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Date : 20090323

Dossier : IMM-5193-07

Référence : 2009 CF 304

Ottawa (Ontario), le 23 mars 2009

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

GOBINDA CHANDRA SAHA

ASHISH KUMER SAHA

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Les demandeurs, un père et son fils (ci‑après, respectivement le père et le fils) sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (la SPR), dans laquelle la SPR a rejeté leur demande d’asile.


II.         LE CONTEXTE

[2]               Les demandeurs sont des citoyens hindouistes du Bangladesh. Ils ont allégué craindre avec raison d’être persécutés du fait de leur religion, laquelle est pratiquée par une minorité, et du fait de leur appartenance à un groupe social particulier, les riches propriétaires.

 

[3]               La persécution qui constitue le fondement de la demande des demandeurs aurait débuté en 2001, la même année que la Ligue Awami, qui était appuyée par la minorité religieuse du Bangladesh, a perdu le pouvoir et deux ans après que le fils était parti étudier au Canada.

 

[4]               Les actes de persécution comprenaient entre autres des assauts dans des temples alors que les demandeurs étaient présents, le viol de la fille d’un ami, le saccage de leur maison, l’agression physique de l’épouse du père (la mère du fils), la torture et l’agression physique d’un ami et des menaces de traitements semblables proférées par des musulmans intégristes.

 

[5]               Enfin, le fils a allégué qu’en 2002, alors qu’il était retourné au Bangladesh pour prendre soin de sa mère malade, il a été attaqué et menacé de mort à deux occasions. Il a signalé la seconde agression, mais la police n’a rien fait. Lors de ce retour à la maison, un troisième incident est survenu : la maison a été prise d’assaut et les trois fils du père ont été battus.

 

[6]               En raison d’importantes réserves portant sur la crédibilité et l’improbabilité, la SPR a conclu que les demandeurs n’étaient visés ni par l’article 96 ni par l’article 97. Ces conclusions portaient entre autres sur ce qui suit :

a.                   la SPR n’a pas pensé qu’il était raisonnable de croire que, à la suite de l’agression ayant eu lieu en août 2001 lors de laquelle l’épouse du père a été battue et volée, le père n’aurait pas communiqué avec la police;

b.                  la SPR a conclu qu’il n’était pas vraisemblable que le père ait laissé son épouse et ses fils au Bangladesh, alors qu’il a affirmé dans son témoignage qu’ils avaient été victimes d’agression par ses persécuteurs allégués;

c.                   la SPR a estimé qu’il n’était pas vraisemblable que le fils ait été la cible de multiples attaques pendant qu’il était brièvement retourné au Bangladesh en août 2002 pour prendre soin de sa mère malade, alors que ses jeunes frères âgés de 20 et 21 ans à l’époque n’ont pas subi le même traitement;

d.                  la SPR a conclu que le récit de l’enlèvement dont aurait été victime un fils du père au Bangladesh en janvier 2007 avait été inventé pour les motifs suivants : 1) il était improbable que les ravisseurs n’aient demandé la rançon qu’après la libération du fils en question; 2) l’élément du dossier général du poste de police ne figure pas sur du papier à correspondance officielle de la police; 3) l’article de journal et les lettres de sa famille constituaient des éléments de preuve intéressés; 4) la note de l’hôpital ne mentionnait pas la cause de ses blessures;

e.                   en ce qui concerne les lettres des docteurs Pilowsky et Ekeh, qui confirmaient que le père souffrait d’une grave dépression et d’anxiété sévère, la SPR a conclu qu’aucun des docteurs n’avait mentionné la cause de la dépression et que, de toute façon, la crédibilité de leur avis au sujet de la cause de cette dépression reposait sur celle des faits présentés par les demandeurs.

 

[7]               La SPR a par la suite examiné la protection de l’État. Elle a conclu que le fils n’avait pas fait de suivi à la suite de son unique plainte à la police. La SPR a également tenu compte de la preuve documentaire selon laquelle il y aurait des attaques systématiques contre les hindous et a conclu que le nombre d’hindous tués ou blessés était minime, ce qui, par conséquent, n’entraînait qu’une simple possibilité de persécution.

