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Date : 20090303

Dossier : T‑824‑04

Référence : 2009 CF 58

Ottawa (Ontario), le 3 mars 2009

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’KEEFE

 

 

ENTRE :

UVIEW ULTRAVIOLET SYSTEMS INC.

demanderesse

 

et

 

BRASSCORP LTD.

(exerçant son activité sous la dénomination de

CLIPLIGHT MANUFACTURING COMPANY)

 

défenderesses

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DU 23 DÉCEMBRE 2008

ET JUGEMENT MODIFIÉ

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Il s’agit d’une action en contrefaçon des brevets canadiens 2235673 (le brevet 673) et 2224024 (le brevet 024), intentée par la société Uview Ultraviolet Systems Inc. (la demanderesse) contre Brasscorp Ltd. (la défenderesse). Les défenderesses à l’action ont déposé une demande reconventionnelle.

 

[2]               Pour ce qui concerne l’action principale, la demanderesse sollicite les mesures de réparation suivantes :

            a)         une déclaration valant entre elle et la défenderesse comme quoi elle est titulaire des brevets 673 et 024 et que ces brevets sont et restent valides;

            b)         une déclaration selon laquelle la défenderesse a contrefait les revendications 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 14, 15 et 16 du brevet 673, ainsi que les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21 et 38 du brevet 024, et qu’elle a incité et induit à la contrefaçon des revendications 1, 2 et 3 du brevet 673, ainsi que de la revendication 9 du brevet 024;

            c)         des injonctions provisoires, interlocutoires et permanentes interdisant à la défenderesse, soit par elle-même, soit par l’intermédiaire de ses actionnaires, administrateurs, cadres, mandataires, préposés, employés, filiales ou autres sociétés affiliées, ou de toute autre personne physique ou morale dépendant d’elle :

                        i)          de contrefaire directement ou indirectement quelque revendication que ce soit des brevets 673 ou 024;

                        ii)         d’inciter ou d’induire quiconque à contrefaire les revendications des mêmes brevets;

            d)         une ordonnance enjoignant à la défenderesse de remettre sans délai à la demanderesse tous les articles en sa possession ou sous son contrôle qui sont utilisés, fabriqués ou en cours de fabrication en contrefaçon desdits brevets 673 ou 024, ou prescrivant la destruction de ces articles;

            e)         des dommages-intérêts d’un montant à établir;

            f)          ou, subsidiairement à l’ordonnance demandée à l’alinéa e), une comptabilisation des profits réalisés par la défenderesse comme conséquence de ses activités illicites;

            g)         une indemnisation raisonnable au titre des actes, accomplis par la défenderesse après que les demandes de brevets ont été mises à la disposition du public pour consultation et avant la délivrance des brevets susdits, qui auraient contrefait respectivement ces brevets si ceux‑ci avaient été délivrés le jour même où les demandes correspondantes ont été ainsi mises à la disposition du public;

            h)         les intérêts avant et après jugement;

            i)          les dépens afférents à la présente action, calculés sur une base procureur-client et majorés de la TPS.

 

[3]               Pour ce qui concerne la demande reconventionnelle, la défenderesse sollicite les mesures de réparation suivantes :

            a)         une déclaration selon laquelle les revendications des brevets 673 et 024 sont et ont toujours été invalides et nulles;

            b)         une injonction provisoire, interlocutoire et permanente interdisant à la demanderesse, à ses cadres, administrateurs, mandataires et employés, ainsi qu’à toute autre personne dépendant d’elle directement ou indirectement, de faire des déclarations fausses ou trompeuses tendant à discréditer l’entreprise, les marchandises ou les services de la défenderesse, en violation de l’alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13;

            c)         les intérêts avant et après jugement sur tous dépens ou indemnités accordés, à un taux supérieur au taux d’intérêt actuel du crédit à la consommation;

            d)         les dépens, calculés sur une base procureur-client ou fixés au maximum de la colonne V du tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106.

 

Le contexte

 

[4]               Uview Ultraviolet Systems Inc. (la demanderesse et la défenderesse dans la demande reconventionnelle), société constituée en vertu des lois de l’Ontario, fabrique et distribue des outils de détection de fuites pour systèmes de conditionnement d’air. La demanderesse est propriétaire des brevets 673 et 024.

 

[5]               La demande de brevet 673 pour l’invention appelée Method and Apparatus for Charging Pressurized Systems (méthode et appareil d’injection pour systèmes sous pression) est devenue accessible au public aux fins de consultation le 26 mars 1998 et a été accordée à la demanderesse le 13 août 2002. Les revendications du brevet 673 présentent une méthode, un appareil et une cartouche permettant l’injection d’un fluide secondaire dans les systèmes fermés et sous pression de conditionnement d’air, comme le prévoit l’invention. Le brevet 673 donne à la demanderesse le droit, le privilège et la liberté exclusifs de fabriquer, d’utiliser et de vendre l’invention décrite dans le brevet 673 au Canada.

 

[6]               La demande de brevet 024 pour l’invention appelée méthode et appareil d’injection pour systèmes sous pression a été rendue publique le 8 juin 1999 et accordée à la demanderesse le 21 novembre 2006. Les revendications du brevet 024 comprennent une méthode, un appareil et une cartouche permettant l’injection d’un fluide secondaire dans les systèmes fermés et sous pression de conditionnement d’air. Le brevet 024 donne à la demanderesse le droit, le privilège et la liberté exclusifs de fabriquer, d’utiliser et de vendre l’invention décrite dans le brevet 024 au Canada.

 

[7]               Brasscorp Ltd. (la défenderesse et la demanderesse dans la demande reconventionnelle) exerce ses activités sous le nom de Cliplight Manufacturing Company. La défenderesse fabrique et/ou vend au Canada un appareil et des cartouches permettant l’injection d’un colorant dans les systèmes fermés et sous pression de conditionnement d’air, sous le nom de CLIPLIGHT REVOLVER UV DYE SYSTEM (pistolet à colorant UV Cliplight). La défenderesse fabrique et/ou vend également au Canada deux appareils d’injection destinés aux systèmes fermés et sous pression de conditionnement d’air : l’un utilisant un colorant vendu sous le nom de DYE STICK, et l’autre une huile vendue sous le nom de RETRO STICK.

 

Antériorité

 

[8]               Avant que le brevet 673 ne soit déposé, la méthode par infusion était le procédé le plus couramment utilisé pour injecter des fluides dans les systèmes de conditionnement d’air ou de réfrigération sous pression. Cette méthode consistait à injecter un fluide frigorigène sous pression dans les systèmes de conditionnement d’air. Le système d’infusion 701, qui constitue la preuve 9, est un exemple de dispositif d’infusion.

 

[9]               Les paragraphes 5 à 7 des conclusions finales de la demanderesse résument cette autre antériorité comme suit :

[traduction]

5.         Avant que le brevet 673 ne soit déposé, le procédé le plus couramment utilisé pour injecter des fluides secondaires dans les systèmes de conditionnement d’air ou de réfrigération était la méthode par infusion, consistant à injecter un fluide frigorigène sous pression dans ces systèmes. Le système d’infusion 701 (preuve 9) est un exemple de dispositif d’infusion.

 

6.         L’antériorité comprend également trois outils manuels d’injection mécanique adaptés pour l’injection de fluides secondaires dans les systèmes de conditionnement d’air. Le brevet américain 4467620 (« Bradley ») publié le 28 août 1984 présente un outil manuel d’injection d’huile dans les systèmes de conditionnement d’air dont il n’existe aucune preuve de commercialisation. Dans la première moitié des années 1990, deux outils mécaniques d’injection de fluides dans les systèmes de conditionnement d’air ont été introduits sur le marché. Le système breveté Quest était un outil de bricolage manuel et jetable d’injection mécanique prérempli de colorant rouge non fluorescent. Ce dispositif fut distribué en faible quantité au Canada, puis abandonné par son fabricant. L’injecteur Classic était un système réutilisable, manuel et mécanique dont le réservoir devait être rempli avant chaque utilisation. Le prédécesseur de la demanderesse, P & F Technologies (« P & F »), a distribué cet outil au Canada pendant une courte période et a jugé que ce n’était pas une réussite commerciale. Indépendamment de l’introduction sur le marché des produits Quest et Classic, les dispositifs d’infusion utilisant du gaz sous pression sont restés la méthode la plus couramment utilisée d’injection de fluides secondaires dans les systèmes de conditionnement d’air.

 

7.         Les systèmes Bradley, Quest et Classic sont tous des outils d’injection autonomes ou monoblocs comprenant :

 

·         un boîtier contenant le fluide secondaire;

 

·         un piston à l’intérieur de ce boîtier;

 

·         un vérin fileté, en prise dans le filetage du boîtier, permettant de diriger le piston.

 

Dans chaque cas, on fait tourner le vérin pour pousser le piston à l’intérieur du boîtier et en expulser le liquide. Le modèle Bradley dispose d’une barre transversale, et le Classic d’une poignée, permettant de faire tourner manuellement le vérin. Dans le cas du système Quest en revanche, une clé est nécessaire. Les outils Bradley et Classic étaient rechargeables tandis que le modèle Quest était jetable.

 

[10]           Phil Trigiani, président de Uview Ultraviolet Systems et unique inventeur nommé sur les brevets en cause de la demanderesse (brevets 673 et 024), a reçu une formation de mécanicien d’automobiles, a exercé en tant que tel et possède de l’expérience dans l’entretien et la réparation de climatiseurs d’automobiles. Il détient également une maîtrise en administration des entreprises. M. Trigiani et son cousin, Tony Ferraro, technicien de l’automobile expérimenté, ont fondé P & F Technologies, entreprise de fabrication d’équipement de récupération de produits frigorigènes. L’entreprise s’est développée pour proposer à la fois du matériel de récupération et de recyclage et d’autres types d’équipement et de matériaux d’entretien des automobiles.

 

[11]           Dans les années 1980, on a commencé à s’inquiéter de la détérioration de la couche d’ozone. Ces nouvelles préoccupations ont mené à l’adoption du protocole de Montréal au début des années 1990, qui a introduit des mesures d’élimination progressive des produits frigorigènes rejetés dans l’atmosphère. Ces mesures ont conduit à l’obligation de contrôler les systèmes de conditionnement d’air avant qu’ils ne soient remplis et utilisés, afin de repérer et réparer les fuites potentielles.

 

[12]           De même, l’agent réfrigérant R12 fut remplacé par le dénommé R134. Le R134 était fait de molécules plus petites, ce qui rendait la détection des fuites plus difficile, augmentant ainsi la demande en outils et méthodes efficaces. En réponse à cette demande, l’emploi de colorants fluorescents UV comme méthode de détection des fuites dans les systèmes de conditionnement d’air sous pression s’est répandu (voir paragraphes 6 et 7 de l’exposé conjoint des faits).

 

[13]           M. Trigiani et M. Ferraro ont formé la demanderesse, Uview Ultraviolet Systems Inc., et ont commencé à concevoir, développer et mélanger leurs propres colorants, et à fabriquer leurs propres lampes à UV et systèmes d’injection.

