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Date : 20090219

Dossier : T-841-08

Référence : 2009 CF 184

Vancouver (Colombie-Britannique), le 19 février 2009

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN

 

 

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

 

DOUGLAS STEPHEN CUNLIFFE

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

I. Introduction

[1]               Le ministre du Revenu national (le demandeur) sollicite, en vertu des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), une ordonnance portant que M. Douglas Stephen Cunliffe (le défendeur) est coupable d’outrage au tribunal.

 

II. Contexte

[2]               Le demandeur est le ministre chargé de l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi). Le défendeur réside à Victoria (Colombie-Britannique).

 

[3]               À la suite d’une requête, le demandeur a obtenu, le 23 juin 2008, une ordonnance enjoignant au défendeur de se conformer à une demande péremptoire concernant la communication de certains renseignements et de certains documents ayant trait à son actif et à son passif (l’ordonnance de production). Une copie certifiée de l’ordonnance de production a été versée au dossier sous la cote A-1.

 

[4]               À la suite d’une autre requête, le demandeur a obtenu, le 27 octobre 2008, une ordonnance enjoignant au défendeur de comparaître le 8 décembre 2008 pour expliquer les raisons pour lesquelles il ne devait pas être reconnu coupable d’outrage au tribunal (l’ordonnance de justifier). Une copie de l’ordonnance de justifier a été versée au dossier sous la cote A-2.

 

[5]               La présente affaire a été instruite le 8 décembre 2008. Sur l’ordre de la Cour, l’huissier-audiencier a appelé le nom du défendeur tant dans la zone adjacente à la salle d’audience que dans le grand hall de l’édifice. Il n’a obtenu aucune réponse. Le défendeur ne s’est pas identifié à la salle d’audience. Le défendeur a fait défaut de comparaître à l’audience du 8 décembre 2008.

 

[6]               Deux témoins ont comparu au nom du demandeur, Mme Melanie Kim Walch et M. Geoffrey Brian Harris. Mme Walch est agente de recouvrement à l’Agence du revenu du Canada, au bureau des services fiscaux de l’île de Vancouver à Victoria, en Colombie‑Britannique. Elle a été affectée au dossier de recouvrement de l’impôt du défendeur en avril 2008 et devait prendre des mesures en vue de recouvrer la dette fiscale en souffrance du défendeur. Elle a expliqué dans son témoignage que la dette fiscale se rapportait aux déclarations de revenus par lesquelles le défendeur avait procédé à son autocotisation pour les années 1997 et 1998.

 

[7]               Mme Walch a identifié un document daté du 10 octobre 2007 intitulé « Demande péremptoire concernant la communication de renseignements et la production de documents » (la demande péremptoire). Ce document a été versé au dossier sous la cote A- 3. Mme Walch a expliqué que, conformément au calendrier tenu par le Ministère, la demande péremptoire avait été signifiée à personne au défendeur. Celui‑ci avait trente (30) jours pour fournir les renseignements réclamés, c’est-à-dire des renseignements sur l’endroit où se trouvaient certains certificats d’action établis à son nom par la Banque de Montréal, ainsi qu’un compte‑rendu détaillé de son actif et de son passif.

 

[8]               Mme Walch a déclaré que le défendeur n’avait pas fourni les renseignements demandés, mais qu’il avait répondu par lettre datée du 12 juin 2008. Le défendeur affirmait qu’il n’avait aucun revenu, aucun élément d’actif et [traduction] « comme seules dettes des dettes familiales ». Suivant Mme Walch, cette lettre a été considérée comme ne constituant pas une réponse satisfaisante à la demande péremptoire. Une copie de la lettre a été versée au dossier sous la cote A-4.

 

[9]               Après réception de la lettre du 12 juin 2008, l’ARC a saisi la Cour d’une requête visant à obtenir une ordonnance de production, c’est-à-dire une ordonnance enjoignant au défendeur de se conformer à la demande péremptoire. L’ordonnance de production a été rendue le 23 juin 2008. Mme Walch a expliqué qu’elle avait signifié l’ordonnance de production à personne au défendeur le 9 juillet 2008 et qu’elle était convaincue que le défendeur en avait reçu signification puisqu’il s’était identifié.

