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Date : 20090225

Dossier : T-935-08

Référence : 2009 CF 188

Ottawa (Ontario), le 25 février 2009

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

demandeur

et

 

RABAH TARFI

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’un appel par le Ministre de la citoyenneté et de l’immigration (le Ministre) en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R., 1985, ch. C-29 (la loi) de la décision d’un juge de la citoyenneté (le juge) datée du 14 avril 2008. Ce dernier a conclu que Rabah Tarfi (le défendeur) rencontrait les exigences de résidence stipulées au paragraphe 5(1)(c) de la loi pour devenir citoyen canadien.

 

[2]               Pour les raisons qui suivent l'appel sera accueilli.

 

 

[3]               En s'inspirant de Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286 (1ère inst.), au paragraphe 10, le juge a répondu aux six questions suivantes :

1)         la personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s'absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?

 

2)         où résident la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) du requérant?

 

3)         la forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu'elle n'est qu'en visite?

 

4)         quelle est l'étendue des absences physiques (lorsqu'il ne manque à un requérant que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1 095 jours, il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque les absences en question sont considérables)?

 

5)         l'absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l'étranger)?

 

6)         quelle est la qualité des attaches du requérant avec le Canada: sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays?

 

Questions en litige

[4]               Est-ce que le juge a erré en concluant que le défendeur rencontrait les critères relatifs à la résidence prévus au paragraphe 5(1)(c) de la loi. En d'autres mots a-t-il erré dans son application des éléments de l'arrêt Koo, ci-dessus.

 

[5]               Est-ce que le juge aurait dû traiter de la question de la crédibilité du défendeur?

 

Législation pertinente

[6]               Le paragraphe 5(1) de la loi stipule ceci :

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

a) en fait la demande;

 

 

b) est âgée d’au moins dix-huit ans;

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

 

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

 

 

 

 

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

 

 

 

 

 

d) a une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada;

 

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

 

f) n’est pas sous le coup d’une mesure de renvoi et n’est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l’article 20.

 

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

 

(a) makes application for citizenship;

 

(b) is eighteen years of age or over;

 

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

 

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

 

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

 

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

 

(f) is not under a removal order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.

 

[7]               L’article 10 prévoit les circonstances où la citoyenneté peut être annulée :

10. (1) Sous réserve du seul article 18, le gouverneur en conseil peut, lorsqu’il est convaincu, sur rapport du ministre, que l’acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté, ou la réintégration dans celle-ci, est intervenue sous le régime de la présente loi par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, prendre un décret aux termes duquel l’intéressé, à compter de la date qui y est fixée :

 

a) soit perd sa citoyenneté;

 

 

b) soit est réputé ne pas avoir répudié sa citoyenneté.

 

 

 

 

 

 

(2) Est réputée avoir acquis la citoyenneté par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels la personne qui l’a acquise à raison d’une admission légale au Canada à titre de résident permanent obtenue par l’un de ces trois moyens.

 

10. (1) Subject to section 18 but notwithstanding any other section of this Act, where the Governor in Council, on a report from the Minister, is satisfied that any person has obtained, retained, renounced or resumed citizenship under this Act by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances,

 

 

 

 

 

 

(a) the person ceases to be a citizen, or

 

(b) the renunciation of citizenship by the person shall be deemed to have had no effect,

as of such date as may be fixed by order of the Governor in Council with respect thereto.

 

(2) A person shall be deemed to have obtained citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances if the person was lawfully admitted to Canada for permanent residence by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances and, because of that admission, the person subsequently obtained citizenship.

 

Norme de contrôle

[8]               La norme de contrôle applicable à la décision d’un juge de la citoyenneté sur la question de savoir si un résident permanent satisfait ou non à l’obligation en matière de résidence est celle de la décision raisonnable (Pourzand c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 395, 166 A.C.W.S. (3d) 222, au paragraphe 19; Zhang c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 483, 167 A.C.W.S. (3d) 38; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190).

 

[9]               La retenue est suggérée quant aux décisions des juges de la citoyenneté étant donné leurs connaissances spécialisées et leur expérience (Chen c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1693, 135 A.C.W.S. (3d) 773, au paragraphe 5; Morales c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 778, 45 Imm. L.R. (3d) 284).

 

 

1.         Est-ce que le juge a erré en concluant que le défendeur rencontrait les critères relatifs à la résidence prévus au paragraphe 5(1)(c) de la loi?

[10]           Selon le demandeur, le juge a correctement identifié les questions mentionnées dans Koo, ci-dessus, mais les a mal appliquées. Au contraire, le défendeur soutient la décision du juge.

 

a)         Le défendeur était-il physiquement présent au Canada durant une période prolongée avant de s’absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?