 

[14]           M. Trigiani affirme qu’afin de développer un meilleur produit d’injection il avait élaboré un outil disposant d’un contenant jetable prérempli d’un liquide pouvant être injecté dans un système de conditionnement d’air. Il devait ensuite créer l’avantage mécanique permettant de surmonter la pression du système, pour remplacer la méthode par infusion.

 

[15]           Aux environs de mars 1996, M. Trigiani et M. Ferraro ont fait une demande de brevet américain.

 

[16]           M. Trigiani a continué d’apporter des changements à son invention jusqu’à la production d’un prototype au cours de l’été 1996. Son procureur de brevets américain l’a informé que sa demande de brevet américain ne couvrirait pas le prototype de son système d’injection. C’est pourquoi la demande prioritaire 673 a été rédigée.

 

[17]           En 1996, deux autres prototypes ont été produits et fonctionnaient correctement. Néanmoins, ils se sont révélés trop dispendieux pour être viables sur le plan commercial.

 

[18]           Après réflexion, M. Trigiani a décidé de remplacer son prototype par un modèle commercial de pistolet d’injection. Cet outil adapté était suffisamment puissant pour surmonter la pression d’un système de conditionnement d’air ou de réfrigération et y injecter le colorant.

 

[19]           À la fin de l’année 1996, la conception des cartouches préremplies utilisée par le pistolet a été terminée.

 

[20]           Un brevet européen a également été obtenu pour ce pistolet d’injection.

 

[21]           La demanderesse a appelé son invention « SPOTGUN ».

 

[22]           Le paragraphe 11 de l’exposé conjoint des faits décrit le SPOTGUN et mentionne la date de sa première vente :

[traduction]

11.        La demanderesse a vendu son produit commercial pour la première fois sous la marque SPOTGUN le 4 février 1997. Cet injecteur consistait en un pistolet d’injection modifié, la cartouche comprenait un ajutage fileté, et le tuyau de remplissage, un clapet de non-retour à la jonction entre ces deux éléments et un raccord doté d’une valve conçue pour s’ouvrir à la connexion et se fermer à la déconnexion des orifices de remplissage des systèmes de conditionnement d’air ou de réfrigération.

 

 

[23]           Le paragraphe 12 de l’exposé conjoint des faits stipule :

[traduction]

12.        Le produit SPOTGUN de la demanderesse a été reconnu par le magazine Motor comme l’un des 20 meilleurs outils dans le numéro de septembre 1997.

 

 

[24]           Le SPOTGUN de la demanderesse a été adopté par General Motors moins d’un an après son lancement commercial. Tous les concessionnaires General Motors d’Amérique du Nord ont reçu un SPOTGUN pour l’entretien des systèmes de conditionnement d’air.

 

[25]           Alors que la demanderesse commençait à vendre le SPOTGUN, un produit nommé injecteur ROBINAIR a été mis sur le marché. L’injecteur ROBINAIR consistait en une seringue en plastique reliée à un tuyau permettant de le raccorder à un système de conditionnement d’air ou de réfrigération par l’intermédiaire d’un ajutage métallique en deux parties contenant un clapet de non-retour relié à l’extrémité du réservoir de la seringue.

 

[26]           Toujours pendant la même période, la défenderesse a essayé de développer un prototype d’injecteur utilisant une cartouche indépendante. Cette cartouche était dotée d’un opercule métallique qui était perforé pour communiquer avec l’ajutage de l’injecteur, muni d’un clapet de non-retour. Aucune preuve ne démontre que les dessins ou un prototype ont été rendus publics par la défenderesse.

 

[27]           Les paragraphes 14, 16, 18, 19, 20, 24, 27, 28, 29 et 30 de l’exposé conjoint des faits décrivent les produits et les activités de la défenderesse. Ils se lisent comme suit :

[traduction]

14.        Le 4 novembre 1997, la défenderesse a déposé aux États‑Unis la demande provisoire n° 60-064 172. [Cette demande provisoire] enregistrait ce dispositif d’injection de liquide de précision auprès de l’United States Patent and Trademark Office (USPTO).

 

[…]

 

16.        Le 3 novembre 1998, la défenderesse a déposé la demande de brevet canadien n° 2252329, (la demande 329) au Bureau des brevets, en réclamant la priorité sur la demande de brevet provisoire déposée le 4 novembre 1997. La demande 329 a été rendue accessible au public aux fins de consultation le 4 mai 1999, et admise le 29 février 2008.

 

[…]

 

18.        La défenderesse a commencé la commercialisation et la vente du DYE STICK et du RETRO STICK en 1998.

 

19.        La défenderesse vend son injecteur DYE STICK séparément et avec une trousse comprenant des tuyaux, des lampes et l’appareil connexe. La défenderesse vend son DYE STICK comme un injecteur jetable permettant d’insérer un colorant dans un système de conditionnement d’air par l’intermédiaire d’un tuyau, ainsi que comme élément fonctionnant avec les tuyaux du SPOTGUN.

 

20.        La défenderesse vend au Canada et à l’étranger son injecteur RETRO STICK séparément et comme élément d’une trousse comprenant des tuyaux. La défenderesse commercialise le RETRO STICK comme un outil permettant d’injecter une huile de conditionnement dans un système de conditionnement d’air fermé, par l’intermédiaire d’un tuyau.

 

[…]

 

24.        La défenderesse a commencé à vendre le dispositif d’injection de colorant REVOLVER au Canada en 2003. La défenderesse vend les injecteurs, les cartouches et les tuyaux du REVOLVER séparément et sous forme de trousses pouvant également comprendre des lampes UV, des adaptateurs et d’autres articles connexes, conçus expressément pour injecter un colorant UV dans un système de conditionnement d’air fermé et sous pression.

 

[…]

 

27.        Le 6 juin 2006, la défenderesse a conclu un accord de fourniture intitulé « Supply agreement » avec Spectronics (accord Spectronics). Avant l’exécution de l’accord Spectronics, la défenderesse a obtenu les composants de son dispositif d’injection de colorant REVOLVER directement de fournisseurs spécialisés et a assemblé et rempli les cartouches avec le colorant lui-même.

 

28.        En vertu de l’accord Spectronics, Spectronics achète les injecteurs REVOLVER et les composants des cartouches aux fournisseurs de Cliplight. Ces fournisseurs sont ceux auxquels la défenderesse faisait appel auparavant et ils continuent à fabriquer les produits et composants en utilisant l’outillage de la défenderesse. Spectronics assemble les cartouches et les remplit avec son propre colorant. Mis à part le colorant, les injecteurs et les cartouches REVOLVER fournis par Spectronics sont identiques à ceux que la défenderesse vendait avant l’accord Spectronics. En revanche, Spectronics ne fournit pas à la défenderesse les tuyaux pour le dispositif d’injection de colorant REVOLVER.

 

29.        La forme et la structure des injecteurs et des cartouches de colorant REVOLVER fournis par Spectronics sont identiques à celles des dispositifs que la défenderesse vendait avant l’accord Spectronics.

 

30.        Le 7 novembre 2007, la défenderesse a remis à Spectronics une demande écrite d’indemnité dans ce litige, en vertu du paragraphe 5.3 de l’accord Spectronics.

 

[28]           Les activités de la demanderesse avec Spectronics sont résumées aux paragraphes 21, 22 et 23 de l’énoncé conjoint des faits, qui se lisent comme suit :

[traduction]

21.        En mai 2000, la demanderesse a engagé des discussions avec Spectronics Corporation (« Spectronics ») concernant la contrefaçon du brevet de la demanderesse par Spectronics, chef de file de la fabrication d’outils mobiles pour l’entretien des systèmes de conditionnement d’air. Le 13 octobre 2000, la demanderesse a conclu un contrat de licence confidentiel avec Spectronics, accordant une licence à Spectronics pour les brevets de la demanderesse.

 

22.        Les brevets canadiens nos 2235673 et 2224024 correspondent à la définition des brevets autorisés de la licence accordée à Spectronics.

 

23.        La licence accordée à Spectronics est valide et subsistante.

 

Les autres mesures de protection de ses droits prises par la demanderesse

 

[29]           La demanderesse a intenté aux États-Unis contre Bright Solutions Inc. une action en contrefaçon de brevet tendant à faire interdire la vente de produits contrefaits. Cette mesure a donné lieu à la signature par la demanderesse et Bright Solutions Inc. d’un règlement amiable confidentiel en mai 2001.

 

[30]           La demanderesse fait état, aux paragraphes 36, 37 et 38 de ses conclusions finales, de trois autres mesures prises par elle pour protéger ses droits :

[traduction]

36.        La demanderesse a intenté au Royaume-Uni en 2004 une action en contrefaçon de brevet tendant à faire interdire la vente de produits contrefaits par R.J. Doran & Company Ltd. (R.J. Doran) dans ce pays. La demanderesse y soutenait le caractère contrefait de produits vendus par cette entreprise, notamment du dispositif d’injection de colorant REVOLVER de la défenderesse, que R.J. Doran achetait à celle‑ci et commercialisait sous une marque privée. La demanderesse a réglé son différend avec R.J. Doran en concluant avec elle un arrangement amiable en janvier 2005.

 

37.        À la fin de 2002, la demanderesse s’est plainte de ce que certains produits vendus par Supercool Tire Seal Inc. contrefaisaient ses brevets. Par suite de cette plainte, Supercool s’est engagée en novembre 2002 à cesser de vendre son dispositif d’injection à cartouche.

 

38.        Par suite de ses efforts de protection de ses droits, la demanderesse a passé des contrats de fourniture avec deux contrefacteurs.

 

 

[31]           La demanderesse a cité comme témoins experts M. Tony Ferraro, copropriétaire de la société Uview Ultraviolet Systems Inc., et M. Jerome Lemon.

 

[32]           La défenderesse a cité comme témoins experts MM. Thomas Browne et Peter Frise. Elle a aussi appelé à témoigner MM. Jonathan Cooper et James Ferris.

 

[33]           La défenderesse a déposé contre la demanderesse une demande reconventionnelle, dont le fondement est énoncé au paragraphe 26 de l’exposé conjoint des faits :

[traduction]

26.        Le 14 février 2006, la demanderesse a émis un communiqué de presse portant qu’elle avait introduit contre la défenderesse devant la Cour fédérale du Canada une action où elle soutenait entre autres que le dispositif d’injection de colorant REVOLVER et les produits connexes contrefaisaient une ou plusieurs des revendications du brevet 673. La défenderesse affirme que la demanderesse a enfreint le paragraphe 7(1) de la Loi sur les marques de commerce en publiant ce communiqué de presse et lui réclame des dommages‑intérêts dans le cadre de la demande reconventionnelle déposée dans la présente espèce.

 

[34]           La demanderesse a résumé dans les termes suivants les questions en litige :

[traduction]

1.         Qui est la personne versée dans l’art?

 

2.         Le produit REVOLVER, en tant qu’il est vendu par la défenderesse et/ou utilisé de la manière indiquée par elle, contrefait‑il l’une ou l’autre des revendications 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 14, 15 et 16 du brevet 673, et/ou l’une ou l’autre des revendications 1, 3, 5, 6, 7, 9, 17, 19, 20 et 38 du brevet 024?

