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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20090304

Dossier : IMM-3889-08

Référence : 2009 CF 237

Ottawa (Ontario), le 4 mars 2009

En présence de monsieur le juge Kelen

 

 

ENTRE :

REY ERWIN REQUIDAN

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un agent des visas rendue le 10 juillet 2008, laquelle rejetait la demande de résidence permanente au Canada du demandeur en tant que membre de la catégorie des travailleurs qualifiés.

 

LES FAITS

[2]               Le demandeur est un citoyen des Philippines. Avant son arrivée au Canada, il résidait avec sa famille à Dubaï, aux Émirats arabes unis. Le demandeur est arrivé au Canada muni d’un visa de résident temporaire en mai 2006 et sa femme l’a rejoint temporairement en octobre 2006. Le demandeur déclare qu’ils ont rendu visite à des amis de la famille et à des amis d’école secondaire. La sœur du demandeur est une résidante permanente du Canada.

 

[3]               Le demandeur a présenté une demande pour prolonger son autorisation de demeurer au Canada et son statut de visiteur a par la suite été prolongé jusqu’au 31 décembre 2007. Le demandeur déclare que pendant la visite, sa femme et lui ont commencé à songer à demeurer au Canada de manière permanente. Le demandeur a fait la connaissance de Mme Fern Chan, la propriétaire du Dave Young Fruit Market, et a obtenu une offre d’emploi de surveillant de commerce de détail à cet établissement. Il a présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés à l’ambassade du Canada, située dans la ville de Makati, aux Philippines, le 18 avril 2007.

 

[4]               La demande du demandeur a été rejetée au motif qu’il n’avait pas un nombre suffisant de points pour être admissible à l’établissement au Canada dans la catégorie des travailleurs qualifiés.

 

La décision faisant l’objet du contrôle

[5]               En fonction de sa demande, le demandeur s’est vu accorder un total de 64 points. La décision, à la page 9 du dossier de demande, mentionne ce qui suit :

[traduction]

Vous avez obtenu un nombre insuffisant de points pour être admissible à l’immigration au Canada, le nombre minimum requis étant de 67 points […] Après avoir examiné votre demande, je ne suis pas convaincu que vous remplissez les conditions exigées par la Loi et le Règlement pour les raisons expliquées ci-dessus. Je rejette donc votre demande.

 

[6]               Le demandeur ne conteste pas le nombre de points accordé. Le demandeur a alors sollicité une substitution de l’appréciation en vertu du paragraphe 76(3) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement). Le paragraphe 76(3) du Règlement permet à un agent des visas de substituer son appréciation de l’aptitude du travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada aux critères prévus, s’il détermine que le nombre de points obtenu par le travailleur qualifié ne reflète pas ses capacités. 

 

[7]               À la page 13 du dossier de demande, l’agent des visas déclare ce qui suit dans les notes du STIDI :

[traduction]

J’ai examiné la demande du conseil sollicitant une substitution de l’appréciation en l’espèce. La demande énonce de nouveau des faits déjà connus de l’agent, tels que l’offre d’emploi réservé qui a été discutée avec le demandeur à l’occasion d’une entrevue. Il a été jugé à ce moment-là que l’offre d’emploi et les compétences ainsi que l’expérience de M. Requidan ne correspondaient pas, [sic] le fait que M. Requidan a un proche parent au Canada. Il est utile de souligner que M. Requidan a obtenu le nombre maximum de points pour ces deux facteurs. De l’avis de l’agent soussigné, le système de points a pour but de déterminer la capacité d’établissement du demandeur. Le fait qu’il manquait trois points à M. Requidan pour être choisi suivant une appréciation initiale n’est pas considéré comme un élément favorable ou défavorable. Cela donne cependant une indication de sa capacité d’établissement. Le seul facteur à l’égard duquel M. Requidan n’a pas obtenu de points est le fait qu’il a passé près d’une année au Canada avec une fiche de visiteur.