 

[10]           Une fois de plus, le défendeur s’est vu accorder trente (30) jours pour produire les renseignements et les documents réclamés. Mme Walch a expliqué qu’au 8 décembre 2008, l’ARC n’avait reçu aucun des renseignements et documents réclamés. Le défendeur a plutôt répondu en envoyant une lettre, en date du 18 juillet 2008, au ministère de la Justice du gouvernement du Canada. Cette lettre a été transmise à l’ARC. On a encore une fois considéré que cette lettre, qui a été versée au dossier sous la cote A-5, ne constituait pas une réponse satisfaisante à la demande péremptoire, puisqu’elle ne fournissait aucun détail précis au sujet de l’actif et du passif du défendeur.

 

[11]           Le défendeur a envoyé une troisième lettre au ministère de la Justice le 23 octobre 2008. Le ministère de la Justice en a transmis une copie à Mme Walch. Là encore, l’ARC a considéré que cette lettre ne constituait pas une réponse acceptable à l’ordonnance de production. Cette lettre a été versée au dossier sous la cote pièce A-6.

 

[12]           Mme Walch a ensuite abordé la question de l’ordonnance de justifier. Elle affirme qu’elle a signifié cette ordonnance à personne au défendeur le 7 novembre 2008.

 

[13]           Mme Walch a ensuite témoigné en ce qui concerne les recherches qu’elle avait effectuées au sujet des sociétés. Elle a produit un document daté du 4 novembre 2008. Elle a expliqué qu’il s’agissait du résultat d’une recherche sur les sociétés de la Colombie-Britannique qu’elle avait entreprise à l’égard d’Elephant Bay Holdings Inc. Ce document a été versé au dossier sous la cote A-7. La recherche indiquait qu’Elephant Bay Holdings Inc. était une société exploitée activement et que le défendeur était un de ses administrateurs.

 

[14]           Mme Walch a également produit un extrait du registre central des valeurs mobilières. Ce document indique que le défendeur détient une participation dans Elephant Bay Holdings Inc. Mme Walch a obtenu ce document en réponse à une demande péremptoire concernant la communication de renseignements et la production de documents qui avait été envoyée à Elephant Bay Holdings Inc. L’extrait du registre central des valeurs mobilières a été versé au dossier sous la cote A-8.

 

[15]           Mme Walch a ensuite produit une copie d’un imprimé de recherche de titres fonciers daté du 8 novembre 2008. Ce document indique qu’Elephant Bay Holdings Inc. possède un immeuble dans le district de Sayward sur l’île de Vancouver. Ce document a été versé au dossier sous la cote A-9.

 

[16]           Mme Walch a ensuite produit une recherche effectuée en Colombie-Britannique au sujet de l’évaluation foncière d’Elephant Bay Holdings Inc. Ce document indique que le bien dont la société est propriétaire est situé sur l’île Maurelle et a une superficie de 138 acres. Le terrain avait une valeur approximative de 600 000 $ en 2007. Ce document a été versé au dossier sous la cote A-10.

 

[17]           Mme Walch a ensuite témoigné au sujet des recherches bancaires qu’elle avait effectuées à Victoria chez VanCity. Elle a obtenu un relevé bancaire qui indique que le défendeur était un signataire autorisé du compte bancaire de Stratford Corporation. Elle a expliqué qu’elle avait conclu que Stratford Corporation n’avait pas été constituée en personne morale et que l’ARC ne lui avait jamais attribué de numéro d’entreprise. Elle a appris que le défendeur était un signataire autorisé et qu’il y avait trois comptes chez VanCity.

 

[18]           À ce propos, Mme Walch a produit un document qui est censé démontrer que le défendeur était signataire autorisé du compte que Stratford Corporation avait chez VanCity. Elle a également produit un document qui démontrerait que Stratford Corporation a trois comptes bancaires chez VanCity. L’avocate du demandeur a demandé à la Cour d’admettre, conformément au paragraphe 37(6.1) de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑5, ces documents en preuve, malgré le fait qu’ils ne satisfont pas aux conditions d’admissibilité des registres bancaires étant donné qu’ils ne sont pas certifiés.

