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Date : 20090219

Dossier : T-593-08

Référence : 2009 CF 172

Ottawa (Ontario), le 19 février 2009

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

 

 

ENTRE :

NPS PHARMACEUTICALS, INC.

 

demanderesse

 

et

 

 

BIOFARMA, SOCIÉTÉ PAR ACTIONS SIMPLIFIÉE

 

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction et contexte factuel

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par NPS Pharmaceuticals, Inc. (NPS), conformément à l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce (la Loi), d’une décision du 8 janvier 2008 par laquelle Me Annie Robitaille, membre de la Commission des oppositions des marques de commerce (la membre de la Commission), agissant au nom du registraire des marques de commerce, a refusé, à la suite de la déclaration d’opposition produite par Biofarma, Société par Actions Simplifiée (Biofarma), à l’encontre de la demande d’enregistrement produite par NPS en date du 6 mars 2002, dont la date de priorité de production revendiquée en vertu de la demande correspondante américaine est le 7 novembre 2001, d’enregistrer la marque de commerce PREOS dont l’emploi est projeté en liaison avec des [traduction] « préparations pharmaceutiques pour la prévention ou le traitement de l’ostéoporose; préparations pharmaceutiques pour la prévention ou le traitement des maladies ou troubles liés au métabolisme osseux ».

 

[2]               La question fondamentale en l’espèce porte essentiellement sur la probabilité de confusion entre la marque PREOS de NPS et la marque PROTOS de Biofarma, cette dernière étant également une marque de commerce projetée.

 

[3]               Dans son mémoire écrit, l’avocat de la demanderesse a fait valoir que la membre de la Commission a commis les erreurs suivantes :

 

1)      En appliquant le test prévu par la loi en matière de confusion, la membre de la Commission n’a pas tenu compte de toutes les circonstances de l’espèce, comme l’exige le paragraphe 6(5) de la Loi, c’est-à-dire qu’elle n’a acccordé aucune valeur probante aux deux circonstances qui, selon la demanderesse, sont importantes vu le contexte de la présente espèce, soit : 1) les différences entre les marchandises réelles des parties, dont le caractère distinctif se dégage de leur description générale dans leur demande d’enregistrement respective; et 2) le fait que Biofarma n’emploiera probablement pas la marque visée dans la déclaration d’opposition, mais qu’elle emploiera plutôt une marque différente pour ses produits pour le traitement de l’ostéoporose – la marque PROTELOS.

2)      La membre de la Commission a commis une deuxième erreur en appliquant le test en matière de confusion prévu par la loi en ne déterminant pas le degré de vigilance dont feraient preuve les acheteurs de ce type de marchandises puisqu’elle n’a pas tenu compte du principe selon lequel les acheteurs de médicaments sur ordonnance sont particulièrement vigilants lors de tels achats, ce qui réduit la probabilité de confusion.

 

3)      La membre de la Commission a également commis une erreur relativement à l’examen de la preuve en n’accordant pas une importance suffisante au témoignage de l’expert linguiste de la demanderesse selon lequel que le degré de ressemblance entre les marques de commerce en cause est faible, une preuve qui est clairement crédible et qui n’est pas contredite.

 

4)      Elle n’a pas exclu des éléments dont elle a tenu compte, la preuve de Biofarma portant sur la question des erreurs liées à la médication, laquelle, selon l’avocate de la demanderesse, était clairement inadmissible et portait préjudice à NPS.

 

[4]               Biofarma a invoqué l’alinéa 16(3)b) de la Loi comme fondement à son opposition pour faire obstacle à la demande d’enregistrement de la marque de commerce produite par NPS pour la marque de commerce PREOS. Le paragraphe 16(3) est intitulé « Marques projetées » et est libellé ainsi :

 

Loi sur les marques de commerce ( L.R., 1985, ch. T-13 )

 

Marques projetées

 

16. (3) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce projetée et enregistrable, a droit, sous réserve des articles 38 et 40, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard des marchandises ou services spécifiés dans la demande, à moins que, à la date de production de la demande, elle n’ait créé de la confusion :

 

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

 

b) soit avec une marque de commerce à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement a été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

 

c) soit avec un nom commercial antérieurement employé au Canada par une autre personne.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

Trade-marks Act ( R.S., 1985, c. T-13 )

 

 

Proposed marks

 

16. (3) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a proposed trade-mark that is registrable is entitled, subject to sections 38 and 40, to secure its registration in respect of the wares or services specified in the application, unless at the date of filing of the application it was confusing with

 

 

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

 

(b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or

 

 

(c) a trade-name that had been previously used in Canada by any other person.

 

 

[My emphasis.]

 

 

[5]               Par souci de commodité, il est également utile, à cette étape, de reproduire les dispositions du paragraphe 6(5) de la Loi qui dressent une liste non exhaustive des critères prévus par la loi pour trancher la question de la confusion :

 

Loi sur les marques de commerce ( L.R., 1985, ch. T-13 )

 

Éléments d’appréciation

 

6. (5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

 

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

 

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

 

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

 

d) la nature du commerce;

 

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

 

[Non souligné dans l’original.]

Trade-marks Act ( R.S., 1985, c. T-13 )

 

 

What to be considered

 

6. (5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

 

 

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

 

 

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

 

 

(c) the nature of the wares, services or business;

 

(d) the nature of the trade; and

 

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

 

 

[My emphasis.]

 

 

[6]               Biofarma s’est appuyée sur l’alinéa 16(3)b) de la Loi puisque, le 7 avril 1999, elle avait produit auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’OPIC) une demande d’enregistrement pour la marque de commerce PROTOS fondée sur l’emploi projeté de la marque en liaison avec une « préparation pharmaceutique pour le traitement préventif ou curatif de l’ostéoporose ». Cette demande a été acceptée, mais la marque n’a pas encore été enregistrée parce que Biofarma n’a pas encore reçu l’autorisation pour commercialiser son produit PROTOS au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré par le ministre de la Santé conformément à la Loi sur les aliments et drogues, même si une présentation de drogue nouvelle (PDN) a été soumise à Santé Canada le 7 janvier 2004 pour obtenir un tel avis de conformité qui serait fondé sur des résultats d’essais cliniques réalisés en Europe où la commercialisation du produit est autorisée par l’entremise de la filiale de Biofarma, Les Laboratoires Servier (Servier), sous le nom PROTELOS. Le 20 novembre 2002, Biofarma a également produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce PROTELOS fondée sur l’emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec les mêmes marchandises que celles de PROTOS. La demande concernant PROTELOS a également été acceptée, mais la marque n’a pas encore été enregistrée, faute de l’obtention de l’avis de conformité nécessaire pour vendre les produits au Canada. Je discuterai davantage de la question opposant PROTOS et PROTELOS plus loin dans les présents motifs.

 

[7]               Le produit PREOS de NPS est dans la même situation que les produits de Biofarma; NPS n’a pas reçu l’autorisation, au moyen d’un avis de conformité, pour commercialiser son produit au Canada. NPS n’a pas encore déposé de PDN puisque le produit PREOS est encore sous essais cliniques, bien qu’il en soit à la dernière phase de ce processus, soit la phase III.