 

[8]               Enfin, la SPR s’est penchée sur l’existence d’une possibilité de refuge intérieur (la PRI) et a conclu que Chittagong, ville de plus de deux millions d’habitants située à 500 kilomètres de la maison des demandeurs, était une PRI viable, surtout étant donné qu’ils avaient été à l’étranger pendant plus de cinq ans et qu’ils seraient capables de se trouver des emplois en raison de leur bonne instruction.

 

[9]               La SPR a résumé son point de vue sur l’affaire : les demandeurs étaient motivés par le désir d’une vie meilleure et non par la crainte d’être persécutés.

 

III.       ANALYSE

[10]           Si elle s’avère, l’allégation des demandeurs, selon laquelle la SPR a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’ensemble des motifs de persécution, devrait être contrôlée selon la norme applicable, la décision correcte (Uluk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 122).

 

[11]           Dans la mesure où les demandeurs contestent des conclusions de fait quant à la crédibilité, à la non‑vraisemblance, à l’appréciation de la preuve documentaire et au fondement factuel des conclusions relatives à la PRI et à la protection de l’État, la norme applicable à ces conclusions est la raisonnabilité (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9). S’il s’agit de conclusions purement factuelles, elles doivent également faire l’objet de retenue (Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.) (QL)).

 

[12]           En ce qui concerne la première question, la SPR n’avait pas à examiner l’allégation de crainte de persécution du fait de la richesse des demandeurs, allégation fondée sur l’article 96. La richesse réelle ou subjective n’est pas un motif de persécution prévu à l’article 96 (voir Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, page 739, et Moali de Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 183). La SPR n’avait pas à se pencher sur ce motif de persécution allégué. La SPR a, de fait, examiné la persécution du fait de la religion, mais elle a tiré des conclusions défavorables sur le fondement du dossier.

 

[13]           La décision de la SPR porte en fait sur d’autres questions qui doivent être contrôlées selon la norme applicable, la raisonnabilité.

 

[14]           Les demandeurs soutiennent qu’il était déraisonnable que la SPR ait rejeté la preuve psychologique et ait conclu que les docteurs n’avaient pas fourni de motifs relativement au syndrome de stress post‑traumatique allégué (le SSPT).

 

[15]           La SPR semble ne pas avoir vu que le Dr Pilowsky avait conclu que le père souffrait du SSPT. Cependant, il s’agit d’une erreur sans importance, car le rapport révèle que le SSPT était lié à des faits que la SPR n’avait pas trouvés crédibles.

 

[16]           La SPR a le pouvoir discrétionnaire d’écarter la preuve psychologique lorsque le docteur ne fait que reprendre ce que le patient lui a dit quant aux motifs expliquant son stress, et qu’il en tire ensuite une conclusion médicale selon laquelle le patient souffre de stress en raison de ces motifs. C’est d’autant plus vrai quand la SPR rejette les faits sous‑jacents au diagnostic. En l’espèce, il n’y a eu aucun examen médical indépendant étayant l’évaluation psychologique et aucun autre fondement médical ne corrobore le diagnostic.

 

[17]           La SPR a motivé ses conclusions relatives la crédibilité et à la non‑vraisemblance. Par exemple, il était loisible à la SPR de ne pas accepter qu’un mari laisserait son épouse et ses fils dans une situation aussi dangereuse s’il y avait eu un semblant de vérité dans les allégations de préjudice.

 

[18]           Il en va de même pour les autres conclusions relatives à la crédibilité et à la non‑vraisemblance. Prises dans leur ensemble, ces conclusions et le poids accordé à la preuve ne sauraient constituer un fondement juridique justifiant que la Cour intervienne et modifie les conclusions tirées par la SPR.

 

[19]           Il n’est pas absolument nécessaire de se pencher sur les questions relatives à la protection de l’État ou à la PRI. De toute façon, je ne vois aucune raison de modifier ces conclusions.

 

IV.       CONCLUSION

[20]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-5193-07

 

INTITULÉ :                                                   GOBINDA CHANDRA SAHA

                                                                        ASHISH KUMER SAHA

 

                                                                        c.

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 3 MARS 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 23 MARS 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Preevanda K. Sapra

 

POUR LES DEMANDEURS

Maria Burgos

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Preevanda K. Sapra

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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