 

[19]           Mme Walch a expliqué qu’elle s’était rendue chez VanCity le 6 novembre et qu’elle avait réclamé des renseignements. La décision sur l’admissibilité des relevés bancaires a été reportée à plus tard.

 

[20]           Mme Walch a ensuite produit le résultat d’une recherche sur les sociétés de la Colombie‑Britannique qu’elle avait effectuées au sujet de C.T. Properties Limited, qui indique que C.T. Properties Limited est toujours exploitée activement et que le défendeur en est un dirigeant et un administrateur. Ce document a été versé au dossier sous la cote A-11.

 

[21]           Mme Walch a produit deux autres résultats de recherche sur des sociétés : la première concerne C.T. Construction Limited et la seconde, Specialty Trading Inc. Dans les deux cas, le défendeur était désigné comme étant un dirigeant et un administrateur de ces sociétés. Le résultat de la recherche relative à C.T. Construction Limited a été versé au dossier sous la cote A-12 et celui concernant Specialty Trading Inc., sous la cote A-13.

 

[22]           Mme Walch a expliqué qu’elle avait effectué ces recherches au sujet des sociétés pour déterminer si le défendeur exploitait des entreprises et en tirait un revenu.

 

[23]           Mme Walch a produit un document daté du 16 décembre 2004. Il s’agit d’une déclaration de la Banque de Montréal indiquant que le défendeur était le propriétaire inscrit d’actions de la Banque de Montréal. Elle a déclaré qu’elle croyait que le défendeur était toujours le propriétaire inscrit de ces actions étant donné que l’ARC reçoit trimestriellement des dividendes de la Banque de Montréal. La déclaration d’actions a été versée au dossier sous la cote A-14.

 

[24]           Mme Walch a expliqué que le défendeur n’avait pas fourni à l’ARC les renseignements réclamés au sujet de son actif et de son passif. L’ARC a recueilli les renseignements grâce aux diverses recherches qu’elle a entreprises.

 

[25]           Mme Walch a ensuite dit que les documents déposés sous les cotes A-7 à A-14 avaient été signifiés à personne au défendeur le 7 novembre 2008.

 

[26]           Enfin, on a montré à Mme Walch une lettre datée du 3 décembre 2008, qu’elle a reconnue comme une lettre reçue du défendeur. La lettre a été envoyée au ministère de la Justice, qui en a transmis une copie au témoin par télécopieur. Voici le texte du troisième paragraphe de cette lettre :

[traduction] En mon âme et conscience, je ne puis me plier à cette façon de faire dont l’issue est connue à l’avance. Veuillez vous reporter à mes trois lettres précédentes et aux pièces qui y sont jointes. Je ne vous ai écrit relativement à la présente affaire parce que vous seul, en votre qualité de sous‑ministre, avez le pouvoir de réorienter l’affaire pour éviter une telle parodie de justice et éviter que l’administration de la justice ne soit discréditée. Or, vous avez choisi de ne pas répondre.

 

[27]           Mme Walch a déclaré que le [traduction] « petit compte de résultat » mentionné par le défendeur est le compte bancaire de Stratford Corporation chez VanCity. Elle a déclaré que ce qu’elle sait à ce sujet résulte des mesures qu’elle a prises lorsqu’elle a envoyé une mise en demeure de payer à cette succursale le 6 novembre. La lettre du 3 décembre 2008 du défendeur a été versée au dossier sous la cote A-15.

 

[28]           M. Geoffrey Brian Harris est le second témoin qui a été appelé à la barre pour le compte du demandeur. Il travaille comme personne ressource et agent des cas de perception complexes à l’ARC à Victoria. On lui a demandé de signifier certains documents au défendeur. Il a expliqué qu’il avait signifié à personne au défendeur, le 14 novembre 2008, l’extrait du registre central des valeurs mobilières déposé sous la cote A-8 qui concernait Elephant Bay Holdings Inc., en se présentant au domicile du défendeur et en demandant à voir le défendeur. Il a déclaré que le défendeur s’était identifié et qu’il lui avait alors signifié le document.

