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Date : 20090316

Dossier : IMM-3035-08

Référence : 2009 CF 263

Ottawa (Ontario), le 16 mars 2009

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

 

 

ENTRE :

ELISSA CAMPBELL HARA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision, en date du 20 juin 2008 (la décision), par laquelle un agent des visas (l’agent) a refusé à la demanderesse le permis de travail qu’elle demandait.

 

CONTEXTE

[2]               La demanderesse est née et a grandi au Japon. Elle a étudié dans une école internationale à partir de sa quatrième année. Elle possède la double citoyenneté japonaise et britannique. Après avoir terminé ses études secondaires, elle a obtenu un permis d’études canadien l’autorisant à fréquenter le Collège George Brown à Toronto, où elle a étudié à temps plein de septembre 2005 à avril 2007, après quoi elle a reçu un diplôme de deux ans en éducation à la petite enfance.

 

[3]               Comme son programme d’études prenait fin le 20 avril 2007, la demanderesse s’est présentée dans un bureau de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) en mars 2007 pour se faire aider à remplir un formulaire de demande de permis de travail. La personne qui était de service au bureau de CIC lui a conseillé de cocher la case « visiteur » sur le formulaire de demande. La demanderesse allait apprendre par la suite que c’était une erreur et qu’en cochant la case « visiteur », elle renonçait ainsi à son statut d’étudiante au lieu de le proroger.

 

[4]               La demanderesse a obtenu par la suite une fiche de visiteur valide du 7 mai au 19 juillet 2007. Après avoir reçu une offre d’emploi, elle a présenté une demande de permis de travail le 10 juillet 2007 au CTD-Vegreville, sans se rendre compte qu’elle ne pouvait présenter une telle demande depuis le Canada alors qu’elle y séjournait en qualité de visiteur.

 

[5]               Alors qu’elle préparait sa demande de permis de travail, elle a commencé à s’inquiéter de l’expiration prochaine de sa fiche de visiteur. Au bureau de CIC, on lui a dit qu’elle pouvait demeurer au Canada pendant le traitement de sa demande en raison de son « statut implicite ».

 

[6]               Le 10 septembre 2007, la demanderesse a reçu une lettre qui rejetait sa demande de permis de travail au motif qu’elle l’avait présentée depuis le Canada alors qu’elle y séjournait en qualité de visiteur (le refus du CTD-Vegreville). C’est à ce moment que la demanderesse s’est rendu compte pour la première fois de son erreur et que quelque chose clochait avec son visa.

 

[7]               La demanderesse a retenu les services d’une avocate qui l’a informée que demander le rétablissement de son statut d’étudiante s’avérerait un long processus et que si sa demande était rejetée elle devrait quitter le pays. Sur le conseil de son avocate, elle a présenté une demande en vue de travailler comme aide familiale résidante. La demanderesse allègue que si elle n’a pas quitté le Canada à ce moment-là, malgré l’expiration de son statut de visiteur et la réception du refus du CTD-Vegreville, c’est parce que son avocate l’a informée qu’elle pouvait présenter une demande en vue de travailler comme aide familiale résidante sans quitter le Canada. Par ailleurs, le refus du CTD-Vegreville ne lui enjoignait pas de quitter le pays.

 

[8]               Les employeurs éventuels de la demanderesse ont signé un contrat d’emploi le 10 octobre 2007. Ils ont reçu un avis favorable relativement au marché du travail daté du 30 novembre 2007, qui était valide jusqu’au 30 novembre 2008. L’avocate de la demanderesse a préparé la demande de permis de travail et l’a présentée à l’ambassade du Canada à Tokyo (l’ambassade) le 19 décembre 2007 (la première demande).

 

[9]               La première demande a été rejetée le 3 janvier 2008 parce que l’agent des visas n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. L’agent des visas n’était pas non plus convaincu que la demanderesse avait répondu avec franchise à la question 19 du formulaire IMM 1295 qui portait sur des refus antérieurs. Elle a également été rejetée parce que la demanderesse ne pouvait présenter une demande pour ce genre de permis depuis le Canada.

 

[10]           Après avoir appris qu’elle devait se trouver à l’extérieur du Canada pour présenter une demande de permis de travail, la demanderesse s’est rendue à Tokyo le 19 janvier 2008. Le 22 janvier 2008, elle a présenté une autre demande à l’ambassade à Tokyo, accompagnée d’une lettre dans laquelle elle a tenté d’expliquer pourquoi elle avait indûment prolongé son séjour (la deuxième demande). Cette demande a été rejetée le 28 février 2008 parce que la demanderesse n’avait pas fourni un nouveau contrat d’emploi avec son employeur au Canada. La demanderesse avait fourni le même contrat d’emploi que celui qu’elle avait joint à sa demande de permis de travail en décembre 2007. En outre, l’agent des visas n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. La demanderesse avait indûment prolongé son séjour au Canada dans le passé et n’avait pas déclaré les refus antérieurs de permis de travail dans sa demande.

