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Date : 20090324

Dossier : IMM-3084-08

Référence : 2009 CF 310

Ottawa (Ontario), le 24 mars 2009

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

BALRAJ SINGH RANDHAWA

demandeur

 

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La présente demande vise à contester la décision d’un délégué du Ministre (le ministre) rendue le 10 juin 2008 qui porte que M. Randhawa, citoyen de l’Inde qui s’est vu reconnaître, le 18 juin 1997, à l’âge de 22 ans, le statut de refugié au sens de la Convention au Canada, est interdit de territoire pour grande criminalité et parce qu’il constitue un danger pour le public au Canada, en vertu de l’alinéa 115(2)a) de la  Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi ou la LIPR). La conclusion sur la grande criminalité s’appuie sur la déclaration de culpabilité d’agression sexuelle de M. Randhawa du 18 septembre 2006; l’avis de danger s’appuie sur son comportement pendant et après la perpétration du crime.  

 

[2]               La décision du ministre comprend également un avis selon lequel M. Randhawa ne courrait pas de risque s’il était renvoyé en Inde. Au cours de sa plaidoirie, l’avocat de M. Randhawa a confirmé que cet élément de la décision n’est pas contesté.

 

[3]               Il est entendu que la norme de contrôle applicable à l’avis de danger déposé par le ministre est celle de la raisonnabilité définie comme suit par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 :

Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

L’objectif du ministre, à l’alinéa 115(2)a), était de formuler un avis de danger qui réponde à cette norme. Pour les motifs suivants, je conclus que cet objectif a été atteint. 

 

[4]               Dans sa décision rédigée avec beaucoup de soin et bien documentée, le ministre conclut que M. Randhawa est susceptible de constituer un danger futur pour le public au Canada. En tirant cette conclusion, à la page 8 de sa décision, le ministre admet à juste titre que le critère qui permet de formuler un avis de danger est exposé dans la décision du juge Strayer dans l’affaire Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] 2 C.F. 646 (C.A.F.), au paragraphe 29, qui traite de la disposition qui a précédé l’alinéa 115(2)a) de la LIPR :

À mon avis, le libellé du paragraphe 70(5) est suffisamment clair à cet égard. Dans ce contexte, le sens de l’expression « danger pour le public » n’est pas un mystère : cette expression doit se rapporter à la possibilité qu’une personne ayant commis un crime grave dans le passé puisse sérieusement être considérée comme un récidiviste potentiel. Point n’est besoin de prouver – à vrai dire, on ne peut pas prouver – que cette personne récidivera. Selon moi, cette disposition oriente convenablement la pensée du ministre vers la question de savoir si, compte tenu de ce que le ministre sait de l’intéressé et des observations que l’intéressé a faites en son propre nom, le ministre peut sincèrement croire que l’intéressé est un récidiviste potentiel dont la présence au Canada crée un risque inacceptable pour le public. J’insiste sur le mot « inacceptable » parce que, vu l’impossibilité de prouver une conduite future, il y a toujours un risque, et la mesure dans laquelle la société devrait être prête à accepter ce risque peut faire intervenir des considérations politiques qui ne sont pas inappropriées de la part d’un ministre. Celui-ci peut bien conclure, par exemple, que les personnes reconnues coupables d’infractions reliées aux stupéfiants sont plus susceptibles de récidiver et que le trafic des stupéfiants constitue une menace particulière pour la société canadienne. Je conviens avec le juge Gibson dans l’affaire Thompson (Thompson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] A.C.F. n1097 (C.F. 1re inst.)), que le « danger » doit être interprété comme un « danger présent ou futur pour le public ». J’hésite toutefois à affirmer que le ministre doit avoir en main un type particulier de document pour tirer une conclusion de danger présent ou futur. J’ai du mal à comprendre pourquoi il n’est pas loisible à un ministre de prévoir une inconduite future à partir d'une inconduite passée, particulièrement eu égard aux circonstances des infractions et, comme en l'espèce, aux commentaires faits par l’un des juges qui ont prononcé les peines. Il se peut qu’une cour de contrôle ne soit pas du même avis que le ministre, ou considère qu’on aurait dû donner plus de poids à certains documents, mais cela ne veut pas dire que le critère législatif est d’une imprécision inadmissible simplement parce qu’il permet au ministre de parvenir à une conclusion différente de celle de la Cour.

Je suis donc convaincu que l’expression « danger pour le public au Canada » attire suffisamment l’attention du ministre sur la question qu’il doit examiner et permet adéquatement à une cour de contrôle de déterminer si le ministre a pris en considération des facteurs pertinents.