[11]           Selon le demandeur, le juge a mentionné une dizaine d’éléments dont aucun ne répond à la question. Contrairement à ce qui est exigé, le juge n’a pas identifié les périodes durant lesquelles le défendeur s’est absenté, ni la durée de ses absences juste avant la demande de citoyenneté.

 

[12]           Le juge a accepté sans preuve l'explication du défendeur qu'il n'a pas pu trouver un emploi régulier au Canada à cause de son expertise et de son âge (50 ans).

 

[13]           D’après le demandeur, il est inconcevable qu’un ingénieur dans le domaine pétrolier qui maîtrise bien les deux langues officielles soit incapable de trouver un emploi au Canada pouvant lui octroyer un revenu de 24 000 $ par année.

 

[14]           Quant au défendeur, le juge a considéré la période qui s’est écoulée depuis la date de l’établissement du défendeur dans la région de la Capitale nationale et la date de son premier départ du Canada pour un voyage d’affaires (soit 68 jours). Il a également mentionné la période de la première absence du Canada, la date du premier retour au Canada et la date de la demande de citoyenneté. Le juge a indiqué les absences et présences du défendeur au Canada en termes de jours durant la période pertinente à la quatrième question du test Koo, ci-dessus. Il n'a donc pas à répéter ces dates pour chaque question qu'il avait à analyser.

 

[15]           Toujours selon le défendeur, étant donné que ce dernier a centralisé son existence au Canada pendant les 68 jours qu’il était ici avant d'aller travailler ailleurs, il pouvait inclure ses jours d’absence dans le calcul des 1 095 jours prévus dans la loi (Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vericherla, 2003 CFPI 267, 121 A.C.W.S. (3d) 611, aux paragraphes 29-30). Dans Papadogiorgakis c. Canada, [1978] 2 C.F. 208 (1ère inst.), on a clairement établi que la présence physique au Canada n’est absolument pas essentielle afin d’y maintenir sa résidence.

 

[16]           Le défendeur cite Badjeck c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1301, 214 F.T.R. 204 afin de démontrer qu'une présence physique d'une durée continue de 1 095 jours n'est pas nécessaire s'il existe des circonstances spéciales et exceptionnelles à condition cependant que le demandeur démontre qu'il s'est établi au Canada.

 

[17]           Le défendeur est aussi d'accord avec le juge qui a analysé les démarches du défendeur afin de se trouver un emploi au Canada et les raisons pour lesquelles il a dû chercher de l'emploi ailleurs.

 

b)         Où résident la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) du défendeur?

[18]           La deuxième question dans Koo, ci-dessus n'a pas fait l'objet de contestation de la part du demandeur.

 

c)         La forme de présence physique du défendeur au Canada dénote-t-elle que ce dernier revient dans son pays ou, alors, qu’il n’est qu’en visite?

[19]           D’après le demandeur, le juge a encore considéré des facteurs qui sont non pertinents. Le juge ne distingue pas entre la déclaration de revenus et le paiement d’impôts et il aurait dû savoir qu’il est impensable qu’un ingénieur qui travaille à Dubaï dans le domaine pétrolier gagne seulement 24 000 $ par année. Même s’il déclare ses revenus au Canada, le défendeur paye très peu d’impôt ici.

 

[20]            La scolarité des enfants n’est pas pertinente. Le juge aurait dû plutôt tenter de savoir si le défendeur était membre d’organismes communautaires, de clubs ou d’associations quelconques au Canada.

 

[21]           Le défendeur plaide que l’argument du demandeur concernant le montant des impôts payés n'a aucune incidence. D'ailleurs, c’est le Ministre du Revenu et non le Ministre de l’Immigration qui vérifie la véracité des déclarations d’impôt et qui émet des avis de cotisation.

 

[22]           Selon le défendeur, le demandeur semble oublier que le défendeur ne travaille pas à temps complet et que les revenus déclarés sont des revenus obtenus à la suite de contrats d’une durée de moins d’un mois. Le défendeur soumet aussi que le juge a tenu compte que depuis son arrivée au Canada, il a passé tous ses congés avec sa famille et n’a effectué aucun voyage à l'étranger sauf pour le travail ou pour des raisons familiales.

 

d)         Quelle est l’étendue des absences physiques?

 

[23]           Le demandeur soumet que le juge n'a pas tenu compte de l'arrêt (Xu c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 700, 139 A.C.W.S. (3d) 433, au paragraphe 15) qui mentionne que le nombre de jours de présence physique au Canada doit être suffisamment élevé alors que ce n'est pas le cas dans la cause sous étude.