 

DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[11]           Le 16 juin 2008, la demanderesse a présenté une troisième demande de permis de travail comme aide familiale résidante. Cette demande a été rejetée le 20 juin 2008 (la décision), au motif que la demanderesse n’avait pas fourni un nouveau contrat d’emploi avec son employeur au Canada et que l’agent n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. L’agent a noté dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (notes du STIDI) que la demanderesse avait indûment prolongé son séjour au Canada, n’avait pas mentionné les refus de permis de travail dans ses demandes précédentes et avait des liens ténus avec le Japon.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[12]           Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables en l’espèce :

Visa et documents

 

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

Application before entering Canada

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

 

[13]           Les dispositions suivantes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), sont applicables en l’espèce :

Permis de travail : exigences

 

 

112. Le permis de travail ne peut être délivré à l’étranger qui cherche à entrer au Canada au titre de la catégorie des aides familiaux que si l’étranger se conforme aux exigences suivantes :

 

a) il a fait une demande de permis de travail à titre d’aide familial avant d’entrer au Canada;

 

b) il a terminé avec succès des études d’un niveau équivalent à des études secondaires terminées avec succès au Canada;

 

c) il a la formation ou l’expérience ci-après dans un domaine ou une catégorie d’emploi lié au travail pour lequel le permis de travail est demandé :

 

(i) une formation à temps plein de six mois en salle de classe, terminée avec succès,

 

 

(ii) une année d’emploi rémunéré à temps plein — dont au moins six mois d’emploi continu auprès d’un même employeur — dans ce domaine ou cette catégorie d’emploi au cours des trois années précédant la date de présentation de la demande de permis de travail;

 

d) il peut parler, lire et écouter l’anglais ou le français suffisamment pour communiquer de façon efficace dans une situation non supervisée;

 

e) il a conclu un contrat d’emploi avec son futur employeur.

 

Work permits — requirements

 

112. A work permit shall not be issued to a foreign national who seeks to enter Canada as a live-in caregiver unless they

 

 

 

 

(a) applied for a work permit as a live-in caregiver before entering Canada;

 

 

(b) have successfully completed a course of study that is equivalent to the successful completion of secondary school in Canada;

 

(c) have the following training or experience, in a field or occupation related to the employment for which the work permit is sought, namely,

 

 

(i) successful completion of six months of full-time training in a classroom setting, or

 

(ii) completion of one year of full-time paid employment, including at least six months of continuous employment with one employer, in such a field or occupation within the three years immediately before the day on which they submit an application for a work permit;

 

 

(d) have the ability to speak, read and listen to English or French at a level sufficient to communicate effectively in an unsupervised setting; and

 

 

(e) have an employment contract with their future employer.

 

Délivrance

 

179. L’agent délivre un visa de résident temporaire à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

 

 

a) l’étranger en a fait, conformément au présent règlement, la demande au titre de la catégorie des visiteurs, des travailleurs ou des étudiants;

 

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée qui lui est applicable au titre de la section 2;

 

c) il est titulaire d’un passeport ou autre document qui lui permet d’entrer dans le pays qui l’a délivré ou dans un autre pays;

 

d) il se conforme aux exigences applicables à cette catégorie;

 

e) il n’est pas interdit de territoire;

 

f) il satisfait aux exigences prévues à l’article 30.

 

Issuance

 

179. An officer shall issue a temporary resident visa to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

 

(a) has applied in accordance with these Regulations for a temporary resident visa as a member of the visitor, worker or student class;

 

 

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2;

 

 

(c) holds a passport or other document that they may use to enter the country that issued it or another country;

 

 

(d) meets the requirements applicable to that class;

 

 

(e) is not inadmissible; and

 

 

(f) meets the requirements of section 30.

 

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[14]           La demanderesse a soulevé les questions suivantes :

1)                  L’agent a-t-il commis une erreur de droit du fait qu’il a contrevenu aux principes d’équité procédurale et de justice naturelle :

a.                  En ne donnant pas à la demanderesse l’occasion de fournir un contrat d’emploi à jour?

b.                  En omettant de fournir à la demanderesse des motifs suffisants pour rejeter les raisons qu’elle a données pour expliquer son séjour indûment prolongé au Canada du 10 septembre 2007 au 19 janvier 2008?

2)                  L’agent a-t-il commis une erreur dans son appréciation de l’omission apparente de la demanderesse de déclarer les refus précédents?

3)                  L’agent a-t-il commis une erreur dans son appréciation de l’absence apparente de liens entre la demanderesse et le Japon?

4)                  L’agent a-t-il commis une erreur en concluant que « l’intention véritable [de la demanderesse] était de demeurer au Canada »?

 

NORME DE CONTRÔLE

 

[15]           La demanderesse a soulevé des questions d’équité procédurale qui sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte : Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, au paragraphe 115, et Hassani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283.

 

[16]           Le refus d’accorder la possibilité de répondre aux préoccupations de l’agent constitue une question d’équité procédurale : Rukmangathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 317, au paragraphe 22. Comme il est énoncé dans l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, au paragraphe 100, « [i]l appartient aux tribunaux judiciaires et non au ministre de donner une réponse juridique aux questions d’équité procédurale ».

 

[17]           Tel qu’établi dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Charles, [2007] A.C.F. no 1493, au paragraphe 24, citant S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, le caractère suffisant des motifs est une question d’équité procédurale qui est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

 

[18]           Dans l'arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a reconnu que, bien que les normes de la décision raisonnable simpliciter et de la décision manifestement déraisonnable soient différentes sur le plan théorique, « les difficultés analytiques soulevées par l'application des différentes normes réduisent à néant toute utilité conceptuelle découlant de la plus grande souplesse propre à l'existence de normes de contrôle multiples » (Dunsmuir, au paragraphe 44). En conséquence, la Cour suprême du Canada a conclu qu'il y avait lieu de fondre en une seule les deux normes de « raisonnabilité ».