[Non souligné dans l’original.]

 

Par conséquent, le critère comprend deux volets : la possibilité qu’une personne ayant commis un crime grave dans le passé puisse sérieusement être considérée comme un récidiviste potentiel et que cette possibilité crée un risque inacceptable pour le public. 

 

[5]               Eu égard aux deux volets du critère énoncé dans la décision Williams, le ministre fournit les motifs suivants à l’appui de sa décision :

 

[TRADUCTION] Même s’il n’a utilisé aucun arme, M. Randhawa a eu des rapports sexuels avec une victime non consentante et semi-consciente. Les circonstances entourant l’infraction où lui et son complice ont attiré une victime innocente dans un appartement, l’ont fait boire une quantité létale d’alcool et ont abusé d’elle, à mon avis, établissent un viol en bandes. L’agression semble avoir été préméditée, délibérée et intentionnelle et, selon les remarques du juge qui a prononcé la peine, a manifestement changé et gâché la vie de cette fille.  

 

Bien que j’admette qu’il s’agit de son unique infraction et déclaration de culpabilité, je considère que les circonstances entourant cette seule déclaration de culpabilité ainsi que l’absence manifeste de remords de M. Randhawa et l’incapacité ou le refus apparents de celui-ci d’accepter la responsabilité de ses actes, me permettent de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que M. Randhawa est un récidiviste potentiel. Plusieurs indices provenant des rapports au dossier, dont les motifs de la sentence, établissent que M. Randhawa a nié sa participation à l’infraction et qu’il a déclaré, malgré la preuve médico-légale claire, n’avoir jamais touché la victime. Le rapport de planification de la peine contient sous la rubrique « Motivation », les remarques suivantes :

 

« Il a déclaré être conscient que son mode de vie, son comportement et les conséquences entraînées posent un problème, mais il a affirmé qu’il est innocent et qu’il interjette appel de la peine et de la déclaration de culpabilité. »

 

J’admets que les rapports du Service correctionnel du Canada indiquent un score faible concernant la récidive, probablement par rapport au délinquant sexuel en série « type », mais je trouve que la façon de commettre cette infraction, notamment l’abus de confiance et son incapacité apparente – même dans ce cas extrême – de faire la distinction entre l’acte consentant et l’agression sexuelle, me permet de conclure qu’il pourrait commettre une autre agression de cette nature.

 

J’ai également examiné attentivement toutes les observations de l’avocat et les facteurs pertinents énumérés dans le guide concernant la politique en matière d’immigration, au chapitre ENF 28, que l’avocat cite dans ses observations. Je mentionne notamment le chapitre 7.4 qui énonce, entre autres, ce qui suit :

 

Une seule condamnation entraîne rarement un avis de danger puisqu’on doit démontrer clairement que la personne constitue un risque présent ou futur de danger pour le public, comme le prouvent la nature et les circonstances de l’infraction. La jurisprudence révèle qu’il est possible de fonder un avis de danger sur une seule condamnation grave quand on dispose de preuves suffisantes.

 

En rendant ma décision selon laquelle M. Randhawa constitue un danger pour le public au Canada, je suis tout à fait conscient du fait que je m’appuie sur une seule déclaration de culpabilité grave. Malgré les autres renforcements positifs dans le cadre de vie de  M. Randhawa, je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités ainsi que les circonstances entourant sa déclaration de culpabilité, que le risque que M. Randhawa récidive est probable et qu’il constitue un danger pour le public au Canada, notamment pour les femmes vulnérables.

[Non souligné dans l’original.]

 

(Décision, p. 8 et 9)

 

[6]               Il est clair que l’avis du ministre accorde une grande importance aux activités criminelles de M. Randhawa dans le passé en tant que facteur permettant de prédire ses activités criminelles potentielles dans l’avenir. Il est évident que le ministre avait très présente à l’esprit la preuve concernant la déclaration de culpabilité d’agression sexuelle lorsqu’il a rendu la décision contestée. Pour statuer sur la présente demande, j’estime qu’il est important d’exposer entièrement cette preuve afin de comprendre ses conséquences; à mon avis, elle fournit une solide assise à la décision contestée :

[TRADUCTION]

PARTIE III – ÉVALUATION DU DANGER

 

Examen de l’interdiction de territoire

 

L’une des exceptions prévues à l’alinéa 115(2)a) de la LIPR exige expressément que la personne faisant l’objet d’un avis de danger soit interdite de territoire pour grande criminalité. L’alinéa 36(1)a) de la LIPR prévoit l’interdiction de territoire pour grande criminalité lorsqu’un résident permanent ou un étranger a été déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé. M. Randhawa a été déclaré coupable d’agression sexuelle, en contravention de l’alinéa 271(1)a) du Code criminel (C. cr.) et a été condamné à une peine de deux ans et six mois. Je suis convaincu que M. Randhawa est interdit de territoire pour grande criminalité.