 

III. Analyse et dispositif

[29]           Il s’agit d’une requête visant à obtenir une ordonnance en vertu de l’article 466 des Règles, dont il est utile de reproduire l’alinéa b) :

Outrage

 

466. Sous réserve de la règle 467, est coupable d’outrage au tribunal quiconque :

 

b) désobéit à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour;

Contempt

 

466. Subject to rule 467, a person is guilty of contempt of Court who

 

(b) disobeys a process or order of the Court;

 

[30]           L’article 467 des Règles est également pertinent. Il dispose :

Droit à une audience

 

467. (1) Sous réserve de la règle 468, avant qu’une personne puisse être reconnue coupable d’outrage au tribunal, une ordonnance, rendue sur requête d’une personne ayant un intérêt dans l’instance ou sur l’initiative de la Cour, doit lui être signifiée. Cette ordonnance lui enjoint :



a) de comparaître devant un juge aux date, heure et lieu précisés;

 

b) d’être prête à entendre la preuve de l’acte qui lui est reproché, dont une description suffisamment détaillée est donnée pour lui permettre de connaître la nature des accusations portées contre elle;

 

c) d’être prête à présenter une défense.

 

Right to a hearing

 

467. (1) Subject to rule 468, before a person may be found in contempt of Court, the person alleged to be in contempt shall be served with an order, made on the motion of a person who has an interest in the proceeding or at the Court’s own initiative, requiring the person alleged to be in contempt

 

(a) to appear before a judge at a time and place stipulated in the order;

 

(b) to be prepared to hear proof of the act with which the person is charged, which shall be described in the order with sufficient particularity to enable the person to know the nature of the case against the person; and

 

(c) to be prepared to present any defence that the person may have.

 

 

[31]           L’article 470 prévoit que les témoignages dans le cadre d’une requête pour outrage au tribunal sont donnés oralement. En voici le texte :

Témoignages oraux

 

470. (1) Sauf directives contraires de la Cour, les témoignages dans le cadre d’une requête pour une ordonnance d’outrage au tribunal, sauf celle visée au paragraphe 467(1), sont donnés oralement.

 

Evidence to be oral

 

470. (1) Unless the Court directs otherwise, evidence on a motion for a contempt order, other than an order under subsection 467(1), shall be oral.

Témoignage facultatif

(2) La personne à qui l’outrage au tribunal est reproché ne peut être contrainte à témoigner.

 

Testimony not compellable

(2) A person alleged to be in contempt may not be compelled to testify.

 

 

[32]           La charge de la preuve repose sur le requérant dans le cas d’une requête en outrage au tribunal. Suivant l’arrêt Bhatnager c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 2 R.C.S. 217, une accusation d’outrage au tribunal a une dimension criminelle ou quasi criminelle. Les éléments constitutifs de l’outrage doivent être établis hors de tout doute raisonnable.

 

[33]           Dans le cas qui nous occupe, la première question à aborder est celle de savoir si le défendeur a été avisé de l’audience qui s’est tenue le 8 décembre 2008. Suivant le témoignage de Mme Walch, je suis convaincue que le défendeur a reçu signification à personne de l’ordonnance de justifier qui a été prononcée par le protonotaire Lafrenière le 27 octobre 2008.

 

[34]           L’ordonnance de justifier prévoit expressément que les documents suivants devaient être signifiés au défendeur :

[traduction] 2. Le demandeur doit, au plus tard le 14 novembre 2008, signifier à personne au défendeur une copie de la présente ordonnance, une liste des témoins que le demandeur entend convoquer à l’audience, et une copie des documents que le demandeur produira à l’audience et qui n’ont pas encore été versés au dossier de la Cour.

 

[35]           Sur la foi des témoignages de Mme Walch et de M. Harris, je suis convaincue que le défendeur a reçu signification des documents versés au dossier sous la cote A-7 à A-14 inclusivement.

 

[36]           Les documents bancaires que Mme Walch a obtenus de VanCity ne seront pas versés au dossier à titre de pièces étant donné qu’ils ne satisfont pas aux exigences du paragraphe 37(6.1) de la Loi sur la preuve au Canada, qui prévoit :

Preuve

 

(6.1) Le tribunal peut recevoir et admettre en preuve tout élément qu’il estime digne de foi et approprié — même si le droit canadien ne prévoit pas par ailleurs son admissibilité — et peut fonder sa décision sur cet élément.

