Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Date : 20090320

Dossier : IMM-2329-08

Référence : 2009 CF 288

Ottawa (Ontario), ce 20e jour de mars 2009

En présence de l’honorable Orville Frenette

ENTRE :

Rodrigo CASAS PADIERNA,

Roxana CASAS XOCHICALE,

Diego CASAS XOCHICALE

 

Partie demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

Partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire présentée à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (ci-après le tribunal), rendue le 29 avril 2008, rejetant les demandes d’asile des demandeurs.

 

 

 

Les faits

[2]          Le demandeur principal, Rodrigo Casas Padierna, un citoyen mexicain, est arrivé au Canada avec son épouse et leurs deux enfants le 6 août 2007 demandant l’asile. Le demandeur allègue qu’il aurait, en 2002, engagé une gardienne, prénommée Maria, pour s’occuper des enfants. Cette gardienne aurait travaillé quatre ans pour eux avant de devoir partir. Subséquemment, le demandeur a fait l’objet de menaces et de peur qu’on enlève ses enfants de la part d’un dénommé Nicolas Castro Juares. Le demandeur décide alors de chercher asile au Canada.

 

La décision contestée

[3]          Le 29 avril 2008, le tribunal rendait sa décision rejetant la demande d’asile des demandeurs se basant surtout sur un manque de crédibilité. Le demandeur principal est un jeune ingénieur industriel. Lors de son témoignage devant le tribunal, « il ne sait pas si c’est bien celui qu’il craint Nicolas Castro Juares », soit celui qu’il avait identifié au début de son témoignage.

 

[4]          Il n’a pas recherché de protection étatique ou essayé de se relocaliser ailleurs au Mexique. Il a admis qu’il aurait pu se relocaliser ailleurs, au Mexique. Le tribunal a conclu que le demandeur principal n’était pas crédible et n’avait pas recherché sérieusement de protection étatique ou de refuge intérieur; donc il n’était pas réfugié au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi).

 

La requête en prorogation de délai

[5]          Le demandeur principal a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision rendue le 29 avril 2008. Le demandeur devait la signifier à toutes les parties dans les 15 jours (alinéa 72(2)c) de la Loi). Ce n’est que le 19 juin 2008, soit deux mois et 13 jours plus tard, qu’il fait signifier sa demande. Le demandeur principal indique tout simplement qu’il a omis par distraction de faire signifier la demande au défendeur, sans autres explications ou justification et sans autorisation judiciaire. Le défendeur requiert le rejet des procédures vu ce défaut procédural important (Traore c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2002 FCT 909; Grewal c. ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 2 C.F. 263 (C.A.); Semenduev c. Canada (M.C.I.), [1997] A.C.F. no 70 (QL)).

 

[6]          Le défendeur requiert le rejet des demandes parce que les deux conditions essentielles n’ont pas été observées : premièrement, des motifs sérieux justifiant le retard et, deuxièmement, la preuve qu’il a des chances sérieuses de réussite sur le fond (Valyenegro c. Canada (Secrétariat d’État), [1994] A.C.F. no 1917 (QL), 88 F.T.R. 196).

 

[7]          Le demandeur principal répond qu’il a satisfait aux deux conditions. La décision sur la crédibilité était erronée et même dans le cas contraire, le tribunal devait se pencher sur le bien-fondé des craintes selon Attakora c. Canada (M.E.I.) (1989), 99 N.R. 168, où le juge Hugessen écrivait :

. . . Que le requérant soit ou non un témoin digne de foi – et j’ai déjà indiqué que les motifs de la Commission de conclure qu’il ne l’était pas se fondaient sur des erreurs – cela ne l’empêche pas d’être un réfugié à la condition que ses opinions et ses activités politiques soient susceptibles de conduire à son arrestation et à sa punition. Dans ces circonstances, la seule conclusion offerte à la Commission était que le requérant constituait effectivement un réfugié au sens de la Convention.

 

 

 

[8]          Toutefois dans ce dossier, la situation est très différente de celle dans Attakora; donc la leçon tirée de cet arrêt est inapplicable ici. De plus d’autres arrêts énoncent que le décideur a le droit d’écarter d’autres éléments de preuve s’il est convaincu que le demandeur n’est pas digne de foi (Allouche c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 339 (QL); Riveros c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2001 CFPI 1009; Sheikh c. Canada (M.C.I.), [1990] 3 C.F. 238; Bengabo c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 186, aux paragraphes 27 et 28). La demande devait être rejetée sur ce défaut procédural, mais j’analyserai brièvement le bien-fondé de la demande, au fond.

 

La norme de contrôle judiciaire

[9]          La Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, a décidé que la norme de contrôle en droit administratif était celle de la raisonnabilité en matière de faits ou mixte de faits et de droit. Lorsqu’il s’agit d’une question de droit, la norme est celle de la décision correcte. La Cour suprême a ajouté dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, qu’il fallait accorder déférence aux décisions de tribunaux administratifs.

 

[10]      Le présent dossier concerne une décision fondée sur des faits, donc la norme de la décision raisonnable s’applique.

 

Les points en litige

[11]      Le défendeur plaide que le tribunal était bien fondé à conclure que les demandeurs n’avaient pas tenté d’obtenir de protection étatique. Ils n’avaient pas non plus repoussé la présomption de la possibilité de refuge intérieur. Les demandeurs n’ont pas contesté cette conclusion (McLean c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 1007, au paragraphe 12; Navarro c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 358, au paragraphe 19). Ces motifs de contestation s’avèrent donc bien fondés.

 

[12]      J’ai déjà déterminé que la conclusion du tribunal quant à l’absence de crédibilité du demandeur avait été bien établie. Cette conclusion est fondée sur la preuve et cette Cour ne peut donc pas intervenir à ce sujet.

 

[13]      Le procureur des demandeurs souleva ce qu’il qualifie de manquement à l’équité procédurale durant l’audience devant le tribunal, le 14 avril 2008. Le demandeur principal a référé à une plainte qu’il aurait faite à la police au Mexique et montra une copie qu’il possédait en mains. Le tribunal lui demanda pourquoi il ne l’avait pas produite en preuve; il répondit « qu’on lui aurait suggéré de ne pas le faire puisqu’il était illisible ». Le tribunal obtint le document et le fit traduire par une traductrice compétente. Or, dans cette plainte, le demandeur principal affirmait qu’il n’était pas certain qui proférait les menaces alors que devant le tribunal il avait déclaré que c’était Nicolas Castro Juares. Le tribunal invoqua cette contradiction (avec d’autres indices) pour conclure à l’absence de crédibilité du demandeur. À mon avis, cet incident ne constitue pas un manquement à l’équité procédurale puisque c’est le demandeur lui-même qui l’a exhibé au tribunal. Ce grief doit donc être rejeté.

 

[14]      Vu ce qui précède, la demande s’avère mal fondée en faits et en droit. Pour ces motifs, la Cour ordonne le rejet de la demande de contrôle judiciaire déposée par les demandeurs.

 

 

 

JUGEMENT

 

          La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, rendue le 29 avril 2008, est rejetée.

 

          Aucune question ne sera certifiée.

 

 

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2329-08

 

INTITULÉ :                                       Rodrigo CASAS PADIERNA, Roxana CASAS XOCHICALE, Diego CASAS XOCHICALE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 11 mars 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              L’honorable Orville Frenette, Juge suppléant

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 20 mars 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Claude Brodeur                             POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Me Émilie Tremblay                             POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Claude Brodeur                                                            POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.