 

Je suis convaincu que les points accordés reflètent la capacité d’établissement de M. Requidan. Il ne répond pas aux critères.

 

[8]               Le demandeur fait valoir que l’agent n’a pas suffisamment pris en considération les facteurs à l’appui de sa demande de substitution de l’appréciation et il sollicite un contrôle judiciaire pour ce motif.

 

les Dispositions législatives pertinentes

[9]               Les paragraphes 76(3) et 76(4) du Règlement prévoient ce qui suit :

Substitution de l’appréciation de l’agent à la grille

 

(3) Si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié — que celui-ci obtienne ou non le nombre minimum de points visé au paragraphe (2) — ne reflète pas l’aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut substituer son appréciation aux critères prévus à l’alinéa (1)a).

 

 

 

 

Confirmation

(4) Toute décision de l’agent au titre du paragraphe (3) doit être confirmée par un autre agent.

Circumstances for officer's substituted evaluation

 

(3) Whether or not the skilled worker has been awarded the minimum number of required points referred to in subsection (2), an officer may substitute for the criteria set out in paragraph (1)(a) their evaluation of the likelihood of the ability of the skilled worker to become economically established in Canada if the number of points awarded is not a sufficient indicator of whether the skilled worker may become economically established in Canada.

 

Concurrence

(4) An evaluation made under subsection (3) requires the concurrence of a second officer.

 

[10]           Les articles 82 et 83 du Règlement énoncent les critères dont un agent des visas doit tenir compte pour accorder des points au titre des facteurs « emploi réservé » et « capacité d’adaptation » :

Définition : emploi réservé

82. (1) Pour l’application du présent article, constitue un emploi réservé toute offre d’emploi au Canada à durée indéterminée.

 

Emploi réservé (10 points)

(2) Dix points sont attribués au travailleur qualifié pour un emploi réservé appartenant aux genre de compétence 0 Gestion ou niveaux de compétences A ou B de la matrice de la Classification nationale des professions, s’il est en mesure d’exercer les fonctions de l’emploi et s’il est vraisemblable qu’il acceptera de les exercer, et que l’un des alinéas suivants s’applique :

 

a) le travailleur qualifié se trouve au Canada, il est titulaire d’un permis de travail et les conditions suivantes sont réunies :

 

(i) l’agent a conclu, au titre de l’article 203, que l’exécution du travail par le travailleur qualifié est susceptible d’entraîner des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien,

 

 

(ii) le travailleur qualifié occupe actuellement cet emploi réservé,

 

(iii) le permis de travail est valide au moment de la présentation de la demande de visa de résident permanent et au moment de la délivrance du visa de résident permanent, le cas échéant,

 

 

(iv) l’employeur a présenté au travailleur qualifié une offre d’emploi d’une durée indéterminée sous réserve de la délivrance du visa de résident permanent;

 

 

b) le travailleur qualifié se trouve au Canada, il est titulaire du permis de travail visé aux alinéas 204a) ou 205a) ou au sous‑alinéa 205c)(ii) et les conditions visées aux sous-alinéas a)(ii) à (iv) sont réunies;

 

 

c) le travailleur qualifié n’a pas l’intention de travailler au Canada avant qu’un visa de résident permanent ne lui soit octroyé, il n’est pas titulaire d’un permis de travail et les conditions suivantes sont réunies :

 

(i) l’employeur a présenté au travailleur qualifié une offre d’emploi d’une durée indéterminée sous réserve de la délivrance du visa de résident permanent,

 

(ii) un agent a approuvé cette offre sur le fondement d’un avis émis par le ministère du Développement des ressources humaines, à la demande de l’employeur, à sa demande ou à celle d’un autre agent, où il est affirmé que :

 

(A) l’offre d’emploi est véritable,

 

 

(B) l’emploi n’est pas saisonnier ou à temps partiel,

 

(C) la rémunération offerte au travailleur qualifié est conforme au taux de rémunération en vigueur pour la profession et les conditions de l’emploi satisfont aux normes canadiennes généralement acceptées;

 

d) le travailleur qualifié est titulaire d’un permis de travail et, à la fois :

 

(i) les conditions visées aux sous‑alinéas a)(i) à (iv) et à l’alinéa b) ne sont pas remplies,

 

(ii) les conditions visées aux sous‑alinéas c)(i) et (ii) sont réunies.