 

[19]           La Cour suprême du Canada a également conclu dans l’arrêt Dunsmuir qu’il n’est pas nécessaire de se livrer systématiquement à une analyse relative à la norme de contrôle. Au contraire, lorsque la jurisprudence a déjà bien établi la norme de contrôle applicable à la question dont la cour est saisie, la cour de révision peut adopter cette norme de contrôle. C’est seulement lorsque sa démarche se révèle infructueuse que la cour de révision doit entreprendre un examen des quatre facteurs que comporte l’analyse relative à la norme de contrôle.

 

[20]           Par conséquent, compte tenu de l'arrêt Dunsmuir de la Cour suprême du Canada et de la jurisprudence de notre Cour, je conclus que la norme de contrôle applicable aux questions d'équité non procédurale en l'espèce est celle de la décision raisonnable. Lorsque la Cour est appelée à réviser une décision selon la norme de la décision raisonnable, son analyse s'attachera à « la justification de la décision, à la transparence et à l'intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu'à l'appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au paragraphe 47). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable, en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

ANALYSE

1)                           L’agent a commis une erreur de droit du fait qu’il a contrevenu aux principes d’équité procédurale et de justice naturelle :

 

a.         En ne donnant pas à la demanderesse l’occasion de fournir un contrat d’emploi à jour;

 

[21]           L’un des principaux motifs de la décision était que la demanderesse n’avait pas fourni un nouveau contrat d’emploi :

[traduction]

J’ai conclu que vous ne satisfaisiez pas à l’exigence de l’alinéa 112e) [du RIPR] parce que vous avez omis de fournir un nouveau contrat d’emploi avec votre employeur au Canada. Celui que vous avez fourni était une copie du contrat d’emploi qui était joint à votre demande de permis de travail en décembre 2007. La demande a été rejetée en janvier 2008. Vous devez fournir un nouveau contrat d’emploi ainsi qu’une nouvelle validation de l’offre d’emploi pour votre nouvelle demande.

 

 

[22]           Selon les notes du STIDI de l’agent, l’avis relatif au marché du travail était toujours valide :

[traduction]

L’AMT FOURNI EST CELUI DATÉ DU 30NOV2007, LEQUEL EST VALIDE JUSQU’EN NOV2008. COPIE DU CONTRAT D’EMPLOI FOURNIE.

 

[23]           La Loi ne prévoit pas de droit à l’entrevue, mais l’équité procédurale exige qu’un demandeur se voit donner l’occasion de dissiper les doutes d’un agent en certaines circonstances (Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1284, au paragraphe 35). Cette obligation peut exister, par exemple, si un agent s’appuie sur une preuve extrinsèque pour se forger une opinion, ou s’il arrive par ailleurs à une conclusion subjective, alors que le demandeur n’avait aucun moyen de savoir qu’elle serait utilisée contre lui : Li, au paragraphe 36.

 

[24]           Toutefois, en l’espèce, la demanderesse savait qu’en l’absence d’un nouveau contrat d’emploi, elle pourrait essuyer un refus puisque c’est ce qui avait motivé le deuxième refus du 28 février 2008. Par conséquent, selon la norme de la décision correcte applicable aux questions d’équité procédurale, l’agent n’a pas commis d’erreur de droit en ne donnant pas à la demanderesse l’occasion de fournir un nouveau contrat d’emploi. La demanderesse avait été avisée que l’ambassade en exigeait un.

 

[25]           Néanmoins, sur le plan juridique, j’estime que l’agent a commis une erreur en concluant que la demanderesse n’avait pas satisfait à l’exigence de l’alinéa 112e) du Règlement, lequel prévoit qu’un demandeur doit avoir « conclu un contrat d’emploi avec son futur employeur ». Le Règlement ne mentionne pas qu’un demandeur doit fournir un nouveau contrat d’emploi avec chaque demande de permis de travail comme aide familial résidant. Le guide OP 14 – Traitement des demandes à l’étranger : Traitement des demandes aux termes du programme des aides familiaux résidants (OP 14) indique qu’une nouvelle validation et un nouveau contrat d’emploi sont exigés uniquement lors d’un changement d’employeur. La section 7.2 de l’OP 14 prévoit ce qui suit : « Si la date d'expiration de la validation arrive pendant le traitement de la demande, l'agent doit communiquer avec le CRHC pour vérifier si l'offre d'emploi est toujours valide. »

 

[26]           En l’espèce, le contrat d’emploi joint à la demande était valide. Il a été signé le 10 octobre 2007, environ huit mois avant que la demande ne soit présentée à l’ambassade en juin 2008, et il ne comporte aucune date d’expiration. En outre, une lettre de l’employeur éventuel en date du 27 mai 2008 a été soumise à l’agent. Cette lettre confirmait que l’employeur souhaitait toujours embaucher la demanderesse; de plus, elle faisait expressément référence au contrat d’emploi et au fait qu’il était toujours valide selon l’employeur. À mon avis, rien n’obligeait à fournir un contrat à jour puisque l’employeur éventuel est demeuré le même. D’ailleurs, les notes du STIDI de l’agent indiquent que l’avis relatif au marché du travail était encore valide. Ni la décision ni les motifs de l’agent n’ont fait état des observations de l’avocat de la demanderesse à ce sujet. En effet, les notes du STIDI de l’agent ne mentionnent pas l’absence d’un nouveau contrat d’emploi malgré l’importance accordée à cette question dans les motifs énoncés dans la lettre de décision.

