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Date : 20090304

Dossier : T-871-08

Référence : 2009 CF 224

Ottawa (Ontario), le 4 mars 2009

En présence de madame la juge Dawson

 

 

ENTRE :

KALPANA GUPTA

demanderesse

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        La présente demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Commission de la fonction publique du Canada (la Commission) est accueillie puisque cette dernière n’avait pas le droit de confirmer la nomination d’un candidat à un poste au sein de la fonction publique lorsqu’une telle confirmation va à l’encontre des conclusions d’un comité d’appel.

 

 

 

Les faits

[2]        Dans la présente instance, la demanderesse, Mme Gupta, n’a pas été retenue à un concours interne pour des postes de PM-2, agent de conformité, aux Affaires indiennes et du Nord canadien à Winnipeg, au Manitoba. Il y avait neuf candidats au concours, dont six ont été jugés qualifiés. Leur nom a été placé sur une liste d’admissibilité.

 

[3]        Par suite de son insuccès, Mme Gupta a interjeté appel des sélections faites dans le cadre du concours en vertu de l’article 21 de l’ancienne Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-33 (la Loi)1.

 

[4]        Conformément à l’article 21 de la Loi, l’appel formé par Mme Gupta a été renvoyé à un comité chargé de faire une enquête (le Comité d’appel). L’article 21 de la Loi est reproduit en annexe des présents motifs.

 

[5]        Un seul motif d’appel formulé par Mme Gupta est pertinent quant à la présente demande.  On a demandé aux candidats pour les postes de PM-2 de subir un test de simulation appelé le « CFP 425 ». Ce test était utilisé pour évaluer toutes les qualités prescrites dans le facteur Capacités de l’énoncé de qualités. Mme Gupta a allégué que certains candidats ont bénéficié d’un avantage indu puisqu’ils avaient subi un test de simulation similaire, le CFP 428, quelque trois mois auparavant.

 

[6]        Le Comité d’appel a accueilli l’appel de Mme Gupta puisqu’il n’était pas convaincu que les candidats ayant déjà subi le CFP 428 n’avaient pas bénéficié d’un avantage indu.

 

[7]        Au cours de l’audience devant lui, le Comité d’appel a demandé et reçu des observations sur les résultats des neuf candidats ayant subi le CFP 425, ainsi qu’un avis contenant les noms des candidats ayant déjà subi le CFP 428. Voir page 23 des motifs du Comité d’appel.

 

[8]        Le Comité d’appel « [a confirmé] l’allégation selon laquelle les candidats qui ont subi le CFP 428 ont eu un avantage indu sur ceux qui ne l’ont pas subi, lorsqu’ils ont fait plus tard le CFP 425 ». En se fondant sur l’information reçue durant l’audience, le Comité d’appel a accueilli l’appel de Mme Gupta à l’égard de seulement cinq des candidats retenus, ceux classés du 2e au 6e  rang. La candidate classée au premier rang, à l’égard de laquelle l’appel n’a pas été accueilli, a été jugée par le Comité d’appel comme n’ayant pas subi le CFP 428.

 

[9]        J’ouvre ici une parenthèse pour souligner que ce classement semble être quelque peu problématique compte tenu du fait que seulement quatre des neuf candidats qui ont subi le CFP 425 auraient d’abord subi le CFP 428, et pourtant l’appel a été accueilli à l’égard de cinq candidats.

 

[10]      Une demande de contrôle judiciaire de cette décision a été introduite par Sa Majesté la Reine, laquelle a finalement été abandonnée. Ainsi, la décision du Comité d’appel n’a pas été suspendue ni annulée, et elle est demeurée pleinement en vigueur.

 

[11]      Subséquemment, la Commission a été avisée de la décision du Comité d’appel.

 

La décision de la Commission

[12]      La Commission a d’abord jugé, en vertu du paragraphe 21(3) de la Loi, que des mesures correctives ne pouvaient être prises pour remédier à l’irrégularité signalée par le Comité d’appel. Elle a ensuite exercé les pouvoirs que lui confère le paragraphe 21(2) de la Loi. Ses conclusions ont été les suivantes :

 

1.                  La Commission n’a pas pris de mesure pour révoquer la nomination de la candidate classée au premier rang puisque le Comité d’appel avait rejeté l’appel à l’égard de cette personne.