 

[8]               La preuve par affidavit au soutien des prétentions de NPS qui a été présentée à la membre de la Commission contenait les témoignages suivants :

 

·      Thomas Heath, vice-président, Commercialisation et ventes de NPS, a clairement affirmé que son entreprise entendait employer la marque de commerce PREOS au Canada en liaison avec une préparation pharmaceutique mise au point pour le traitement de l’ostéoporose. Il décrit généralement le produit comme une hormone parathyroïdienne recombinante humaine que le patient s’administre lui-même par injection, une fois par jour, et qui est emballée dans une cartouche de 100 microgrammes. Il a déclaré que PREOS s’administre en plusieurs étapes et que pour se l’administrer eux-mêmes, les patients doivent recevoir des instructions particulières. Il a expliqué à quelle étape des essais cliniques était rendu le produit PREOS. [Je souligne.]

 

·      M. David Kendler est directeur de l’Osteoporosis Research Centre (Centre de recherche sur l’ostéoporose) à Vancouver et professeur depuis 1991 à la faculté de médecine de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC). Il a participé aux essais cliniques liés au produit PREOS et a siégé au conseil consultatif de Servier Canada pour le produit PROTOS et pour son processus d’approbation réglementaire canadien. Son affidavit, à l’égard duquel il n’a pas été contre-interrogé, portait sur trois questions. Premièrement, M. Kendler a traité des différences entre les produits PREOS et PROTOS au regard des ingrédients actifs, de la formulation, de la voie d’administration, du dosage, des indications (c.-à-d. le type de patients à qui l’on prescrirait un ou l’autre des deux produits), de la durée du traitement, de la quantité d’instructions à donner au patient et du suivi. En ce qui concerne PREOS, il a repris les caractéristiques énoncées par M. Heath. En ce qui a trait à PROTOS, il a affirmé que ce produit se présente sous la forme de granules jaunes renfermant du ranélate de strontium, lesquelles sont emballées dans des sachets individuels contenant chacun une dose de deux grammes du médicament. Le patient mélange simplement le contenu du sachet avec de l’eau et boit la suspension. Deuxièmement, il a également traité des pratiques en matière d’ordonnances au Canada en réponse à la preuve de Biofarma. Il a conclu que compte tenu de toutes les circonstances, qu’il a décrites, [traduction] « la possibilité d’erreur médicale entraînant la délivrance du mauvais médicament au patient serait à peu près nulle ». Troisièmement, il a également présenté des éléments de preuve établissant la commercialisation en Europe du produit à base de ranélate de strontium de Servier pour le traitement de l’ostéoporose sous le nom commercial PROTELOS, lequel est identique à celui qui sera commercialisé par Servier Canada sous la marque PROTOS.

 

·      M. Murray J. Munro, qui détient un doctorat en linguistique, avait le mandat de donner un avis à titre d’expert linguiste sur le degré de ressemblance entre les marques de commerce PREOS et PROTOS aussi bien en français qu’en anglais, dans la présentation, le son ou dans les idées qu’elles suggèrent. D’après son analyse des ressemblances et des différences entre les deux marques de commerce projetées, il a conclu que les marques de commerce [traduction] « produisent une impression générale significativement différente, dans la présentation, le son et dans les idées qu’elles suggèrent ». De plus, il a ajouté que [traduction] « la probabilité de confusion entre les deux marques est très faible pour un anglophone autant que pour un francophone en ce qui concerne le degré de ressemblance ». M. Munro a été contre-interrogé sur le contenu de son affidavit et a été reconnu par la membre de la Commission comme expert linguiste dans les deux langues, sauf concernant la prononciation des marques en français.

 

·        Jeannine Summers est parajuriste dans le domaine des marques de commerce pour le cabinet d’avocats qui représente la demanderesse. Elle a versé au dossier des renseignements tirés de ses recherches dans la base de données de l’OPIC.

 

[9]               La preuve de Biofarma a été présentée au moyen des affidavits suivants :

 

·        Michael Sumpter est le directeur général de Servier Canada Inc., une filiale en propriété exclusive de Biofarma. Il atteste que Servier Canada commercialisera sa préparation pharmaceutique pour le traitement de l’ostéoporose au Canada sous la marque de commerce PROTOS. Il a déposé comme pièce l’accusé réception de Santé Canada relativement au dépôt d’une PDN visant l’obtention d’un avis de conformité à l’égard de PROTOS. Il affirme que PREOS et PROTOS appartiennent à la même catégorie thérapeutique dans le traitement de l’ostéoporose et auront les mêmes indications thérapeutiques puisque [traduction] « les deux produits sont conçus pour prévenir et traiter l’ostéoporose ». Il affirme que les voies de distribution des deux produits seront aussi identiques puisque ces derniers seront prescrits par les médecins et distribués dans les pharmacies. Il s’est dit d’avis que la ressemblance des marques crée de la confusion parce que leur longueur est la même, leurs préfixes sont similaires, leurs suffixes sont identiques et que les marques sont phonétiquement identiques, ce qui aurait été confirmé par [traduction] « plusieurs médecins et pharmaciens au Canada et ailleurs dans le monde ». Dans une autre partie de son affidavit, M. Sumpter a traité de la question des ordonnances et des erreurs d’interprétation et pour appuyer ses arguments, il a joint certaines pièces provenant de l’Ordre des pharmaciens du Québec ainsi que des documents provenant du site Web de Santé Canada, qui a formé un groupe de travail pour examiner et analyser les questions relatives aux noms de produits de santé à consonance et d’apparence semblables et pour recommander la prise de mesures appropriées en vue de diminuer la possibilité de confusion entre les produits. Une grande partie de ces éléments de preuve ont été contestés au motif qu’ils constituaient du ouï-dire.

 

·        Gina Petrone est agente de marques de commerce depuis 1992 et travaille actuellement pour le cabinet d’avocats qui représente la défenderesse. Les recherches qu’elle a déposées en preuve ont été faites au moyen du logiciel NameReporter et sont tirées de la base de données de l’OPIC.

 

[10]           En appel devant la Cour, un seul affidavit a été déposé, soit celui de M. Munro, qui a témoigné, pour le compte de NPS, au sujet de son expertise dans le domaine de la prononciation des marques en français.

 

La décision contestée

[11]           Par une décision rendue le 8 janvier 2008, la membre de la Commission a conclu qu’il existait une probabilité de confusion quant à la source du produit pour le traitement de l’ostéoporose entre les marques PROTOS et PREOS :

 

68     Comme je l’ai indiqué plus haut, la Requérante a le fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. En raison du fardeau qui incombe à la Requérante, si l’on ne peut en venir à une conclusion déterminante après le dépôt de toute la preuve, le litige doit être tranché à l’encontre de la Requérante [voir John Labatt, précité].

 

69     En appliquant le test pour déterminer s’il y a confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Compte tenu des conclusions que j’ai formulées ci‑dessus, j’estime que la Requérante n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait aucune probabilité raisonnable de confusion quant à la source des marchandises des parties. En conséquence, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)b) est accueilli. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[12]           Elle a toutefois examiné le deuxième motif d’opposition formulé par Biofarma, soit l’absence du caractère distinctif de PREOS. Elle a conclu que « [p]uisqu’aucune preuve d’emploi de la marque PROTOS n’a été produite dans la présente affaire, [Biofarma] n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombait ». Biofarma n’a pas contesté cette conclusion devant la Cour.

