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Date : 20090304

Dossier : IMM-2072-08

Référence : 2009 CF 229

Ottawa (Ontario), le 4 mars 2009

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

EULER PERNAS HERNANDEZ

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision par laquelle la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) a rejeté la demande d’asile du demandeur. La seule question de fond dans le présent contrôle porte sur l’effet juridique de l’omission de la CISR de déterminer si le demandeur a versé ou non un pot-de-vin pour quitter Cuba.

 

II.         FAITS

[2]               Le demandeur, un ressortissant cubain, affirme qu’il craignait d’être persécuté parce que les pourboires qu’il recevait dans le cadre de son travail dans un hôtel lui avaient permis de s’enrichir.

 

[3]               En février 2006, l’hôtel l’a congédié parce qu’il utilisait un ordinateur de façon inappropriée en y faisant des recherches d’emploi.

 

[4]               Le demandeur, alors qu’il remplissait les documents nécessaires pour commencer un nouvel emploi en Espagne, a été invité en Allemagne pour rendre visite à un ami. Il soutient qu’il a dû verser un pot-de-vin à un fonctionnaire pour obtenir son habilitation de sécurité qui, avec un visa de sortie, était nécessaire pour quitter Cuba.

 

[5]               Pendant qu’il était en Allemagne, le demandeur a obtenu un visa canadien de visiteur. Il affirme qu’il a décidé de demander l’asile lors de son vol de retour vers Cuba, dans le cadre duquel il faisait une halte au Canada.

 

[6]               La CISR a conclu que le demandeur avait voyagé avec un visa de sortie valide et qu’il avait alors prolongé son séjour après l’expiration de son visa en restant au Canada. La CISR s’est fondée sur l’arrêt Valentin c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] 3 C.F. 390 (C.A.F.), dans lequel la Cour d’appel a conclu que les personnes qui prolongent sans autorisation un visa de sortie, commettant ainsi une infraction dans leur pays d’origine, ne peuvent déposer une demande d’asile du fait qu’elles se sont ainsi créé une crainte de persécution.

 

[7]               La CISR a rejeté les autres aspects de la demande d’asile, qui étaient fondés sur des allégations d’activités politiques, notant que le demandeur avait été en mesure de trouver un emploi malgré ses activités politiques prétendues.

 

III.       ANALYSE

[8]               Le présent contrôle judiciaire vise une décision essentiellement factuelle. Cependant, on allègue que la CISR n’a pas tenu compte d’un fait pertinent ou qu’elle l’a fait de façon inadéquate. Depuis l’arrêt Dunsmuir (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9), la première erreur alléguée est une erreur de droit assujettie à la norme de la décision correcte. L’erreur alléguée subsidiairement concerne une question mixte de droit et de fait dans un contexte qui indique une vaste gamme d’issues possibles acceptables. Pour les besoins du présent contrôle, l’application de l’un ou l’autre des critères mène au même résultat.

 

[9]               En l’espèce, la CISR a mal appliqué l’arrêt Valentin, précité. Cet arrêt interdit de se créer une cause pour revendiquer le statut de réfugié. L’arrêt part de la prémisse selon laquelle le demandeur détient un visa de sortie valide. Il interdit ensuite au demandeur de prolonger sans autorisation son séjour après l’expiration de son visa et d’invoquer ensuite ce séjour volontairement prolongé comme motif de persécution.

 

[10]           Dans la présente affaire, la CISR n’a pas tenu compte de la validité du visa de sortie et des circonstances dans lesquelles le demandeur l’a obtenu. On ne peut obtenir un visa de sortie de Cuba sans une habilitation de sécurité. Le demandeur soutient qu’il a dû verser un pot-de-vin à un fonctionnaire pour obtenir l’habilitation de sécurité. Si cette affirmation est véridique, cet acte remet en question la validité du visa de sortie.

 

[11]           Si le demandeur a dû verser un pot-de-vin à un fonctionnaire pour obtenir son habilitation de sécurité, on peut se demander pourquoi il a dû le faire.

 

[12]           La CISR a affirmé qu’il « n’[était] pas question en l’espèce d’une sortie clandestine de Cuba ». Cette affirmation doit être juxtaposée au récit figurant dans le FRP du demandeur dans lequel il soulève cette question. Il s’agit d’une question touchant au cœur même de la demande d’asile.

 

[13]           La CISR n’a donc pas tenu compte d’éléments de preuve cruciaux touchant au cœur même de la demande d’asile ou l’a fait de façon inadéquate, et elle a donc tiré une conclusion déraisonnable sur ce point important.

 

IV.       CONCLUSION

[14]           La présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision de la CISR sera annulée et la demande d’asile sera renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il rende une nouvelle décision. Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, que la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié est annulée et que la demande d’asile doit être renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2072-08

 

INTITULÉ :                                       EULER PERNAS HERNANDEZ

 

                                                            c.

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 4 mars 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pamila Bhardwaj

 

POUR LE DEMANDEUR

Nur Muhammed-Ally

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pamila Bhardwaj

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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