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Date : 20090316

Dossier : T-1854-08

Référence : 2009 CF 260

Montréal (Québec), le 16 mars 2009

En présence de Me Richard Morneau, protonotaire

 

ENTRE :

BAUER HOCKEY CORP.

Plaintiff /

Defendant by Counterclaim

and

 

THERMA BLADE INC.

Defendant /

Plaintiff by Counterclaim

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

  • [1] VU la requête de la demanderesse (ci-après Bauer) afin de faire déclarer inhabile l’étude légale Brouillette & Associés LLP (Brouillette & Partners LLP) à continuer d’occuper pour la défenderesse;

  • [2] VU que Bauer a initié une action en contrefaçon de marque de commerce contre la défenderesse Therma Blade Inc. (ci-après Therma Blade) en ce qui concerne la marque de commerce enregistrée TMA512,683, signe distinctif qui protège le support de lame TUUK (ci‑après l’enregistrement ‘683);

  • [3] VU que Therma Blade est représentée par Me Thomas Geissmann (et jusqu’à tout récemment par Me Ali Argun) de l’étude Brouillette & Associés (ci‑après B&A). Me Robert Brouillette est un associé et fondateur de l’étude B&A. Il s’agit d’un cabinet relativement petit qui ne comporte qu’un nombre limité d’avocats, soit environ cinq (5). Me Brouillette et Me Argun étaient associés depuis 1997. Ils ont été associés chez Brouillette Charpentier Fortin (maintenant BCF) jusqu’en 2005. En 2005, ils ont fondé ensemble l’étude B&A.

  • [4] VU que depuis la première moitié des années 1980 et jusqu’au transfert du dossier à l’étude Smart & Biggar en fin d’année 1994, Me Brouillette a été le responsable ultime de la préparation, du dépôt et de la poursuite de la demande déposée le 8 février 1990 qui a conduit à l’enregistrement ‘683, émis le 7 juillet 1999;

  • [5] VU que la Cour est satisfaite que l’on doit considérer que l’enregistrement ‘683 a été obtenu afin de protéger un actif important de propriété intellectuelle de Bauer et que la décision de procéder audit enregistrement a fait l’objet de plusieurs entretiens et consultations entre Me Brouillette et les dirigeants de Bauer;

  • [6] VU que la Cour est satisfaite que l’on doit considérer que Me Brouillette était bien au fait de toutes les forces et faiblesses de l’enregistrement ‘683, incluant tout problème potentiel concernant la chaîne de titres;

  • [7] VU que la preuve concernant la représentation passée de Bauer (générale et spécifique à l’enregistrement ‘683) par Me Brouillette et l’importance de cette représentation doivent être vues comme n’étant véritablement contestées par Therma Blade puisque cette dernière n’a pas contre-interrogé aucun des affiants de Bauer;

  • [8] VU qu’à cet égard, et en l’absence de contre-interrogatoire, la Cour ne peut retenir l’argument à l’effet que l’information que possède Me Brouillette doit être vue comme non pertinente vu que l’implication de Me Brouillette remonterait à plusieurs années et vu qu’au cours de ces années un nombre certain de changements sont survenus dans la direction de Bauer et de ses prédécesseurs;

  • [9] VU que les procureurs de Therma Blade ont choisi de ne produire aucune preuve pour établir toute mesure qui aurait pu être mise en place pour éviter que des informations confidentielles concernant les affaires de Bauer ne soient divulguées et/ou utilisées, volontairement ou non, contre ses intérêts dans le contexte du présent litige;

  • [10] VU qu’afin de déterminer si l’étude B&A doit être disqualifiée à titre de représentante de Therma Blade, le test en deux (2) parties développé par la Cour suprême du Canada dans l’affaire MacDonald Estate v. Martin, [1990] 3 S.C.R. 1235, en pages 1259-1260 (ci-après l’arrêt Martin), doit être appliqué :

[T]he test must be such that the public represented by the reasonably informed person would be satisfied that no use of confidential information would occur. (…)

Typically, these cases require two questions to be answered:  (1) Did the lawyer receive confidential information attributable to a solicitor and client relationship relevant to the matter at hand?  (2) Is there a risk that it will be used to the prejudice of the client?