 

[13]           Dans sa décision, la membre de la Commission a décrit les procédures et résumé la preuve. Elle n’a pas tenu compte de la preuve de M. Sumpter présentée à titre de pièce « G », soit des rapports de recherches effectuées dans le Registre canadien des marques de commerce, parce qu’il n’a pas effectué les recherches lui-même, et a souligné l’autre objection au motif que cette preuve constituait du ouï-dire. Plus particulièrement, elle a rejeté l’opinion personnelle de M. Sumpter portant sur la probabilité de confusion entre les marques « puisqu’il revient au registraire de statuer sur cette question après avoir examiné toutes les circonstances pertinentes ». Sa conclusion sur ce point n’a pas été contestée devant la Cour.

 

[14]           La membre de la Commission a alors examiné le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)b). Elle a souligné que la demande d’enregistrement de la marque de commerce PROTOS de Biofarma a été produite en 1999 et a conclu que « [c]omme l’Opposante n’a pas abandonné cette demande, elle s’est acquittée de son fardeau de présentation relativement à ce premier motif d’opposition ». Elle a ajouté qu’« [é]tant donné cet élément de preuve produit par l’Opposante, la Requérante [NPS] doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre [PREOS et PROTOS] ».

 

[15]           Elle a exposé le test de confusion sur lequel elle a fondé son analyse :

38     Le test à appliquer pour déterminer s’il y a confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon le paragraphe 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce si l’emploi des deux marques dans la même région est susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

39     Pour appliquer le test en matière de confusion, le registraire doit prendre en considération toutes les circonstances de l’espèce, y compris les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive, et un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte [Non souligné dans l’original.]

 

[16]           La membre de la Commission s’est reportée aux arrêts Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] 1 R.C.S. 772 (Mattel), et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al, [2006] 1 R.C.S. 824 (Veuve Clicquot) de la Cour suprême du Canada, « pour une analyse exhaustive des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion ».

 

[17]           La membre de la Commission a ensuite dressé une liste des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi et les a examinés individuellement. Concernant le premier facteur lié au caractère distinctif inhérent, elle a conclu que chaque marque était distinctive parce ni l’une ni l’autre des marques n’avait en soi un sens identifiable, parce que l’on ne retrouvait que ni l’une ni l’autre dans les dictionnaires anglais ou français et parce que rien ne démontrait qu’elles étaient devenues connues au Canada étant donné qu’aucun élément de preuve n’indiquait que l’une ou l’autre des parties aurait employé ou promu sa marque au Canada. Concernant le deuxième facteur, soit la période pendant laquelle chaque marque de commerce a été en usage au Canada, elle a conclu que « [p]uisque ni l’une ni l’autre des marques n’est employée ou connue au Canada, ce facteur ne favorise ni l’une ni l’autre des parties ». Ni la demanderesse ni la défenderesse n’a cherché à invalider ces deux conclusions devant la Cour.

 

[18]           La membre de la Commission s’est ensuite penchée sur l’analyse des deux facteurs suivants énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi, soit c) le genre de marchandises […] et d) la nature du commerce. Elle a tout d’abord indiqué ceci : « En considérant le genre de marchandises et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des marchandises de la Requérante à l’état déclaratif figurant dans la demande citée par l’Opposante […]. Ces libellés doivent toutefois être lus de manière à déterminer la nature probable de l’entreprise ou du commerce envisagé par les parties plutôt que tous les commerces possibles pouvant être compris dans ceux-ci. À cet égard, une preuve de la nature véritable des commerces des parties est utile […]. »

 

[19]           Elle a poursuivi en concluant que « [l]es marques de commerce à l’étude sont liées à des marchandises identiques, soit des préparations pharmaceutiques pour la prévention ou le traitement de l’ostéoporose » et a ajouté que « [p]ar ailleurs, la demande faisant l’objet de la présente opposition est liée en outre à des préparations pharmaceutiques pour la prévention ou le traitement d’autres maladies ou troubles osseux, à savoir, des " préparations pharmaceutiques pour la prévention ou le traitement des maladies ou troubles liés au métabolisme osseux " ».

 

[20]           Elle a conclu que les produits PREOS et PROTOS « devront tous deux être prescrits par des médecins et distribués dans des pharmacies », et qu’ « [i]ls seront tous deux vraisemblablement indiqués principalement pour les personnes âgées, encore que le produit PREOS sera vraisemblablement indiqué pour l’ostéoporose grave tandis que le produit PROTOS sera vraisemblablement indiqué pour un éventail plus large de patients, et non uniquement pour les cas d’ostéoporose grave ».

 

[21]           Elle a examiné la preuve de M. Kendler relativement aux différences réelles entre les produits. Elle s’est reportée à la prétention portant que les médecins et les pharmaciens comprendront qu’ils ont affaire à deux produits très distincts en ce qui a trait à la forme matérielle, au dosage et au mode d’administration, tout comme les patients parce qu’ils comprendront la différence entre, d’une part, un produit qui comprend un stylo injecteur et qui doit être injecté à travers la peau (PREOS) et, d’autre part, un produit sous forme de suspension orale (PROTOS).

 

[22]           La membre de la Commission a répondu à ces prétentions en statuant comme suit :

 

46  …Bien que j’admette qu’il existe un certain fondement à l’argument de la Requérante selon lequel le risque de confusion est atténué dans le domaine de la prescription de médicaments puisque la nature de la transaction est telle que les produits sont délivrés par des professionnels méticuleux habitués à faire des distinctions entre les noms de différents produits, je ne suis pas d’accord avec la façon dont la Requérante aborde la question, parce que ce n’est pas ainsi qu’il faut l’aborder.

 

47     Comme je l’ai souligné plus haut, je dois comparer l’état déclaratif des marchandises de la Requérante et l’état déclaratif des marchandises figurant dans la demande invoquée par l’Opposante. Comme je l’ai indiqué plus haut, les deux marques sont liées à des marchandises identiques et l’on entend les acheminer par les mêmes voies commerciales. Les préparations pharmaceutiques décrites dans la demande de la Requérante tout comme dans celle de l’Opposante ne se limitent pas aux médicaments sur ordonnance seulement, et les descriptions ne prévoient aucune restriction en ce qui concerne la forme matérielle des préparations, leur dosage ou leur mode d’administration, et la Requérante a choisi de ne pas modifier sa demande afin de prévoir des restrictions semblables (le tout tel que noté lors du contre-interrogatoire de M. Sumpter, voir la transcription, pp. 75 à 81). Il est également bien établi que même dans le cas de médicaments sur ordonnance, le consommateur moyen s’entend du médecin qui prescrit le médicament, du pharmacien et du patient.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[23]           Pour étayer sa conclusion, la membre de la Commission a renvoyé aux décisions Cyanamid Canada Inc. c. Smith Kline & French Canada Ltd. (1983), 23 C.P.R. (3d) 189, paragraphe 9; Novartis Pharmaceuticals Canada Inc. c. Apotex Inc. (1999), 86 C.P.R. (3d) 259, page 263; et, ICN Pharmaceuticals, Inc. c. Unger (2007), 53 C.P.R. (4th) 148, prononcés par la Commission des oppositions. Quant aux troisième et quatrième facteurs, elle a tranché en faveur de Biofarma.

 

[24]           Selon la membre de la Commission, le critère relatif au cinquième facteur – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent – était une question de première impression et les marques de commerce « ne devraient pas être disséquées ni soumises à une analyse microscopique en vue d’apprécier leurs ressemblances et leurs différences », citant le juge Denault dans l’arrêt Pernod Ricard c. Molson Breweries (1992), 44 C.P.R. (3d) 359, page 369.