 

DORS/2004-167, art. 30.

 

Capacité d’adaptation (10 points)

83. (1) Un maximum de 10 points d’appréciation sont attribués au travailleur qualifié au titre de la capacité d’adaptation pour toute combinaison des éléments ci-après, selon le nombre indiqué :

 

a) pour les diplômes de l’époux ou du conjoint de fait, 3, 4 ou 5 points conformément au paragraphe (2);

 

 

 

b) pour des études antérieures faites par le travailleur qualifié ou son époux ou conjoint de fait au Canada, 5 points;

 

 

c) pour du travail antérieur effectué par le travailleur qualifié ou son époux ou conjoint de fait au Canada, 5 points;

 

 

d) pour la présence au Canada de l’une ou l’autre des personnes visées au paragraphe (5), 5 points;

 

e) pour avoir obtenu des points pour un emploi réservé au Canada en vertu du paragraphe 82(2), 5 points.

 

Études de l’époux ou du conjoint de fait

(2) Pour l’application de l’alinéa (1)a), l’agent évalue les diplômes de l’époux ou du conjoint de fait qui accompagne le travailleur qualifié comme s’il s’agissait du travailleur qualifié et lui attribue des points selon la grille suivante :

 

 

 

 

a) dans le cas où l’époux ou le conjoint de fait obtiendrait 25 points, 5 points;

 

b) dans le cas où l’époux ou le conjoint de fait obtiendrait 20 ou 22 points, 4 points;

 

 

c) dans le cas où l’époux ou le conjoint de fait obtiendrait 12 ou 15 points, 3 points.

 

 

Études antérieures au Canada

(3) Pour l’application de l’alinéa (1)b), le travailleur qualifié obtient 5 points si, à la date de son dix-septième anniversaire ou par la suite, lui ou, dans le cas où il l’accompagne, son époux ou conjoint de fait a complété avec succès un programme au titre d’un permis d’études — que ce programme ait été couronné ou non par un diplôme — qui a nécessité au moins deux ans d’études à temps plein dans un établissement d’enseignement postsecondaire au Canada.

 

Travail antérieur au Canada

(4) Pour l’application de l’alinéa (1)c), le travailleur qualifié obtient 5 points si lui ou, dans le cas où il l’accompagne, son époux ou conjoint de fait a travaillé à temps plein au Canada pendant au moins un an au titre d’un permis de travail.

 

Parenté au Canada

(5) Pour l’application de l’alinéa (1)d), le travailleur qualifié obtient 5 points dans les cas suivants :

 

a) l’une des personnes ci-après qui est un citoyen canadien ou un résident permanent et qui vit au Canada lui est unie par les liens du sang ou de l’adoption ou par mariage ou union de fait ou, dans le cas où il l’accompagne, est ainsi unie à son époux ou conjoint de fait :

 

(i)                  l’un de leurs parents,

 

(ii) l’un des parents de leurs parents,

 

 

(iii) leur enfant,

 

(iv) un enfant de leur enfant,

 

(v) un enfant de l’un de leurs parents,

 

(vi) un enfant de l’un des parents de l’un de leurs parents, autre que l’un de leurs parents,

 

(vii) un enfant de l’enfant de l’un de leurs parents;

 

b) son époux ou conjoint de fait ne l’accompagne pas et est citoyen canadien ou un résident permanent qui vit au Canada.

Definition — arranged employment

82. (1) In this section, "arranged employment" means an offer of indeterminate employment in Canada.

