars 2009

En présence de monsieur le juge Kelen

 

ENTRE :

La FÉDÉRATION CANADO-ARABE

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] Il s’agit d’une requête de dernière minute entendue à Toronto le 30 mars 2009 en vue d’obtenir une injonction provisoire visant à annuler la décision du ministre de la Cityonneté et de l’Immigration (le ministre), communiquée par écrit à la demanderesse le 18 mars 2009, l’avisant que le nouveau contrat de financement annuel proposé pour le cours d’enseignement de l’anglais par la demanderesse aux immigrants au Canada était annulé et ne serait pas renouvelé au-delà de sa date de fin du 31 mars. Par conséquent, la demanderesse demande que la Cour rende sa décision au plus tard le 31 mars, c.-à-d. aujourd’hui.

 

LES FAITS

  • [2] L’organisation de la demanderesse, la Fédération canado-arabe a été incorporée en vertu de la Loi sur les corporations canadiennes le 27 avril 1982. Ses objectifs incluent l’accroissement et l’encouragement de la coordination des organisations arabes au Canada; le renforcement de l’identité des sociétés, des organisations et des communautés arabes au Canada et dans la patrie arabe; la stimulation et la prestation de mesures de redressement pour alléger la souffrance au Canada et dans la patrie arabe; l’engagement dans d’autres efforts de bienfaisance déterminés par les directeurs de l’organisation; et la diffusion d’information au sujet des causes arabes et l’encouragement du soutien de ces causes, notamment la souffrance du peuple palestinien, au Canada et dans la patrie arabe.

 

  • [3] La demanderesse a exploité un programme appelé Programme de cours de langues pour les immigrants au Canada (CLIC), instruisant les immigrants au Canada en anglais langue seconde (ALS) pendant les onze dernières années. La majorité des immigrants accédant au programme ne sont pas Arabes, mais Chinois. Le financement du programme a été fourni par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) aux termes d’un contrat de financement annuel d’une valeur approximative d’un million de dollars.

 

  • [4] Les contrats de financement entre la demanderesse et Citoyenneté et Immigration Canada sont signés une ou deux fois par an. Le financement actuel devait se poursuivre pour deux ans, mais en 2008, Citoyenneté et Immigration Canada a annoncé qu’il continuerait pour une troisième année, soit jusqu’en 2010. Un contrat pour 2009-2010 a été négocié et approuvé. Le directeur exécutif national de la demanderesse, ainsi que le gestionnaire de projet et de programme croyaient tous les deux que la finalisation des détails de ce contrat n’était qu’une formalité et que le financement pour 2009-2010 était en place.

 

  • [5] En attente de ce financement, la demanderesse a embauché un certain nombre de personnes. La demanderesse affirme que sans ce financement, plusieurs de ces postes devront être éliminés ou modifiés en postes à temps partiel. La demanderesse affirme que les enseignants du programme ne perdront probablement pas leur emploi puisque la demanderesse a été avisée que le programme sera transféré à une autre agence; toutefois, la demanderesse a embauché un certain nombre de personnes qui sont rémunérées en partie par le contrat de financement et en partie par d’autres contrats, incluant l’administrateur du programme, l’administrateur de soutien de la TI et le coordonnateur de la sensibilisation et de la communication. La demanderesse a également loué un espace et de l’équipement et obtenu de l’assurance à la suite de l’obtention du financement.

 

  • [6] Le 18 mars 2009, le président de la Fédération canado-arabe, M. Khaled Moummar, a reçu une lettre de M. Rick Stewart, le sous-ministre adjoint délégué des Opérations de Citoyenneté et Immigration Canada, l’informant que le financement de la Fédération canado-arabe était annulé en raison de « préoccupations sérieuses » au sujet de déclarations publiques faites par M. Moummar et d’autres membres de la Fédération canado-arabe que la lettre a caractérisé comme faisant la promotion de [traduction] « la haine, de l’antisémitisme et du soutien des organisations terroristes bannies Hamas et Hezbollah ». La lettre mentionnait que ces déclarations publiques ont soulevé des [traduction] « questions sérieuses au sujet de l’intégrité » de la Fédération canado-arabe et [traduction] « miné la confiance du gouvernement envers la Fédération canado-arabe à titre de partenaire approprié pour la prestation de services essentiels à l’établissement de nouveaux arrivants ». La lettre se terminait ainsi :