 

Information relative au danger

 

Les circonstances entourant l’infraction de M. Randhawa qui a entraîné la déclaration de culpabilité pour agression sexuelle du 18 septembre 2006 sont résumées comme suit dans les motifs de la sentence (Motifs de la sentence de madame la juge Epstein, du 14 décembre 2006) :

 

Le 15 novembre 2002, M. Randhawa et le coaccusé ont agressé sexuellement une élève de 5e année secondaire. Le coaccusé avait eu pendant un mois une relation avec la victime qui a pris fin deux semaines avant l’agression. Le coaccusé a contacté la victime lorsqu’elle se trouvait à l’école et l’a avisée qu’il irait la chercher pour qu’elle puisse aider l’un de ses amis, M. Randhawa, au sujet de l’interprétation dans un bureau gouvernemental. La victime voulait amener quelques amies, mais le coaccusé a insisté pour qu’elle les accompagne, lui et M. Randhawa, toute seule. La victime a accepté à contrecœur et s’est rendue en voiture avec M. Randhawa au bureau gouvernemental où elle lui a servi d’interprète de l’anglais au panjabi.

 

Ensuite, malgré l’insistance de la victime qui voulait retourner à l’école, les deux hommes l’ont conduite à l’appartement du coaccusé. Une fois sur place, M. Randhawa a apporté une bouteille de rhum qui se trouvait dans sa voiture. Le coaccusé a mêlé l’alcool à du cola et a incité la victime à boire. La victime est devenue de plus en plus ivre. Le coaccusé a amené ensuite la victime dans la chambre à coucher et l’a fait boire davantage. Lorsque la victime s’est évanouie, elle a eu la sensation que le coaccusé introduisait son pénis dans son vagin. À un certain moment, la victime a ouvert ses yeux et a vu M. Randhawa étendu sur elle. Elle ne pouvait pas comprendre ce qu’il faisait parce qu’elle était trop désorientée.

 

Plus tard dans la soirée, les parents de la victime ont déposé un rapport de personne disparue. Avec l’aide des amies de la victime, la police a fini par trouver l’appartement du coaccusé. Lorsque les policiers sont entrés dans l’appartement, ils ont découvert la victime étendue sur un canapé-lit sur lequel il y avait des traces de vomissures, de sang et d’urine. Les policiers n’ont pas réussi à réveiller la victime. Une ambulance l’a transportée à l’hôpital où des échantillons ont été prélevés à l’aide d’une trousse d’examen consécutif à une agression sexuelle.

 

Le lendemain matin, la police a obtenu et a exécuté un mandat de perquisition dans l’appartement en question. Les policiers ont trouvé le soutien-gorge et le sous-vêtement de la victime ainsi que les deux condoms utilisés dans la poubelle. Les résultats des examens effectués ont révélé la présence du sperme du coaccusé dans le vagin et l’anus de la victime. L’analyse de l’ADN effectué sur les deux condoms a établi que le sperme du coaccusé se trouvait dans l’un des condoms et le sperme de M. Randhawa dans l’autre. Le toxicologue a déterminé que le taux d’alcoolémie de la victime au moment de l’agression se situait entre 210 milligrammes et 340 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang. (Cour supérieure de l’Ontario, Région de Toronto, Motifs de la sentence de M. Balraj Singh Randhawa, le 14 décembre 2006, p. 3 à 6)

 

Selon les motifs de la sentence,  

« M. Randhawa n’a aucun antécédent pénal. Malgré les maigres renseignements qu’il contient sur M. Randhawa, le rapport présentenciel établit que celui-ci n’a aucunement conscience de la gravité de sa conduite. Je renvoie à deux paragraphes [...] »  M. Randhawa s’est présenté comme la victime de l’infraction en cause et a impliqué la victime dans la justification de la preuve qui a mené à l’accusation portée contre lui. Le sujet a affirmé au soussigné que la victime a mal interprété ses actes et il a laissé entendre que sa conduite a été des plus nobles.