 

Arranged employment (10 points)

(2) Ten points shall be awarded to a skilled worker for arranged employment in Canada in an occupation that is listed in Skill Type 0 Management Occupations or Skill Level A or B of the National Occupational Classification matrix if they are able to perform and are likely to accept and carry out the employment and

 

 

(a) the skilled worker is in Canada and holds a work permit and

 

 

 

(i) there has been a determination by an officer under section 203 that the performance of the employment by the skilled worker would be likely to result in a neutral or positive effect on the labour market in Canada,

 

(ii) the skilled worker is currently working in that employment,

 

(iii) the work permit is valid at the time an application is made by the skilled worker for a permanent resident visa as well as at the time the permanent resident visa, if any, is issued to the skilled worker, and

 

(iv) the employer has made an offer to employ the skilled worker on an indeterminate basis once the permanent resident visa is issued to the skilled worker;

 

 

(b) the skilled worker is in Canada and holds a work permit referred to in paragraph 204(a) or 205(a) or subparagraph 205(c)(ii) and the circumstances referred to in subparagraphs (a)(ii) to (iv) apply;

 

 

(c) the skilled worker does not intend to work in Canada before being issued a permanent resident visa and does not hold a work permit and

 

 

(i) the employer has made an offer to employ the skilled worker on an indeterminate basis once the permanent resident visa is issued to the skilled worker, and

 

(ii) an officer has approved that offer of employment based on an opinion provided to the officer by the Department of Human Resources Development at the request of the employer or an officer that

 

(A) the offer of employment is genuine,

 

(B) the employment is not part-time or seasonal employment, and

 

(C) the wages offered to the skilled worker are consistent with the prevailing wage rate for the occupation and the working conditions meet generally accepted Canadian standards; or

 

 

(d) the skilled worker holds a work permit and

 

(i) the circumstances referred to in subparagraphs (a)(i) to (iv) and paragraph (b) do not apply, and

 

(ii) the circumstances referred to in subparagraphs (c)(i) and (ii) apply.

 

SOR/2004-167, s. 30.

 

Adaptability (10 points)

83. (1) A maximum of 10 points for adaptability shall be awarded to a skilled worker on the basis of any combination of the following elements:

 

 

(a) for the educational credentials of the skilled worker's accompanying spouse or accompanying common-law partner, 3, 4 or 5 points determined in accordance with subsection (2);

 

(b) for any previous period of study in Canada by the skilled worker or the skilled worker's spouse or common-law partner, 5 points;

 

(c) for any previous period of work in Canada by the skilled worker or the skilled worker's spouse or common-law partner, 5 points;

 

(d) for being related to a person living in Canada who is described in subsection (5), 5 points; and

 

(e) for being awarded points for arranged employment in Canada under subsection 82(2), 5 points.

 

Educational credentials of spouse or common‑law partner

(2) For the purposes of paragraph (1)(a), an officer shall evaluate the educational credentials of a skilled worker's accompanying spouse or accompanying common-law partner as if the spouse or common-law partner were a skilled worker, and shall award points to the skilled worker as follows:

 

(a) for a spouse or common-law partner who would be awarded 25 points, 5 points;

 

(b) for a spouse or common-law partner who would be awarded 20 or 22 points, 4 points; and

 

(c) for a spouse or common-law partner who would be awarded 12 or 15 points, 3 points.

 

Previous study in Canada

(3) For the purposes of paragraph (1)(b), a skilled worker shall be awarded 5 points if the skilled worker or their accompanying spouse or accompanying common-law partner, by the age of 17 or older, completed a program of full-time study of at least two years' duration at a post-secondary institution in Canada under a study permit, whether or not they obtained an educational credential for completing that program.

 

 

Previous work in Canada

(4) For the purposes of paragraph (1)(c), a skilled worker shall be awarded 5 points if they or their accompanying spouse or accompanying common-law partner engaged in at least one year of full-time work in Canada under a work permit.