 

3.         Le produit DYE STICK, en tant qu’il est vendu par la défenderesse et/ou utilisé de la manière indiquée par elle, contrefait‑il l’une ou l’autre des revendications 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 14, 15 et 16 du brevet 673, et/ou l’une ou l’autre des revendications 1, 2, 3, 5, 6, 7 et 9 du brevet 024?

 

4.         L’invention faisant l’objet de l’une ou l’autre des revendications 1, 3, 4, 8, 9 et 10 du brevet 673 est-elle incorporée dans le produit RETRO STICK, en tant qu’il est vendu par la défenderesse et/ou utilisé de la manière indiquée par elle?

 

5.         Le contrat liant Spectronics et la défenderesse constitue‑t‑il pour cette dernière un moyen de défense contre l’accusation de contrefaçon des brevets 673 ou 024 en ce qui concerne les injecteurs et les cartouches REVOLVER obtenues de fournisseurs par Spectronics, puis fournies par celle‑ci à la défenderesse en exécution de ce contrat?

 

6.         L’une ou l’autre des revendications 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 14, 15 et 16 du brevet 673 est-elle invalide pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

 

a)         elle serait antériorisée par le dispositif Quest;

 

b)         pour ce qui concerne la revendication 14, elle serait antériorisée par les dispositifs Bradley, Classic ou Robinair, selon le cas;

 

c)         la revendication serait évidente du fait des antériorités et des connaissances générales courantes citées par les experts de la défenderesse;

 

d)         sa portée serait excessive ou elle serait dénuée du caractère d’utilité du fait qu’elle ne spécifie pas de moyen de retenir le piston dans le cylindre;

 

e)         la demande qui a donné lieu à la délivrance du brevet 673 ne remplirait pas la condition fixée par l’article 37, étant donné l’absence de dessins dans le mémoire descriptif;

 

f)          la demanderesse tomberait sous le coup de l’alinéa 73(1)a) de la Loi sur les brevets, au motif qu’elle a déposé le procès-verbal d’une audience de l’OEB sur la demande européenne correspondante;

 

g)         le brevet 673 serait nul sous le régime du paragraphe 53(1) de la Loi sur les brevets à l’un ou l’autre des motifs suivants :

 

la pétition contiendrait une allégation importante non conforme à la vérité, soit l’affirmation que MM. Michael Kroll et Phil Trigiani étaient les propriétaires de l’invention;

 

            le mémoire descriptif contiendrait plus ou moins qu’il n’est nécessaire pour démontrer ce qu’il est censé démontrer, du fait qu’on n’y trouve pas de dessins de l’appareil?

 

7.         L’une ou l’autre des revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21 et 38 du brevet 024 est-elle invalide pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

 

a)         l’objet défini par elle ne serait pas un élément brevetable distinct de l’objet défini par l’une ou l’autre des revendications du brevet 673;

 

b)         pour ce qui concerne l’une ou l’autre des revendications 1, 5, 6, 7 et 9, elle serait antériorisée par la demande du brevet canadien no 2252329;

 

c)         pour ce qui concerne l’une ou l’autre des revendications 1, 4, 5, 6, 7, 9, 17, 20, 21 et 38, l’objet qu’elle définit serait antériorisé par les dispositifs Quest, Classic ou Robinair, selon le cas;

 

d)         la revendication serait évidente du fait des antériorités et des connaissances générales courantes citées par les experts de la défenderesse;

 

e)         la revendication serait ambiguë du fait de l’emploi de l’expression [TRADUCTION] « valve de vidange »?

 

8.         La défenderesse est-elle responsable de contrefaçon ou d’incitation à la contrefaçon des revendications désignées des brevets 673 ou 024?

 

9.         La demanderesse est‑elle responsable de déclarations fausses ou trompeuses en violation de l’alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce?

 

[35]           La question 1

            Qui est la personne versée dans l’art?

            Pour interpréter un brevet, il faut examiner son mémoire descriptif du point de vue d’une « personne moyennement versée dans l’art ». Le juge Binnie définit comme suit cette exigence à la page 153 de l’arrêt Whirlpool Corp. c. Camco (2000), 9 C.P.R. (4th) 129 (C.S.C.) :

53. Le deuxième problème que pose la méthode du dictionnaire préconisée par les appelantes découle du fait qu’elle invite la Cour à examiner les mots du point de vue du grammairien ou de l’étymologiste plutôt que du point de vue et à la lumière des connaissances usuelles du travailleur moyennement versé dans le domaine auquel le brevet a trait. Un étymologiste ou un grammairien pourrait convenir avec les appelantes qu’une ailette de tout genre demeure une ailette. Toutefois, le mémoire descriptif du brevet s’adresse non pas aux grammairiens, aux étymologistes ou au public en général, mais plutôt aux personnes suffisamment versées dans l’art dont relève le brevet pour être en mesure, techniquement parlant, de comprendre la nature et la description de l’invention : H. G. Fox, The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions (4e éd. 1969), à la p. 185. Monsieur Fox écrit, à la p. 203, que la cour doit se mettre

·         [traduction] dans la position d’une personne au fait de l’état de la technologie et du processus de fabrication à l’époque en cause, et elle doit s’informer du sens technique qu’un seul ou plusieurs mots particuliers peuvent avoir dans cette technologie ou ce processus de fabrication.

 

 

[36]           Le brevet 673 vise des dispositifs utilisés pour injecter des fluides, notamment des colorants, dans des systèmes de conditionnement d’air sous pression, ainsi que la méthode applicable à cette opération.

 

[37]           Le brevet 024 vise quant à lui un appareil et un procédé d’injection de fluide, notamment de colorant, dans un système sous pression tel qu’un système de conditionnement d’air, ainsi que la méthode applicable à cette opération.

 

[38]           Pour dire les choses autrement, il s’agit dans la présente espèce de savoir si la cartouche, l’appareil constitué par la cartouche et l’injecteur, ainsi que la méthode d’utilisation de cet appareil, possèdent le caractère de nouveauté. Je souscris à la proposition selon laquelle les revendications de méthode s’adressent aux utilisateurs de l’appareil tels que les techniciens à l’entretien et à la réparation d’automobiles qui ont de l’expérience en matière de systèmes de conditionnement d’air sous pression pour automobiles. Quant à la revendication d’appareil, elle s’adresse aux personnes capables de fabriquer l’appareil.

 

[39]           À mon avis, la personne possédant les connaissances usuelles du travailleur moyennement versé dans le domaine auquel le brevet a trait serait un ingénieur mécanicien, un ingénieur en fabrication ou un technicien expérimenté en matière de climatisation automobile.

 

L’interprétation des brevets

 

[40]           Le juge Binnie, écrivant au nom de la Cour, formule les observations suivantes aux pages 145 à 148 de l’arrêt Whirlpool, précité :

1. Les principes d’interprétation des revendications d’un brevet

 

42. Le contenu du mémoire descriptif d’un brevet est régi par l’art. 34 de la Loi sur les brevets. La première partie est une « divulgation » dans laquelle le breveté doit fournir une description de l’invention « comportant des détails assez complets et précis pour qu’un ouvrier, versé dans l’art auquel l’invention appartient, puisse construire ou exploiter l’invention après la fin du monopole » : Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504, à la p. 517. La divulgation est ce que l’inventeur fournit en contrepartie d’un monopole de 17 ans (maintenant 20 ans) sur l’exploitation de l’invention. On peut faire respecter le monopole au moyen de toute une gamme de recours en droit et en equity, de sorte qu’il importe que le public sache ce qui est interdit et ce qu’il peut faire sans risque lorsque le brevet est encore en vigueur. Les revendications qui concluent le mémoire descriptif servent d’avis public et doivent énoncer « distinctement et en termes explicites les choses ou combinaisons que le demandeur considère comme nouvelles et dont il revendique la propriété ou le privilège exclusif » (par. 34(2)). L’inventeur n’est pas tenu de revendiquer un monopole sur tout élément nouveau, ingénieux et utile qui est divulgué dans le mémoire descriptif. La règle habituelle veut que ce qui n’est pas revendiqué soit considéré comme ayant fait l’objet d’une renonciation.

 

43. Dans des poursuites en matière de brevet, la première étape consiste donc à interpréter les revendications. L’interprétation des revendications précède l’examen des questions de validité et de contrefaçon. Les appelantes font valoir que ces deux examens — celui de la validité et celui de la contrefaçon — sont distincts, et que si les principes d’« interprétation téléologique » découlant de l’arrêt Catnic doivent être adoptés, leur application doit être limitée aux questions de contrefaçon. Les appelantes affirment que les principes d’« interprétation téléologique » n’ont aucun rôle à jouer dans la détermination de la validité et que leur application erronée est fatale au jugement qui fait l’objet du présent pourvoi.

 

44. Il est vrai que, dans l’affaire Catnic elle-même, la validité du brevet n’était pas contestée. Le litige portait sur des questions de contrefaçon. Le brevet en cause concernait des linteaux en acier galvanisé utilisés dans la construction d’édifices. Les linteaux sont des pièces de charpente placées au‑dessus des ouvertures, comme les portes et les fenêtres, afin de soutenir la construction supérieure. Le brevet décrivait un type nouveau et ingénieux de linteau constitué d’un profilé en tôle pliée en forme de Z allongé, qui était facile à manipuler et peu coûteux à fabriquer. La défenderesse connaissait le produit de la demanderesse, mais elle n’était pas bien renseignée sur le brevet de cette dernière. Les revendications (dont elle ignorait l’existence) indiquaient que le linteau devait comporter [traduction] « une deuxième membrure de soutien rigide verticale appuyée sur le bord arrière de la première plaque horizontale, ou près de celui‑ci » (soulignement ajouté; italiques dans l’original omis). L’alignement vertical maximiserait la force portante. Pour des raisons n’ayant rien à voir avec la contrefaçon du brevet, la membrure de soutien rigide que comportait le produit de la défenderesse était inclinée d’environ huit degrés par rapport au plan vertical. Le juge de première instance a conclu qu’il n’y avait aucune contrefaçon au sens littéral puisque la membrure de soutien n’était pas exactement « verticale », mais qu’étant donné qu’il n’y avait aucune différence importante dans la fonction du composant, il y avait contrefaçon de l’« essence » de l’invention de la demanderesse si on considérait l’ensemble du linteau de la défenderesse. La Cour d’appel à la majorité a infirmé la décision du juge de première instance qui a, par la suite, été rétablie par la Chambre des lords à l’unanimité. Lord Diplock a décrit ainsi l’interprétation téléologique, aux pp. 242 et 243 :

 

[traduction] Vos Seigneuries, le mémoire descriptif d’un brevet est une déclaration unilatérale du breveté, faite dans ses propres mots et s’adressant à ceux qui sont susceptibles d’avoir un intérêt concret dans l’objet de son invention (c’est‑à‑dire qui sont « versés dans l’art »), par laquelle il les informe de ce qu’il prétend être les caractéristiques essentielles du nouveau produit ou du nouveau procédé pour lequel les lettres patentes lui confèrent un monopole. Ce sont seulement les nouvelles caractéristiques qu’il prétend essentielles qui constituent ce qu’on appelle l’« essence » de la revendication. Le mémoire descriptif d’un brevet doit recevoir une interprétation téléologique plutôt que l’interprétation purement littérale découlant du genre d’analyse terminologique méticuleuse que les avocats sont trop souvent tentés de faire en raison de leur formation. La question qui se pose dans chaque cas est la suivante : les personnes ayant une connaissance et une expérience pratiques du genre de travail auquel l’invention est destinée à servir comprendraient‑elles que le breveté voulait que l’interprétation stricte d’une expression ou d’un mot descriptifs particuliers figurant dans une revendication constitue une condition essentielle de l’invention, de manière à ce que toute variante soit exclue du monopole revendiqué même s’il se peut qu’elle n’ait aucun effet important sur la façon dont l’invention fonctionne. [En italique dans l’original.]

