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Date : 20090309

Dossier : IMM-1015-09

Référence : 2009 CF 247

Ottawa (Ontario), le 9 mars 2009

En présence de monsieur le juge Orville Frenette

ENTRE :

Jorge VALDEZ RUIZ

Nubia JIMENEZ ZAVALA

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE DU CANADA

défendeurs

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Il s’agit d’une requête en sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi au Mexique prise contre les demandeurs et dont l’exécution est prévue le 11 mars 2009 à 12 h 15.

 

 

 

Le contexte factuel

[2]               Les demandeurs sont des citoyens mexicains qui sont venus au Canada en 2007. Leur demande d’asile a été rejetée le 11 juillet 2007. Une décision défavorable a été rendue le 19 janvier 2008 au sujet de leur premier examen des risques avant renvoi (ERAR). Les demandeurs ont quitté le Canada et sont retournés au Mexique le 12 mars 2008.

 

[3]               Les demandeurs sont revenus au Canada en octobre 2008 et ont demandé l’asile à leur arrivée à l’aéroport. Une décision défavorable a été rendue le 3 février 2009 au sujet de leur deuxième ERAR.

 

[4]               Les demandeurs ont présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la dernière décision d’ERAR. Ils demandent maintenant le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi jusqu’à ce qu’une décision soit rendue au sujet de leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire.

 

[5]               Les demandeurs, qui sont mari et femme, soutiennent qu’ils craignent des risques découlant des problèmes conjugaux entre la sœur du demandeur et le mari de celle-ci. Il s’agit du même risque qui a été présenté dans la première demande d’ERAR en 2007. Les demandeurs soutiennent qu’ils courent un risque parce que la sœur du demandeur, une employée d’un tribunal pénal au Mexique, a été menacée par des criminels, dont des membres de sa famille, et que les policiers et le système judiciaire ne peuvent pas les protéger. Ils soutiennent aussi qu’ils ont été menacés par des criminels parce qu’ils ont refusé de leur louer leur maison en mai 2008. Ils font valoir qu’ils craignent le beau‑frère du demandeur parce qu’il est un homme violent.

 

Le critère pour le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi

[6]               Dans l’arrêt Toth c. Le ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1988), 86 N.R. 302, la Cour d’appel fédérale a établi un critère conjonctif comportant trois volets pour les demandes de sursis. Ces trois volets sont : (1) il y a une question sérieuse à trancher; (2) un préjudice irréparable sera causé si la suspension n’est pas accordée; (3) la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi du sursis.

 

[7]               Les cours se sont généralement montrées peu exigeantes pour conclure qu’il y a une « question sérieuse à trancher » dans le cadre d’une requête en sursis. La jurisprudence démontre qu’il suffit simplement d’établir que la question n’est pas frivole ou vexatoire. Pourtant, le législateur utilise le mot « sérieuse » qui, selon le dictionnaire ordinaire, signifie « conséquent, important [...] posé, raisonnable, rassis, réfléchi, sage » (Le Petit Robert (1996)).

 

[8]               Les demandeurs soutiennent que l’agent d’ERAR n’a pas examiné les fondements du risque allégué et n’a pas correctement tenu compte de la situation au Mexique en 2008. Les défendeurs font valoir qu’une simple lecture de la décision contestée démontre que l’agent a bien ciblé les risques personnels des demandeurs : (1) les menaces de dangereux criminels, y compris des membres de la famille, et l’allégation selon laquelle l’État du Mexique était incapable ou refusait de fournir une protection adéquate (ce même risque avait aussi été soulevé dans la première demande d’ERAR en 2008); (2) les menaces de criminels parce que les demandeurs avaient refusé de leur louer la maison; l’agent a tenu compte de cette déclaration, mais il a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves à l’appui; (3) le fait que la sœur du demandeur a un emploi au sein du système judiciaire du Mexique, qu’elle a fait l’objet de menaces et que l’État ne peut censément pas la protéger.

 

[9]               L’agent a examiné ces questions et il a conclu que les demandeurs n’avaient pas demandé la protection de la police ou des autorités gouvernementales appropriées au Mexique. Il a aussi conclu qu’il n’a pas été prouvé que la situation au Mexique s’était détériorée entre 2007 et 2008. Par conséquent, les demandeurs n’étaient pas exposés à un risque comme ils le prétendaient.

 

[10]           Les demandeurs ont présenté des documents généraux au sujet de la situation des droits de la personne au Mexique. L’agent a déclaré avoir examiné ces documents. Il a conclu que les demandeurs ne s’étaient pas acquittés du fardeau de démontrer que le gouvernement du Mexique ne pouvait pas leur offrir une protection adéquate, même si elle n’était pas parfaite.