 

M. Randhawa n’a pas été voulu admettre sa responsabilité à l’égard de certains aspects de l’accusation devant les tribunaux, cependant il a reconnu sans réserves et a accepté son plaidoyer de culpabilité et n’a manifesté aucun remords quant à ses actes.

 

Les autres faits pertinents pour la détermination d’une peine appropriée proviennent de la déclaration de la victime [la victime] rédigée. Celle-ci indique les répercussions de l’agression, non seulement sur sa façon de percevoir les choses mais aussi, d’une façon profonde, sur son avenir. En plus d’exprimer des sentiments de découragement et de désespoir, [la victime] précise ce que j’appellerai les conséquences d’ordre culturel du viol. Les parents [de la victime] ont été tellement horrifiés par cette agression qu’ils l’ont forcée à quitter l’école et lui ont fait accepter immédiatement un mariage arrangé. [La victime] semble avoir accepté son destin, mais elle affirme qu’« elle n’a jamais voulu vivre une telle vie ».

 

Les conséquences sur la victime ont été profondes. Toute infraction de cette nature comporte de graves implications. La victime a subi un préjudice supplémentaire en raison de son appartenance à la communauté indienne. En plus de subir les conséquences émotionnelles et psychologiques d’une agression aussi ignoble et dégradante, elle a perdu l’occasion de poursuivre ses études et s’est retrouvée très jeune dans un mariage arrangé.

 

Ces circonstances aggravantes situent cette infraction sur le plus haut échelon compte tenu surtout du fait qu’il n’existe pratiquement pas de facteurs atténuants. Bien que M. Randhawa ait plaidé coupable, il l’a fait à la toute dernière minute, forçant ainsi [la victime] à revivre l’horreur de l’enquête préliminaire.

 

Je dois préciser que, même si l’absence de remords de la part de M. Randhawa ne peut être considéré comme une circonstance aggravante, cette attitude manifeste dont il a fait preuve dans les circonstances le prive de tout droit à obtenir de la clémence.

 

Les faits convenus montrent clairement que M. Randhawa et le coaccusé ont manipulé [la victime] pour pouvoir la violer.  En fournissant sa voiture, en prenant l’alcool de la voiture, en se trouvant dans l’appartement lorsque le coaccusé avait agressé sexuellement la victime à plusieurs reprises et en parvenant à ses fins avec celle-ci par la suite, M. Randhawa a participé également de manière significative à cette agression sexuelle odieuse et dégradante.

 

Il est révoltant que M. Randhawa n’ait montré absolument aucune conscience de la gravité de son comportement. » (Ibid., p. 7 à 9, p. 11 à 13)

 

 

 

Selon le Rapport sur le profil criminel du Service correctionnel du Canada (le SCC),

 

Le délinquant a nié toute participation à l’infraction en cause.  Par conséquent, le délinquant a déclaré qu’il prévoit actuellement interjeter appel de sa déclaration de culpabilité et de sa peine et il a donc décidé de ne pas discuter des détails de son accusation.

 

Bien que M. Randhawa ait affirmé qu’il considère l’agression sexuelle comme un acte condamnable, il a eu de la difficulté à indiquer les circonstances où  une personne pouvait manifester un désir sexuel. Il a répondu qu’il n’était pas certain s’il était susceptible d’avoir des relations sexuelles avec une personne en état d’ébriété. Il a affirmé que certains gens préfèrent avoir des relations sexuelles lorsqu’ils consomment de l’alcool. Il a affirmé que certaines femmes pourraient, par gêne, mentir au sujet d’une agression sexuelle.

 

Dans l’ensemble, M. Randhawa présente un risque faible de récidive sexuelle...

 

Compte tenu de ce qui précède, le niveau du risque de récidive avec violence ou de récidive en général que présente M. Randhawa est évalué comme faible. (Rapport du SCC sur le profil criminel de M. Balraj Randhawa, le 19 février 2007, p. 1, p. 5 et p. 7)

 

M. Randhawa a été incapable de passer l’épreuve CAAT en raison de sa faible connaissance de l’anglais.

 

M. Randhawa soutient avoir terminé la 3e année du secondaire au sein de la collectivité en Inde (au Pendjab), en 1991. Il a dû travailler à la ferme familiale et c’est pourquoi il n’a pas fréquenté l’école comme il l’aurait souhaité. Il est arrivé au Canada en 1995. Il n’a suivi aucun cours d’anglais langue seconde.