 

[25]           Elle a tout d’abord noté et accepté le témoignage de M. Munro selon lequel ni l’une ni l’autre des marques n’avait en soi un sens identifiable, et que l’on ne retrouvait ni l’une ni l’autre des marques dans les dictionnaires anglais ou français d’usage courant.

 

[26]           Après avoir examiné le témoignage de M. Munro, la membre de la Commission a souligné qu’elle considère « qu’il y a un degré appréciable de ressemblance entre les marques des parties » puisque, d’après les observations de M. Munro, « les deux marques commencent par la paire de lettres " PR " et finissent par la paire de lettre " OS ", qui sont visuellement et phonétiquement identiques ». Elle a également retenu son témoignage portant que les deux marques ont le même nombre de syllabes et la même structure tonique à l’égard des syllabes, que les marques ont presque la même longueur, soit le nombre de lettres, et qu’elles ne suggèrent aucune idée, mis à part l’unité « OS », qui peut suggérer un lien avec « os » et « ostéoporose ».

 

[27]           La membre de la Commission a ensuite analysé le témoignage de M. Munro portant sur les ressemblances et les différences de son entre les marques et sa conclusion portant que bien qu’il y ait des similitudes de son entre les marques, il y a des différences parce que les lettres « E » et « O » diffèrent sur le plan de l’articulation et que les marques diffèrent aussi du fait de la présence du son « T » dans PROTOS que l’on ne trouve pas dans PREOS; la production du son « T » oblige le locuteur à déplacer la langue vers le haut de la bouche pour bloquer l’air. Elle a ensuite écarté son témoignage sur ce point en concluant comme suit :

 

Je ne relaterai pas en détail toutes les conclusions de M. Munro, parce que la majeure partie de son témoignage consiste en une dissection des marques, ce qui ne correspond pas à la façon dont il faut procéder pour déterminer la probabilité de confusion entre les marques des parties, comme l’affirmait la juge Tremblay-Lamer dans Pierre Fabre Médicament c. SmithKline Beecham Corp. (2004), 35 C.P.R. (4th) 23 (C.F.), aux pp. 31 et 34; 2004 CF 811, aux par. 29, 30 et 48. ). [Non souligné dans l’original.]

 

[28]           Elle a également indiqué qu’un parallèle peut être fait entre la présente espèce et la décision de la Commission dans l’affaire Frank W. Horner c. Abbott Laboratories (1985) 6 C.P.R. (3d) 142 (C.O.M.C.), page 144, et a conclu ceci : « …[S]ur ce cinquième facteur, je considère qu’il y a un degré appréciable de ressemblance entre les marques des parties. Ainsi, le cinquième facteur favorise l’Opposante. »

 

[29]           Sous la rubrique « Autres circonstances de l’espèce », la membre de la Commission a examiné trois circonstances additionnelles : 1) l’état du Registre; 2) la question de savoir si Biofarma emploiera effectivement la marque PROTOS; 3) la question des erreurs relatives à la médication.

 

[30]           Je ne résumerai pas son analyse et ses conclusions portant sur l’état du Registre puisque ni l’une ni l’autres des parties n’a contesté sa décision sur ce point.

 

[31]           En ce qui a trait à la question de savoir si Biofarma emploiera effectivement la marque PROTOS au Canada pour la vente de son médicament traitant l’ostéoporose, à l’égard duquel a été déposée une PDN désignant PROTOS à titre de nom commercial pour sa commercialisation, elle a affirmé que NPS avait soutenu « qu’il y a une autre circonstance pertinente au regard de la question de la confusion en l’espèce, à savoir qu’il n’est pas certain que l’Opposante emploiera effectivement la marque PROTOS au Canada », au motif qu’il serait plus probable que l’Opposante emploie la marque PROTELOS dont l’enregistrement au Canada a également été autorisé pour un emploi projeté en liaison avec le même produit que PROTOS.

 

[32]           La membre de la Commission s’est reportée au témoignage de M. Sumpter et, plus particulièrement, à sa réponse en contre-interrogatoire, selon laquelle la demande d’enregistrement canadienne pour la marque PROTELOS était fondée sur un « projet d’option d’emploi » de la marque de commerce, c’est-à-dire que Biofarma enregistrerait la marque de commerce PROTELOS au Canada et aurait alors le droit de choisir de l’employer ou non par la suite. NPS s’est également appuyé sur le fait que le produit pour le traitement de l’ostéoporose de Biofarma était commercialisé en Europe sous la marque PROTELOS.

 

[33]           La membre de la Commission a tranché sur ce point en concluant comme suit :

 

64     L’affidavit de M. Sumpter, son témoignage et ses réponses à ses engagements confirment tous que l’Opposante entend toujours employer la marque PROTOS au Canada. M. Sumpter a aussi confirmé que l’Opposante, par l’intermédiaire de sa filiale Servier, conserve toujours l’intention d’employer la marque PROTELOS au Canada. Il se peut bien que l’Opposante choisisse une marque ou l’autre lorsqu’elle commencera à commercialiser son produit au Canada. Toutefois, cela n’a pas d’incidence sur la présente opposition puisque la demande d’enregistrement concernant la marque de commerce PROTOS est encore en règle. [Non souligné dans l’original.]

 

[34]           Enfin, elle a examiné la question des erreurs relatives à la médication en s’appuyant sur l’affidavit de M. Sumpter qui traite des erreurs relatives à la médication et dans lequel il affirmait ceci : « [L]a possibilité d’erreurs dans la prescription ou la délivrance de médication n’est pas directement liée à la probabilité de confusion quant à la source du produit, qui constitue la question à trancher dans cette affaire. » Elle a alors statué de la façon suivante :

 

66     Bien que je sois d’accord avec la Requérante, j’aimerais citer un extrait de la décision SmithKline Beecham Corp. c. Pierre Fabre Médicament, [1988] C.O.M.C. 141 (QL), où la Commission des oppositions des marques de commerce se penche, aux par. 20 et 21, sur la question de savoir s’il y a lieu de mettre un soin particulier lorsque l’on applique la norme légale établie au paragraphe 6(2) de la Loi dans le domaine pharmaceutique : [...] [Non souligné dans l’original.]

 

[35]           Un examen de ces deux paragraphes et de l’analyse liée aux médicaments sur ordonnance qu’ils renferment permet essentiellement de conclure que la possibilité d’erreurs dans la prescription ou la délivrance de produits pharmaceutiques n’est pas directement liée à la probabilité de confusion quant à la source du produit, ce qui représente la norme légale à appliquer tout en reconnaissant qu’il y a lieu de mettre un soin particulier lorsqu’on l’applique dans le domaine pharmaceutique. [Je souligne.]

 

[36]           Après avoir présenté son analyse, la membre de la Commission a conclu comme suit :

67     Eu égard à ce qui précède, et compte tenu en particulier des passages cités et soulignés ci-dessus, je n’ai pas à statuer sur l’admissibilité des pièces « K » et « N » qui étaient jointes à l’affidavit de M. Sumpter. Le test qu’applique Santé Canada pour déterminer s’il y a confusion entre deux noms de médicaments diffère de celui qu’on applique en matière de confusion en droit des marques de commerce et ne lie pas le registraire. [Non souligné dans l’original.]