 

[27]           Bien qu’un agent puisse examiner l’authenticité d’un contrat d’emploi, en l’espèce il n’a pas été allégué que le contrat d’emploi fourni ne serait pas authentique. Par conséquent, j’estime que la conclusion de l’agent selon laquelle la demanderesse n’avait pas satisfait à l’exigence d’avoir un contrat d’emploi constitue une erreur de droit et est non fondée.

 

b.      En omettant de fournir à la demanderesse des motifs suffisants pour rejeter les raisons qu’elle a données pour expliquer son séjour indûment prolongé au Canada du 10 septembre 2007 au 19 janvier 2008?

 

[28]           L’agent a fondé en partie son refus de la demande sur le séjour indûment prolongé de la demanderesse au Canada. Les notes du STIDI indiquent notamment ce qui suit :

[traduction]

L’INTÉRESSÉE A UN LONG HISTORIQUE DANS LE SSOBL : […]

 

-PERMIS DE TRAVAIL ET PERMIS D’ÉTUDES REFUSÉS LE 05SEPT2007 PAR LE CTD-VEGREVILLE.

 

-L’INTÉRESSÉE A PROLONGÉ INDÛMENT SON SÉJOUR AU CDA DE SEPT2007 À JAN2008

 

[…]

 

LETTRE DE L’AVOCATE SPÉCIALISÉE EN DROIT DE L’IMMIGRATION EN DATE DU 12JUIN2008. J’AI EXAMINÉ AVEC SOIN LA LETTRE. L’AVOCATE A EXPLIQUÉ CE QUI SUIT :

 

A)    PREMIER MOTIF DU REFUS : SÉJOUR INDÛMENT PROLONGÉ : L’AVOCATE A INDIQUÉ QUE L’INTÉRESSÉE N’A PAS DÉLIBÉRÉMENT PROLONGÉ INDÛMENT SON SÉJOUR APRÈS L’EXPIRATION DE SON VISA NI TENTÉ DE SE SOUSTRAIRE AUX PROCÉDURES APPLICABLES. DANS L’EXPLICATION DÉTAILLÉE, IL EST MENTIONNÉ QUE L’AVOCATE A INDIQUÉ QU’APRÈS QUE L’INTÉRESSÉE A ÉTÉ INFORMÉE DU REFUS DE SA DEMANDE PAR LE CTD-VEGREVILLE, ELLE A ALORS ENVISAGÉ, SUIVANT LES CONSEILS DE SON AVOCATE, D’OBTENIR LE RÉTABLISSEMENT DE SON STATUT D’ÉTUDIANTE, OU DE PARTICIPER AU PROGRAMME DE VACANCES-TRAVAIL, MAIS A FINALEMENT DÉCIDÉ DE DEMANDER UN PERMIS DE TRAVAIL COMME AIDE FAMILIALE RÉSIDANTE.

 

[…]

 

IL FAUT TENIR COMPTE DES FAITS SUIVANTS :

 

- MALGRÉ LE FAIT QUE L’INTÉRESSÉE AIT ÉTÉ INFORMÉE EN SEPT2007 DU REFUS DE SA DEMANDE AU CTD-VEGREVILLE, ELLE EST DEMEURÉE AU CDA.

 

[…]

 

MÊME SI ELLE SAVAIT QUE SA DEMANDE AU CTD-VEGREVILLE AVAIT ÉTÉ REJETÉE, ELLE EST DEMEURÉE AU CDA JUSQU’AU 19JAN2008, APRÈS QUE SA DEMANDE DE PERMIS DE TRAVAIL A ÉTÉ PRÉSENTÉE À TOKYO LE 27DÉC07 ET REJETÉE LE 03JAN08.

 

[29]           La demanderesse soutient que l’agent n’a pas traité de façon adéquate l’explication relative à son séjour indûment prolongé au Canada. La demanderesse a joint à sa deuxième demande une lettre dans laquelle elle a expliqué le malentendu qui l’a amenée à prolonger indûment son séjour de septembre 2007 à janvier 2008. Dans la troisième demande, son avocate a rédigé une lettre d’explication en son nom. Pourtant, dans la lettre de décision, l’agent se contente d’invoquer le séjour indûment prolongé sans indiquer pourquoi l’explication de la demanderesse était insuffisante.

 

[30]           Le défendeur soutient que l’agent a bel et bien examiné les raisons pour lesquelles la demanderesse a prolongé indûment son séjour au Canada et que la mention expresse de l’explication de la demanderesse le démontre. L’agent a constaté que la demanderesse avait donné une explication détaillée quant à son séjour indûment prolongé. L’agent a également constaté que [traduction] « [l]’avocate [de la demanderesse] a indiqué [qu’elle] n’a pas délibérément prolongé indûment son séjour après l’expiration de son visa ni tenté de se soustraire aux procédures applicables ». Par conséquent, le défendeur fait valoir que l’agent a de toute évidence pris en considération l’explication de la demanderesse lorsqu’il a rendu sa décision.