 

Evidence

 

(6.1) The court may receive into evidence anything that, in the opinion of the court, is reliable and appropriate, even if it would not otherwise be admissible under Canadian law, and may base its decision on that evidence.

 

[37]           Ces documents ne sont pas certifiés.

 

[38]           L’avocate du demandeur m’a demandé d’admettre ces documents en preuve en vertu de mon pouvoir discrétionnaire. Comme une instance en outrage au tribunal s’apparente à une poursuite au criminel dans laquelle le demandeur a la charge de la preuve, il incombe au demandeur de soumettre des documents dûment certifiés s’il souhaite les invoquer. En tout état de cause, j’estime que les documents en question n’ont rien à voir avec la question litigieuse que la Cour est appelée à trancher en l’espèce, à savoir si le défendeur doit être reconnu coupable d’outrage au tribunal pour avoir fait défaut de se conformer à l’ordonnance de production prononcée le 23 juin 2008. De plus, rien ne prouve que ces documents ont été signifiés au défendeur en conformité avec l’ordonnance de justifier du 7 octobre 2008.

 

[39]           L’ordonnance de production prévoit ce qui suit :

[traduction]

d) le nom des succursales de toutes les banques où le défendeur possède des comptes ou des compartiments de coffre-fort, y compris des renseignements fournissant des détails au sujet des montants déposés en date du 11 octobre 2007;

 

e) des détails au sujet de tous les comptes de courtage du défendeur, qu’ils soient ou non inscrits à son nom, avec le nom et l’adresse des courtiers, le solde dû en date du 11 octobre 2007 avec la position acheteur et la position vendeur de chaque action;

 

f) des détails au sujet de toutes les obligations, actions ordinaires et actions privilégiées appartenant au défendeur, qu’elles soient inscrites ou non en son nom, y compris le coût individuel par action et l’endroit où se trouve présentement chaque titre;

 

g) des détails au sujet de tous les biens réels dont le défendeur est propriétaire, qu’ils soient inscrits ou non en son nom, avec leur description officielle et le montant de toute charge les grevant;

 

h) des détails au sujet de toute assurance souscrite par le défendeur, avec le nom des compagnies d’assurance, le capital assuré, le numéro des diverses polices, la valeur de rachat des contrats d’assurance, les dividendes accumulés, le cas échéant, et le lieu où se trouvent les polices;

 

i) des détails au sujet de tous les prêts hypothécaires et prêts en cours dans lesquels le défendeur possède une propriété effective, avec des détails au sujet des montants dus au défendeur en date du 11 octobre 2007, les dates d’enregistrement et la description officielle des immeubles grevés. Le cas échéant, des détails au sujet des modalités de remboursement, de la date d’échéance et du nom et de l’adresse de tous les débiteurs hypothécaires ou autres débiteurs;

 

j) des détails au sujet de tous les prêts hypothécaires et prêts payables par le défendeur en date du 11 octobre 2007, y compris la valeur marchande actuelle de toutes les garanties fournies, ainsi que la description officielle de tous les biens affectés en garantie;

 

k) des détails au sujet de toutes les automobiles appartenant au défendeur en date du 11 octobre 2007, avec l’année, le modèle et le fabricant de la voiture, le numéro d’immatriculation et le nom et l’adresse de tous les titulaires de privilèges et de charges sur chacun des véhicules, ainsi que le coût de chacune des automobiles;

 

l) des détails complets au sujet de tous les autres éléments d’actif appartenant au défendeur, qu’ils soient ou non inscrits à son nom mais qui ne sont pas inclus dans l’énumération qui précède;

 

m) des détails au sujet de toutes les sommes d’argent tirées d’un emploi ou d’autres sources au cours de la période comprise entre le 1er janvier 2005 et le 11 octobre 2007, avec le nom et l’adresse du payeur et la nature des paiements;