 

 

Analyse

 

a)        La norme de contrôle

[37]           Comme on le verra dans les motifs énoncés dans les prochains paragraphes, la norme de contrôle applicable lors de l’analyse d’un contrôle judiciaire pourrait avoir une certaine pertinence à l’égard des appels au titre de l’article 56 de la Loi des décisions du registraire.

 

[38]           Il est maintenant bien établi que la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Dunsmuir c. New Brunswick, 2008 CSC 9, a modifié l’analyse relative à la norme de contrôle à appliquer dans une procédure de contrôle judiciaire principalement en ramenant le nombre de normes de trois à deux, dont l’une étant la norme de la décision raisonnable, auparavant la norme manifestement déraisonnable.

 

[39]           Au paragraphe 62 de l’arrêt Dunsmuir, les juges Bastarache et LeBel ont conclu qu’une analyse exhaustive de la norme de contrôle n’est pas nécessaire si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier.

 

[40]           La jurisprudence de la Cour suprême du Canada et de la Cour d’appel fédérale a clairement fixé la norme de contrôle à appliquer dans une affaire comme en l’espèce, dans laquelle sont en jeu l’interprétation et l’application du test en matière de confusion prévu par la loi, tel qu’il est énoncé au paragraphe 6(5) de la Loi.

 

[41]           Voir les explications du juge Binnie, s’exprimant au nom de la Cour suprême du Canada, aux paragraphes 40 et 41 de l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] 1 R.C.S. 772 (une décision antérieure à l’arrêt Dunsmuir) :

40     Compte tenu, en particulier, de l’expertise de la Commission et du rôle d’« appréciation » que lui impose l’art. 6 de la Loi, je suis d’avis que, malgré l’octroi d’un droit d’appel absolu, la norme de contrôle applicable est celle du caractère raisonnable.  Le pouvoir discrétionnaire dont dispose la Commission ne commande pas la grande retenue dont il faut faire preuve, par exemple, à l’égard de l’exercice ministériel d’un pouvoir discrétionnaire, auquel s’applique habituellement la norme du caractère manifestement déraisonnable (p. ex. S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, 2003 CSC 29, par. 157), mais la Commission n’est pas tenue non plus de satisfaire à la norme de la décision correcte, comme si elle tranchait une question de droit de portée générale qui peut être isolée (Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84, 2002 CSC 3, par. 26).  Comme l’a expliqué le juge Iacobucci dans Ryan, par. 46, la norme intermédiaire (celle du caractère raisonnable) signifie qu’« [u]ne cour sera souvent obligée d’accepter qu’une décision est raisonnable même s’il est peu probable qu’elle aurait fait le même raisonnement ou tiré la même conclusion que le tribunal. »  La question est de savoir si la décision de la Commission est étayée par des motifs qui peuvent résister « à un examen assez poussé » et si elle n’est pas « manifestement erronée » : Southam, par. 56 et 60.

 

41     L’analyse qui précède quant à la norme de contrôle applicable est conforme à la jurisprudence établie par la Cour d’appel fédérale : voir en particulier Molson c. Labatt, le juge Rothstein, par. 51; Novopharm, le juge Strayer, par. 4; United States Polo Assn. c.  Polo Ralph Lauren Corp., [2000] A.C.F. no 1472 (QL), le juge Malone, par. 13, et le juge Isaac, par. 37; Christian Dior, S.A. c. Dion Neckwear Ltd., [2002] 3 C.F. 405, 2002 CAF 29, le juge Décary, par. 8, et Purafil, Inc. c. Purafil Canada Ltd., [2004] A.C.F. no 628 (QL), 2004 CF 522, le juge suppléant MacKay, par. 5. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[42]           Dans l’arrêt Mattel, le juge Binnie cite en l’approuvant la décision du juge Rothstein, alors juge de la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire Brasseries Molson c. John Labatt Ltée, [2000] 3 C.F. 145, qui, au paragraphe 51, mettait l’accent sur l’incidence de la présentation d’une preuve additionnelle sur la norme de contrôle :

[51]     Je pense que l'approche suivie dans les affaires Benson & Hedges et McDonald's Corp. est conforme à la conception moderne de la norme de contrôle. Même s'il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d'un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l'objet d'une certaine déférence. Compte tenu de l'expertise du registraire, et en l'absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d'expertise, qu'elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu'elles résultent de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu'une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire

 

 

[43]           En l’espèce, un seul nouvel élément de preuve a été déposé en appel, soit l’affidavit de M. Munro, daté du 13 mai 2008, auquel ce dernier a joint une copie de l’affidavit daté du 9 février 2005 qui avait été déposé devant la Commission. Le seul objectif du nouvel affidavit de M. Munro déposé en appel est de prouver qu’il est compétent pour livrer un témoignage d’expert sur la prononciation des marques en cause en français. Le nouvel affidavit ne modifie d’aucune façon les éléments de preuve précédents présentés dans son affidavit du 9 février 2005.

 

[44]           En vertu de l’article 56 de la Loi, lorsque des éléments de preuve additionnels ont été produits devant la Cour, celle-ci doit évaluer l’importance de ces nouveaux affidavits, soit leur incidence possible sur la décision du registraire ou, comme l’a dit récemment mon collègue le juge Harrington dans l’arrêt Scotch Whisky Association c. Glenore Distillers International Ltd., 2008 CF 425, au paragraphe 14 : « …[L]a Cour doit décider si les éléments additionnels auraient eu une incidence sur la décision [du registraire]. »

 

[45]           En l’espèce, je suis convaincu, même si je reconnais que M. Munro possède la qualité d’expert quant à la prononciation des marques en cause, que son nouvel affidavit n’entraînerait pas une modification de la décision du registraire parce que la membre de la Commission a accordé peu de poids au témoignage de M. Munro traitant des ressemblances et des différences de son entre les marques compte tenu qu’elles ont été disséquées et qu’il ne s’agissait pas de la méthode appropriée, citant la décision de la juge Tremblay-Lamer dans l’arrêt Pierre Fabre. L’avocat de la demanderesse ne m’a pas démontré comment le témoignage de M. Munro portant sur la prononciation en français remettrait en question l’appréciation des facteurs en cause liés à l’anglais ou au français par la Commission.

 

[46]           La conclusion portant que les nouveaux éléments de preuve n’ont pas eu d’incidence sur la décision du registraire entraîne l’application de la norme déférente de la raisonnabilité.

 

[47]           Je reviens à l’arrêt Dunsmuir afin d’étudier à fond les composantes de la norme de la décision raisonnable :

47     La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[…]

 

49     La déférence inhérente à la norme de la raisonnabilité implique donc que la cour de révision tienne dûment compte des conclusions du décideur. Comme l’explique Mullan, le principe de la déférence [TRADUCTION] « reconnaît que dans beaucoup de cas, les personnes qui se consacrent quotidiennement à l’application de régimes administratifs souvent complexes possèdent ou acquièrent une grande connaissance ou sensibilité à l’égard des impératifs et des subtilités des régimes législatifs en cause » : D. J. Mullan, « Establishing the Standard of Review — The Struggle for Complexity? » (2004), 17 C.J.A.L.P. 59, p. 93. La déférence commande en somme le respect de la volonté du législateur de s’en remettre, pour certaines choses, à des décideurs administratifs, de même que des raisonnements et des décisions fondés sur une expertise et une expérience dans un domaine particulier, ainsi que de la différence entre les fonctions d’une cour de justice et celles d’un organisme administratif dans le système constitutionnel canadien. [Non souligné dans l’original.]