 

45. L’interprétation téléologique repose donc sur l’identification par la cour, avec l’aide du lecteur versé dans l’art, des mots ou expressions particuliers qui sont utilisés dans les revendications pour décrire ce qui, selon l’inventeur, constituait les éléments « essentiels » de son invention. J’estime que cette méthode n’est pas différente de celle que le juge en chef Duff avait adoptée environ 40 ans auparavant dans l’arrêt J. K. Smit & Sons, Inc. c. McClintock, [1940] R.C.S. 279. Le brevet dans cette affaire concernait une méthode d’intégration des diamants à du matériel comme les trépans de foreuse rotative. Citant la jurisprudence antérieure, le juge en chef Duff a mis l’accent sur l’identification, par l’inventeur lui-même, des parties « essentielles » de son invention, à la p. 285 :

 

[traduction] Évidemment, l’invention décrite par l’inventeur lui‑même comporte le recours à la succion d’air pour maintenir les diamants en place pendant que le métal fondu est introduit dans le moule. Il n’y a aucun doute dans mon esprit que, comme l’inventeur l’indique, cela constitue une partie essentielle de son procédé. Il est clair que les appelantes ne se sont pas approprié cette partie de son procédé. Pour reprendre les termes de lord Romer, il n’appartient pas à la cour de deviner ce qui fait partie et ce qui ne fait pas partie de l’essence de l’invention de l’intimé. Le breveté a clairement indiqué que l’utilisation de la succion d’air à cette étape du procédé constitue une partie essentielle, voire la partie essentielle, de l’invention décrite dans le mémoire descriptif. [Je souligne.]

 

46. Le jugement du président Thorson dans McPhar Engineering Co. of Canada c. Sharpe Instruments Ltd., [1956‑60] R.C. de l’É. 467, à la p. 525, va dans le même sens :

 

[traduction] Il est donc établi en droit que si une personne s’approprie l’essence d’une invention, elle est coupable de contrefaçon et il est sans importance qu’elle omette une caractéristique qui n’est pas essentielle à l’invention ou qu’elle la remplace par un élément équivalent. [Je souligne.]

 

47. La méthode des éléments « essentiels » a été établie dans des décisions anglaises anciennes comme Marconi c. British Radio Telegraph and Telephone Co. (1911), 28 R.P.C. 181, à la p. 217, mentionnée par le juge en chef Duff dans l’arrêt J. K. Smit, précité, et dans des arrêts anglais plus récents rendus antérieurement à l’arrêt Catnic, notamment les arrêts Birmingham Sound Reproducers Ltd. c. Collaro Ld., [1956] R.P.C. 232 (C.A. Angl.), et C. Van Der Lely N.V. c. Bamfords Ltd., [1963] R.P.C. 61 (H.L.), où lord Reid, dissident quant au résultat, a dit, à la p. 76 : [traduction] « on ne peut pas éviter la contrefaçon en remplaçant un composant non essentiel par un élément équivalent évident » (je souligne).

 

48. L’analyse faite dans l’arrêt Catnic ne s’écartait donc pas de la jurisprudence antérieure du Royaume-Uni ou de notre pays. Il n’est pas irrespectueux envers lord Diplock d’affirmer qu’il a présenté dans un nouvel emballage un bon vieux produit qu’il a habilement amélioré et auquel il a apposé l’étiquette encore plus claire [traduction] « interprétation téléologique ». Dans l’arrêt Catnic, comme dans la jurisprudence antérieure, ce sont les revendications écrites qui précisent la portée du monopole, mais comme auparavant, on obtient la souplesse et l’équité en différenciant les caractéristiques essentielles (« l’essence ») de celles qui ne sont pas essentielles, au moyen d’une lecture éclairée de l’ensemble du mémoire descriptif par la personne versée dans l’art à qui il s’adresse plutôt qu’au moyen du « genre d’analyse terminologique méticuleuse que les avocats sont trop souvent tentés de faire en raison de leur formation » (Catnic, précité, à la p. 243).

 

49. Comme nous l’avons vu, la Cour d’appel fédérale a appliqué la méthode de l’« interprétation téléologique » à l’interprétation des revendications dans l’arrêt O’Hara, précité, et, en toute déférence, j’estime qu’elle a eu raison de le faire. L’argument des appelantes voulant que le principe de l’interprétation téléologique soit erroné ou ne s’applique qu’en matière de contrefaçon doit être rejeté pour un certain nombre de raisons [...]

 

Il convient donc d’appliquer une interprétation téléologique. L’interprétation d’une revendication de brevet est une question de droit pour la Cour.

 

[41]           Il est important de noter que, lorsqu’elle applique une interprétation téléologique, la Cour doit, avec l’assistance de la personne versée dans l’art, relever les expressions ou termes particuliers du passage examiné qui définissent ce que l’inventeur considère comme les éléments « essentiels » de son invention. L’interprétation donnée par la Cour doit être compatible avec le texte des revendications. Il lui appartient d’interpréter les revendications et non de les réécrire.

 

[42]           L’interprétation d’un brevet est une question de droit, et elle doit se faire en supposant que le destinataire est une personne versée dans l’art.

 

[43]           La date pertinente pour l’interprétation du texte d’un brevet est la date de sa publication.

 

[44]           S’agissant de contrefaçon, on ne doit pas interpréter le brevet en fonction du dispositif supposé contrefait.

 

[45]           La défenderesse a énuméré les principes qui suivent touchant l’interprétation des revendications au paragraphe 51 de son exposé des faits et du droit :

[traduction]

51.        La Cour suprême du Canada a formulé les principes suivants concernant l’interprétation des revendications :

 

1)         La Loi sur les brevets et l’interprétation téléologique favorisent la fidélité au texte des revendications, laquelle favorise elle-même l’équité et la prévisibilité.

 

2)         Les tribunaux canadiens ont adopté le principe dit de « revendication périphérique », qui met l’accent sur la teneur des revendications en postulant qu’elle définit la portée juridique du monopole accordé par l’État.

 

3)         Les revendications remplissent une fonction d’information du public, en ce qu’elles délimitent la portée du monopole de sorte que le public puisse savoir ce qu’il lui est permis de faire.

 

4)         La réalisation de l’objet du régime des brevets consistant à promouvoir la recherche et la concurrence se trouve compromise si la portée du monopole n’est pas définie avec précision et certitude.

 

5)         Normalement, l’ingéniosité propre au brevet ne réside pas dans la détermination d’un résultat souhaitable, mais dans l’enseignement d’un moyen particulier de l’atteindre.

 

6)         La portée des revendications ne peut être étendue au point de permettre au breveté d’exercer un monopole sur tout moyen d’obtenir le résultat souhaité.

 

7)         Il faut lire le libellé de la revendication d’un point de vue éclairé et téléologique.

 

8)         L’interprétation des revendications ne doit être ni littérale ni fondée sur des notions vagues telles que « l’esprit de l’invention ». Plus grand est le pouvoir discrétionnaire accordé au tribunal de rechercher « l’esprit de l’invention », moins les revendications peuvent remplir leur fonction d’information du public.

 

9)         Le brevet est assimilé à un « règlement » au sens de la Loi d’interprétation et doit en conséquence s’interpréter de la manière la plus compatible avec la réalisation de ses objets.

 

10)       L’intention de l’inventeur est manifestée par les revendications du brevet en tant qu’interprétées par une personne versée dans l’art.

 

11)       Les connaissances du travailleur ordinaire doivent entrer en ligne de compte dans l’interprétation.

 

12)       Une revendication contient des éléments essentiels et non essentiels. Il incombe au tribunal de distinguer les éléments essentiels des éléments non essentiels du monopole revendiqué par le breveté.

 

13)       Aux fins de la définition des éléments essentiels et des éléments non essentiels, l’intention du breveté doit l’emporter sur l’interprétation du destinataire.

 

14)       On définit les éléments essentiels et les non essentiels en se fondant sur les connaissances générales du travailleur versé dans l’art dont relève le brevet, considérées à la date de la publication de celui‑ci.

 

15)       Les termes choisis par l’inventeur s’interprètent selon le sens que l’inventeur est présumé avoir voulu leur donner à la date de la publication du brevet et d’une manière favorable à l’accomplissement de l’objet, exprès ou tacite, des revendications.

 

16)       Le public doit pouvoir s’en remettre aux termes employés, à condition qu’ils soient interprétés de manière équitable et éclairée; les erreurs ou les restrictions inutiles dans la formulation des revendications sont regrettables, mais l’inventeur « ne peut s’en prendre qu’à lui-même » à cet égard.

 

17)       On ne peut invoquer de preuve extrinsèque de l’intention de l’inventeur. Permettre la production de preuve extrinsèque aux fins de la définition du monopole irait à l’encontre de la fonction d’information du public que remplissent les revendications et serait incompatible avec le principe de l’interprétation téléologique, laquelle s’attache avant tout au texte des revendications.

 

18)       Un élément est considéré comme essentiel si l’intention de l’inventeur, expresse ou inférée des revendications, est qu’il le soit, sans égard pour son effet pratique.

 

19)       Un élément est considéré comme non essentiel si le breveté peut établir :

 

            a)         soit que, suivant une interprétation téléologique des termes de la revendication, il ne le concevait manifestement pas comme essentiel;

 

            b)         soit que, à la date de la publication du brevet, il aurait été évident pour le destinataire versé dans l’art que cet élément pouvait être remplacé par un autre sans que le fonctionnement de l’invention en fût modifié; autrement dit : que la variante remplirait essentiellement la même fonction, d’une manière essentiellement identique, pour donner essentiellement le même résultat.

 

20)       C’est au breveté qu’il incombe d’établir l’interchangeabilité connue et manifeste à la date de la publication du brevet. S’il ne s’acquitte pas de cette charge de preuve, l’expression ou le terme descriptif figurant dans la revendication doit être considéré comme essentiel, à moins que son contexte n’indique le contraire.

 

[46]           Les revendications en cause dans le brevet 673 sont les suivantes :

[traduction]

1.         une méthode permettant d’injecter un fluide secondaire dans un système de conditionnement d’air fermé et sous pression, comprenant les étapes suivantes :

 

a.         le raccordement étanche, mais permettant la déconnexion, du dit système à un réservoir non pressurisé contenant une quantité prédéterminée du dit fluide secondaire, ledit réservoir étant doté d’un piston placé de façon étanche et de deux extrémités : la première consistant en un tuyau de remplissage et la seconde étant reliée de façon étanche au dit système et détachable.