 

Family relationships in Canada

(5) For the purposes of paragraph (1)(d), a skilled worker shall be awarded 5 points if

 

 

(a) the skilled worker or the skilled worker's accompanying spouse or accompanying common-law partner is related by blood, marriage, common-law partnership or adoption to a person who is a Canadian citizen or permanent resident living in Canada and who is

 

(i)                  their father or mother,

 

(ii)                the father or mother of their father or mother,

 

(iii)               their child,

 

(iv) a child of their child,

 

(v) a child of their father or mother,

 

(vi) a child of the father or mother of their father or mother, other than their father or mother, or

 

(vii) a child of the child of their father or mother; or

 

(b) the skilled worker has a spouse or common-law partner who is not accompanying the skilled worker and is a Canadian citizen or permanent resident living in Canada.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[11]           Le demandeur soulève trois questions dans sa demande :

1.         L’agent a-t-il commis une erreur de droit en omettant de solliciter la confirmation d’un deuxième agent lorsqu’il a apprécié le cas du demandeur sur la base de la substitution de l’appréciation?

 

2.         L’agent a-t-il commis une erreur de droit en appréciant la pertinence de l’offre d’emploi de l’épouse qui accompagne en fonction des facteurs de l’emploi réservé et de la faculté d’adaptation de la grille applicable à la catégorie des travailleurs qualifiés?

 

3.         L’agent a-t-il commis une erreur dans son analyse de la substitution de l’appréciation en omettant de tenir compte de faits pertinents et de l’ensemble de la situation du demandeur?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[12]           La norme de contrôle de la décision discrétionnaire d’un agent d’immigration concernant un visa de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés est la décision raisonnable : Wang c. MCI, 2008 CF 798, 168 A.C.W.S. (3d) 381, le juge Beaudry, aux paragraphes 10 à 12.

 

[13]           Pour qu’une décision soit raisonnable, la Cour examinera « la justification de la décision, […] la transparence et […] l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu[e] l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick [2008] A.C.S. no 9, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

 

[14]           Dans la mesure où le demandeur a soulevé des questions de droit, elles seront examinées selon la norme de la décision correcte.

 

ANALYSE

Question no 1 - L’agent a-t-il commis une erreur de droit en omettant de solliciter la confirmation d’un deuxième agent lorsqu’il a apprécié le cas du demandeur sur la base de la substitution de l’appréciation?

 

[15]           Le demandeur prétend que l’agent a commis une erreur de droit en omettant de solliciter la confirmation d’un deuxième agent dans le cas de la substitution de l’appréciation, tel que le prévoit le paragraphe 76(4) du Règlement. Selon le demandeur, l’agent doit solliciter une confirmation avant de prendre une décision et la confirmation doit être sollicitée que la décision de l’agent lui‑même soit favorable ou non.

 

[16]           Le défendeur fait valoir que le droit est déjà établi à l’égard de cette question. Dans la décision Hou c. MCI, 2005 CF 1586, 144 A.C.W.S. (3d) 329, le juge O’Keefe a statué comme suit, au paragraphe 24 :

La demanderesse soutient que l'agente a commis une erreur en omettant d'exercer la compétence liée au mandat dont elle est investie, en rendant sa décision sans obtenir de la confirmation d'un deuxième agent. Le paragraphe 6(3) du Règlement prévoit qu'un agent peut substituer son appréciation aux critères énoncés à l'alinéa 76(1)a) « si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié - que celui-ci obtienne ou non le minimum de points visé au paragraphe (2) - ne reflète pas l'aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada ». C'est seulement dans les cas où l'agent choisit cette solution qu'un deuxième agent doit confirmer sa décision, tel que prévu au paragraphe 76(4) du Règlement. En l'espèce, l'agente a bien précisé ceci dans ses motifs : « Je suis d'avis que le nombre total de points est un indicateur suffisant de votre capacité à réussir votre établissement économique au Canada ». L'agente n'a commis aucune erreur sur ce point.

 

[17]           Le demandeur soutient que la décision Hou peut se distinguer d’avec la présente affaire pour un certain nombre de raisons.