 

[48]           Aux paragraphes 10 et 91 de l’arrêt Mattel, le juge Binnie s’est prononcé sur la norme de la décision raisonnable de la manière suivante :

10     Dans le présent pourvoi, la décision de la Commission devrait être confirmée à moins qu’il ne soit démontré qu’elle est déraisonnable.  La preuve admissible n’a pas démontré que la Commission aurait commis une erreur manifeste en concluant que le restaurateur intimé s’est acquitté de son fardeau de prouver que les consommateurs éventuels ne sont pas susceptibles de tirer une conclusion erronée.  Je suis donc d’avis de confirmer le caractère raisonnable de la décision de la Commission de permettre le dépôt de la marque de commerce de l’intimée et je rejetterais le pourvoi

 

[…]

 

91     La Commission a conclu que, malgré la notoriété de la marque de commerce de l’appelante, l’intimée avait démontré qu’il n’existait pas de probabilité de confusion sur le marché compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce.  En l’absence de nouveaux éléments de preuve qui nous éclaireraient davantage sur le bien‑fondé de cette conclusion, je ne suis pas prêt à affirmer que la décision de la Commission est déraisonnable. [Non souligné dans l’original.]

 

[49]           Dans l’arrêt Mattel, le juge LeBel a exprimé le raisonnement suivant dans ses brefs motifs concordants :

93     Le juge LeBel — Je suis aussi d’avis que l’appel de Mattel devrait être rejeté.  La Commission des oppositions des marques de commerce de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada devait soupeser plusieurs facteurs pour évaluer le caractère distinctif des deux marques.  Il faut alors faire preuve de retenue envers sa décision, mais celle‑ci doit être raisonnable.  Au vu des faits de l’espèce, exposés dans l’analyse des questions de droit et de fait effectuée par mon collègue le juge Binnie dans ses motifs, je suis d’accord pour reconnaître que la décision de la Commission était raisonnable ((2002), 23 C.P.R. (4th) 395). [Non souligné dans l’original.]

 

(b)  Analyse et conclusions

[50]           Avant d’examiner les arguments formulés par NPS, il est pertinent de se reporter à quelques passages supplémentaires de l’arrêt Mattel.

 

1)       Au paragraphe 6, le juge Binnie explique que « [l]a confusion est un terme défini et le par. 6(2) impose à la Commission des oppositions des marques de commerce (et ultimement, à la cour) de déterminer si l’emploi des deux marques de commerce dans la même région est susceptible de faire conclure (à tort) aux acheteurs éventuels que les marchandises et services […] sont néanmoins offerts par la même personne ». Au paragraphe 24, il indique que « [s]i […] même les consommateurs occasionnels ne sont pas susceptibles d’établir un lien [entre la source], alors les marques de l’appelante [ou de l’intimée] ont reçu la protection à laquelle elles ont droit ».

 

2)       C’est à celui qui produit une demande d’enregistrement, NPS en l’espèce, qu’incombe le fardeau de prouver l’absence de probabilité de confusion. Toutefois, la Commission ne devait qu’examiner les sources possibles de confusion qu’elle estimait vraisemblables.

 

3)      Au paragraphe 36 de l’arrêt Mattel, le juge affirme que « [l]a détermination de la probabilité de confusion requiert une expertise que la Commission […] possède dans une plus grande mesure que les juges en général.  Il faut donc faire preuve d’une certaine retenue judiciaire à l’égard de la décision de la Commission […] ». Au paragraphe 37, il écrit que « [c]ela signifie en pratique que la décision […] de la Commission ne devrait pas être annulée à la légère, compte tenu des connaissances spécialisées dont disposent ces instances décisionnelles ».

 

4)      En soulignant que le test en matière de confusion, prévu par la loi, est fondé sur « toutes les circonstances de l’espèce » et que les cinq facteurs qui y sont énumérés ne sont pas exhaustifs, il précise au paragraphe 54 qu’« […] un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte ».

 

[51]           Gardant ces principes à l’esprit, je passe maintenant aux arguments de NPS, tout en soulignant le caractère unique de la présente espèce vu que les marques concurrentes ne sont pas actuellement employées au Canada étant donné, comme il a été mentionné, qu’aucun avis de conformité n’a été délivré par Santé Canada à l’égard de l’un ou de l’autre des médicaments. La membre de la Commission était saisie d’une demande d’enregistrement pour la marque PREOS produite par NPS fondée sur l’emploi projeté de son médicament pour le traitement de l’ostéoporose, à l’encontre de laquelle Biofarma a produit une déclaration d’opposition fondée sur son médicament traitant l’ostéoporose sous le nom projeté PROTOS, un nom commercial qui a été autorisé, mais qui, comme il a été souligné, ne peut être enregistré tant qu’il n’est pas véritablement employé (commercialisé) au Canada. Ainsi, les deux premiers facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi sont neutres puisque chaque marque projetée était distinctive : 1) ni l’une ni l’autre des marques n’avait en soi un sens identifiable; et 2) il n’y avait aucun élément de preuve indiquant que l’une ou l’autre des parties aurait employé ou promu sa marque au Canada à ce jour. Quant au deuxième facteur, soit la période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage, les marques n’avaient pas été employées à ce jour. Comme il a été souligné, aucune partie n’a cherché à contester ces deux conclusions tirées par la membre de la Commission.

 

1) Omission de trancher sur l’admissibilité d’une preuve

[52]           À mon avis, l’argument selon lequel NPS a subi un préjudice parce que la membre de la Commission n’a pas rendu de décision sur l’admissibilité de certaines pièces dans l’affidavit de M. Sumpter est injustifié. Une décision sur ce point n’était pas nécessaire parce que la membre de la Commission a conclu que ces éléments de preuve n’étaient pas importants à l’égard de la question qu’elle devait trancher, à savoir si de tels éléments de preuve établissaient un risque de confusion dans l’esprit des acteurs du domaine de la prescription de médicaments quant à la source du médicament, c’est-à-dire s’ils risquaient de croire que PROTOS était distribué par NPS. Dans les circonstances, il importe peu que la membre de la Commission n’ait pas précisé que la pièce « J » était inadmissible.

 

2) Le témoignage de M. Munro

[53]           De même, l’argument portant que la membre de la Commission n’a pas pris dûment en compte le témoignage de M. Munro est également injustifié. Elle a reconnu le témoignage de ce dernier démontrant que les marques étaient identiques dans leur présentation en raison des préfixes « PR » et des suffixes « OS », lesquels sont visuellement et phonétiquement identiques. Elle a accepté son témoignage portant que les marques ont le même nombre de syllabes et la même structure tonique, et qu’elles ont presque le même nombre de lettres. Elle a également souscrit à son témoignage selon lequel aucune des deux marques ne suggère d’idée, mis à part l’unité « OS », qui peut suggérer un lien avec « os » et « ostéoporose ».

 

[54]           Toutefois, la membre de la Commission a rejeté le témoignage de M. Munro portant que les marques étaient identiques dans le son parce qu’il n’a pas utilisé la méthode appropriée en disséquant les marques projetées au motif que cette méthode ne correspond pas à l’examen qu’en ferait le consommateur moyen. À mon avis, les faits et la jurisprudence soutiennent la conclusion de la membre de la Commission selon laquelle il existe un degré appréciable de ressemblance entre les marques. L’emploi des mots « degré appréciable » est important parce qu’il démontre qu’un poids considérable a été accordé à ce facteur lorsqu’elle a soupesé l’ensemble des facteurs pertinents.