    [traduction]

Par conséquent, nous chercherons à collaborer avec la Fédération canado-arabe pour cesser progressivement les activités visées par l’accord et pour nous assurer qu’il y aura le moins de perturbation possible pour les clients recevant actuellement des services de la Fédération canado-arabe dans le cadre du Programme CLIC…Je souhaite, étant donné notre désir mutuel de faire ce qui est le mieux pour nos clients, que nous puissions collaborer pour nous assurer que la transition soit aussi simple que possible. (Dossier de demande, page 123)

 

  • [7] La demanderesse nie qu’elle, ou n’importe lequel de ses membres, appuie le terrorisme ou l’antisémitisme. La demanderesse affirme que les commentaires formulés par M. Moummar lors d’un rassemblement de protestation contre les attaques israéliennes continuelles à Gaza l’ont été en référence aux positions prises par les politiciens afin de justifier ces attaques. M. Moummar a cité un professeur américain, Norm Filkenstein, qui a décrit le premier ministre Harper et M. Ignatieff comme des [traduction] « prostitués de guerre ». M. Moummar a également affirmé que cette étiquette devrait également s’appliquer au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration Canada, Jason Kenney et au ministre junior des Affaires étrangères, Peter Kent.

 

  • [8] Par conséquent, la demanderesse suggère que le fait de traiter le ministre Jason Kenney de [traduction] « prostitué politique de la guerre pour Israël » a poussé M. Kenney à annuler le financement annuel d’un million de dollars de la demanderesse. Le défendeur conteste que cela était la cause de l’annulation du financement et mentionne que ce n’était pas l’insulte au ministre, mais plutôt [traduction] « l’antisémitisme » et la « sympathie avec les terroristes » qui a poussé M. Kenney à annuler le financement. À ce stade précoce de la procédure judiciaire, le défendeur n’a pas produit d’autres éléments de preuve de toute autre déclaration ou action de la demanderesse qui aurait poussé le ministre à annuler le financement de la demanderesse.

 

  • [9] La demanderesse affirme que ses objectifs incluent de combler le fossé entre les communautés juives et arabes et qu’elle collabore avec d’autres communautés pour combattre le racisme et les crimes haineux. M. Moummar et d’autres membres de la Fédération canado-arabe critiquent Israël puisqu’ils appuient le droit des Palestiniens à l’autodétermination. La demanderesse affirme que la critique des politiques d’Israël n’est pas antisémite. La demanderesse affirme également qu’avant et après les commentaires de M. Moummar, la Fédération canado-arabe a été caractérisée par le ministre Kenney comme « antisémite » à plusieurs occasions.

 

  • [10] Le défendeur admet que les négociations pour un autre accord avec la demanderesse pour les services dans le cadre du Programme CLIC du 1er avril 2009 au 31 mars 2010 ont été effectuées et qu’une ébauche de contrat a été rédigée. Selon l’élément de preuve préliminaire, il semble que le défendeur avait convenu que le contrat serait renouvelé le 1er avril 2009.

 

  • [11] Le défendeur, après avoir décidé le 18 mars 2009 de ne pas prolonger le contrat ou de conclure un nouveau contrat avec la demanderesse, a convenu de continuer à donner des cours de langue aux clients de la demanderesse, d’assumer la responsabilité des contrats d’emplois de la demanderesse pour six enseignants de langue, trois nourrices, un coordonnateur et un adjoint administratif, d’assumer la responsabilité du bail en vigueur de la demanderesse où elle offre les cours du Programme CLIC et il assume toutes les autres dépenses de la Fédération canado-arabe à l’égard du Programme CLIC.

 

  • [12] Par conséquent, lors de l’audition, la demanderesse a fourni une liste des quatre titres d’emploi restants des personnes travaillant pour la demanderesse dont les salaires auraient été payés en partie par le nouveau contrat du Programme CLIC à compter du 1er avril 2009 pour les montants ci-dessous :

1.  le directeur exécutif − 18 200 $;

2.  le comptable − 40 768 $;

3.  l’agent central des communications et de la sensibilisation − 12 792 $;

4.  la personne responsable du soutien technique de la TI − 42 821 $.

Le total de ces salaires perdus s’établit à 114 581 $.