 

b.         l’expulsion mécanique du fluide secondaire du dit réservoir par ledit tuyau pour injecter ledit fluide dans le système par déplacement du dit piston à l’intérieur du dit réservoir.

 

c.         la déconnexion du dit réservoir du dit système, ledit réservoir étant une cartouche cylindrique se logeant dans un boîtier doté d’un mécanisme d’entraînement du piston dans lequel le piston est entraîné à travers ladite cartouche pour pousser ledit fluide secondaire dans ledit système.

 

2.         Selon la revendication 3, une méthode caractérisée par la présence d’un colorant dans le fluide secondaire.

 

3.         Selon la revendication 1 ou 2, une méthode caractérisée par la présence d’une huile dans le fluide secondaire.

 

4.         Selon les revendications 1 à 3, un appareil permettant d’appliquer cette méthode et comprenant :

 

a.         un réservoir hermétique et non pressurisé contenant une quantité prédéterminée du dit fluide secondaire, ledit réservoir étant doté d’un piston placé de façon étanche et de deux extrémités : la première servant à le raccorder au dit système, ledit système et ladite première extrémité pouvant être raccordés de façon étanche ou déconnectés par l’intermédiaire d’un tuyau de remplissage à deux extrémités : l’une pouvant être connectée hermétiquement à ladite première extrémité ouverte du dit réservoir, l’autre pouvant être raccordée de façon étanche au dit système.

 

b.         un moyen permettant d’expulser mécaniquement le fluide secondaire du dit réservoir par ledit tuyau et jusqu’au dit système par déplacement du dit piston à l’intérieur du dit réservoir, ledit réservoir étant une cartouche cylindrique se logeant dans un boîtier doté d’un dispositif d’entraînement du piston dans lequel le piston est mécaniquement entraîné à travers ladite cartouche.

 

[…]

 

7.         La spécificité de l’appareil correspondant aux revendications 4 à 6 est que le fluide secondaire à l’intérieur de la cartouche contient un colorant.

 

8.         La spécificité de l’appareil correspondant aux revendications 4 à 7 est que le fluide secondaire à l’intérieur de la cartouche contient une huile.

 

9.         La spécificité de l’appareil correspondant à l’une des revendications 4 à 8 est que la cartouche et ses connexions peuvent supporter une pression allant de -30 lb/po² à 300 lb/po² (-2x105 N/m2 à 2x106 N/m2).

 

10.        L’appareil décrit par l’une des revendications 4 à 9 se caractérise par une cartouche jetable.

 

[…]

 

14.        Une cartouche permettant d’injecter un fluide dans un système de conditionnement d’air ou de réfrigération fermé et sous pression, comprenant :

 

a.         une cartouche cylindrique fermée et non pressurisée, ladite cartouche ayant deux extrémités : une première extrémité libre qui se connecte au système recevant l’injection et une seconde extrémité libre;

 

b.         une quantité prédéterminée du dit fluide, ledit fluide contenant un lubrifiant et un colorant liquide destinés au dit système de conditionnement d’air ou de réfrigération, ledit fluide étant maintenu dans ledit réservoir autour de la pression ambiante;

 

c.         un piston placé de manière étanche sur la deuxième extrémité libre de ladite cartouche, ladite cartouche étant adaptée pour être raccordée de façon étanche au dit système de conditionnement d’air ou de réfrigération sous pression ou en être détachée, pour former un système binaire fermé.

 

15.        La cartouche correspondant à la revendication 14 est caractérisée par ses connexions pouvant supporter des pressions comprises entre -30 lb/po² et 300 lb/po² (-2x105 N/m2 à 2x106 N/m2).

 

16.        L’appareil décrit par l’une des revendications 14 à 15 se distingue par la présence d’une cartouche jetable.

 

 

[47]           Les revendications en cause dans le brevet 024 sont les suivantes :

[traduction]

1.         Un appareil permettant d’injecter un fluide secondaire dans un système de conditionnement d’air ou de réfrigération sous pression, comprenant :

 

a)         une cartouche contenant un fluide secondaire, ledit fluide secondaire comprenant un colorant liquide, ladite cartouche comprenant :

 

            i)          un boîtier tubulaire renfermant le fluide secondaire;

 

            ii)         un ajutage intégré à une première extrémité du dit boîtier tubulaire et en sortant, permettant de le raccorder avec l’une des extrémités d’un dispositif d’accouplement hydraulique;

 

            iii)         un piston placé sur la seconde extrémité libre du dit boîtier tubulaire, permettant d’en expulser le fluide secondaire;

 

b)         un dispositif d’accouplement hydraulique de ladite cartouche au système sous pression, ledit dispositif d’accouplement hydraulique étant un ensemble de connexion ayant une première extrémité reliée au dit ajutage de ladite cartouche et une seconde extrémité raccordée au robinet de service du système sous pression, ledit ensemble de connexion comprenant :

 

            i)          un flexible;

 

            ii)         un raccord sur la première extrémité du dit flexible, pour y placer ledit ajutage de ladite cartouche;

 

            iii)         une valve de vidange sur la deuxième extrémité de ladite cartouche, par l’intermédiaire du dit dispositif d’accouplement hydraulique et jusqu’au robinet de service du système sous pression.

 

2.         Un appareil permettant de remplir un système sous pression tel qu’énoncé dans la revendication 1, dans lequel ledit boîtier tubulaire est fait de matière transparente et doté de multiples marques de graduation permettant d’injecter avec précision une quantité prédéterminée de fluide secondaire.

 

3.         Un appareil permettant de remplir un système sous pression tel qu’énoncé dans la revendication 1, dans lequel ladite cartouche est également dotée d’un capuchon à placer sur ledit ajutage lorsque ladite cartouche n’est pas utilisée, afin d’éviter les fuites de fluide secondaire par ledit ajutage.

 

4.         Un appareil permettant d’injecter une substance dans un système sous pression tel qu’énoncé dans la revendication 1, dans laquelle ladite valve de vidange comprend une valve empêchant tout refoulement de corps étranger de la valve de vidange du système sous pression dans ledit flexible, et permettant à ladite valve de vidange d’être déconnectée du robinet de service du système sous pression, afin d’éviter les fuites de fluide secondaire par ledit ajutage.

 

5.         Un appareil permettant d’injecter une substance dans un système sous pression tel qu’énoncé dans la revendication 1, dans lequel ladite valve de vidange comprend un raccord à verrou d’accrochage permettant de la connecter au robinet de service du système sous pression.

 

6.         Un appareil permettant d’injecter une substance dans un système sous pression tel qu’énoncé dans la revendication 1, dans lequel le moyen de faire pénétrer ledit fluide secondaire est un dispositif d’injection.

 

7.         Un appareil permettant d’injecter une substance dans un système sous pression tel qu’énoncé dans la revendication 6, dans lequel ledit dispositif d’injection comprend :

 

a)         un boîtier doté d’une partie réceptacle dans laquelle la cartouche peut se loger;

 

b)         un mécanisme d’entraînement permettant de diriger le piston dans le boîtier tubulaire pour expulser le fluide secondaire hors de l’ajutage par l’intermédiaire du dit accouplement hydraulique, à travers le robinet de service et jusqu’au système sous pression.

 

8.         Un appareil permettant d’injecter une substance dans un système sous pression tel qu’énoncé dans la revendication 7, dans lequel ledit mécanisme d’entraînement comprend :

 

a)         une poignée intégrée au dit boîtier et dirigée vers le bas;

 

b)         une gâchette montée pour pivoter sur ledit boîtier et adjacente à ladite poignée;

 

c)         un arbre d’entraînement central traversant ledit boîtier dans sa longueur et la partie pivotante de ladite gâchette dans sa largeur;

 

d)         une tête cylindrique sur l’une des extrémités internes du dit arbre d’entraînement central, pouvant s’adapter au dit piston de ladite cartouche;

 

e)         un premier ressort de cliquet dirigé vers l’arbre d’entraînement central, en avant de la partie pivotante de ladite gâchette;

 

f)          un second ressort de cliquet dirigé vers l’arbre d’entraînement central, en arrière de la partie pivotante de ladite gâchette, ce second ressort de cliquet étant doté d’une languette sortant par la paroi arrière du dit boîtier et au-dessus de ladite poignée, afin que, lorsque l’on presse ladite gâchette, ledit premier ressort de cliquet soit amené au contact du dit arbre d’entraînement central et pousse ledit arbre d’entraînement central vers l’avant, ladite tête cylindrique entrant alors en contact avec ledit piston, pendant que ledit second ressort de cliquet empêche ledit arbre d’entraînement central de revenir en arrière, jusqu’à ce que la languette relâche ledit second ressort, permettant au dit arbre d’entraînement central de revenir à la position souhaitée.

 

9.         Une méthode permettant d’injecter un fluide secondaire dans un système de conditionnement d’air ou de réfrigération sous pression, comprenant les étapes suivantes :

 

a)         le raccordement hydraulique du réservoir de l’appareil correspondant à la revendication 1, par l’intermédiaire d’un ensemble de connexion, jusqu’au robinet de service du système sous pression;

 

b)         l’expulsion du fluide secondaire du dit réservoir, par le mode d’expulsion du fluide secondaire de ladite cartouche de l’appareil décrit dans la revendication 1, par l’intermédiaire du dit ensemble de connexion, à travers le robinet de service et jusqu’au système sous pression.

 

10.        Un appareil permettant d’injecter un fluide secondaire dans un système de conditionnement d’air ou de réfrigération sous pression, comprenant :

 

a)         une cartouche contenant un fluide secondaire, ledit fluide secondaire comprenant un colorant liquide, ladite cartouche étant constituée d’un boîtier tubulaire renfermant le fluide secondaire, un ajutage intégré à une première extrémité du dit boîtier tubulaire et en sortant, et un piston inséré dans la seconde extrémité libre du dit boîtier tubulaire;

 

b)         un mode d’accouplement hydraulique de ladite cartouche au système sous pression par le raccordement d’une extrémité du dit mode d’accouplement hydraulique au dit ajutage, ledit mode d’accouplement hydraulique étant un ensemble de connexion dont la première extrémité est reliée au dit ajutage de ladite cartouche et la seconde extrémité est raccordée au robinet de service du système sous pression, ledit ensemble de connexion comprenant :

 

            i)          un flexible;

 

            ii)         un filetage sur la première extrémité du dit flexible, pour y insérer ledit ajutage de ladite cartouche;

 

            iii)         une valve de vidange sur la deuxième extrémité du dit flexible, permettant un raccordement au robinet de service du système sous pression, ledit ensemble de connexion comprenant également une valve à l’une des extrémités du dit flexible, permettant d’empêcher tout refoulement de corps étranger dans ladite cartouche et ainsi contaminer ledit fluide secondaire, et ladite valve de vidange comprenant une soupape d’arrêt, empêchant tout refoulement de corps étranger dans ledit flexible du système sous pression et permettant à ladite valve de vidange d’être déconnectée du robinet de service du système sous pression, afin d’éviter les fuites de fluide secondaire;

 

c)         un mode d’expulsion du fluide secondaire de ladite cartouche, par l’intermédiaire du mode d’accouplement hydraulique et jusqu’au robinet de service du système sous pression.