 

(3) PROTOS ou PROTELOS

[55]           Contrairement aux observations de l’avocat de NPS, la membre de la Commission a expressément tenu compte de l’argument portant que, selon toute vraisemblance, Servier Canada choisirait la marque PROTOS pour commercialiser son produit pour le traitement de l’ostéoporose lorsqu’un avis de conformité serait délivré. Elle a précisément reconnu qu’« [i]l se peut bien que l’Opposante choisisse une marque ou l’autre lorsqu’elle commencera à commercialiser son produit au Canada », mais ceci n’a pas eu d’incidence sur l’opposition puisque la marque PROTOS était encore en règle. À mon avis, la membre de la Commission n’a commis aucune erreur en tirant cette conclusion. Elle s’est appuyée sur les réponses de M. Sumpter indiquant que Servier Canada entendait toujours employer la marque PROTOS lorsque l’avis de conformité serait délivré et qu’elle a le droit de le faire puisque sa demande a été acceptée et que la marque serait automatiquement enregistrée après la production d’une déclaration d’emploi. NPS aurait un recours si la marque PROTELOS était choisie. Elle pourrait intenter une demande de radiation en vertu de l’article 57 de la Loi. La décision de la membre de la Commission est raisonnable dans les circonstances.

 

(4) Les différences réelles entre les marques PREOS et PROTOS

[56]           L’avocat de NPS allègue que la membre de la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte des circonstances de l’espèce pour conclure que le produit PREOS est différent du produit PROTOS sur plusieurs points importants. Il a affirmé que la membre de la Commission a considéré les marchandises comme étant identiques en raison de la description comprise dans l’état déclaratif des marchandises de la demande d’enregistrement.

 

[57]           Il est vrai que sous la rubrique « Autres circonstances de l’espèce », Me Robitaille, membre de la Commission, n’a pas examiné les différences réelles entre les deux produits, lesquels ne sont pas encore sur le marché au Canada. Selon moi, cet argument tient davantage à la forme qu’au contenu puisqu’elle a analysé ce point en examinant le genre de marchandises. Elle a conclu que les marques de commerce examinées visaient des marchandises identiques, soit des « préparations pharmaceutiques pour la prévention ou le traitement de l’ostéoporose ». Elle a plus particulièrement fait référence au témoignage de M. Kendler portant sur les différences réelles entre les produits et sur le fait qu’un patient comprendrait la différence entre un stylo injecteur et une suspension orale.

 

[58]           Toutefois, la membre de la Commission n’était pas d’accord avec la façon dont la demanderesse a abordé la question, parce que ce n’était pas ainsi qu’il fallait l’aborder, ce qu’elle a expliqué au paragraphe 47 de ses motifs, lequel est reproduit au paragraphe 22 des présents motifs. À son avis, il fallait comparer l’état déclaratif des marchandises de NPS figurant dans sa demande d’enregistrement avec celui qu’a produit Biofarma pour PROTOS.

 

[59]           L’avocat de NPS soutient qu’en tirant une telle conclusion, la membre de la Commission a commis une erreur, citant Andrés Wines Ltd. c. Vina Concha Y Toro S.A., (2001) 13 C.P.R. 4th 110 (Andrés Wines), une décision dans laquelle la demanderesse avait intenté un recours en radiation à l’égard de la marque enregistrée TRIO de la défenderesse employée en liaison avec du vin au motif qu’elle créait de la confusion avec l’emploi de sa marque TRIUS en liaison avec du vin, dont la date d’enregistrement était antérieure à celle de TRIO.

 

[60]           En toute déférence, j’estime que la décision Andrés Wines n’est pas utile à NPS. La demande de radiation en vertu de l’article 57 a été rejetée. Pour examiner les facteurs, soit le genre de marchandises et la nature du commerce, le juge Dubé a tenu compte du fait que les marchandises des deux marques étaient du vin, soit TRIUS, un vin canadien vendu seulement en Ontario dans ses propres magasins ou dans les sections générales des vins de la Régie des alcools de l'Ontario (RAO), et TRIO, un vin chilien vendu dans les sections des vins VINTAGES de la RAO. Le juge Dubé a indiqué que l’origine géographique était un facteur important pour le choix des consommateurs. Malgré ces différences, il a conclu que tant le genre de marchandises que la nature du commerce jouaient fortement en faveur de la marque de commerce TRIO. Par contre, en l’espèce, la membre de la Commission a conclu que les marchandises et les voies commerciales étaient identiques. Je reconnais que dans l’arrêt Andrés Wines, le juge Dubé a également examiné, sous la rubrique « Autres circonstances de l’espèce », le fait que le vin TRIUS était uniquement vendu en Ontario, tandis que le vin TRIO était vendu partout au Canada, et que les deux produits ne pouvaient être vendus côte à côte. Il a également tenu compte du fait qu’il existait sept autres marques de commerce déposées pour des vins qui commencent par la syllabe « TRI ». J’estime que l’analyse réalisée sous cette même rubrique reprend en grande partie le contenu de l’analyse précédemment exposée dans la décision du juge Dubé.

 

[61]           En résumé, l’arrêt Andrés Wines ne traite pas de la question sur laquelle la membre de la Commission a statué en insistant sur l’importance de comparer l’état déclaratif des marchandises dans le contexte de demandes d’enregistrement fondées sur l’emploi projeté des marques plutôt que leur emploi réel.

 

[62]           La méthode employée par la membre de la Commission a été confirmée dans l’arrêt Mattel, aux paragraphes 53 et 74 des motifs du juge Binnie. Le paragraphe 53 est rédigé comme suit  :

53     L’appelante a soutenu que les instances inférieures ont eu tort d’examiner les activités réelles de l’intimée plutôt que les termes figurant dans sa demande d’enregistrement de la marque projetée.  Il est vrai qu’il faut s’attacher aux termes employés dans la demande, parce que ce qui est en cause est ce que l’enregistrement permettrait à l’intimée de faire, et non pas ce qu’elle fait actuellement.  L’appelante a tout de même présenté de nombreux éléments de preuve (comme le veut la pratique) concernant les activités véritables des restaurants de l’intimée, y compris plusieurs photographies, de nombreux échantillons de menus et des coupures d’annonces variées.  Dans les circonstances, il n’est pas surprenant que la Commission et le juge des requêtes aient cru bon de formuler des observations sur les activités de l’intimée, à partir, en grande partie, de la preuve produite par l’appelante elle‑même.  Cela dit, je ne crois pas que la Commission ou les tribunaux inférieurs aient mal apprécié la nature du litige.  Les termes employés par l’intimée dans sa demande ([traduction] « des services de restaurant, des services de mets à emporter, des services de traiteur et de banquet ») ont été repris par la Commission et le juge des requêtes, et à la lecture de leurs motifs respectifs, considérés dans leur ensemble, je ne crois pas qu’ils aient mal compris la question qui leur était soumise.

 

 

[63]           À la dernière phrase du paragraphe 74, le juge Binnie précise qu’ « [i]l est important de se rappeler, comme le dit l’appelante, que ce qui est en cause, ce n’est pas l’étendue des activités actuelles de l’intimée, mais l’étendue de la protection qu’elle cherche à obtenir en demandant l’enregistrement de sa marque de commerce ».