 

[24]           Le défendeur soutient que le juge s'est bien dirigé en droit lorsqu'il a adopté une des deux approches jurisprudentielles pour l'établissement de la résidence en vertu du paragraphe 5(1)(c) de la loi. Il aurait pu adopter l’approche mathématique mais il a choisi à bon droit l'approche plus libérale, c'est-à-dire l'interprétation de la résidence habituelle en ce sens qu'une personne peut être absente à l'occasion en autant qu'elle a centralisé son mode d'existence au Canada.

 

[25]           Le défendeur déclare que le quatrième critère n’est pas plus important que les autres (Nulliah c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1423, 153 A.C.W.S. (3d) 515, aux paragraphes 13 et 14 et Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Tovbin (2000), 190 F.T.R. 102, 100 A.C.W.S. (3d) 538, au paragraphe 28). Il doit être évalué avec les autres en tenant compte des circonstances particulières de chaque cas. Ainsi, contrairement à ce que la Cour a décidé dans Xu c. Canada, ci-dessus, la Cour a, dans d’autres circonstances, jugé qu'une présence physique aussi courte que 100 jours au Canada était suffisante pour obtenir la citoyenneté canadienne.

 

e)         L’absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire?

 

[26]           Ici, le demandeur prétend que le juge n'a pas répondu à cette question. Étant donné que le défendeur a admis qu’il n’avait pas l’intention de poursuivre sa recherche d’emploi au Canada, ses absences deviennent permanentes et ne changeront pas jusqu'à sa retraite Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Zhou, 2008 CF 939, [2008] A.C.F. no 1170 (QL), au paragraphe 15).

 

[27]           Le demandeur cite Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) v. Hussein, 2008 CF 757, 169 A.C.W.S. (3d) 954 et Yip c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 91 A.C.W.S. (3d) 525, [1999] A.C.F. no 1393 (C.F. 1ère inst.) (QL), aux paragraphes 7 et 8, pour démontrer que le fait de travailler à l’étranger ne constitue pas une justification acceptable pour les absences.

 

[28]           De son côté, le défendeur affirme qu’il n’a jamais mentionné avoir eu l'intention de cesser ses recherches d'emploi au Canada. Il a d'ailleurs démontré les démarches qu'il avait entreprises sans succès.

 

[29]           Les contrats du défendeur sont à courte durée (Pourzand, ci-dessus, au paragraphe 25). Il revient au Canada à chaque fois lorsque le contrat est terminé. Ceci démontre son intention de s'installer ici.

 

[30]           Le défendeur s'appuie sur Badjeck, ci-dessus, au paragraphe 43 pour affirmer qu'il ne devrait pas être privé de sa citoyenneté simplement parce qu’il doit gagner sa vie à l’étranger.

 

[31]           Le défendeur ajoute que dans Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Pang, 2002 CFPI 962, 116 A.C.W.S. (3d) 816, aux paragraphes 5 et 6, l'âge et l'expérience ont été considérés comme facteurs de difficultés dans la recherche d'emploi.

 

f)          Quelle est la qualité des attaches du défendeur avec le Canada : sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays?

 

[32]           Selon le demandeur, le juge n'a pas mis assez d'emphase sur le fait que le défendeur passait du temps en Algérie. En effet, ce dernier était propriétaire d'une résidence qui était occupée par l’une de ses belles-sœurs et s'occupait aussi des affaires de sa mère.

 

[33]           Le juge aurait dû en venir à la conclusion que le défendeur n'avait pas centralisé son mode de vie au Canada (Eltom c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1555, 284 F.T.R. 139, au paragraphe 22).

 

[34]           En s'appuyant sur le tableau fourni au tribunal, le défendeur indique qu'il faisait coïncider ses voyages d'affaires avec ses visites auprès de sa mère. Aucun de ses employeurs ou sa famille immédiate ne se retrouvent en Algérie.

 

Analyse

[35]           Il ressort de la jurisprudence que l’établissement de la résidence au Canada est une condition préalable à l’acquisition de la citoyenneté (Ahmed c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1067, 225 F.T.R. 215). La Cour a décidé que pour remplir les conditions requises par la loi, la résidence doit, dans un premier temps, être établie et, dans un deuxième temps, être maintenue. Si le critère d’établissement n’est pas établi, les absences du Canada ne sont pas pertinentes et l’enquête doit s’arrêter.

 

[36]           Le juge écrit au paragraphe 8 de sa décision :

Avant de repartir pour compléter son contrat à Dubaï le 20 février 1998, il installe sa famille à Ottawa.

