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Date : 20090224

Dossier : IMM-3505-08

Référence : 2009 CF 198

Ottawa (Ontario), le 24 février 2009

En présence de monsieur le juge Barnes

 

 

ENTRE :

ROXIE MULASSA SAMUEL

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Roxie Mulassa Samuel en vue de faire annuler la décision d’un agent d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Mme Samuel a affirmé avoir été victime de la violence des gangs à Saint-Vincent et craindre que sa vie soit menacée si elle y retournait. L’agent n’était pas de cet avis et la présente demande fait suite à sa décision. 

 

I.                   Faits

[2]               Mme Samuel est née à Saint-Vincent le 18 avril 1990. À l’âge de 14 ans, elle a joint un gang, le « Dutty Cup Klick ». En 2006, un membre d’un gang rival, qu’elle connaissait seulement sous le nom de « Killer », a approchée Mme Samuel. Apparemment, Mme Samuel intéressait Killer, mais elle a repoussé ses avances. Selon Mme Samuel, Killer l’a agressée à cause de son refus. Cet événement a pour sa part créé quelques conflits entre les gangs et les membres du gang de Mme Samuel ont battu Killer. Dans son récit à l’agent d’ERAR, Mme Samuel a reconnu en toute franchise que son gang était bien plus important que celui de Killer et que, au moment des événements, le gang de Killer était à court de munitions. 

 

[3]               Mme Samuel est entrée au Canada en tant que résidente temporaire le 30 mai 2006. Ce statut a expiré le 30 novembre 2006 et n’a pas été renouvelé. À un certain moment, les autorités canadiennes de l’immigration ont détenu Mme Samuel. Au départ, elle avait renoncé à son droit d’ERAR, mais après avoir parlé avec sa mère au téléphone au sujet des récentes activités de Killer, elle a présenté une demande d’ERAR. 

 

[4]               Selon Mme Samuel, sa mère lui avait appris que Killer avait été libéré de prison récemment et qu’il menaçait de se venger de plusieurs membres du Dutty Cup Klick, dont Mme Samuel. L’approvisionnement en munitions ne semblait plus être un problème puisque le frère de Killer avait, selon les allégations, tiré sur le frère de Mme Samuel à six reprises et blessé trois ou quatre autres membres du gang de Mme Samuel. Peu de temps après que le frère de Mme Samuel eut reçu son congé de l’hôpital, Killer l’avait approché et lui avait dit que Mme Samuel allait aussi [traduction] « y passer » parce qu’elle était une [traduction] « commère ».

 

[5]               Mme Samuel a soutenu que la police n’a rien fait à propos des coups de feu tirés sur son frère parce qu’aucun témoin n’était présent. Cela, affirme-t-elle, était compatible avec l’attitude des autorités à Saint-Vincent qui ferment essentiellement les yeux sur les activités criminelles violentes.

 

La décision de l’agent d’ERAR

[6]               L’agent d’ERAR semble avoir accepté tel quel le récit de Mme Samuel, du moins jusqu’à un certain point. La demande a finalement été rejetée pour des motifs liés à la protection de l’État en particulier parce que la preuve était insuffisante pour réfuter la présomption de la protection de l’État. L’agent a conclu que Mme Samuel était exposée à un risque criminel précis qui pouvait être atténué adéquatement par les autorités à Saint-Vincent.

 

II.        Question en litige

[7]               L’agent a-t-il commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve pertinente sur la situation dans le pays en ce qui concerne l’efficacité de la protection policière à Saint-Vincent?

 

III.       Analyse

[8]               Mme Samuel soutient que l’agent n’a pas tenu compte de la preuve sur la situation générale dans le pays qui signale un grand nombre d’incidents de crimes violents à Saint-Vincent et l’incapacité des autorités d’y réagir efficacement. Elle affirme aussi que son témoignage sous forme de ouï‑dire selon lequel des femmes sont persécutées par leur petit ami ou par leur mari n’a pas été pris en considération. Selon la preuve dont je dispose, ces arguments ne reposent sur aucun fondement.  

 

[9]               La preuve par ouï-dire relatant des anecdotes au sujet de victimes de violence familiale, dont le profil ne correspondait pas à celui de Mme Samuel, est peu, sinon pas, pertinente en ce qui concerne Mme Samuel. Il en va de même pour les rapports sur la situation dans le pays traitant généralement des violations des droits de la personne ainsi que de la violence des gangs et de la violence familiale dans la région des Caraïbes et, dans une mesure limitée, à Saint-Vincent. Cette preuve avait si peu de valeur probante qu’il n’était pas nécessaire pour l’agent d’y faire référence dans sa décision. Il n’était pas déraisonnable de la part de l’agent d’accorder une importance considérable au fait que le persécuteur de Mme Samuel avait été emprisonné et de tenir compte de la preuve selon laquelle la police enquêtait sur les coups de feu tirés sur le frère de Mme Samuel. Je suis d’accord avec l’avocat du défendeur qu’il s’agissait de la meilleure preuve et de la preuve la plus convaincante d’une protection étatique puisqu’elle établissait une présomption qu’une protection étatique était offerte à la demanderesse à Saint-Vincent, présomption que la demanderesse n’a pas réussi à réfuter. Il ressort implicitement de la décision que l’agent a préféré cette preuve à la preuve très peu plausible selon laquelle les autorités ne voulaient pas enquêter sur les coups de feu liés à la violence des gangs dont elle avait fait état. Il n’était pas déraisonnable non plus pour l’agent de conclure que Mme Samuel n’avait pas épuisé toutes ses voies de recours à Saint-Vincent. En fait, la preuve indiquait qu’elle n’avait rien fait avant de quitter Saint‑Vincent pour le Canada, préférant apparemment se débrouiller toute seule. 

 

[10]           Bien que la participation volontaire de Mme Samuel dans un gang de criminels ait sans conteste engendré un certain degré de risque personnel, Mme Samuel peut atténuer ce risque en refusant de renouer avec le gang et en demandant la protection des autorités à son retour à Saint‑Vincent.  

 

[11]           En conclusion, il s’agit d’une décision qui satisfait au critère de la décision raisonnable et qui appartient aux issues possibles acceptables prévues par la Cour suprême dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S.190.

 

[12]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question à certifier, et la présente affaire ne soulève aucune question de portée générale.

JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. 

 

 

 

«  R. L. Barnes »   

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3505-08

 

INTITULÉ :                                       ROXIE MULASSA SAMUEL

                                                            c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Barnes

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 24 février 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Aviva Basman

416-977-8111

 

POUR LA DEMANDERESSE

David Knapp

416-954-2712

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Aviva Basman

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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