 

QUESTIONS EN LITIGE

  • [13] La question en litige dans la présente requête est de savoir si la demanderesse a satisfait le critère en trois volets pour une injonction provisoire. Dans RJR-Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311, la Cour suprême du Canada a déclaré qu’un demandeur doit satisfaire un critère en trois étapes pour obtenir une injonction interlocutoire :

  1. qu’il existe une question sérieuse à juger;

 

  1. que le demandeur subirait un préjudice irréparable si le sursis n’était pas accordé;

 

  1. que la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi d’une injonction.

 

Question importante

  • [14] La demanderesse affirme qu’il y a quatre questions importantes soulevées en l’espèce :

 

  1. à savoir si le ministre est empêché d’annuler ou de refuser de prolonger le financement du programme CLIC en raison de la préclusion promissoire ou des attentes légitimes de la demanderesse ou de rompre le contrat oral à prolonger;

 

  1. à savoir si le ministre a manqué à l’obligation d’équité en annulant ou en refusant de prolonger le financement sans fournir à la demanderesse une occasion de répondre à ses préoccupations;

 

  1. à savoir si la décision du ministre est arbitraire et illégale puisqu’il s’agit essentiellement d’une sanction contre l’exercice de la libre expression par le président de la Fédération canado-arabe et d’autres personnes non nommées;

 

  1. à savoir si le ministre est partial ou peut raisonnablement être perçu comme étant partial, de sorte que sa décision ne puisse pas être maintenue.

 

Pour obtenir une injonction provisoire, il est uniquement nécessaire d’établir que la question importante alléguée n’est pas frivole – c.-à-d. qu’il s’agit d’une question importante selon un faible seuil de la probabilité de réussite.

 

Attentes légitimes

  • [15] La demanderesse cite Centre hospitalier Mont-Sinaï c. Québec, 2001 CSC 41, 200 D.L.R. (4th) 193, où la Cour suprême a conclu que le Centre hospitalier Mont-Sinaï avait une attente légitime que le ministre de la Santé et des Services sociaux délivre un nouveau permis puisque le ministre avait précédemment mentionné qu’il suivrait sous peu. La Cour suprême a affirmé ce qui suit, au paragraphe 30 :

La théorie de l’expectative légitime est parfois considérée comme une forme de préclusion, mais il ressort amplement de la jurisprudence, de la doctrine et des principes que le demandeur qui invoque la théorie de l’expectative légitime peut, mais ne doit pas nécessairement démontrer qu’il était au fait de la conduite en cause ou qu’il s’y est fié à son détriment. Cela s’explique par le fait que l’accent est mis sur la promotion de [traduction] « la régularité, [de] la prévisibilité et [de] la certitude des rapports du gouvernement avec le public ».

 

 

Équité

  • [16] Dans Pelletier c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1545, 275 F.T.R. 108, une affaire impliquant la résiliation de l’emploi du demandeur, monsieur le juge Simon Noël a conclu que l’obligation d’équité incluait une obligation d’octroyer à la personne touchée le droit d’être entendue.

 

  • [17] Il est acquis en matière jurisprudentielle que le défendeur, monsieur le ministre Jason Kenney, a l’obligation juridique à titre de ministre fédéral ou d’administrateur d’agir conformément à l’obligation d’équité, laquelle obligation vise à :

  1. aviser la demanderesse qu’il a l’intention d’annuler le nouveau contrat proposé et de fournir à la demanderesse les raisons de cette annulation;

  2. fournir à la demanderesse toute la chance de répondre, c.-à-d. de raconter l’histoire du point de vue de la demanderesse;

  3. examiner en toute équité la réponse de la demanderesse avant de rendre sa décision finale.

La Cour souligne que le défendeur n’a présenté aucun argument contre cette obligation juridique de la part du défendeur, M. Kenney, et a souligné à titre de fonctionnaire de la Cour qu’il ne pouvait pas être en désaccord avec ce principe de droit applicable.

 

  • [18] La Cour conclut que les éléments de preuve à ce jour démontrent que le ministre défendeur a probablement violé son obligation juridique d’agir équitablement envers la demanderesse. La Cour se serait attendue à ce que le défendeur respecte cet important principe élémentaire et fondamental et la primauté du droit.