 

[18]           En toute déférence, même s’il y a des différences entre la décision Hou et la présente affaire, le paragraphe cité ci-dessus concernant l’article 76(4) du Règlement porte précisément sur cette question. Le Règlement prévoit de façon assez claire qu’une confirmation doit être sollicitée seulement si l’agent décide de substituer sa propre appréciation aux critères de la grille. Par définition, cela signifie qu’une confirmation est nécessaire uniquement lorsque la décision est favorable, parce que l’agent substituerait seulement sa propre appréciation lorsqu’il estime que le nombre de points accordé au demandeur ne reflète pas suffisamment ses capacités. 

 

Question no 2 - L’agent a-t-il commis une erreur de droit en appréciant la pertinence de l’offre d’emploi de l’épouse qui accompagne en fonction des facteurs de l’emploi réservé et de la faculté d’adaptation de la grille applicable à la catégorie des travailleurs qualifiés?

 

[19]           L’épouse du demandeur a reçu une offre d’emploi à titre de caissière dans le même établissement où le demandeur a reçu son offre d’emploi. Dans l’affidavit de l’agent des visas, l’agent déclare ce qui suit au paragraphe 5 :

[traduction]

J’ai accordé au demandeur le maximum de points à la fois pour le facteur de la capacité d’adaptation et celui de l’emploi réservé. Les offres d’emploi du demandeur et de son épouse visent directement les catégories pour lesquelles le demandeur a obtenu le nombre maximum de points.

 

[20]           La preuve par affidavit de l’agent selon laquelle il a examiné l’emploi de l’épouse accompagnant son mari selon les facteurs de la capacité d’adaptation et de l’emploi réservé est nettement erronée. Le demandeur affirme que l’agent a connu l’offre d’emploi de l’épouse l’accompagnant après qu’il a effectué l’appréciation du demandeur au moyen du système de pointage et qu’il a invité celui-ci à présenter une demande de substitution de l’appréciation. Par conséquent, l’agent ne pouvait pas l’avoir prise en compte en attribuant le maximum de points pour ces facteurs et la déclaration de l’agent à cet égard est clairement erronée.

 

[21]           Toutefois, la Cour conclut que cette déclaration erronée dans l’affidavit ne constitue pas une erreur importante. L’agent des visas a de toute manière attribué au demandeur le nombre maximum de points pour les facteurs de la capacité d’adaptation et de l’emploi réservé. L’agent a de toute évidence estimé que l’offre d’emploi de l’épouse ne constituait pas un fondement suffisant pour une substitution de l’appréciation.

 

Question no 3 - L’agent a-t-il commis une erreur dans son analyse de la substitution de l’appréciation en omettant de tenir compte de faits pertinents et de l’ensemble de la situation du demandeur?

 

[22]           Le demandeur fait valoir que l’agent des visas a omis de suffisamment prendre en compte un certain nombre de facteurs en omettant de substituer son appréciation aux points attribués. Parmi ces facteurs, le demandeur invoque les suivants :

1.    les offres d’emplois obtenues par le demandeur et son épouse;

 

2.    la réinstallation et le succès de l’intégration du demandeur et de son épouse à Dubaï;

 

3.    le séjour du demandeur au Canada de juillet 2006 à décembre 2007, période au cours de laquelle il a exploré des possibilités pour sa famille et a obtenu des offres d’emploi pour lui-même et son épouse;

 

4.    le soutien de la sœur du demandeur, une résidente permanente du Canada;

 

5.    les 14 années d’études à temps plein qu’a effectuées le demandeur, y compris les cinq années en vue de son diplôme. Le demandeur affirme qu’il a été privé de 15 points en raison d’une question de forme qui l’a empêché d’obtenir son diplôme.

 

[23]           Le défendeur soutient qu’il n’existe pas d’obligation de motiver par écrit le refus d’une demande de substitution de l’appréciation. Dans la décision Poblano c. Canada (MCI), 2005 CF 1167, 142 A.C.W.S. (3d) 146, le juge von Finckenstein a statué comme suit, au paragraphe 7 :

7          Quant aux motifs écrits, s'ils sont toujours souhaitables, ils ne sont pas obligatoires. Voir la décision Behnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 798, au paragraphe 6 : l'agent est uniquement tenu d'informer le demandeur qu'il a examiné la demande de substitution de l'appréciation. C'est ce qui a été fait en l'espèce.