 

[31]           La pondération des facteurs pertinents ne ressortit pas au tribunal appelé à contrôler l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agent, même si le tribunal aurait pu apprécier les facteurs de façon différente : Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, au paragraphe 11. Cependant, dans certaines circonstances, les agents des visas peuvent néanmoins être tenus, à tout le moins, de prendre en considération les nouveaux éléments de preuve et de les commenter.

 

[32]           Dans l’affaire Dhillon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1446, le juge O’Reilly a conclu que même s’il n’appartient pas au tribunal d’apprécier la preuve, l’agent des visas, dans cette affaire, aurait dû, à tout le moins, prendre en considération les nouveaux éléments de preuve qui répondaient précisément aux préoccupations des agents des visas précédents, et les commenter :

[5] De toute évidence, la demande de M. Dhillon a été examinée par le Haut-commissariat du Canada à New Delhi. Toutefois, je ne suis pas convaincu que la preuve présentée par M. Dhillon à l'agent des visas pour démontrer qu'il avait des liens avec l'Inde a réellement été évaluée. Elle n'est pas du tout mentionnée dans les notes.

 

[6] Les deux demandes antérieures de M. Dhillon ont été rejetées parce qu'un agent des visas avait conclu qu'il n'avait [traduction] « pas de liens avec l'Inde ». M. Dhillon a fait un effort considérable pour répondre à cette préoccupation dans sa troisième demande. […]

 

[7] Ces éléments de preuve auraient pu s'avérer insuffisants. Ce n'est pas à moi d'en juger. Toutefois, dans les motifs à l'appui de sa décision de rejeter la demande de M. Dhillon, l'agent des visas ne mentionne pas et ne commente pas les éléments de preuve relatifs aux liens de celui-ci avec l'Inde ou à la probabilité qu'il retourne dans ce pays dans le délai prescrit. Il ne faut pas oublier que M. Dhillon donnait suite à une préoccupation très précise dont lui avaient fait part les agents des visas précédents. Compte tenu du fait que la demande de M. Dhillon avait été rejetée à deux reprises en raison de son omission de démontrer qu'il avait des liens suffisants avec l'Inde, j'estime que l'agent des visas était tenu, à tout le moins, de prendre en considération les nouveaux éléments de preuve et de les commenter. Si la preuve s'avérait toujours insuffisante, M. Dhillon aurait dû être informé pour quelle raison.

 

[8] Je suis d'avis que l'agent des visas a soit omis de prendre en considération des éléments de preuve pertinents ou d'expliquer de façon adéquate les motifs du rejet de la demande de M. Dhillon. Dans un cas comme dans l'autre, la décision est viciée à un point tel que l'intervention de la Cour est justifiée.

 

[33]           De même, dans l’affaire Salman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 877, bien qu’il ait fait mention de la preuve produite, l’agent n’a effectué aucune analyse et n’a émis aucun commentaire expliquant le rejet de cette preuve :

[13] […] je suis d’avis que l’agent des visas a omis de tenir compte de l’explication du demandeur relativement aux raisons pour lesquelles il n’avait que ce document pour prouver qu’il avait terminé ses études.

 

[…]

 

[15] […] Bien qu’il fasse mention de cette évaluation dans ses notes du STIDI, l’agent n’effectue aucune analyse et n’émet aucun commentaire expliquant le rejet de cette preuve.

 

[16] À mon avis, en raison des faits en l’espèce et de la preuve dont il disposait, l’agent des visas avait l’obligation d’examiner cette question plus à fond.

 

 

[34]           Dans l’affaire Villagonzalo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1127, la Cour a statué que l’omission de prendre en considération les raisons pour lesquelles la demanderesse a prolongé indûment son séjour était déraisonnable :

[24] Il semble que le fait de ne pas avoir assisté au mariage de son frère et celui de ne pas avoir quitté le Canada entre, soit le 17 mai, soit le 22 mai 2005 (date à laquelle le refus lui a été communiqué), et le 1er juin 2005 aient incité l’agent à penser qu’à l’avenir la demanderesse ne quitterait pas le Canada à l’expiration de la période de séjour autorisée.

 

[25] Dans son affidavit, l’agent des visas a fait état d’autres motifs lui laissant croire que la demanderesse ne partirait pas au moment voulu, cependant je ne peux trouver mention de ces motifs ni dans la lettre de refus, ni dans les notes des [sic] STIDI.

 

[26] J’estime que la décision de l’agent des visas n’était pas raisonnable. Les explications de la demanderesse auraient dû être prises en compte.

 

 

[35]           Comme elle savait qu’elle s’était déjà heurtée à deux refus au motif qu’elle avait prolongé indûment son séjour après l’expiration de son visa, la demanderesse a produit une preuve détaillée à ce sujet lors de sa troisième demande. Il n’appartient pas à la Cour d’évaluer le poids à accorder à l’explication de la demanderesse. Toutefois, selon les exigences de l’équité procédurale, au vu des faits, l’agent était tenu de prendre en considération l’explication de la demanderesse et de la commenter.

 

[36]           L’agent a pris note de l’explication de la demanderesse, mais il ne l’a pas évaluée ni expliqué pourquoi elle était inadéquate. En conséquence, j’estime que l’agent a manqué à son obligation d’équité procédurale en n’expliquant pas pourquoi l’explication détaillée de la demanderesse quant à son séjour indûment prolongé, qui était l’un des motifs invoqués pour les refus précédents, était insuffisante.