 

2.                  La Commission a révoqué la nomination du candidat classé au 2e rang puisqu’il a été « confirmé » qu’il avait subi le CFP 428 avant le CFP 425.

 

3.                  La Commission a confirmé la nomination de la candidate classée au 3e rang étant donné qu’il a été « confirmé » qu’elle n’avait pas subi le CFP 428 avant de subir le CFP 425.

 

4.                  La Commission a confirmé que la candidate classée au 4e rang n’avait pas subi le CFP 428 avant de subir le CFP 425. Cependant, aucune mesure n’a été prise, car « par suite de la décision du Comité d’appel […] l’irrégularité constatée ne s’applique pas à sa situation ». En outre, cette personne a été nommée sans concours à un poste de PM-02, conformément au Programme d’emploi des Autochtones.

 

5.                  Aucune mesure n’a été prise par la Commission à l’égard des candidats classés aux 5e et 6e rangs étant donné qu’aucun poste ne leur a été offert, et que la liste d’admissibilité n’est plus valide.

 

La norme de contrôle

[13]      L’avocat du défendeur a fait valoir, et je suis d’accord avec lui, que la décision de la Commission est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

 

[14]      L’unique question devant la Cour est de savoir si la Commission pouvait confirmer ou révoquer une nomination au sein de la fonction publique d’une manière qui allait à l’encontre des conclusions d’un comité d’appel. Comme l’a décidé la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, aux paragraphes 59 à 61, les questions de la nature suivante sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte :

 

·        Celles touchant véritablement à la compétence sur lesquelles les organismes administratifs doivent statuer;

·        Celles de droit général d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et étrangère au domaine d’expertise de l’arbitre;

·        Celles concernant la délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents.

 

[15]      Cette conclusion concorde également avec l’absence, dans la présente affaire, d’une disposition restrictive protégeant la décision de la Commission; le fait qu’en l’espèce l’objectif de la Commission était d’appliquer la décision du Comité d’appel; la nature de la question (question de droit); et le fait que la Commission n’a pas une expertise supérieure à celle de la Cour lorsqu’il est question d’examiner le pouvoir que lui accorde la Loi.

 

Application de la norme de contrôle à la décision

[16]      Pour faciliter la consultation, voici l’alinéa 21(2)a) de la Loi :

21(2) Sous réserve du paragraphe (3), la Commission, après avoir reçu avis de la décision du comité visé aux paragraphes (1) ou (1.1), doit en fonction de celle-ci :

 

a) si la nomination a eu lieu, la confirmer ou la révoquer;

21(2) Subject to subsection (3), the Commission, on being notified of the decision of a board established under subsection (1) or (1.1), shall, in accordance with the decision,

 

(a) if the appointment has been made, confirm or revoke the appointment; or

 

[17]      La disposition mentionne expressément que la Commission « doit » confirmer ou révoquer une nomination en fonction de la décision du Comité d’appel.

 

[18]      Je comprends la position de la Commission lorsqu’elle est confrontée avec ce qui semble être une décision problématique du Comité d’appel. Cependant, la mesure appropriée était de contester la décision du Comité d’appel. La Commission n’avait pas compétence pour recevoir des éléments de preuve et tirer des conclusions de fait qui étaient contraires à celles rendues par le Comité d’appel. Ce dernier a conclu que les candidats qui se classaient du 2e au 6e rang avaient déjà subi le CFP 428.  La Commission ne pouvait pas tirer une conclusion contraire à l’égard des candidats se classant aux 3e et 4e rangs comme elle l’a fait.

 

Conclusion

[19]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie selon les conditions prévues dans le jugement qui suit les présents motifs.

 

[20]      Rien ne me paraît justifier ici que les dépens ne suivent pas l’issue de la cause. La demanderesse s’est représentée elle-même. Elle et l’avocat de la défenderesse ont convenu que l’adjudication d’un montant global de 250 $ serait appropriée à titre de dépens.

 

 

 

 

1.         Même si la Loi a depuis été abrogée, les parties s’entendent pour dire que les dispositions de la Loi continuent de s’appliquer à la présente demande. Je suis d’accord avec elles. Voir : les dispositions transitoires de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique actuelle, L.C. 2003, ch. 22, articles 12, 13 ou le projet de loi C-25, Loi modernisant le régime de l’emploi et des relations de travail dans la fonction publique, modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur le Centre canadien de gestion et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, 2e session de la 37e législature, 2003, cl. 72 (sanctionnée le 7 novembre 2003).