 

n) des détails au sujet de tout jugement inexécuté prononcé contre le défendeur, avec la nature de la dette et le nom et l’adresse des créanciers judiciaires;

 

o) pour la période comprise entre le 1er janvier 2005 et le 11 octobre 2007, une liste des dates et des montants individuels de tous les versements effectués dans une fiducie de retraite, un fond ou tout autre type de rente, avec l’emplacement exact de la fiducie de retraite et le montant figurant présentement au crédit du défendeur et/ou au crédit des bénéficiaires;

 

LA COUR ORDONNE EN OUTRE au défendeur, conformément à l’article 231.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu, de se conformer à l’avis transmis par le ministre et de produire sans délai et, en tout état de cause, au plus tard dans les 30 jours suivant la date de la signification de la présente ordonnance, les renseignements et documents réclamés à un fonctionnaire de l’Agence du revenu du Canada agissant en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi de l’impôt sur le revenu ou à toute autre personne désignée.

 

[40]           Je suis convaincue que le défendeur n’a pas respecté les modalités de cette ordonnance. Sa lettre du 12 juin 2008, versée au dossier sous la cote A-4, n’est pas pertinente puisqu’elle a été écrite avant le prononcé de l’ordonnance de production et que la présente audience ne porte sur rien d’autre que cette ordonnance.

 

[41]           La seconde lettre du défendeur porte la date du 18 juillet 2008 et a été versée au dossier sous la cote A-5. En voici un extrait :

[traduction]

Plus d’un mois s’est écoulé depuis que vous avez reçu ma lettre ci‑jointe du 12 juin et je n’ai reçu aucune réponse de votre part au sujet des graves préoccupations qui y sont soulevées. En fait, la seule suite que vous avez donnée à ma lettre a été de tenter de faire exécuter contre moi votre étonnant jugement (ci‑joint) me visant personnellement malgré les préoccupations que j’ai exprimées aussi à ce sujet.

 

La véritable question qui se pose ici est la suivante, en un mot : Qui est la personne de l’ARC qui a grevé d’un privilège de 2,2 millions de dollars le seul bien ayant une valeur que je possède, en l’occurrence C.T. Properties Ltd., une société enregistrée en Colombie-Britannique en 2004, et pour quelle raison? Quel avantage cette mesure a-t-elle permis d’obtenir et quelle indemnité l’ARC versera-t-elle aux actionnaires de la société (mon frère et moi-même)? Après un appel forcé et l’écoulement de nombreux mois, ce qui a causé des dommages irréparables à la société, à moi-même et à ma famille, l’ARC a discrètement renoncé à ce privilège sans mot dire. (Il y a d’autres transgressions, mais c’est la pire). L’ARC vient tout juste de déclarer un excédent de vingt milliards de dollars. Pourquoi ne pas en remettre une partie? Le nombre de personnes lésées n’est pas négligeable.

 

[42]           Mme Walch, en tant qu’employée du demandeur, a expliqué que cette lettre ne constituait pas une réponse à l’ordonnance de production parce qu’elle ne fournissait pas les renseignements et les documents qui avaient été réclamés au départ dans la demande péremptoire concernant la communication de renseignements et la production de documents.

 

[43]           À mon avis, il était loisible au demandeur de décider si la réponse donnée par un contribuable comme le défendeur constituait ou non une réponse suffisante à une demande péremptoire concernant la communication de renseignements et la production de documents. En tout état de cause, s’il est loisible à la Cour de décider si la lettre du défendeur constitue une réponse acceptable, je conviens avec le demandeur que la lettre ne fournit pas les éléments qui devaient être produits aux termes de l’ordonnance de production.

 

[44]           Il en va de même pour la lettre que le défendeur a écrite le 23 octobre 2008 et qui a été versée au dossier sous la cote A-6. Le principal message de cette lettre est que les mesures prises par l’ARC sont irrégulières et inutiles.

 

[45]           Là encore, c’est au demandeur qu’il appartient de décider si cette lettre répond aux exigences de l’ordonnance de production. Selon Mme Walch, elle n’y répondait pas. À mon avis, cette évaluation est raisonnable.