 

[11]           Les demandeurs font valoir que la conclusion de l’agent d’ERAR au sujet de la protection de l’État est trop simpliste et qu’elle ne tenait pas compte des nouvelles preuves matérielles dont il était saisi.

 

[12]           En résumé, la demande soulève les questions suivantes : (1) la protection de l’État au Mexique; (2) la corruption et l’infiltration de criminels dans les institutions gouvernementales du Mexique; (3) le défaut de l’agent d’ERAR d’évaluer les risques personnels auxquels les demandeurs feraient face s’ils retournaient au Mexique.

 

[13]           Les demandeurs soutiennent que l’agent n’a pas correctement examiné ces questions en fonction de la preuve, particulièrement en ce qui a trait à la situation en 2008.

 

[14]           Les défendeurs contestent ces arguments en soutenant que l’agent a bien tenu compte de toutes ces questions et qu’il a conclu que la preuve n’appuyait pas les dires des demandeurs.

 

[15]           Les défendeurs soutiennent que les demandeurs ne se sont pas acquittés du fardeau de produire des preuves qui, en fonction de la prépondérance des probabilités, appuient leurs déclarations.

 

Analyse

[16]           L’analyse de ces questions démontre clairement que l’agent en a bien tenu compte et qu’il a tout examiné, dont les risques personnels et généraux au sujet desquels les demandeurs avaient des craintes, y compris les prétendus nouveaux éléments de preuve. L’agent a analysé en particulier la situation du demandeur. Par conséquent, il a conclu que la décision respectait la norme pour les décisions qui a été établie par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190. Le critère de la question sérieuse n’a donc pas été satisfait en l’espèce.

 

[17]           Les demandeurs soutiennent que le risque personnel auquel ils font face au Mexique constitue un préjudice irréparable. Il ne fait aucun doute qu’il existe des risques au Mexique pour tous les citoyens, mais cela n’est pas suffisant. Il doit exister un préjudice irréparable personnel qui doit être prouvé, il ne peut pas être purement hypothétique. Les demandeurs n’ont donc pas satisfait à ce critère.

 

[18]           À mon avis, il ne fait aucun doute que la protection de l’État au Mexique est loin d’être parfaite, mais les demandeurs n’ont pas tenté de s’en prévaloir. De nombreuses décisions des Cours au sujet du Mexique ont rejeté des demandes pour ce motif (voir, par exemple, Rios et al. c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 1383; Gutierrez c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 971; Malagon c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 1068; Ayala c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 1258; Araujo c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 39; Roberto c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 180).

 

[19]           Les demandeurs soutiennent que leur intérêt envers l’audition de leur affaire au Canada prévaut sur l’intérêt du ministre à exécuter la mesure de renvoi. Pourtant, le paragraphe 48(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, est clair : « L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent. »

 

[20]           Le sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi est un recours exceptionnel qui doit respecter toutes les conditions précitées. De plus, la déclaration la plus récente de la Cour suprême du Canada précise que, lorsqu’elles appliquent la norme de la décision raisonnable, les cours doivent faire preuve de retenue quant aux décisions des tribunaux administratifs fondées sur des faits (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Sukhvir Singh Khosa, 2009 CSC 12, aux paragraphes 59 à 64).

 

[21]           De plus, en l’espèce, les demandeurs, qui ont reçu deux décisions défavorables en matière d’ERAR, et qui sont revenus au Canada sans tenir compte de la première décision, peuvent poursuivre leur contrôle judiciaire à l’extérieur du Canada.

 

[22]           L’argument portant sur le caractère théorique de la question n’est pas pertinent en l’espèce.

 

[23]           Compte tenu de la preuve et des observations, je dois conclure que les demandeurs n’ont pas satisfait aux critères en matière de sursis.

 

[24]           Par conséquent, la Cour doit rejeter la demande.

 


 

ORDONNANCE

 

 

            LA COUR ORDONNE que la requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi au Mexique dont les demandeurs faisaient l’objet, prévue le 11 mars 2009, est rejetée.

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1015-09

 

INTITULÉ :                                       Jorge VALDEZ RUIZ, Nubia JIMENEZ ZAVALA c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 6 mars 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       Le juge suppléant Orville Frenette

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 9 mars 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Cristina Marinelli                                   POUR LES DEMANDEURS

 

Alain Langlois                                       POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cristina Marinelli, avocate                     POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                 POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada

 

 

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