 

Liberté d’expression

  • [19] La demanderesse prétend que la décision du ministre aurait un effet dissuasif sur la libre expression. La demanderesse cite le critère indiqué par la Cour suprême dans Irwin Toy v. Quebec (A.G.) (1989) 1 S.C.R. 927, qui nécessite que la Cour détermine :

1.  si l’activité du plaideur est visée par le contexte protégé de l’alinéa 2b);

 

2.  si l’objectif de la demande du gouvernement est de restreindre la liberté d’expression.

 

Impartialité

  • [20] La demanderesse prétend que le ministre peut raisonnablement être perçu comme ayant un parti pris contre la Fédération canado-arabe. La demanderesse a inclus, à titre de pièce K de son affidavit, une liste d’incidents démontrant la partialité du ministre envers la Fédération canado-arabe et son opinion mentionnant qu’il s’agit d’une « organisation antisémite ».

 

  • [21] Je conclus que la demanderesse a soulevé une question sérieuse à l’égard de l’obligation d’agir équitablement. Aux fins de la présente requête, je n’ai pas besoin de statuer si d’autres questions répondent au critère peu rigoureux d’identification d’une question sérieuse.

 

Préjudice irréparable

  • [22] La demanderesse prétend qu’elle subirait un préjudice irréparable de deux façons : premièrement, elle perdrait ses employés si elle ne recevait pas le financement et deuxièmement, la demande pour effectuer un contrôle judiciaire deviendrait théorique puisque le programme serait déjà démantelé par le temps que la présente demande aboutisse devant cette Cour. La demanderesse affirme que ces préjudices ne pourraient pas être indemnisés par l’octroi de dommages-intérêts.

 

  • [23] Afin de prouver qu’un préjudice est irréparable, la demanderesse doit prouver que le préjudice causé ne pourra plus tard être indemnisée avec des dommages-intérêts. Comme il est énoncé dans White c. E.B.F. Manufacturing Ltd., 2001 CFPI 1133, 15 C.P.R. (4th) 505 au paragraphe 13 :

¶ 13  [...] Il faut ensuite déterminer si des dommages-intérêts pourraient constituer une réparation suffisante pour le demandeur. L’injonction interlocutoire est un recours discrétionnaire et équitable qui ne sera pas accordé si le demandeur ne démontre pas qu’il subira un préjudice irréparable. Le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu’à son étendue. C’est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue pécuniaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié par des dommages et intérêts.

 

 

  • [24] La demanderesse prétend que le préjudice qu’elle subirait si le financement était annulé satisfait à ce critère. Étant donné que le ministre s’est engagé à aider avec la transition et qu’il a mentionné que le Programme CLIC serait transféré à une autre agence, il est clair que le programme ne sera pas « démantelé ». Toutefois, la demanderesse affirme également qu’elle devra mettre fin à l’emploi d’un certain nombre d’employés de soutien du Programme CLIC.

 

  • [25] La demanderesse a quantifié les montants exacts qu’elle perdrait en vertu du contrat de 2009-2010 pour le Programme CLIC, dont notamment une somme approximative de 114 000 $ puisqu’une partie des salaires pour quatre employés, comme cela est indiqué au paragraphe 12, provient du contrat du Programme CLIC. Cet élément de preuve tangible et clair démontre que les dommages subis par la demanderesse peuvent être quantifiés et remédiés par des dommages et intérêts, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas être considérés comme un « préjudice irréparable ».

 

  • [26] Si la demanderesse obtient une réponse positive à sa demande de contrôle judiciaire, elle pourra intenter une action en dommages-intérêts contre le défendeur, le ministre Kenney, pour violation de contrat ou autres causes d’action.

 

  • [27] La demanderesse allègue également que l’annulation de ce contrat fera perdre son entreprise à la demanderesse. La Cour conclut que la demanderesse a plusieurs autres aspects de son entreprise qui pourront se poursuivre sans le contrat pour le Programme CLIC, ce qui signifie qu’il ne s’agit pas d’un préjudice irréparable.

 

  • [28] La Cour conclut également que l’annulation du contrat du Programme CLIC n’aura aucune incidence sur le droit de la demanderesse et de ses agents de s’exprimer librement au Canada, ce qui signifie qu’il ne s’agit pas d’un préjudice irréparable. Si, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, il est conclu que le ministre a annulé le financement de la demanderesse sans tenir dûment compte de l’équité puisque la demanderesse était en désaccord avec les positions politiques du ministre, la demanderesse serait en droit de recouvrer des dommages-intérêts. Il n’y a donc pas un effet dissuasif sur la liberté d’expression de la demanderesse si cette injonction provisoire n’est pas accordée.