 

2)                           L’agent a-t-il commis une erreur dans son appréciation de l’omission apparente de la demanderesse de déclarer les refus précédents?

 

 

[37]           L’agent allègue que la demanderesse n’a pas déclaré les refus précédents dans sa deuxième demande du 22 janvier 2008 pour devenir aide familiale résidante. Sont en litige les questions 19d) et f) du formulaire de CIC IMM 1295 – Demande d’un permis de travail présentée à l’extérieur du Canada, lesquelles sont formulées ainsi :

Est-ce que vous-même ou tout membre de votre famille :

[…]

d) Vous a-t-on jamais refusé l’admission au Canada, ou enjoint de quitter le Canada?

e) Avez-vous demandé un visa canadien auparavant?

f) Vous a-t-on jamais refusé un visa pour le Canada?

 

[38]           Les notes du STIDI de l’agent indiquent notamment ce qui suit :

[traduction]

LETTRE DE L’AVOCATE SPÉCIALISÉE EN DROIT DE L’IMMIGRATION EN DATE DU 12JUIN2008. J’AI EXAMINÉ AVEC SOIN LA LETTRE. L’AVOCATE A EXPLIQUÉ CE QUI SUIT :

 

[…]

 

B)     DEUXIÈME MOTIF DU REFUS – QUESTION 19 RÉPONDUE INCORRECTEMENT : BIEN QUE L’AVOCATE AIT MENTIONNÉ LES RÉPONSES AUX QUESTIONS 19(d) ET 19(e), ELLE N’A PAS MENTIONNÉ LA RÉPONSE À LA QUESTION 19(f), QUI EST LA QUESTION À LAQUELLE L’INTÉRESSÉE N’A PAS RÉPONDU CORRECTEMENT DANS LES DEUX DEMANDES PRÉCÉDENTES. QUESTION 19(f) DEMANDE SI ON LUI A JAMAIS REFUSÉ UN VISA POUR LE CDA, ET L’INTÉRESSÉE A RÉPONDU « NON », ALORS QU’ELLE ÉTAIT PARFAITEMENT AU COURANT DES REFUS ANTÉRIEURS. IL CONVIENT DE SIGNALER QUE L’INTÉRESSÉE RÉPOND CORRECTEMENT À LA QUESTION 19(f) DANS SA DEMANDE ACTUELLE DE PERMIS DE TRAVAIL.

 

[…]

 

IL FAUT TENIR COMPTE DES FAITS SUIVANTS :

 

[…]

 

- MALGRÉ LE FAIT QUE L’INTÉRESSÉE AIT ÉTÉ INFORMÉE EN SEPT2007 DU REFUS DE SA DEMANDE AU CTD-VEGREVILLE, ELLE EST DEMEURÉE AU CANADA.

 

[…]

 

- PUIS ELLE A PRÉSENTÉ UNE NOUVELLE DEMANDE DE PERMIS DE TRAVAIL LE 22JAN08, SANS DÉCLARER LES REFUS PRÉCÉDENTS. CETTE NOUVELLE DEMANDE A ÉTÉ REJETÉE LE 26FÉV08.

 

Question 19d) « Vous a-t-on jamais refusé l'admission au Canada, ou enjoint de quitter le Canada? »

 

[39]           La demanderesse allègue que la question 19d) est libellée de telle sorte qu’elle a eu raison d’indiquer qu’on ne lui avait jamais, en réalité, refusé l’admission au Canada ou enjoint de quitter le Canada. La demanderesse déclare dans son affidavit que [traduction] « comme je me trouvais au Canada lorsque j’ai présenté ma demande de permis de travail, on ne m’a pas "refusé l’admission", et je n’ai jamais non plus reçu quoi que ce soit qui m’ait "enjoint de quitter" le pays ». La demanderesse allègue que les deux refus au Canada par le CTD-Vegreville n’ont pas eu pour effet de lui refuser l’admission au Canada ou de lui enjoindre de quitter ce pays. Elle allègue que l’agent n’a pas fait référence à ses explications dans la décision.

 

[40]           À mon avis, les allégations de la demanderesse ne tiennent pas compte du fait que les motifs de l’agent indiquaient qu’il avait pris en considération les raisons données par la demanderesse pour ne pas avoir répondu correctement à la question 19d). Il se peut que la demanderesse ait mal interprété le sens de « refusé l’admission » comme ne s’appliquant pas à sa situation, mais il était loisible à l’agent de conclure que la demanderesse savait qu’elle bénéficiait d’un statut implicite jusqu’au refus du CTD-Vegreville en septembre 2007, et qu’on avait alors effectivement refusé l’admission à la demanderesse.

 

Question 19f) « Vous a-t-on jamais refusé un visa pour le Canada? »

 

[41]           La demanderesse prétend que l’agent a conclu a tort qu’elle n’avait pas déclaré qu’on lui avait refusé un visa pour le Canada, tant dans la première que dans la deuxième demande.