 

11.        Un appareil permettant d’injecter une substance dans un système sous pression tel qu’énoncé dans la revendication 10, dans lequel ledit boîtier tubulaire est fait de matière transparente et doté de multiples marques de graduation permettant d’injecter avec précision une quantité prédéterminée de fluide secondaire.

 

12.        Un appareil permettant d’injecter une substance dans un système sous pression tel qu’énoncé dans la revendication 11, dans lequel ladite cartouche est également dotée d’un capuchon à placer sur ledit ajutage lorsque ladite cartouche n’est pas utilisée, afin d’éviter les fuites de fluide secondaire par ledit ajutage.

 

13.        Un appareil permettant d’injecter une substance dans un système sous pression tel qu’énoncé dans la revendication 10, dans lequel ladite valve de vidange comprend un raccord à verrou d’accrochage permettant de la connecter au robinet de service du système sous pression.

 

[…]

 

17.        Une cartouche permettant d’injecter un fluide dans un système de conditionnement d’air ou de réfrigération fermé et sous pression, comprenant :

 

a)         une cartouche cylindrique fermée et non pressurisée, ladite cartouche ayant deux extrémités : une première extrémité libre qui se connecte au système recevant l’injection et une seconde extrémité libre, ladite première extrémité libre étant dotée d’un ajutage;

 

b)         une quantité prédéterminée du dit fluide, ledit fluide contenant un lubrifiant et un colorant liquide destinés aux dits systèmes de conditionnement d’air ou de réfrigération, ledit fluide étant maintenu dans ladite cartouche autour de la pression ambiante;

 

c)         un piston placé de manière étanche avec la deuxième extrémité libre de ladite cartouche, ladite cartouche étant adaptée pour être raccordée de façon étanche au dit système de conditionnement d’air ou de réfrigération sous pression, ou en être détachée par l’intermédiaire d’un dispositif d’accouplement hydraulique afin de former un système binaire fermé, ledit dispositif d’accouplement hydraulique étant un ensemble de connexion ayant une première extrémité reliée à ladite cartouche et une seconde extrémité raccordée au robinet de service du système sous pression, ledit ensemble de connexion comprenant :

 

            i)          un flexible;

 

            ii)         un filetage sur la première extrémité du dit flexible, permettant d’y visser ledit ajutage de ladite cartouche;

 

            iii)         une valve de vidange sur la deuxième extrémité du dit flexible, permettant un raccordement au robinet de service du système sous pression, ledit ensemble de connexion comprenant également une valve à l’une des extrémités du dit flexible, permettant d’empêcher des corps étrangers de refouler dans ladite cartouche et ainsi de contaminer ledit fluide.

 

18.        La cartouche décrite dans la revendication 17, ladite cartouche étant faite de matière transparente et comprenant de multiples marques de graduation, et ledit ajutage étant fileté.

 

19.        La cartouche décrite dans la revendication 18, ladite première extrémité comprenant un capuchon fileté permettant de la raccorder à l’ajutage fileté.

 

20.        La cartouche décrite dans la revendication 17, ledit piston étant également doté d’un joint torique.

 

21.        La cartouche décrite dans la revendication 17, ledit piston étant également doté d’un double joint torique encastré.

 

[…]

 

38.        Un appareil permettant d’injecter une substance dans un système sous pression tel que décrit dans la revendication 1, ledit ensemble de connexion étant également doté d’une valve à l’une des extrémités du dit flexible, permettant d’empêcher des corps étrangers de refouler dans ladite cartouche et ainsi de contaminer ledit fluide secondaire.

 

 

Les témoins

 

[48]           La demanderesse a cité comme témoins MM. Philip Trigiani, Tony Ferraro et Jerome Lemon.

 

[49]           M. Trigiani a une formation de mécanicien d’automobiles et dispose d’une expérience considérable de technicien en climatisation, acquise dans une concession d’automobiles. Il est en outre, comme je l’ai déjà dit, le copropriétaire de la demanderesse et l’inventeur du SPOTGUN.

 

[50]           M. Tony Ferraro a été cité comme témoin expert. Technicien breveté de l’automobile, il a travaillé en cette qualité dans un établissement réunissant un garage et une concession d’automobiles, qui a entre autres pour spécialité l’entretien et la réparation des systèmes de conditionnement d’air. M. Ferraro est le président de la demanderesse et son autre copropriétaire.

 

[51]           M. Jerome Lemon a été cité comme témoin expert par la demanderesse. Il est bachelier ès sciences avec spécialisation en géologie. Après avoir quitté l’armée, il a travaillé pour une entreprise fournissant des services de climatisation pour les autobus, ainsi que pour les tracteurs, moissonneuses-batteuses et autres véhicules non routiers. Il a ensuite fondé sa propre entreprise d’entretien et de réparation des systèmes de conditionnement d’air, laquelle fournit actuellement des services de cette nature à la Ville de Toronto pour ses gros équipements, ainsi qu’à un bon nombre de grandes sociétés et de concessionnaires d’équipements. Il a en outre publié des articles sur l’entretien et la réparation des systèmes de conditionnement d’air.

 

[52]           La défenderesse a cité comme témoins MM. Thomas R. Brown, James E. Ferris, Jonathan Cooper et Peter Richard Frise.

 

[53]           Bachelier ès sciences avec spécialisation en chimie et en physique, M. Thomas R. Brown a travaillé environ 20 ans dans la branche de la climatisation automobile. Il enseigne au Centennial College, à Toronto, la localisation des pannes et la réparation des climatiseurs d’automobiles. Il a aussi exploité son propre atelier d’entretien et de réparation de tels climatiseurs.

 

[54]           M. James E. Ferris est un ingénieur qui, au début des années 1990, a inventé un outil servant à injecter de l’huile et du colorant dans les systèmes de conditionnement d’air afin d’y détecter les fuites. L’injecteur 204 QUEST de son entreprise était chargé d’huile et de colorant.

 

[55]           M. Jonathan Cooper travaille chez Spectronics, où il est le principal responsable des ventes, de la commercialisation, du service à la clientèle et de la publicité, et participe aussi au développement de produit. La demanderesse a conclu avec Spectronics un accord de licence autorisant cette dernière à exploiter ses brevets.

 

[56]           La défenderesse a cité M. Peter Richard Frise comme témoin expert. Titulaire d’un baccalauréat ès sciences, d’une maîtrise ès sciences et d’un doctorat en génie mécanique, M. Frise peut également faire état de 32 années d’expérience pratique comme ingénieur mécanicien.

 

[57]           Pour reprendre les termes de la défenderesse, M. Frise :

[traduction]

f)          travaille depuis 11 ans à l’Université de Windsor :

 

1)         comme titulaire principal de la chaire de recherche industrielle,

 

2)         comme directeur administratif du département des recherches et études de l’automobile,

 

3)         comme professeur de génie mécanique, de technique de l’automobile et de technique des matériaux;

 

g)         a été reconnu par la Cour comme expert en génie mécanique de l’automobile, en conception de recherche dans le domaine de l’automobile, en conception et fabrication de systèmes automobiles, ainsi qu’en matière de dispositifs, méthodes et outils de type hydraulique, notamment de systèmes de conditionnement d’air.

 

 

 

[58]           Il m’incombe maintenant de déterminer les éléments essentiels des revendications en litige.

 

Le brevet 673

 

[59]           Le témoin de la demanderesse, Jerome Lemon, déclare au paragraphe 16 de son affidavit (preuve 33) :

Après avoir étudié le mémoire descriptif, je comprends l’invention révélée et exposée dans le brevet 673 comme un ensemble de méthodes et d’outils permettant d’injecter un fluide dans un système fermé et sous pression à partir d’une cartouche préremplie et non pressurisée utilisant un moyen mécanique pour vaincre le différentiel de pression existant entre le système et la cartouche. J’estime qu’il s’agit d’une amélioration importante par rapport au système de réservoir à écoulement continu existant et mentionné ci-dessus.

 

Je confirmerais la déclaration de la demanderesse.

 

[60]           Revendication 1

            La revendication 12 expose une méthode permettant [traduction] « d’injecter un fluide secondaire dans un système de conditionnement d’air fermé et sous pression ».

 

[61]           Voici mon interprétation des éléments essentiels de la revendication 1 :

            1.         relier un réservoir non pressurisé contenant une quantité prédéterminée de fluide secondaire au système au moyen d’un tuyau de remplissage;

            2.         le réservoir consiste en une cartouche cylindrique dotée d’un piston qui y est placé de façon étanche. Le réservoir a une extrémité hermétiquement reliée à un tuyau de remplissage lui‑même raccordé de façon étanche au système sous pression, mais détachable;

            3.         le fluide secondaire est mécaniquement expulsé du dit réservoir à travers le tuyau d’injection pour rejoindre le système de fluide, grâce au déplacement du dit piston à l’intérieur du réservoir;

            4.         déconnecter le réservoir du dit système.

 

[62]           Les experts de la défenderesse ont interprété la revendication comme signifiant que le réservoir ou la cartouche devait pouvoir être inséré dans son boîtier et en être détaché. Il me semble que cela ne fait pas partie des exigences de la revendication 1. En effet, lorsqu’on étudie la revendication 1 de façon plus approfondie, il semble qu’il y est mentionné que le tuyau de remplissage doit être « détachable » du système de conditionnement d’air. Aucune formulation de la sorte n’est employée pour signifier que la cartouche doit être détachable de son boîtier. Cela confirmerait donc la thèse selon laquelle le fait que la cartouche soit détachable de son boîtier n’est pas un élément essentiel de la revendication.

 

[63]           Revendication 2

            La revendication 2 décrit une méthode, telle qu’énoncée dans la revendication 1, dans laquelle le fluide secondaire dans le réservoir est un colorant. Le fait que le fluide secondaire soit un colorant est l’élément essentiel de la revendication 2.

 

[64]           Revendication 3

            La revendication 3 précise que le fluide secondaire dans le réservoir est une huile, l’élément essentiel de la revendication 3 est donc [traduction] « le fluide secondaire dans le réservoir est une huile ».

 

[65]            Revendication 4

            La revendication 4 décrit l’appareil utilisé pour appliquer la méthode décrite dans la revendication 1. Après avoir étudié les termes de la revendication, je pense que ses éléments essentiels sont :

Une cartouche cylindrique fermée contenant une quantité prédéterminée de fluide secondaire entre un piston étanche et une première extrémité qui peut être hermétiquement raccordée au système de conditionnement d’air sous pression ou en être détachée par l’intermédiaire d’un tuyau de remplissage aux extrémités pouvant être reliées de façon étanche à la première extrémité de la cartouche et au système respectivement;

 

Un boîtier doté d’un mécanisme d’entraînement du piston permettant de déplacer le piston dans la cartouche pour en expulser le fluide secondaire et l’injecter, par l’intermédiaire d’un tuyau, dans le système.