 

Prépondérance des inconvénients

  • [29] Puisque la Cour a conclu qu’il n’y avait pas de préjudice irréparable, la Cour conclut, dans toutes les circonstances, que la prépondérance des inconvénients joue en faveur du ministre.

 

CONCLUSION

  • [30] Est-ce que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a le droit d’annuler le contrat avec la Fédération canado-arabe pour ce programme d’anglais langue seconde pour les nouveaux Canadiens puisque son président a fait des commentaires publics attaquant les positions politiques du ministre et son caractère personnel? Est-il approprié pour le gouvernement d’annuler le contrat puisque la Fédération canado-arabe proteste vigoureusement l’invasion de la Palestine par Israël et insulte un ministre canadien puisqu’il ne s’oppose pas à l’invasion israélienne?

 

  • [31] Être la cible de la critique publique fait partie de la responsabilité politique d’un élu. Si le ministre décide d’annuler le contrat de financement du programme d’anglais langue seconde pour la communauté canado-arabe tout simplement parce ce qu’il a été insulté pendant une protestation politique enflammée contre les attaques par Israël à Gaza, sa décision ne devrait pas être maintenue. Il n’était pas inattendu que la communauté arabe soit révoltée par l’invasion de Gaza par Israël. Naturellement, la communauté arabe était contrariée que le gouvernement canadien n’ait pas condamné vigoureusement cette attaque. Plusieurs juifs canadiens de bonne réputation étaient opposés à l’attaque de Gaza par Israël.

 

  • [32] Toutefois, la Cour reconnaît que M. Kenney allègue que la Fédération canado-arabe est raciste, antisémite et qu’elle appuie une organisation terroriste et que c’est pour ces raisons qu’il a annulé le contrat, et non parce qu’il a fait l’objet d’une insulte.

 

  • [33] Peu importe ses raisons pour annuler le contrat de financement, le ministre a clairement l’obligation d’aviser la Fédération canado-arabe de son intention d’annuler le contrat, lui fournir les raisons de cette annulation et d’accorder à la Fédération canado-arabe l’occasion de répondre avant de prendre sa décision. Le ministre pourrait avoir manqué à son obligation d’équité à cet égard. Pour cette raison, la décision du ministre pourrait être annulée par la Cour après une audience en bonne et due forme. Il s’agit d’une question sérieuse, un principe élémentaire du droit administratif, et le ministre et ses fonctionnaires doivent agir selon le droit.

 

  • [34] En l’espèce, le ministre a pris des dispositions afin que les employés de la Fédération canado-arabe travaillant uniquement dans le cadre du Programme CLIC conservent leur emploi et que le Programme CLIC se poursuive. Par conséquent, les employés de la Fédération canado-arabe et la communauté qu’elle dessert ne subiront pas un préjudice irréparable. Par conséquent, la Cour n’accordera pas une injonction provisoire. Au même moment, la présente demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre peut aller de l’avant et la Fédération canado-arabe pourrait obtenir une décision déclarant que la décision du ministre était illégale. Ensuite, la Fédération canado-arabe pourrait être autorisée à intenter une action en dommages-intérêts, mais tout cela est dans le futur.

 

  • [35] D’autre part, à l’audience en bonne et due forme de la présente demande d’annuler la décision du ministre Kenney, l’élément de preuve du ministre pourrait satisfaire la Cour que la demanderesse ne devrait pas recevoir de financement pour les motifs mentionnés par M. Kenney, notamment d’antisémitisme, d’incitation à la haine et d’appui au terrorisme. La Cour statuera sur cette question après une audience en bonne et due forme des éléments de preuve de chaque partie.

 

  • [36] Pour ces motifs, la requête pour une injonction provisoire doit être rejetée.


ORDONNANCE

 

 

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

 

Cette requête pour une injonction provisoire est rejetée.

 

 

 

« Michael A. Kelen. »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-447-09

 

INTITULÉ :  FÉDÉRATION CANADO-ARABE c.

  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

  DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :   Le 30 mars 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  Le juge KELEN

 

DATE DES MOTIFS :  Le 31 mars 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Barbara Jackman

Hadayt Nazami

 

POUR LA DEMANDERESSE

Gregory G. George

Nur Muhammed-Ally

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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