 

[42]           À mon avis, l’agent s’est trompé en tirant la conclusion que la demanderesse n’avait pas déclaré qu’on lui avait refusé un visa pour le Canada dans sa première demande. C’est lors de la première demande que la demanderesse s’est heurtée à un premier refus de visa pour le Canada. Le refus du CTD-Vegreville ne constitue pas un refus de visa pour le Canada ni, selon moi, un refus analogue. Toutefois, la demanderesse a donné une réponse inexacte à la question 19f) dans sa deuxième demande, lorsqu’elle a indiqué qu’on ne lui avait pas refusé un visa pour le Canada alors que, en fait, le premier refus constituait un refus de visa pour le Canada. Or, le mauvais raisonnement de l’agent au sujet de l’importance des déclarations erronées de la demanderesse suffit pour juger que la conclusion de l’agent à cet égard était déraisonnable.

 

 

3)                           L’agent a-t-il commis une erreur dans son appréciation de l’absence apparente de liens entre la demanderesse et le Japon?

 

 

[43]           Les notes du STIDI résument la réponse de l’agent à la lettre de l’avocate de la demanderesse qui était jointe à la troisième demande :

[traduction]

C) TROISIÈME MOTIF DU REFUS – LIENS TÉNUS AVEC LE JAPON : L’AVOCATE A INDIQUÉ QUE L’INTÉRESSÉE ÉTAIT NÉE ET AVAIT GRANDI AU JAPON, QUE SA FAMILLE ÉLARGIE VIT AU JAPON ET QU’ELLE EST ENFANT UNIQUE.

 

 

[44]           L’agent résume également les antécédents de la demanderesse au Canada :

[traduction]

[…] D’APRÈS LES ANTÉCÉDENTS ET L’INTENTION DE L’INTÉRESSÉE, ELLE SERAIT DEMEURÉE AU CDA DE 2005 À 2012, SAUF POUR QUELQUES MOIS. JE DOIS DONC CONCLURE QUE SES LIENS AVEC LE JAPON SONT TÉNUS.

 

 

[45]           En fait, il ressort clairement de la lettre de l’avocate qui était jointe à la troisième demande que c’est la famille élargie de la demanderesse qui réside au Canada et que c’est sa famille immédiate, y compris ses parents, qui réside au Japon. En outre, l’agent ne tient pas compte de l’allégation selon laquelle la demanderesse, étant enfant unique, héritera un jour de la maison familiale au Japon, ni de l’ensemble des faits entourant les liens de la demanderesse avec le Canada et ses retours au Japon.

 

[46]           Le défendeur ne conteste pas que l’agent a commis une erreur à ce sujet, mais il la qualifie d’« erreur mineure » qui est sans importance compte tenu des autres facteurs invoqués dans les motifs de l’agent. Cependant, j’estime qu’il ne s’agissait pas d’une erreur mineure puisqu’elle revêt une importance certaine pour les conclusions de l’agent. Il s’agit d’une erreur déraisonnable.

 

 

4)                           L’agent a-t-il commis une erreur en concluant que « l’intention véritable [de la demanderesse] était de demeurer au Canada »?

 

[47]           Dans la lettre faisant part de sa décision, l’agent a affirmé qu’il n’était pas convaincu que la demanderesse satisfaisait aux dispositions de l’article 179 du Règlement qui l’obligeraient à quitter le Canada à la fin de la période de séjour autorisée : [traduction] « Pour arriver à cette décision, j’ai pris en considération les liens que vous entretenez avec votre pays de résidence/citoyenneté et j’ai pondéré ce facteur avec les autres considérations qui pourraient vous motiver à demeurer au Canada ».

 

[48]           Dans ses notes du STIDI, l’agent a jugé que le fait que la demanderesse a examiné avec son avocat diverses options afin de demeurer au Canada démontrait son « intention véritable » :

[traduction]

D’APRÈS LA LETTRE DE L’AVOCATE, ELLE A ENVISAGÉ DIVERSES OPTIONS EN VUE DE DEMEURER [AU] CDA, Y COMPRIS LE RÉTABLISSEMENT DE SON STATUT D’ÉTUDIANTE, LE PROGRAMME DE VACANCES-TRAVAIL, PUIS LE PROGRAMME DES AIDES FAMILIAUX RÉSIDANTS. DONC, SON INTENTION VÉRITABLE ÉTAIT DE DEMEURER AU CDA, PEU IMPORTE LA RAISON.

 

 

[49]           Les notes du STIDI résument également les antécédents de la demanderesse au Canada :

[traduction]

ELLE SOUHAITE MAINTENANT RETOURNER AU CDA DÈS QUE POSSIBLE ET ELLE N’A PAS [INDIQUÉ] SUR LE FORMULAIRE DE DEMANDE LA DATE PRÉVUE DE FIN D’EMPLOI, CEPENDANT ELLE A INDIQUÉ DANS SA DEMANDE PRÉCÉDENTE QU’ELLE DEVAIT OCCUPER CET EMPLOI JUSQU’AU 15FÉV2012. D’APRÈS LES ANTÉCÉDENTS ET L’INTENTION DE L’INTÉRESSÉE, ELLE SERAIT DEMEURÉE AU CDA DE 2005 À 2012, SAUF POUR QUELQUES MOIS. JE DOIS DONC CONCLURE QUE SES LIENS AVEC LE JAPON SONT TÉNUS.