 

Voir aussi : Singh c. Canada (MCI), 2008 CF 58, 164 A.C.W.S. (3d) 681, la juge Mactavish, au paragraphe 33.

 

[24]           Ainsi, le défendeur prétend que les motifs donnés dans les notes du STIDI sont clairs, raisonnables et suffisants, compte tenu de l’absence d’obligation de motiver. Dans les notes du STIDI, l’agent des visas a mentionné l’offre d’emploi du demandeur, sa sœur au Canada et son séjour au Canada. je suis d’avis que ces motifs sont suffisants pour démontrer le raisonnement de la décision discrétionnaire de l’agent des visas.

 

[25]           En ce qui a trait aux études du demandeur, l’agent des visas déclare ce qui suit dans son affidavit :

[traduction]

Le demandeur a obtenu cinq points pour le facteur concernant les études, ce qui reflète le fait qu’il a terminé son cours secondaire. Il n’a pas obtenu son diplôme à la Philippine Merchant Marine School. Il est significatif, au titre du facteur des études, que le demandeur n’a pas terminé un programme menant à un diplôme. Pour recevoir des points concernant les études du baccalauréat, le demandeur doit avoir terminé les 14 années d’études exigées et avoir obtenu son diplôme. Je ne considère pas que le fait que le demandeur n’a pas obtenu son diplôme soit une question de forme.

 

[26]           Le demandeur n’a pas reçu son diplôme parce qu’il n’a pas terminé la formation intitulée Reserves Officers Training Corps à la Philippine Merchant Marine School. Cela était une condition pour qu’il reçoive son diplôme et il était loisible à l’agent des visas de conclure qu’il ne s’agissait pas d’une situation à l’égard de laquelle une substitution de l’appréciation était appropriée en raison de ses études postsecondaires incomplètes.

 

[27]           Le défendeur fait valoir que la substitution de l’appréciation prévue au paragraphe 76(3) du Règlement est un pouvoir discrétionnaire exceptionnel qui exige que l’agent soit convaincu que le système de points ne reflète pas adéquatement l’aptitude du demandeur à réussir son établissement au Canada. Le défendeur mentionne la décision Esguerra c. Canada (MCI), 2008 FC 413, 166 A.C.W.S. (3d) 358, dans laquelle le juge de Montigny a statué comme suit, aux paragraphes 16 à 19 :

16     Le pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 76(3) du Règlement ne s’applique qu’exceptionnellement lorsque le nombre de points accordé ne reflète pas l’aptitude du travailleur qualifié à réussir son établissement économique. Le fait que le demandeur ou même la Cour aurait évalué les facteurs différemment n’est pas un motif justifiant un contrôle judicaire.

 

[…]

 

18     Il n’était pas déraisonnable pour l’agent des visas de conclure que le nombre de points obtenu par le demandeur reflétait son aptitude à réussir son établissement économique au Canada. […] ses titres de compétence, son établissement financier et son expérience professionnelle ont tous été pris en considération. Je me permets d’ajouter que l’appréciation de ces critères semble avoir été passablement favorable, particulièrement le critère de l’expérience professionnelle. Même si le demandeur a de la famille au Canada, je ne pense pas que cela soit suffisant pour modifier la note qu’il a obtenue dans le cadre du système de points d’appréciation.