 

Il a travaillé dans une boulangerie pendant environ six mois jusqu’à son incarcération. Il pense pouvoir retrouver ce travail s’il est libéré assez vite. (CSC Plan correctionnel du SCC pour M. Randhawa Balraj, le 19 février 2007, p. 3)

 

(Décision, p. 3 à 6)

 

 

[7]               L’avocat de M. Randhawa a présenté deux arguments principaux relativement au premier volet du critère énoncé dans Williams.

 

[8]               Le premier argument porte que le ministre a omis de tenir compte du fait que M. Randhawa n’a pas récidivé lorsqu’il était en liberté au cours de la période de quatre ans écoulée entre son arrestation et sa déclaration de culpabilité. Je ne peux pas conclure que ce fait a été omis; il semble que le ministre ne lui a accordé aucun poids lors de son examen pour une raison évidente : il ne prouve rien à long terme, ce qui constituait l’objectif principal du ministre.

 

[9]               Le deuxième argument porte sur le fait que deux analyses de risques ont été effectuées : l’une, en deux parties, par le Service correctionnel du Canada (le SCC), et l’autre par le ministre.  

 

[10]           L’avis du SCC sur le risque de récidive se retrouve dans deux documents. Le premier constitue une « évaluation du risque » datée du 19 février 2007, réalisée par l’Unité d’évaluation de Millhaven au moment de l’admission de M. Randhawa dans le système correctionnel et dont le ministre fait expressément état dans son énoncé de la preuve. L’instrument utilisé et les résultats de l’évaluation sont les suivants :

[TRADUCTION] STATIQUE-99 est un instrument conçu pour évaluer le risque de récidive sexuelle et de récidive violente des délinquants sexuels. Hanson et Thornton (1999) ont créé cette échelle à partir des études de suivi effectuées au Canada et au Royaume-Uni sur un un échantillon de 1 301 délinquants sexuels. STATIQUE‑99 est composée de 10 éléments et effectue des estimations du potentiel de risque d’après le nombre de facteurs de risque associés à chaque individu. Les facteurs de risque comprennent les infractions sexuelles précédentes, la violence courante à caractère non sexuel, les antécédents de violence à caractère non sexuel, le nombre de dates de détermination de la peine, être âgé de moins de 25 ans, avoir des victimes de sexe masculin, n’avoir jamais vécu avec une compagne/un compagnon pendant une période de deux années consécutives, les antécédents d’infractions sexuelles sans contact, avoir des victimes non apparentées et avoir des victimes inconnues du délinquant.

 

M. Randhawa a obtenu le score MOYEN-FAIBLE (2) sur cette échelle. Les individus ayant ces traits distinctifs récidivent sexuellement, en moyenne, à un taux de 9 % sur une période de cinq ans et de 13 % sur une période de dix ans. Le taux de récidive violente (y compris la récidive sexuelle) des individus ayant ces traits distinctifs est, en moyenne, de 17 % sur une période de cinq ans et de 25 % sur un période de dix ans.  

 

Un deuxième instrument a été également utilisé dans cette évaluation, STABLE - 2000, permettant de tirer la conclusion que STATIQUE - 99 évalue adéquatement le risque de récidive de M. Randhawa comme moyen-faible. Voici la recommandation qui en a découlé :

[TRADUCTION] Dans l’ensemble, M. Randhawa présente un risque FAIBLE de récidive sexuelle et semble pouvoir suivre un programme de traitement pour les délinquants sexuels à risque faible tel le programme offert à l’Établissement Pittsburg.

 

[...]

 

Compte tenu de ce qui précède, le risque de récidive violente ou générale concernant M. Randhawa est évalué comme faible.

 

(Dossier du tribunal, p. 508 – 509 et 511)

 

 

[11]           La deuxième évaluation est une « évaluation pré-programme » en date du 11 juin 2007, effectuée au moment de l’admission de M. Randhawa à l’Établissement Pittsburgh. Cette évaluation visait les besoins de M. Randhawa pendant qu’il purgeait sa peine, ce qui a permis de le classer dans la catégorie de besoins d’intensité moyenne-faible. Compte tenu du rapport d’admission de Millhaven et de l’évaluation des besoins effectuée, l’opinion suivante a été également fournie :

[TRADUCTION] Dans l’ensemble, compte tenu à la fois des facteurs de risque statiques et dynamiques ainsi que des facteurs relatifs aux besoins, et contraints de fournir une évaluation du niveau du risque général en fonction d’une des trois catégories (risque faible, moyen ou élevé), nous considérons le risque de récidive sexuelle concernant M. Randhawa comme se situant dans la catégorie de risque faible.