 

Pendant cette période de 68 jours, il a :

 

-         installé toute sa famille à l'hôtel;

-         etc…

 

 

[37]           La preuve au dossier contredit l'affirmation du juge à l'effet que le défendeur était présent pendant une période de 68 jours avant de quitter pour Dubaï le 20 février 1998. La Cour se réfère en particulier au tableau d'absences du défendeur (page 51, dossier du tribunal). Le juge a sûrement oublié l'absence du défendeur du Canada du 29 décembre 1997 au 30 janvier 1998 (32 jours) des 68 jours qu'il a comptés entre le 14 décembre 1997 au 20 février 1998. En réalité, le défendeur n'est demeuré au Canada que pendant une période de 15 jours avant de quitter pour Abu-Dhabi, UAE soit du 14 décembre 1997 au 29 décembre 1997.

 

[38]           Ce constat contredit aussi le paragraphe 11 de la décision lorsque le juge affirme que le défendeur a quitté le Canada pour la première fois le 20 février 1998.

 

[39]           De plus, la Cour est d'accord avec la prétention du demandeur que le juge n'a pas répondu à la première question de l'arrêt Koo. En faisant l'analyse des documents déposés, la Cour s'aperçoit que le défendeur n'a été présent que pendant quatre jours au Canada avant la date de sa demande de citoyenneté : 12 mars 2005 (page 27, dossier du tribunal) et son absence du 16 janvier 2005 au 8 mars 2005 (page 51, dossier du tribunal) ce qui ne peut certainement pas être considéré comme une présence physique pendant une période prolongée.

 

[40]           Le juge mentionne aussi au paragraphe 8 de sa décision … « entrepris des démarches pour se trouver du travail en Alberta auprès des principales entreprises pétrolières ». Selon le juge, ces démarches auraient eu lieu pendant la période de 68 jours de l'arrivée du défendeur au Canada. Or, on sait maintenant que le nombre de jours (68) est inexact, mais en plus, l'énoncé du juge n'est basé sur aucune assise factuelle.

 

2.         Est-ce que le juge aurait dû traiter de la question de la crédibilité du défendeur?

[41]           Selon le demandeur, la décision du juge est viciée car il a omis de se prononcer sur la crédibilité du défendeur. Il aurait dû rejeter la demande en constatant les divergences importantes dans les mentions d'absence dans la demande de citoyenneté et le questionnaire complété par le défendeur (Lama c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 461, 142 A.C.W.S. (3d) 925, aux paragraphes 13 et 25).

 

[42]           Dans le cas qui nous occupe, le défendeur a initialement déclaré qu’il avait été absent pendant 233 jours (page 19, dossier du tribunal) mais, lorsqu'il répond au questionnaire, il indique 984 jours d'absence (pages 51 et 52, dossier du tribunal). Il s’agit donc d’une différence de 751 jours.

 

[43]           En vertu de l’article 10 de la loi, le juge peut annuler la citoyenneté d'une personne devant l'existence de fraude ou de fausse déclaration. Le demandeur prétend que le juge ne mentionne rien au sujet de la contradiction dans les journées d'absence du défendeur. Ceci démontre que le juge a ignoré la preuve. De toute évidence, la crédibilité du défendeur était gravement entachée.

 

[44]           Le défendeur rappelle que la Cour doit faire preuve d'une grande retenue face aux questions de crédibilité car c’est le juge de la citoyenneté qui est le mieux placé pour en traiter (Wong c. Canada, 2008 CF 731, 169 A.C.W.S. (3d) 952, au paragraphe 15). Même si le juge n'en a pas fait mention, cela ne veut pas dire qu’il n’en a pas tenu compte lors de son analyse.

 

[45]           Le défendeur soumet aussi que l’article 10 de la loi n’est pas applicable en l’espèce car le juge s'est basé sur le questionnaire et non sur la déclaration initiale pour accorder la citoyenneté au défendeur. D'ailleurs, l'information obtenue par le questionnaire est conforme aux mentions inscrites dans le passeport du défendeur. Il ne s'agit donc pas d'une fausse déclaration mais peut-être une erreur de calcul de la part du défendeur.

 

[46]           Avec respect pour l'opinion contraire, la Cour croit que le juge aurait dû se prononcer sur cette question. En s'abstenant de commenter ou de se prononcer sur une question aussi importante démontre que le juge a ignoré une partie importante de la preuve.

 

[47]           L'intervention de la Cour est justifiée.

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que l’appel soit accueilli. Le dossier est retourné pour réexamen devant un autre juge de la citoyenneté.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-935-08

 

INTITULÉ :                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                                                                           L’IMMIGRATION

                                                            et

                                                            RABAH TARFI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 10 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                      le 25 février 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :                       

 

Alexandre Tavadian                                                      POUR LE DEMANDEUR

 

Hind Mali                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John Sims, c.r.                                                              POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

LeBlanc Doucet McBride Canada                                POUR LE DÉFENDEUR       

Gatineau (Québec)

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