JUGEMENT

PAR CONSÉQUENT, LA COUR STATUE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de la Commission de la fonction publique du Canada datée du 1er mai 2008 est par la présente annulée.

 

2.         La présente affaire est renvoyée à la Commission de la fonction publique du Canada pour qu’elle rende une nouvelle décision en conformité avec les présents motifs de la Cour.

 

3.         La défenderesse doit verser à la demanderesse des dépens qui sont fixés au montant global de 250 $.

 

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


ANNEXE

 

            L’article 21 de l’ancienne Loi sur l’emploi dans la fonction publique est ainsi rédigé :

 

21(1) Dans le cas d’une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l’appelant et l’administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l’occasion de se faire entendre.

 

 

 

 

(1.1) Dans le cas d’une nomination, effective ou imminente, consécutive à une sélection interne effectuée autrement que par concours, toute personne qui satisfait aux critères fixés en vertu du paragraphe 13(1) peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l’appelant et l’administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l’occasion de se faire entendre.

 

 

 

 

 

 

(2) Sous réserve du paragraphe (3), la Commission, après avoir reçu avis de la décision du comité visé aux paragraphes (1) ou (1.1), doit en fonction de celle-ci :

a) si la nomination a eu lieu, la confirmer ou la révoquer;

 

b) si la nomination n’a pas eu lieu, y procéder ou non.

 

 

(2.1) En cas de révocation de la nomination, la Commission peut nommer la personne visée à un poste qu’elle juge en rapport avec ses qualifications.

 

 

 

 

 

(3) La Commission peut prendre toute mesure qu’elle juge indiquée pour remédier à toute irrégularité signalée par le comité relativement à la procédure de sélection.

 

 

 

 

(4) Une nomination, effective ou imminente, consécutive à une mesure visée au paragraphe (3) ne peut faire l’objet d’un appel conformément aux paragraphes (1) ou (1.1) qu’au motif que la mesure prise est contraire au principe de la sélection au mérite.

 

 

 

(5) L’article 10 et le droit d’appel prévu au présent article ne s’appliquent pas dans le cas où la nomination est faite en vertu des paragraphes 29(1.1) ou (3), 30(1) ou (2) ou 39(3) ou des règlements d’application de l’alinéa 35(2)a), ou en vertu du paragraphe 11(2.01) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

21(1) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made by closed competition, every unsuccessful candidate may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.

 

(1.1) Where a person is appointed or about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made from within the Public Service by a process of personnel selection, other than a competition, any person who, at the time of the selection, meets the criteria established pursuant to subsection 13(1) for the process may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.

 

(2) Subject to subsection (3), the Commission, on being notified of the decision of a board established under subsection (1) or (1.1), shall, in accordance with the decision,

(a) if the appointment has been made, confirm or revoke the appointment; or

(b) if the appointment has not been made, make or not make the appointment.

 

(2.1) Where the appointment of a person is revoked pursuant to subsection (2), the Commission may appoint that person to a position within the Public Service that in the opinion of the Commission is commensurate with the qualifications of that person.

 

(3) Where a board established under subsection (1) or (1.1) determines that there was a defect in the process for the selection of a person for appointment under this Act, the Commission may take such measures as it considers necessary to remedy the defect.

 

(4) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act as a result of measures taken under subsection (3), an appeal may be taken under subsection (1) or (1.1) against that appointment only on the ground that the measures so taken did not result in a selection for appointment according to merit.

 

(5) Section 10 and the rights of appeal provided by this section do not apply to appointments made under subsection 29(1.1) or (3), 30(1) or (2) or 39(3) of this Act or subsection 11(2.01) of the Financial Administration Act or any regulations made under paragraph 35(2)(a) of this Act.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-871-08

 

INTITULÉ :                                       KALPANA GUPTA c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 WINNIPEG (MANITOBA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 18 FÉVRIER 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 4 MARS 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kalpana Gupta, auto-représentée

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

Kevin Staska

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kalpana Gupta, auto-représentée

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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