 

(Dossier du tribunal, p. 49)

 

[12]           En énonçant l’avis selon lequel M. Randhawa est [TRADUCTION] « un récidiviste potentiel » et [TRADUCTION] « qu’il pourrait commettre une autre agression de cette nature » (Décision, p. 8, p. 9), le ministre a pris en considération plusieurs facteurs. La pertinence de ces facteurs n’est pas contestée; cependant l’avocat de M. Randhawa fait valoir que, puisque ces facteurs ont été pris en compte antérieurement dans les évaluations effectuées par le SCC pour conclure à un risque faible de récidive, le ministre ne pouvait pas utiliser les mêmes facteurs pour arriver à l’avis contradictoire de risque élevé. Si je comprends bien, cet argument vise à soutenir, s’il tient debout, que l’avis du SCC concernant le risque faible de récidive aurait dû conduire le ministre à conclure, sur le deuxième volet du critère énoncé dans Williams, que M. Randhawa ne constitue pas un danger pour le public au Canada.

 

[13]           Toutefois, lors de sa plaidoirie, l’avocat de M. Randhawa a admis que, si le ministre avait simplement conclu qu’un risque faible constitue un risque inacceptable, il serait difficile de soutenir que la conclusion que  M. Randhawa constitue un danger pour le public au  Canada est déraisonnable. C’est là la juste reconnaissance d’une évidence : l’avis du SCC constitue la preuve que M. Randhawa est un récidiviste potentiel.

 

[14]           Je conclus que le ministre pouvait certainement arriver à une conclusion sur la question du risque de récidive en s’appuyant sur la preuve au dossier, y compris sur l’avis du SCC, ce qui s’est d’ailleurs produit. Tant le SCC que le ministre ont exprimé l’avis que M. Randhawa est une personne qui a commis un crime grave dans le passé et qu’il peut être considéré un récidiviste potentiel. Le Service correctionnel évalue les probabilités statistiques de récidive de M. Randhawa à 9 % sur une période de cinq ans et à 13 % sur une période de dix ans et le taux de récidive violente (y compris la récidive sexuelle) des individus ayant ses caractéristiques, en moyenne, à 17 % sur une période de cinq ans et à 25 % sur un période de dix ans. Après analyse du comportement de M. Randhawa pendant et après la perpétration du crime, le ministre considère que le risque de récidive sexuelle est « probable ». Le ministre a droit à cet avis. Quoi qu’il en soit, bien que les avis soient différents, vu qu’ils franchissent tous deux clairement le seuil de preuve de « la possibilité » fixé par le juge Strayer, je conclus qu’ils ne sont pas contradictoires. Par conséquent, je rejette le deuxième argument de l’avocat de M. Randhawa.

 

[15]           En ce qui concerne le deuxième volet du critère, comme le juge Strayer l’a déclaré, il revient au ministre de décider si la présence de M. Randhawa au Canada crée un risque inacceptable pour le public. À mon avis, c’est ce que le ministre a fait dans la décision contestée en énonçant ce qui suit :

[TRADUCTION] En rendant ma décision selon laquelle M. Randhawa constitue un danger pour le public au Canada, je suis tout à fait conscient du fait que je m’appuie sur une seule déclaration de culpabilité grave. Malgré les autres renforcements positifs dans le cadre de vie de M. Randhawa, je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités ainsi que les circonstances entourant sa déclaration de culpabilité, que le risque que M. Randhawa récidive est probable et qu’il constitue un danger pour le public au Canada, notamment pour les femmes vulnérables.

(Décision, p. 9)

 

L’avis de danger formulé par le ministre possède les qualités de justification, de transparence et d’intelligibilité et appartient certainement aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Par conséquent, je conclus que la décision contestée n’est pas entachée d’erreur.

 

 

ORDONNANCE

 

Par conséquent, pour les motifs exposés, la présente demande est rejetée.

Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                       IMM-3084-08

 

INTITULÉ :                                                                      BALRAJ SINGH RANDHAWA c.

                                                                                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                                ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                              LE 18 MARS 2009

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                       LE JUGE CAMPBELL

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :                                            LE 24 MARS 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Orman

 

                           POUR LE DEMANDEUR

Talitha A. Nabbali

 

                           POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Orman

Toronto (Ontario)

 

                           POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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