Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Date : 20090320

Dossier : IMM-3594-08

Référence : 2009 CF 295

Ottawa (Ontario), le 20 mars 2009

En présence de madame la juge Dawson

 

ENTRE :

 

RAVEENDRAN KANAGARATNAM

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        M. Kanagaratnam est un résident permanent du Canada. Le 5 juin 2006, il a été interdit de territoire pour grande criminalité après qu’il eut été déclaré coupable des infractions d’agression armée, de séquestration et de voies de fait causant des lésions corporelles. À la fin de l’enquête, une mesure d’expulsion a été prise contre lui.

 

[2]        M. Kanagaratnam a interjeté appel à la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SAI). Bien qu’il n’ait pas contesté la validité de la mesure d’expulsion, il a demandé que son appel soit accueilli ou que la mesure d’expulsion soit suspendue sur des motifs d’ordre humanitaire. La SAI a rejeté l’appel de M. Kanagaratnam. Il s’agit en l’espèce d’une demande de contrôle judiciaire de cette décision.

 

[3]        Au cours de la plaidoirie, l’avocat de M. Kanagaratnam a convenu que la présente demande soulevait une question : La SAI a-t-elle commis une erreur de droit dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en ne tenant pas compte de tous les facteurs pertinents lorsqu’elle a refusé d’accueillir l’appel ou de suspendre la mesure d’expulsion?  On s’entend pour dire que cette question est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte. Voir Ivanov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] 2 R.C.F. 384, au paragraphe 19 (C.F.); conf. par [2008] 2 R.C.F. 502 (C.A.F.).

 

[4]        Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire visant à déterminer s’il faut accueillir l’appel ou suspendre la mesure d’expulsion, la SAI doit tenir compte des « autres circonstances de l’affaire ». Voir l’alinéa 67(1)c) et le paragraphe 68(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.  Dans l’arrêt Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84, la Cour suprême du Canada a confirmé que les circonstances à prendre en considération sont celles appelées « facteurs Ribic ». Pour les besoins de la présente demande, le facteur pertinent est la « possibilité de réadaptation ». M. Kanagaratnam soutient que la SAI a commis une erreur de droit en exigeant qu’il prouve non pas la « possibilité de réadaptation », mais plutôt le fait de sa réadaptation. Si c’est ce qu’a fait la SAI, il s’agirait d’une erreur de droit. Voir, par exemple, Martinez-Soto c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] A.C.F. nº 1101 (C.F.).

 

La décision de la SAI

[5]        Avant de passer à l’erreur alléguée, il est important de noter qu’un élément crucial de la décision de la SAI était sa conclusion selon laquelle M. Kanagaratnam n’était pas un témoin crédible. Cette conclusion n’a pas été contestée.

 

[6]        La SAI a énuméré un certain nombre de cas où elle avait des doutes quant au témoignage de M. Kanagaratnam. La conclusion selon laquelle M. Kanagaratnam était évasif au sujet du moment où il avait décidé d’accepter la responsabilité de ses actes criminels est d’une importance particulière relativement à la question de la réadaptation. Au départ, M. Kanagaratnam a témoigné qu’il avait décidé d’accepter une telle responsabilité après le refus de sa libération conditionnelle anticipée en février 2008. À ce sujet, le rapport de la Commission ontarienne des libérations conditionnelles et des mises en liberté méritées refusant la libération conditionnelle anticipée de M. Kanagaratnam relevait : [traduction] « Votre refus continu d’admettre la réalité vous empêche de chercher à obtenir des traitements pour votre comportement violent qui semble incontrôlable. […] La Commission estime que tant que vous ne comprendrez pas vos actes et ce qui les déclenche, on ne peut vous maîtriser en toute sécurité dans la collectivité. » Plus tard, M. Kanagaratnam a témoigné qu’il avait en fait reconnu avoir un problème de maîtrise de la colère pendant qu’il était en liberté sous caution en attente de l’appel de sa déclaration de culpabilité. Le moyen qu’il a invoqué pour ne pas avoir cherché de services de counselling ou de programmes pour traiter son problème de maîtrise de la colère à ce moment était qu’on lui avait dit qu’il pourrait suivre gratuitement ces cours en prison.

 

[7]        Pour ce qui est de la partie contestée de la décision de la SAI, les commentaires de la SAI à propos de la réadaptation ou la possibilité de réadaptation se retrouvent aux paragraphes 20 et 21 de ses motifs :

            Les indices de réadaptation incluent [traduction] « les expressions crédibles de remords, la formulation d’une compréhension authentique de la nature et des conséquences de son comportement criminel et des efforts manifestes pour traiter les facteurs qui ont entraîné un tel comportement ».