 

[46]           Je cite enfin la dernière lettre envoyée par le défendeur, à savoir la lettre datée du 3 décembre 2008, versée au dossier sous la cote A-15.

 

[47]           Cette lettre semble être une objection aux mesures prises par l’ARC pour saisir des fonds déposés dans un compte bancaire. Cette question n’a rien à voir avec les mesures prises par le demandeur pour recouvrer de l’argent du défendeur. Les griefs que le défendeur peut avoir à cet égard doivent être adressés à d’autres autorités. Cette lettre a une pertinence limitée dans la présente instance.

 

[48]           En tout état de cause, Mme Walch a expliqué, à la fin de son témoignage, que le défendeur n’avait fourni aucun renseignement au sujet de son [traduction] « petit compte de résultat » si ce n’est les affirmations qu’il a faites dans sa lettre du 3 décembre 2008.

 

[49]           Dans la décision Lyons Partnership, L.P. c. MacGregor (2000), 5 C.P.R. (4th) 157, la Cour a expliqué que les Règles étaient elles-mêmes une codification de la common law en ce qui concerne l’outrage au tribunal et que le requérant ─ en l’espèce, le demandeur ─ doit démontrer hors de tout doute raisonnable que l’auteur présumé de l’outrage avait une connaissance personnelle réelle de l’ordonnance du tribunal, qu’il est l’auteur principal de l’outrage, soit parce qu’il a commis l’acte lui-même, soit parce qu’il a expressément ou implicitement autorisé sa perpétration, et qu’il possédait le degré nécessaire de mens rea ou d’intention pour désobéir à l’ordonnance du tribunal.

 

[50]           En l’espèce, je suis convaincue que le demandeur s’est acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait de démontrer hors de tout doute raisonnable l’existence des trois éléments constitutifs de l’infraction. Le demandeur a signifié à personne au défendeur l’ordonnance de production du 23 juin 2008. L’ordonnance de production ne visait que le défendeur, de sorte qu’il était l’auteur principal qui était chargé de répondre à l’ordonnance de production et de s’y conformer. L’élément moral nécessaire, c’est-à-dire l’intention ou la mens rea consistant à refuser d’obtempérer à l’ordonnance de production, peut être déduit du défaut du défendeur de fournir les renseignements et les documents demandés.

 

[51]           En fin de compte, je  suis convaincue que le demandeur a satisfait au critère permettant de conclure que le défendeur est coupable d’outrage au tribunal pour avoir désobéi à une ordonnance de la Cour. Une ordonnance sera prononcée en conséquence.

 

[52]           L’article 472 des Règles traite des peines qui peuvent être infligées à la personne reconnue coupable d’outrage au tribunal. Dans l’arrêt Commission canadienne des droits de la personne c. Winnicki, (2007), 359 N.R. 101 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale a donné pour directives d’accorder à cette personne l’occasion de faire valoir son point de vue au sujet de la peine appropriée avant que la Cour ne se penche sur la question. Une autre audience devra avoir lieu à ce sujet.

 

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.                  Le défendeur est reconnu coupable d’outrage au tribunal pour avoir fait défaut de se conformer à l’ordonnance prononcée le 23 juin 2008 par la Cour;

2.                  Le demandeur devra signifier au défendeur une copie certifiée conforme des motifs écrits de l’ordonnance et de l’ordonnance au plus tard le 15 mars 2009, et déposer une preuve de signification au greffe de la Cour;

3.                  Le demandeur devra informer la Cour par écrit, au plus tard le 10 mars 2009, de la date proposée pour la tenue d’une audience sur la détermination de la peine, et des directives seront données au sujet de la procédure à suivre, y compris des directives sur l’avis supplémentaire à signifier au défendeur au sujet de la date de l’audience sur la détermination de la peine et le dépôt d’observations écrites;

4.                  La question des dépens sera abordée lors de l’audience sur la détermination de la peine.

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-841-08

 

INTITULÉ :                                                   MRN c. DOUGLAS STEPHEN CUNLIFFE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 8 décembre 2008

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 19 février 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Erica Louie

POUR LE DEMANDEUR

 

Aucune comparution

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

S/O

POUR LE DÉFENDEUR

 

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