 

 

[50]           L’un des objectifs du Programme des aides familiaux résidants consiste à offrir aux participants la possibilité de travailler et, par la suite, de demander la résidence permanente au Canada (OP 14, section 2). La Loi elle-même, au paragraphe 22(2), reconnaît que les demandeurs de résidence temporaire peuvent avoir l’intention de s’établir au Canada s’il est vraisemblable qu’ils se conformeront aux conditions de leur statut de résident temporaire. En conséquence, la note de la section 8.4 de l’OP 14 ordonne ce qui suit :

[…] Dans la mesure du possible, compte tenu de la difficulté d'établir ce qu'une personne a l'intention de faire à l'avenir, l'agent doit s'assurer qu'un candidat au Programme des aides familiaux résidants a l'intention de quitter le Canada dans le cas où sa demande de résidence permanente serait refusée. La question ne consiste pas tant à savoir si le requérant demandera la résidence permanente, mais s'il demeurera illégalement au Canada.

 

 

[51]           Le juge de Montigny a fait observer dans la décision Ouafae c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 459, que la double intention est réellement nécessaire pour présenter une demande dans le cadre du Programme des aides familiaux résidants :

[…] le programme pour les aides familiaux prévoit de façon spécifique que ces personnes peuvent demander le statut de résident permanent par la suite. Dans la mesure où un candidat n'a pas l'intention de faire une telle demande, il ne peut pas participer à ce programme (voir le point 5.2 du guide). Le Guide précise par ailleurs qu'il est difficile d'appliquer à ces candidats les exigences habituelles des permis de travail voulant que le résident temporaire quitte la [sic] Canada à la fin de la période autorisée (8.4 du guide). La conclusion de l'agent est donc clairement erronée; il n'a tout simplement pas tenu compte du type de programme en l'espèce.

 

 

[52]           Dans la décision Murai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 186, le juge von Finckenstein a indiqué que les antécédents en matière d’immigration constituent les meilleures preuves pour savoir si un demandeur a l’intention de demeurer au Canada au-delà de la période de séjour autorisée. Dans cette affaire, le juge a conclu que l’agent des visas avait commis une erreur en refusant une demande de permis de travail, compte tenu de ce que révélaient les antécédents de la demanderesse :

[…] la demanderesse a quitté le pays comme elle était légalement tenue de le faire, après avoir certes épuisé tous les recours juridiques possibles. Elle n’est pas entrée dans la clandestinité et n’a pas essayé de demeurer au Canada en ayant recours à des moyens illégaux. Elle a obéi à l’avis de renvoi, elle s’est volontairement rendue à l’aéroport et a quitté le Canada.

 

 

[53]           Après avoir examiné l’ensemble de la preuve dont disposait l’agent, la Cour convient avec la demanderesse que la conclusion de l’agent selon laquelle elle ne quitterait pas le Canada à la fin de la période de séjour autorisée n’est pas suffisamment étayée par la preuve et est déraisonnable. Bien que la demanderesse ne soit pas partie, comme l’exige la loi, lorsqu’elle a reçu en septembre 2007 le refus du CTD-Vegreville, peut-être même pour les raisons qu’elle a données, elle a néanmoins quitté le Canada lorsqu’elle s’est rendu compte qu’elle devait se trouver à l’extérieur du Canada pour présenter une demande dans le cadre du Programme des aides familiaux résidants. N’ayant reçu aucun avis l’enjoignant de quitter le Canada, elle prétend que ce n’est que plus tard, après avoir examiné les notes du STIDI, qu’elle a appris qu’elle aurait dû quitter le Canada après avoir reçu le refus du CTD-Vegreville. La demanderesse « n’est pas entrée dans la clandestinité ». Comme il est indiqué plus haut, l’agent a également manqué à son obligation d’équité procédurale en ne motivant pas suffisamment sa décision de rejeter l’explication détaillée de la demanderesse quant à son séjour indûment prolongé au Canada. L’ensemble des faits entourant les liens de la demanderesse avec le Canada et ses allées et venues répétées vont directement à l’encontre des conclusions de l’agent à cet égard.

 

[54]           Par ailleurs, il était déraisonnable pour l’agent de croire que la demanderesse ne quitterait pas le Canada à la fin de la période de séjour autorisée uniquement parce qu’elle avait envisagé plusieurs options en vue de demeurer au Canada après le refus du CTD-Vegreville. Aucune disposition de la Loi ou du Règlement n’empêche quelqu’un de consulter un avocat pour connaître les moyens légaux qui lui permettraient de demeurer au Canada. Le fait que la demanderesse possède un diplôme de deux ans en éducation à la petite enfance d’un collège canadien prouve qu’elle n’a pas démontré de l’intérêt envers le Programme des aides familiaux résidants à seule fin de demeurer au Canada, « peu importe la raison ».

 

CONCLUSION

 

[55]           Je conclus que l’agent a commis une erreur à l’égard de plusieurs motifs, chacun d’eux pouvant justifier un nouvel examen.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

 

1.                  La décision, en date du 20 juin 2008, par laquelle l’agent a rejeté la demande de la demanderesse est annulée.

2.                  L’affaire est renvoyée devant un autre agent pour qu’il procède à un nouvel examen, conformément à la présente décision.

3.                  Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jenny Kourakos, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-3035-08

 

INTITULÉ :                                                               ELISSA CAMPBELL HARA

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                    ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 28 JANVIER 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 16 MARS 2009

 

 

COMPARUTIONS : 

 

Chantal Desloges                                                       POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Tessa Anne Kroeker                                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : 

 

Chantal Desloges                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Green and Spiegel LLP

Toronto (Ontario) 

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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