 

            Comme nous l’avons souligné, les remords exprimés par l’appelant sont récents et il lui faut encore suivre un programme de counselling pour l’aider à composer avec les problèmes éventuels qui sous-tendent sa criminalité. Il a déclaré qu’il prévoyait solliciter des services de counselling et collaborer avec son agent de probation, afin de trouver des ressources adéquates à cet égard. Étant donné mes réserves quant à sa crédibilité et le côté évidemment intéressé de son affirmation selon laquelle il dit accepter aujourd’hui la responsabilité de ses actes, l’appelant n’a pas été en mesure d’établir qu’il était réadapté. À ce stade, aucun effort manifeste n’a été déployé pour déterminer les facteurs qui sont à l’origine de ce comportement, encore moins de mesures concrètes pour traiter ses problèmes de comportement.

 

La SAI a-t-elle commis l’erreur alléguée?

[8]        Je suis d’avis que les motifs de la SAI ne sont pas un modèle de clarté à cet égard et qu’elle a malencontreusement affirmé que « l’appelant n’a pas été en mesure d’établir qu’il était réadapté ».

 

[9]        Néanmoins, les motifs de la SAI ne doivent pas être analysés à la loupe. Pour les motifs suivants, je conclus que la SAI n’a pas commis l’erreur alléguée.

 

[10]      Premièrement, précédemment dans ses motifs, la SAI a appliqué le bon critère juridique, soit « la possibilité de réadaptation ».

 

[11]      Deuxièmement, les paragraphes contestés apparaissent sous le titre « La possibilité de réadaptation ».

 

[12]      Troisièmement, au début de l’audience, la SAI a rejeté la demande de M. Kanagaratnam d’ajourner l’audience. L’un des motifs invoqués au soutien de la demande était que cela donnerait à M. Kanagaratnam le temps de s’inscrire à un programme de counselling ou à un cours sur la maîtrise de la colère. En refusant d’accorder l’ajournement pour cette raison, la SAI a affirmé :

[traduction]

Et au sujet de la possibilité de s’inscrire prochainement à un programme de counselling ou à un atelier sur la maîtrise de la colère, je note que la déclaration de culpabilité ayant mené à la conclusion d’interdiction de territoire au titre de l’alinéa 36(1)a) de la Loi était datée du 30 mars 2005. L’appelant a eu amplement la possibilité de s’inscrire à des programmes de counselling ou de maîtrise de la colère depuis cette date, et le fait qu’il puisse le faire prochainement peut certainement être traité au cours de la présente audience. [Non souligné dans l’original.]

 

[13]      En affirmant que des éléments de preuve pourraient être produits au sujet d’une participation future à des programmes de counselling ou à d’autres programmes, la SAI a reconnu que des éléments de preuve quant à la possibilité de réadaptation étaient pertinents. Ces éléments de preuve ne seraient pas pertinents pour répondre à la question de savoir si M. Kanagaratnam était réadapté au moment de l’audience.

 

[14]      Enfin, dans l’un des derniers paragraphes des motifs, dans lequel la SAI résumait ses conclusions, la SAI a fait référence « [au] défaut de l’appelant de démontrer qu’il [faisait] des efforts concrets pour se réadapter ». [Non souligné dans l’original.] Je crois que cela montre encore une fois que la SAI examinait la possibilité de réadaptation.

 

[15]      Je rappelle que la décision de la SAI aurait pu être plus claire à cet égard. Je suis convaincue, cependant, que la SAI a tenu compte des doutes qu’elle avait quant à la crédibilité de M. Kanagaratnam ainsi que du manque d’éléments de preuve crédibles sur les efforts concrets fournis pour traiter les problèmes ayant mené au comportement criminel de M. Kanagaratnam. Sur ce fondement, elle a conclu que M. Kanagaratnam n’avait pas établi la possibilité de sa réadaptation.

 

Conclusion

[16]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Les avocats n’ont proposé aucune question à certifier et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3594-08

 

INTITULÉ :                                       RAVEENDRAN KANAGARATNAM

 

                                                            c.

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 11 mars 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              La juge Dawson

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 20 mars 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert E. Moores                                                                    POUR LE DEMANDEUR

 

Patricia MacPhee                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert E. Moores                                                                    POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Oxford (Nouvelle-Écosse)

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.