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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20090320

Dossier : IMM-703-08

Référence : 2009 CF 282

Ottawa (Ontario), le 20 mars 2009

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

ENTRE :

NORLANDE SYLVANIE LEWIS ET

TAHJ RICHARD CAMBRIDGE

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Mme Norlande Lewis (ainsi que son fils, Tahj) demande l’asile au Canada parce qu’elle a peur de son ex-conjoint de fait, lequel a été déclaré coupable d’agression à son égard au Canada. Elle craint que, s’il est expulsé à Saint-Vincent et qu’elle est également obligée de retourner là-bas, il continuera de l’agresser physiquement. Elle soutient que les autorités de Saint-Vincent ne seront pas en mesure de la protéger contre lui.

 

[2]               Mme Lewis a exposé ses préoccupations à un tribunal de la Commission de l’immigration et de la protection des réfugiés qui a conclu qu’elle pouvait se réclamer de la protection de l’État à Saint-Vincent. Mme Lewis allègue que la Commission n’a pas tenu compte d’importants éléments de preuve qui démontraient une absence de la protection de l’État. Elle me demande d’ordonner qu’un autre tribunal procède à un nouvel examen de sa demande.

 

[3]               Je conviens que la Commission a omis de tenir compte d’importants éléments de preuve et je dois, par conséquent, accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]                 Il n’y a qu’une question à trancher : La Commission a-t-elle omis de tenir compte d’importants éléments de preuve favorables à Mme Lewis?

 

I.  Le contexte factuel

 

[5]               En 1998, Mme Lewis et M. Richard Cambridge ont commencé à vivre ensemble à Saint‑Vincent. En 2002, M. Cambridge est parti pour trouver du travail au Canada. Mme Lewis et Tahj l’ont rejoint à Toronto plus tard cette année-là.

 

[6]               M. Cambridge a agressé Mme Lewis physiquement tout au long de leur relation. En 2006, il a plaidé coupable à une accusation d’agression. Même s’il avait reçu l’ordre de ne pas communiquer avec Mme Lewis pendant qu’il était en liberté sous caution, M. Cambridge a contrevenu à l’ordonnance à maintes reprises. Mme Lewis craint que si elle et son fils sont obligés de retourner à Saint-Vincent et que M. Cambridge est expulsé là-bas, celui-ci voudra se venger contre elle pour avoir été à l’origine de sa déclaration de culpabilité et de son renvoi du Canada.

 

II.   La Commission a-t-elle omis de tenir compte d’importants éléments de preuve favorables à Mme Lewis?

 

[7]               Je ne puis annuler la décision de la Commission que si je conclus qu’elle était déraisonnable.

 

[8]               La Commission a jugé que la preuve documentaire établissait l’existence de sources suffisantes de protection de l’État à Saint-Vincent pour les femmes dans la situation de Mme Lewis. Par exemple, la Commission a cité un rapport décrivant le rôle du tribunal de la famille à Saint‑Vincent en ce qui concerne la protection des femmes contre la violence conjugale. La Commission a également fait référence à des lois visant à protéger les victimes de violence familiale. Cependant, Mme Lewis fait valoir que la Commission n’a pas fait mention des éléments de preuve qui établissaient la capacité limitée du tribunal de la famille à faire exécuter ses ordonnances, la réticence des agents de police à intervenir dans des incidents de violence conjugale et la rareté à laquelle les lois qui protègent les femmes sont appliquées.

 

[9]               Le ministre allègue que la Commission est présumée avoir tenu compte de tous les éléments de preuve dont elle disposait, même si elle n’en a pas expressément fait mention. Je suis d’accord avec lui. Cependant, en l’espèce, les documents mêmes sur lesquels la Commission se fonde pour conclure à l’existence d’une protection adéquate de l’État à Saint-Vincent remettent en question le caractère suffisant de cette protection. À mon avis, la Commission était tenue d’expliquer pourquoi elle a conclu que les éléments favorables contenus dans la preuve l’emportaient sur les éléments défavorables. En l’absence d’une telle explication, je conclus que la décision de la Commission était déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartenait pas aux issues pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

 

[10]           Je souligne que les juges Yves de Montigny et John O’Keefe sont arrivés à la même conclusion quant à l’examen fait par la Commission sur les éléments de preuve relatifs à la protection de l’État à Saint‑Vincent dans Hooper c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1359, [2007] A.C.F. n1744 (QL) et King c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 774, [2005] A.C.F. n979 (QL), respectivement.

 

III.  Conclusion et décision

 

[11]           La Commission n’a pas évalué à la fois les éléments favorables et défavorables de la preuve quant à l’existence d’une protection de l’État à Saint-Vincent. En conséquence, la décision de la Commission selon laquelle il existait une protection de l’État était déraisonnable. Un autre tribunal de la Commission devrait réexaminer la demande d’asile de Mme Lewis. Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé une question de portée générale à des fins de certification, et aucune n’est énoncée.


 

JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.                  L’affaire est renvoyée à un autre tribunal de la Commission pour qu’il procède à un nouvel examen.

3.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-703-08

 

INTITULÉ :                                       NORLANDE SYLVANIE LEWIS ET AL c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 5 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 20 mars 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Preevanda K. Sapru

 

POUR LES DEMANDEURS

David Cranton

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Preevanda K. Sapru

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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