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Date : 20090304

Dossier : IMM-927-08

Référence : 2009 CF 230

Ottawa (Ontario), le 4 mars 2009

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

INDERPAL SINGH HANSRA

SUKHJOT KAUR HANSRA

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Le demandeur demande le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle il n’a pas été dispensé de l’application des lois lui interdisant de parrainer son épouse parce qu’il avait été déclaré coupable d’une infraction sexuelle et qu’un délai de cinq ans ne s’était pas écoulé depuis qu’il avait purgé sa peine. Le premier secrétaire de la section du regroupement familial et des réfugiés au Haut‑Commissariat du Canada à New Delhi (Inde) (l’agent) a conclu que les considérations d’ordre humanitaire invoquées pour justifier de dispenser le demandeur de l’application de l’interdiction relative aux demandes de parrainage étaient insuffisantes.

 

[2]               Le demandeur est visé par le sous‑alinéa 133(1)e)(i) et l’alinéa (2)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) :

133. (1) L’agent n’accorde la demande de parrainage que sur preuve que, de la date du dépôt de la demande jusqu’à celle de la décision, le répondant, à la fois :

 

 

 

 

[…]

 

e) n’a pas été déclaré coupable, sous le régime du Code criminel :

 

(i) d’une infraction d’ordre sexuel ou d’une tentative ou menace de commettre une telle infraction, à l’égard de quiconque,

 

[…]

 

(2) Malgré l’alinéa (1)e), la déclaration de culpabilité au Canada n’emporte pas rejet de la demande de parrainage dans les cas suivants :

 

[…]

 

b) le répondant a fini de purger sa peine au moins cinq ans avant le dépôt de la demande de parrainage.

 

133. (1) A sponsorship application shall only be approved by an officer if, on the day on which the application was filed and from that day until the day a decision is made with respect to the application, there is evidence that the sponsor

 

 

 (e) has not been convicted under the Criminal Code of

 

 

(i) an offence of a sexual nature, or an attempt or a threat to commit such an offence, against any person, or

 

 

(2) Despite paragraph (1)(e), a sponsorship application may not be refused

 

 

 

 

(b) if a period of five years or more has elapsed since the completion of the sentence imposed for an offence in Canada referred to in paragraph (1)(e).

 

II.        L’HISTORIQUE

[3]               Le 7 octobre 2004, le demandeur, un citoyen canadien, a été déclaré coupable de trois chefs d’accusation d’agression sexuelle. Sa probation a pris fin le 6 janvier 2007.

 

[4]               Pendant qu’il était en probation, le demandeur a été autorisé à se rendre en Inde. Le 19 mars 2006, pendant qu’il était en Inde, le demandeur s’est marié, puis il est retourné au Canada.

 

[5]               Le demandeur prétend que ce n’est qu’à son retour au Canada qu’il a réalisé qu’il ne pouvait pas parrainer son épouse parce qu’un délai de cinq ans ne s’était pas écoulé depuis la fin de sa peine.

 

[6]               Le demandeur est ensuite retourné en Inde, entre août 2006 et le 15 avril 2007, afin d’être auprès de son épouse.

 

[7]               Le demandeur, après être revenu au Canada, a déposé une demande CH afin d’obtenir une dispense de l’interdiction de cinq ans. Dans le cadre de la demande CH, un rapport psychologique faisant état que le demandeur souffrait de graves problèmes d’ordre affectif occasionnés par le fait qu’il était séparé de son épouse a été déposé.

 

[8]               La demande CH a été rejetée au motif que les considérations d’ordre humanitaire ne justifiaient pas que l’on accorde une dispense car, en raison de la perpétration d’infractions criminelles graves, elles ne l’emportaient pas sur l’inadmissibilité.

 

[9]               L’agent a pris note des motifs invoqués par le demandeur, c’est‑à‑dire que le mariage était authentique, qu’il a été célébré en conformité avec la culture et la foi sikhes, que la séparation était déraisonnable et source de difficultés excessives, qu’il serait difficile au demandeur de vivre en Inde car il n’y a pas vécu depuis plusieurs années et que la réunification de la famille est un aspect fondamental de la politique canadienne en matière d’immigration. L’agent a particulièrement souligné les conclusions figurant dans le rapport psychologique.

 

[10]           Le demandeur a soulevé deux questions : (1) l’insuffisance des motifs et (2) le caractère déraisonnable des conclusions de l’agent.

 

III.       L’ANALYSE

A.        La norme de contrôle

[11]           On a conclu que la norme de contrôle applicable à une décision fondée sur des considérations d’ordre humanitaire est la norme de la décision raisonnable (Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 646). Compte tenu de la nature hautement discrétionnaire de la décision, la Cour doit faire montre de retenue à l’égard des conclusions factuelles et de l’appréciation des facteurs.