 

19     En résumé, je crois que l’agent des visas pouvait raisonnablement conclure que la présente affaire ne constituait pas une situation exceptionnelle nécessitant l’appréciation de substitution. Il n’y avait simplement pas suffisamment de preuves démontrant que le nombre de points obtenu n’était pas un reflet fidèle de l’aptitude du demandeur à réussir son établissement économique. […]

 

[28]           De même, en l’espèce, l’agent a clairement énoncé qu’il estimait que les points attribués reflétaient la capacité d’établissement du demandeur. L’agent a indiqué qu’il avait lu les observations du demandeur en vue d’une substitution de l’appréciation, mais qu’il avait décidé qu’elle n’était pas justifiée en l’espèce. L’agent n’était pas tenu de traiter de chacun des facteurs individuellement.

 

[29]           Je reconnais que le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 76(3) du Règlement « ne s’applique qu’exceptionnellement ». L’agent des visas doit l’appliquer chaque fois qu’un travailleur qualifié a obtenu un nombre de points qui se situe autour des 67 points nécessaires pour être déclaré immigrant au titre de travailleur qualifié et que l’agent des visas est d’avis que le nombre de points ne reflète pas suffisamment la capacité du travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada. Le Canada a besoin de travailleurs qualifiés et les agents des visas sur le terrain sont le mieux en mesure d’identifier ces travailleurs qualifiés, particulièrement dans des métiers où il y a une pénurie au Canada.

 

[30]           Nonobstant l’argument valable du demandeur, l’agent des visas pouvait raisonnablement prendre la décision qu’il a prise, même s’il n’a pas tenu compte des facteurs suivants, du moins selon les notes du STIDI :

(i)                  l’épouse du demandeur avait une offre d’emploi à titre de caissière au Dave Young Food Market;

(ii)                le demandeur et son épouse ont déjà démontré qu’ils pouvaient se réinstaller et s’intégrer avec succès dans un pays différent, à savoir les Émirats arabes unis;

(iii)               le demandeur avait quatre ou cinq années d’études postsecondaires avant de quitter le programme menant à un diplôme.

 

L’agent des visas avait déjà pris en compte que la sœur du demandeur était une résidante permanente du Canada, que le demandeur avait une offre d’emploi et que le demandeur avait passé du temps au Canada à titre de visiteur.

 

[31]      L’avocat du demandeur m’a renvoyé à la décision Choi c. Canada (MCI), [2008] A.C.F. no 734, dans laquelle j’ai conclu comme suit, au paragraphe 18 :

[…] La Cour est d’avis qu’il était déraisonnable de la part de l’agent des visas de ne pas considérer cette lettre comme un indicateur valable de l’aptitude de la demanderesse à assumer cet emploi à la satisfaction du directeur de l’école. Il s’agit d’un facteur dont l’agent des visas n’a pas tenu compte dans sa décision de substituer ou non aux critères prévus son appréciation de l’aptitude de la demanderesse à réussir son établissement économique au Canada. […]

 

 

En l’espèce, il n’existe pas de tel facteur clairement déraisonnable dont l’agent des visas n’a pas tenu compte et qui, si l’agent des visas l’avait pris en compte, montrerait de manière convaincante que le demandeur avait l’aptitude à réussir son établissement économique au Canada. Je suis convaincu qu’il était raisonnablement loisible à l’agent des visas de tirer la conclusion qu’il a tirée, à savoir que les points attribués reflètent la « capacité d’établissement » du demandeur.

 

[32]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[33]           Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de la certification. La Cour est d’avis que la présente demande ne soulève aucune question grave de portée générale qui devrait être certifiée en vue d’un appel.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

 

Dossier :                                        IMM-3889-08

 

Intitulé :                                       REY ERWIN REQUIDAN c. MCI

 

 

 

 

Lieu de l’audience :                 Toronto (Ontario)

 

DATE de l’audience :               LE 17 FÉVRIER 2009

 

Motifs du jugement

Et jugement :                              le juge KELEN

 

Date des motifs
ET DU JUGEMENT 
:                       le 4 mars 2009

 

 

 

Comparutions :

 

Stephen W. Green

 

Pour le demandeur

Alison Engel-Yan

 

Pour le défendeuR

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Stephen W. Green

Green and Spiegel, s.r.l.

Pour le demandeur

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeuR

 

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