 

 

Comme je l’affirme dans mon interprétation de la revendication 1, je ne vois rien dans cette revendication qui mentionne que la cartouche doit être détachable de son contenant. J’estime donc qu’il ne s’agit pas d’un élément essentiel de cette revendication. Je confirme mes déclarations antérieures sur ce sujet et n’accepte pas la position de la défenderesse, qui affirme que la cartouche doit être détachable de son boîtier.

 

[66]           La défenderesse interprète également la revendication comme excluant tout moyen de rétention du piston à l’intérieur de la cartouche cylindrique. Je n’accepte pas l’interprétation de la défenderesse. Je pense qu’il y a un moyen de rétention du piston car la cartouche dotée du piston se loge dans un boîtier doté d’un dispositif permettant d’entraîner le piston vers l’avant pour expulser le liquide. Si le moyen d’entraînement du piston permet de déplacer le piston vers l’avant, le piston est retenu. L’expert de la défenderesse admet qu’une personne versée dans l’art pourrait comprendre la nécessité d’arrêter le piston et le moyen par lequel il pourrait être arrêté ou retenu dans le cylindre (voir le témoignage de M. Frise, pages 218 à 220 et 222 à 225).

 

[67]           Les moyens d’entraînement mécaniques ne sont pas détaillés dans la revendication, mais j’interpréterais celle-ci comme incluant des moyens d’entraînement mécaniques utilisant l’avantage mécanique pour vaincre le différentiel de pression. Ces dispositifs peuvent être un système à levier ou à filetage.

 

[68]           Revendication 7

            Le fait que le fluide secondaire soit un colorant constitue l’élément essentiel de la revendication 7.

 

[69]           Revendication 8

            Le fait que le fluide secondaire soit une huile constitue l’élément essentiel de la revendication 8.

 

[70]           Revendication 9

            Cette revendication précise que les paramètres de fonctionnement du dispositif se situent entre -30 lb/po² et 300 lb/po².

 

[71]           Revendication 10

            L’élément essentiel de la revendication 10 est le fait que la cartouche soit jetable.

 

[72]           Revendication 14

            Voici mon interprétation des éléments essentiels de la revendication 14 :

            1.         une cartouche de forme cylindrique;

            2.         une des extrémités de la cartouche doit être reliée au système à injecter et est adaptée pour ce raccordement;

            3.         une quantité prédéterminée de fluide secondaire contenant un lubrifiant (huile) et un colorant se trouve dans le cylindre ou cartouche autour de la température ambiante;

            4.         un piston est placé de manière étanche sur la deuxième extrémité de ladite cartouche;

            5.         la cartouche doit être reliée au système pour former un système binaire fermé.

 

[73]           Revendication 15

            La revendication 15 stipule que la cartouche décrite dans la revendication 14 et ses connexions doivent pouvoir supporter une pression comprise entre 30 lb/po² et 300 lb/po². Le témoignage de M. Brown, l’expert de la défenderesse, semble indiquer qu’il pense que les cartouches à elles seules devraient pouvoir supporter le niveau de pression indiqué. Je ne suis pas d’accord. La revendication 9 mentionne que la cartouche doit « se loger » dans son boîtier. Il n’est pas question qu’elles doivent supporter la pression « à elles seules ». De même, la revendication 15 mentionne que la cartouche et « ses connexions peuvent supporter les pressions indiquées ». Encore une fois, il n’est pas question qu’elles doivent supporter la pression « à elles seules ».

 

[74]           Revendication 16

            L’élément essentiel de cette revendication est le fait que les réservoirs ou cartouches sont jetables.

 

Le brevet 024

 

[75]           Je m’attacherai maintenant à analyser les revendications en litige du brevet 024 afin d’en proposer une interprétation.

 

[76]           Je conclus de ma lecture du mémoire descriptif du brevet 024 que l’invention y exposée et revendiquée est un appareil du même type que l’objet du brevet 673, dont il constitue une version améliorée.

 

[77]           La date pertinente pour l’interprétation du brevet 024 est le 8 juin 1999, date de sa publication.

 

[78]           Revendication 1

            La revendication 1 enseigne un appareil permettant d’injecter un fluide secondaire (colorant) dans un système de conditionnement d’air ou de réfrigération sous pression. Le fluide secondaire est contenu dans une cartouche tubulaire comprenant un ajutage intégré à l’une des extrémités de la cartouche et en sortant, et un piston à l’autre extrémité de la cartouche. La cartouche contenant le fluide secondaire est raccordée par un dispositif d’accouplement hydraulique au système sous pression au moyen d’un ensemble de connexion. L’ensemble de connexion comprend une première extrémité reliée à l’ajutage de la cartouche et une seconde extrémité raccordée au robinet de service du système sous pression. L’ensemble de connexion comprend un flexible, un raccord à l’une des extrémités pour y placer l’ajutage de la cartouche et une valve de vidange à l’autre extrémité pour se raccorder au robinet de service du système sous pression. L’appareil doit avoir un moyen de pousser le fluide secondaire hors de la cartouche par l’intermédiaire d’un dispositif d’accouplement hydraulique et de le faire entrer dans le robinet de service du système sous pression.

 

[79]           Selon mon interprétation, la revendication 1 comprend les éléments essentiels suivants :

            1.         un appareil permettant d’injecter un fluide secondaire (colorant) dans un système de conditionnement d’air ou de réfrigération sous pression;

            2.         une cartouche tubulaire contenant le fluide secondaire (colorant) et comprenant un ajutage intégré à l’une des extrémités et un piston à l’autre extrémité (inséré dans la cartouche);

            3.         un flexible comprenant un raccord pour l’ajutage de la cartouche et une valve à l’autre extrémité adaptée pour se raccorder avec le robinet de service du système sous pression;

            4.         un moyen de pousser le fluide secondaire (colorant) hors de la cartouche par l’intermédiaire d’un dispositif d’accouplement hydraulique et de le faire entrer dans le système sous pression.

 

[80]           Revendication 2

            La revendication 2 concerne un appareil permettant de remplir un système sous pression tel qu’énoncé dans la revendication 1. Dans la revendication 2, le boîtier tubulaire requis par l’appareil est fait de matière transparente et doté d’un certain nombre de marques de graduation permettant d’injecter avec précision une quantité prédéterminée de fluide secondaire provenant du boîtier tubulaire.

 

[81]           L’élément essentiel de la revendication 2 est :

            1.         Une cartouche tubulaire comprenant un boîtier fait de matière transparente et doté de marques de graduation permettant d’injecter avec précision une quantité prédéterminée de fluide secondaire dans le système sous pression.

 

[82]           Revendication 3

            La revendication 3 ajoute un capuchon à la cartouche contenue dans l’appareil de la revendication 1. Le capuchon est placé sur ledit ajutage lorsque la cartouche n’est pas utilisée, afin d’éviter les fuites de fluide secondaire par l’ajutage.

 

[83]           L’élément essentiel de la revendication 3 est un capuchon à placer sur ledit ajutage lorsque la cartouche n’est pas utilisée afin d’éviter les fuites de fluide secondaire par l’ajutage.

 

[84]           Revendication 5

            La revendication 5 précise que la valve de vidange de l’appareil décrit à la revendication 1 comprend un raccord pression verrouillable permettant de la connecter au robinet de service du système sous pression.

 

[85]           L’élément essentiel de la revendication 5 est un raccord pression verrouillable.

 

[86]           Revendication 6

            Cette revendication affirme que le moyen de faire pénétrer le fluide secondaire de l’appareil décrit à la revendication 1 est un dispositif d’injection.

 

[87]           L’élément essentiel de la revendication 6 est un dispositif d’injection.

 

[88]           Revendication 7

            La revendication 7 affirme que le dispositif d’injection de l’appareil permettant de remplir un système sous pression tel qu’énoncé dans la revendication 6 comprend un boîtier doté d’une partie réceptacle destinée à loger la cartouche. Le dispositif d’injection comprend également un mécanisme d’entraînement permettant de diriger ledit piston dans le boîtier tubulaire pour expulser le fluide secondaire hors de l’ajutage par l’intermédiaire du dit accouplement hydraulique, à travers le robinet de service et jusqu’au système sous pression.

 

[89]           L’élément essentiel de la revendication 7 est un boîtier faisant partie du dispositif d’injection ainsi qu’un mécanisme d’entraînement conçu de manière à agir sur la cartouche en poussant le piston dans ladite cartouche.

 

[90]           Revendication 9

            Mon interprétation de la revendication 9 est que celle-ci décrit une méthode permettant d’injecter un fluide secondaire dans un système de conditionnement d’air ou de réfrigération sous pression de la façon suivante :

            1.         effectuer le raccordement hydraulique de la cartouche de l’appareil correspondant à la revendication 1, par l’intermédiaire d’un ensemble de connexion, jusqu’au robinet de service du système sous pression;

            2.         expulser le fluide secondaire de la cartouche de l’appareil, par le moyen d’expulsion du fluide secondaire de ladite cartouche de l’appareil de la revendication 1, par l’intermédiaire de l’ensemble de connexion, à travers le robinet de service et jusqu’au système sous pression.

 

[91]           Les éléments essentiels de cette revendication sont les éléments essentiels de la revendication 1 pour l’injection d’un fluide dans un système sous pression.

 

[92]           Revendication 17

            Selon mon interprétation, la revendication 17 décrit une cartouche permettant l’injection d’un fluide dans un système de conditionnement d’air fermé et sous pression. Le système comprendrait une cartouche cylindrique hermétique et non pressurisée à deux extrémités; une (première) extrémité qui se connecte au système recevant l’injection et l’autre (seconde) extrémité libre. La première extrémité libre est dotée d’un ajutage. Le raccord contient également une quantité prédéterminée du dit fluide. Le fluide contient un lubrifiant et un colorant destinés aux systèmes de conditionnement d’air ou de réfrigération sous pression. Le fluide est environ à la température ambiante. Il y a un piston placé de manière étanche dans la deuxième extrémité libre de la cartouche. La cartouche est adaptée pour être raccordée de façon étanche au système de conditionnement d’air ou de réfrigération sous pression ou en être détachée, par l’intermédiaire d’un dispositif d’accouplement hydraulique, afin de former un système binaire fermé. Le dispositif d’accouplement hydraulique est un ensemble de connexion qui comprend une (première) extrémité reliée à l’ajutage du réservoir. La seconde extrémité de l’ensemble de connexion est raccordée au robinet de service du système sous pression. L’ensemble de connexion comprend les composants suivants :

            1.         un flexible;

            2.         un filetage sur la première extrémité du flexible, permettant d’y visser l’ajutage de la cartouche;

            3.         une valve de vidange sur la deuxième extrémité du flexible, permettant un raccordement au robinet de service du système sous pression et l’ensemble de connexion comprend d’ailleurs une valve à l’une des extrémités du dit flexible, permettant d’empêcher des corps étrangers de refouler dans la cartouche et ainsi de contaminer le fluide s’y trouvant.

 

[93]           Je juge que les éléments essentiels de la revendication 17 sont les suivants :

            1.         une cartouche cylindrique permettant d’injecter un fluide contenant un colorant liquide environ à la température ambiante dans un système sous pression;

            2.         il s’agit d’un ajutage fileté à l’une des extrémités;

            3.         il s’agit d’un piston qui ferme l’autre extrémité de façon étanche;

            4.         une cartouche dont l’ajutage est adapté de manière à se visser à un tuyau comprenant une valve empêchant tout corps étranger d’aller du tuyau à la cartouche et une valve adaptée pour se raccorder au robinet de service du système.