 

[12]           En ce qui concerne la question plus précise du caractère suffisant des motifs, il s’agit d’une question d’équité procédurale à laquelle s’applique la norme de la décision correcte (Adu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 565). Même si la décision Adu a été rendue avant l’arrêt Dunsmuir (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9), il s’agit de la norme applicable. La question de la suffisance des motifs a également été décrite comme une question qui doit être examinée en fonction de son bien‑fondé sans aucune norme de contrôle. Il s’agit d’une question de distinction vide de sens et qui débouche sur le même cadre analytique.

 

B.        Le caractère suffisant des motifs

[13]           Comme cette question a été débattue en premier, j’en discuterai en premier. Le défendeur a ajouté au dossier en soumettant un affidavit qui tentait d’amplifier ou d’expliquer la décision.

 

[14]           Comme la Cour l’a décidé dans de nombreuses instances (Sklyar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1226; Santhirasekaram c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1188; bin Abdullah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1185), il s’agit d’une tactique qui, de façon générale, ne peut pas être autorisée. Une décision doit avoir son propre fondement. Il peut exister des situations où il est nécessaire d’établir le contexte ou de se défendre contre des allégations d’inéquité, mais une partie ne peut pas ajouter des motifs additionnels ou des explications aux motifs qui sont exposés dans la décision et dans les notes du STIDI,.

Deux citations suffisent à confirmer l’opinion de la Cour sur cette question :

11     Bien qu’il puisse exister des cas où les motifs de la décision sont correctement exposés non seulement dans la lettre de décision et les notes du STIDI, mais également dans un affidavit (voir Hayama c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1305), la Cour a des réserves lorsque la preuve qui est présentée après le dépôt de la demande de contrôle judiciaire vise à combler les lacunes du dossier de la décision précisément sur les questions en litige et que cela est fait par l’ajout d’éléments importants au dossier. La tentative d’étayer le dossier doit être abordée avec prudence, qu’elle soit le fait du demandeur ou du défendeur. Si elle est admissible, la Cour doit soupeser son poids. En l’espèce, le poids qui est accordé au dossier tel qu’il était avant la demande de contrôle judiciaire est supérieur au poids accordé à l’affidavit.

 

Skylar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1226, au paragraphe 11

 

15     Il ne s’agit pas d’une situation où l’agent précise simplement les brefs motifs d’évaluation fournis dans les notes du STIDI. Dans son affidavit, l’agente a plutôt élaboré un raisonnement complet dont on ne trouve trace nulle part dans ses notes. Eu égard à toutes les circonstances, je suis donc d’avis qu’il ne faut accorder que très peu d’importance à l’explication fournie par l’agente dans son affidavit.

 

bin Abdullah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1185, au paragraphe 15

 

[15]           Par conséquent, je n’accorde aucune importance à l’affidavit. En effet, une tentative visant à étayer les motifs avec un affidavit pourrait être considérée comme étant un aveu que les motifs n’étaient pas suffisants.

 

[16]           Cela étant dit, il n’en demeure pas moins que les motifs étaient suffisants. L’agent a fait état des facteurs positifs et négatifs dans la présente affaire de considérations d’ordre humanitaire. L’agent a également formulé des motifs suffisants pour que le demandeur sache sur quoi la décision était fondée. L’agent n’était pas tenu d’écrire un traité sur l’objet clairement visé par le Règlement et sur la difficulté de surmonter l’empêchement présomptif au parrainage.

 

[17]           La décision Adu, susmentionnée, est différente de la présente affaire. Dans Adu, ce n’était que des facteurs positifs qui étaient énumérés et il était donc impossible de savoir quel facteur négatif avait influencé la décision. La décision Adu n’est d’aucune utilité au demandeur.

 

C.        Le caractère raisonnable de la décision

[18]           Selon le demandeur, l’agent n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve et n’a particulièrement pas tenu compte du rapport psychologique.

 

[19]           Cet argument n’a aucun fondement. Les notes du STIDI révèlent que tous les points soulevés par le demandeur ont été pris en compte. Plus précisément, l’agent a fait état du rapport psychologique et de la conclusion de dépression.

 

[20]           Les arguments formulés par le demandeur en Cour, c’est‑à‑dire qu’il y avait une peine conditionnelle, qu’il avait commis une seule erreur de jugement, qu’il désirait fonder une famille, ne minent pas le caractère raisonnable de la présente décision discrétionnaire.

 

[21]           Dans l’ensemble, la présente décision est raisonnable. Le choix de l’agent de respecter le régime réglementaire plutôt que le malaise personnel du demandeur reposait sur un fondement rationnel.

 

[22]           Il n’en demeure pas moins que le demandeur a contracté le mariage en faisant fi de ses condamnations au criminel. Son ignorance de la loi n’est pas quelque chose qui devrait être acceptée pour justifier de la dispenser d’une période d’attente.

 

IV.       CONCLUSION

[23]           En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-927-08

 

INTITULÉ :                                      INDERPAL SINGH HANSRA

                                                            SUKHJOT KAUR HANSRA c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 26 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 4 mars 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadinov

 

POUR LES DEMANDEURS

Asha Gafar

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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