  • [11] VU qu’ici la Cour est plus que satisfaite que la connexité des deux mandats est évidente. Me Brouillette a été directement impliqué dans la stratégie qui a guidé Bauer dans sa décision de rechercher l’enregistrement ‘683 afin d’obtenir une protection pour le support de lame TUUK;

  • [12] VU que l’étude B&A cherche maintenant au nom de Therma Blade non seulement à nier toute contrefaçon mais également à faire invalider cette protection, invoquant des motifs directement reliés à ce qui a fait vraisemblablement l’objet des conseils donnés à l’époque par Me Brouillette lui-même. À cet égard, la Cour ne peut retenir qu’il n’y a pas de connexité entre les deux mandats du fait qu’il s’agit ici d’un litige en marque de commerce et non en brevet et qu’ainsi tous les aspects pertinents dépendront d’informations qui sont dans le domaine public. Bien que certaines attaques de Therma Blade s’apprécieront en fonction de renseignements du domaine public, il n’en demeure qu’en niant, entre autres, les paragraphes 3 et 6 à 8 de la déclaration d’action de Bauer, Therma Blade se trouve à attaquer la chaîne de titres de Bauer ainsi que les droits de cette dernière et de ses prédécesseurs en titre à cet égard. Dans cette foulée, les liens spécifiques et généraux passés de Me Brouillette doivent être vus comme lui ayant fourni des munitions qui pourraient servir pour soutenir ces attaques. Je ne crois pas que le fait que le dossier de Bauer ait été transféré chez Me Guay en 1994 et donc que l’enregistrement ‘683 ait été obtenu qu’en 1999 vienne effacer cette dynamique.

  • [13] VU qu’ainsi la Cour dans un premier temps infère que des informations confidentielles ont été transmises à Me Brouillette. Vu de plus que Therma Blade et ses procureurs n’ont produit aucune preuve pour réfuter la présomption, la Cour, dans un second temps, conclut que des informations confidentielles ont été transmises à Me Brouillette et qu’il en sera fait usage au détriment de Bauer.

  • [14] VU, quant à la disqualification de l’étude B&A, que la Cour n’est pas convaincue que des mesures raisonnables ont été prises par l’étude B&A pour s’assurer qu’il n’y aura aucune divulgation de l’information confidentielle transmise, l’ensemble des membres de cette étude doit être disqualifié tel que mentionné dans l’arrêt Martin, supra, à la page 1262 :

There is, however, a strong inference that lawyers who work together share confidences. In answering this question, the court should therefore draw the inference, unless satisfied on the basis of clear and convincing evidence, that all reasonable measures have been taken to ensure that no disclosure will occur by the "tainted" lawyer to the member or members of the firm who are engaged against the former client.

  • [15] Vu d’autre part que la Cour ne considère pas que le temps écoulé depuis juillet 2008 et les propos tenus depuis cette date entre Me Argun et Me Guay soient de nature dans les circonstances à amener cette Cour à considérer que Bauer ait acquiescé à la représentation de Therma Blade par l’étude B&A.

  • [16] VU somme toute que la Cour est convaincue ici qu’une personne raisonnablement informée ne serait pas satisfaite qu’il ne serait pas fait usage de renseignements confidentiels pertinents;

  • [17] VU que par ailleurs la Cour est satisfaite que Bauer doit bénéficier d’un délai pour signifier et déposer sa réponse et défense à la demande reconventionnelle de Therma Blade;

 


ORDONNANCE

LA COUR, PAR LA PRÉSENTE ORDONNANCE ET POUR LES MOTIFS QUI PRÉCÈDENT :

  1. DÉCLARE l’étude Brouillette et Associés LLP inhabile à représenter la défenderesse Therma Blade Inc. dans la présente action;

  2. PERMET à la demanderesse de déposer sa réponse et défense à la demande reconventionnelle dans les vingt (20) jours de la présente ordonnance;

  3. LE TOUT AVEC DÉPENS.

 

« Richard Morneau »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :  T-1854-08

 

INTITULÉ :  BAUER HOCKEY CORP.

c.

THERMA BLADE INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 11 mars 2009

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

DATE DES MOTIFS :  Le 16 mars 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

François M. Grenier

 

POUR LA DEMANDERESSE

Ali T. Argun

Thomas Geissmann

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Leger Robic Richard, s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERERESSE

Brouillette & Associés LLP

Montréal (Québec)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

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