 

[64]           Tous les facteurs susmentionnés me poussent à conclure que la membre de la Commission n’a pas commis d’erreur et qu’elle a adopté la méthode appropriée.

 

(5) La question relative aux médicaments sur ordonnance

[65]           L’avocat de NPS soutient que la membre de la Commission n’a pas pris en considération le principe selon lequel les consommateurs prennent plus de précautions lorsqu’il s’agit de médicaments sur ordonnance, réduisant ainsi le risque de confusion. En s’appuyant sur le paragraphe 58 de l’arrêt Mattel, l’avocat affirme que le fait que le consommateur prête une plus grande attention à certaines décisions d’achat plus qu’à d’autres réduit la probabilité de confusion. Il se fonde sur la décision du juge Mahoney dans l’affaire William H. Rorer, (Canada) Ltd. c. Johnson & Johnson (1980), 48 C.P.R. (2d) 58 (Rorer) pour affirmer qu’en ce qui concerne les médicaments sur ordonnance, les risques de confusion sont minimes en raison de la nature du commerce.

 

[66]           En tenant compte de l’argument présenté par l’avocat de la demanderesse sur ce point, les motifs de la membre de la Commission doivent être examinés globalement. La membre de la Commission a examiné la question à deux reprises dans ses motifs.

 

[67]           La première référence se trouve sous la rubrique « c) le genre de marchandises, services ou entreprises; et d) la nature du commerce ». Au paragraphe 44 de ses motifs, la membre de la Commission souligne que les deux marques PREOS et PROTOS sont liées à des marchandises identiques, soit des préparations pharmaceutiques pour la prévention ou le traitement de l’ostéoporose; les deux produits, des médicaments sur ordonnance, sont distribués dans des pharmacies et seront tous deux vraisemblablement indiqués principalement pour les personnes âgées. Au paragraphe 46, elle écrit que « [l]a Requérante soutient que les professionnels de la santé, à savoir les médecins et les pharmaciens, comprendront qu’ils ont affaire à deux produits très distincts ». Elle a également souligné l’argument de la demanderesse selon lequel les patients à qui ces produits seront prescrits comprendront certainement la différence entre, d’une part, un produit qui comprend un stylo injecteur et doit être injecté à travers la peau et, d’autre part, une suspension orale.

 

[68]           La membre de la Commission a ensuite statué comme suit :

 

Bien que j’admette qu’il existe un certain fondement à l’argument de la Requérante selon lequel le risque de confusion est atténué dans le domaine de la prescription de médicaments puisque la nature de la transaction est telle que les produits sont délivrés par des professionnels méticuleux habitués à faire des distinctions entre les noms de différents produits, je ne suis pas d’accord avec la façon dont la Requérante aborde la question, parce que ce n’est pas ainsi qu’il faut l’aborder.

 

 

[69]           Cette façon d’aborder la question a déjà été examinée dans les présents motifs. On doit comparer les états déclaratifs des marchandises figurant dans les demandes d’enregistrement, mais il faut encore une fois souligner que les deux marques sont liées à des marchandises identiques qu’on prévoit acheminer par les mêmes voies commerciales. À la dernière phrase du paragraphe 47 de ses motifs, la membre de la Commission a ajouté qu’ « [i]l est également bien établi que même dans le cas de médicaments sur ordonnance, le consommateur moyen s’entend du médecin qui prescrit le médicament, du pharmacien et du patient ».

 

[70]           Même si la membre de la Commission n’a cité aucune jurisprudence à l’appui de sa proposition portant que le patient est aussi visé dans la description du consommateur moyen de médicaments sur ordonnance, elle faisait incontestablement référence à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., [1992] 3 R.C.S. 120 (Ciba-Geigy), dans laquelle le juge Gonthier, dans le cadre d’une action en passing-off (commercialisation trompeuse) portant sur la présentation (forme, couleur et taille) de deux médicaments sur ordonnance, a expressément conclu que les patients font partie des consommateurs de tels médicaments sur ordonnance et qu’ils pourraient être touchés par un risque de confusion entre les deux médicaments. Le juge Gonthier a souligné que dans une motion de jugement sommaire qui a été rejetée, les tribunaux ont conclu que seule une confusion dans l'esprit des médecins, dentistes ou pharmaciens était pertinente et que la demanderesse n'avait pas fait la preuve d'une confusion attribuable à la présentation identique.

 

[71]           Le juge Gonthier a conclu que les patients font partie de ceux pouvant être touchés par le risque de confusion lié à la présentation identique au motif qu’une action en passing-off a pour but la protection de toutes les personnes qui sont concernées par le produit. Le juge Gonthier a statué que les deux produits en cause étaient interchangeables sur la liste des médicaments provinciaux. Au paragraphe 98 de ses motifs, le juge Gonthier a conclu que « [l]e milieu des produits pharmaceutiques délivrés sur ordonnance n'est pas si fondamentalement différent des autres sphères d'activités commerciales qu'il faille le soumettre à des règles spéciales ».

 

[72]           Le deuxième passage où la membre de la Commission examine la question relative aux médicaments sur ordonnance se trouve dans la partie traitant des erreurs relatives à la médication, c’est-à-dire les erreurs dans la prescription de médicaments et les erreurs commises par un pharmacien en délivrant la prescription. Au paragraphe 65 de ses motifs, la membre de la Commission a souscrit à l’argument de la demanderesse en concluant que « la possibilité d’erreurs dans la prescription ou la délivrance de médication n’est pas directement liée à la probabilité de confusion quant à la source du produit, qui constitue la question à trancher dans cette affaire ». [Non souligné dans l’original.] Elle appuie sa conclusion sur la décision de la Commission rendue en 1998 dans l’affaire SmithKline Beecham Corp. c. Pierre Fabre Médicament [1998] C.O.M.C. n141, pour conclure que le critère de la confusion dans le cas de produits pharmaceutiques n’est pas différent de celui qui doit être appliqué à d’autres marchandises et, ultimement, que la question fondamentale devant être tranchée est expressément liée à la source du produit.

 

[73]           De plus, l’avocat de la demanderesse a eu tort d’invoquer la décision Rorer puisque cette décision a été tranchée avant la décision Ciba-Geigy.

 

[74]           En me fondant sur une lecture globale de la décision de la membre de la Commission, je conclus qu’elle a tenu compte de la réaction des médecins et des pharmaciens en soupesant les facteurs nécessaires pour conclure, sur la question de première impression et de souvenir imparfait, que la demanderesse n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait aucune probabilité raisonnable de confusion quant à la source des marchandises des parties. [Je souligne.]

 

[75]           Dans l’ensemble, la décision de la membre de la Commission est raisonnable et justifiable au regard des faits et du droit. Pour ces motifs, le présent appel est rejeté.

 

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que le présent appel est rejeté, avec dépens, lesquels sont fixés selon le niveau supérieur des unités de la colonne IV du tarif.

 

 

                                                                                                            « François Lemieux »

                                                                                                ______________________________

                                                                                                                         Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre, trad. a., LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-593-08

 

INTITULÉ :                                                   NPS PHARMACEUTICALS, INC. c. BIOFARMA, SOCIÉTÉ PAR ACTIONS SIMPLIFIÉE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 2 décembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET

JUGEMENT :                                                Le juge Lemieux

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 19 février 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

David J. McGruder

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

Louis Gratton

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Oyen Wiggs Green & Mutala LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

Ogilvy Renault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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