 

[94]           Revendication 18

            La revendication 18 décrit la cartouche de la revendication 17 comme étant faite de matière transparente et comprenant un certain nombre de marques de graduation et un ajutage fileté.

 

[95]           L’élément essentiel de la revendication 18 est le fait que la cartouche est fabriquée de matière transparente et qu’elle est dotée de marques de graduation et d’un ajutage fileté.

[96]           Revendication 19

            La première extrémité libre de la cartouche de la revendication 18 comprend un capuchon fileté permettant de le visser à l’ajutage fileté.

 

[97]           L’élément essentiel de la revendication 19 est le fait qu’il y a un capuchon fileté pour la cartouche qui empêche les fuites et la contamination.

 

[98]           Revendication 20

            La revendication 20 ajoute la caractéristique de la revendication 17 en ce que le piston est doté d’un joint torique. Un joint torique forme un joint étanche entre la surface extérieure du piston et la surface intérieure de la cartouche afin d’empêcher le fluide de revenir du piston alors qu’il est injecté au moyen du mécanisme d’entraînement du piston.

 

[99]           L’élément essentiel de la revendication 20 est un joint torique.

 

[100]       Revendication 38

            La revendication 38 décrit un ensemble de connexion pour l’appareil permettant de remplir un système sous pression tel qu’énoncé à la revendication 1, lequel comprend également une valve à une extrémité du flexible, qui empêche tout refoulement de corps étranger dans la cartouche et ainsi, toute contamination du fluide secondaire s’y trouvant.

 

[101]       L’élément essentiel de la revendication 38 est un clapet de non-retour sur le tuyau.

 

[102]       Les questions 2, 3 et 4

            Le produit REVOLVER, en tant qu’il est vendu par la défenderesse et/ou utilisé de la manière indiquée par elle, contrefait‑il l’une ou l’autre des revendications 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 14, 15 et 16 du brevet 673, et/ou l’une ou l’autre des revendications 1, 3, 5, 6, 7, 9, 17, 19, 20 et 38 du brevet 024?

            Le produit DYE STICK, en tant qu’il est vendu par la défenderesse et/ou utilisé de la manière indiquée par elle, contrefait‑il l’une ou l’autre des revendications 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 14, 15 et 16 du brevet 673, et/ou l’une ou l’autre des revendications 1, 2, 3, 5, 6, 7 et 9 du brevet 024?

            L’invention faisant l’objet de l’une ou l’autre des revendications 1, 3, 4, 8, 9 et 10 du brevet 673 est-elle incorporée dans le produit RETRO STICK, en tant qu’il est vendu par la défenderesse et/ou utilisé de la manière indiquée par elle?

            La Loi sur les brevets ne définit pas la contrefaçon, mais son article 42 porte ce qui suit :

42. Tout brevet accordé en vertu de la présente loi contient le titre ou le nom de l’invention avec renvoi au mémoire descriptif et accorde, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, au breveté et à ses représentants légaux, pour la durée du brevet à compter de la date où il a été accordé, le droit, la faculté et le privilège exclusif de fabriquer, construire, exploiter et vendre à d’autres, pour qu’ils l’exploitent, l’objet de l’invention, sauf jugement en l’espèce par un tribunal compétent.

 

[103]       La Cour suprême du Canada formule les observations suivantes sur la contrefaçon aux paragraphes 32 à 58 de l’arrêt Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser, [2004] 1 R.C.S. 902 :

32. Le recours à trois règles ou pratiques bien établies en matière d’interprétation législative peut également se révéler utile. Premièrement, l’interprétation du verbe « exploiter » figurant dans la Loi sur les brevets doit être téléologique et fondée sur la compréhension des raisons pour lesquelles la protection par brevet est accordée. Deuxièmement, l’interprétation doit être contextuelle, en ce sens qu’elle doit tenir compte des autres termes de la disposition. Enfin, elle doit tenir compte de l’apport de la jurisprudence. Nous analyserons brièvement chacun de ces outils d’interprétation pour ensuite les appliquer aux faits de la présente affaire.

 

33. Revenons d’abord à la règle de l’interprétation téléologique. L’interprétation téléologique (ou fondée sur l’objet visé) applicable à la revendication du brevet s’impose également pour déterminer s’il y a eu contrefaçon par exploitation (Free World Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024, 2000 CSC 66). « L’interprétation téléologique est susceptible d’élargir ou de limiter la portée [du] texte [d’une revendication] » (Whirlpool, précité, par. 49). De même, elle est susceptible d’influer sur ce qui constitue une « exploitation » dans une affaire donnée.

 

34. L’article 42 a pour objet de définir les droits exclusifs du titulaire d’un brevet, à savoir le droit à la pleine jouissance du monopole conféré par le brevet. Par conséquent, l’interdiction s’applique à [traduction] « tout acte qui nuit à la pleine jouissance du monopole conféré au titulaire du brevet », s’il est accompli sans le consentement de ce dernier (H. G. Fox, The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions (4e éd. 1969), p. 349; voir également Lishman c. Erom Roche Inc., [1996] A.C.F. no 560 (QL) (1re inst.), par. 16.

 

35. Le principe directeur est que le droit des brevets doit accorder à l’inventeur « l’exclusivité de ce qu’il a inventé de bonne foi » : Free World Trust, précité, par. 43. En ce qui concerne le verbe « exploiter », la question devient la suivante : les activités du défendeur ont-elles privé l’inventeur, en tout ou en partie, directement ou indirectement, de la pleine jouissance du monopole conféré par la loi?

 

[...]

 

37. En pratique, l’inventeur est normalement privé des fruits de son invention et de la pleine jouissance de son monopole lorsqu’une autre personne exploite l’invention en question à des fins commerciales, sans avoir préalablement obtenu une licence ou une autorisation en ce sens [...]

 

[...]

 

43. Il peut donc y avoir contrefaçon par exploitation même dans le cas où l’invention brevetée fait partie ou est une composante d’une structure ou d’un procédé non brevetés plus vastes. Comme l’affirme le professeur Vaver, cette règle a une portée large. Elle est toutefois profondément enracinée dans le principe voulant que la protection par brevet ait principalement pour objet d’empêcher des tiers de priver l’inventeur, ne serait‑ce qu’en partie ou indirectement, du monopole que la loi entend lui conférer : seul l’inventeur a droit, en vertu du brevet ou de la loi, à la pleine jouissance du monopole conféré.

 

44. Ainsi, dans l’arrêt Saccharin Corp. c. Anglo‑Continental Chemical Works, Ld. (1900), 17 R.P.C. 307 (H.C.J.), p. 319, la cour affirme :

 

[traduction] En vendant la saccharine produite au moyen du procédé breveté, l’importateur prive le titulaire du brevet d’une partie des profits et avantages globaux de l’invention, et se trouve à exploiter indirectement l’invention.

 

Cet extrait confirme le caractère crucial de la question découlant de l’interprétation téléologique de la Loi sur les brevets : par ses actes ou sa conduite, le défendeur a-t-il privé l’inventeur, en tout ou en partie, directement ou indirectement, des avantages de l’invention brevetée?

 

45. Pour déterminer si le défendeur a « exploité » l’invention brevetée, il faut examiner les agissements du défendeur au regard de l’objet du brevet et se demander si ces agissements mettaient effectivement en cause cet objet. Dans l’arrêt Betts c. Neilson (1868), L.R. 3 Ch. App. 429 (conf. par (1871), L.R. 5 H.L. 1), l’objet du brevet était la préservation du contenu de bouteilles pendant leur transport. La cour a statué que, même si les bouteilles ne faisaient que transiter par l’Angleterre sans être ouvertes, le défendeur avait exploité l’invention dans ce pays étant donné que, pendant qu’elle y était transportée, la bière était protégée par l’invention. Lord Chelmsford a affirmé, à la p. 439 :

 

[traduction] C’est l’utilisation de la machine ou de l’article aux fins pour lesquelles ils ont été conçus qui constitue l’utilisation concrète de ceux-ci, et, peu importe que les capsules aient été destinées à orner ou encore à protéger le contenu des bouteilles sur lesquelles elles étaient placées, on peut dire à juste titre que, pendant tout le temps qu’elles se sont trouvées en Angleterre, elles étaient exploitées concrètement dans le but même pour lequel les vendeurs les avaient placées sur les bouteilles.

 

46. En fait, il n’est pas nécessaire que l’invention brevetée soit utilisée exactement dans le but pour lequel elle a été conçue pour que l’activité du défendeur en mette en cause l’objet [...]

 

47. De plus, comme lord Dunedin l’a souligné dans l’arrêt British United Shoe Machinery Co. c. Simon Collier Ld. (1910), 27 R.P.C. 567 (H.L.), la possession à titre préventif d’un extincteur, par exemple, a une « valeur latente ». L’extincteur est « exploité » pour éteindre les flammes en cas de besoin. Il en est de même d’une machine à vapeur de secours [traduction] « destinée à être exploitée, dans certaines circonstances, exactement dans le même but que la machine principale » (p. 572). L’exploitation de l’utilité latente d’une invention est un avantage que l’on tire de l’invention.

 

[...]

 

49. En général, l’intention du défendeur n’est pas pertinente pour conclure à la contrefaçon; la question est de savoir [traduction] « ce que le défendeur fait, et non ce qu’il entend faire » : Stead c. Anderson (1847), 4 C.B. 806, 136 E.R. 724 (C.P.), p. 736; voir aussi Hoechst Celanese Corp. c. BP Chemicals Ltd. (1998), 25 F.S.R. 586 (Pat. Ct.), p. 598; Illinois Tool Works Inc. c. Cobra Fixations Cie, [2002] A.C.F. no 1104 (QL), 2002 CFPI 829, par. 14‑17; Computalog Ltd. c. Comtech Logging Ltd. (1992), 44 C.P.R. (3d) 77 (C.A.F.), p. 88. Il faut donc se demander si, par ses actes, ses activités ou sa conduite, le défendeur s’est effectivement arrogé l’invention brevetée et a ainsi privé l’inventeur, en tout ou en partie, directement ou indirectement, de la pleine jouissance du monopole conféré par le brevet.

 

[...]

 

58. On peut considérer que ces propositions émanent de l’analyse précédente du verbe « exploiter » figurant dans la Loi sur les brevets :

 

1.         Selon leur sens lexicographique ordinaire, les verbes « exploiter » et « use » connotent une utilisation en vue d’une production ou dans le but de tirer un avantage.

 

2.         Le principe fondamental qui s’applique pour déterminer si le défendeur a « exploité » une invention brevetée consiste à se demander si l’inventeur a été privé, en tout ou en partie, directement ou indirectement, de la pleine jouissance du monopole conféré par le brevet.

 

3.         Tout avantage commercial qui peut découler de l’invention appartient au titulaire du brevet.

 

4.         Il est possible de conclure à l’existence de contrefaçon même si l’objet ou le procédé breveté fait partie ou est une composante d’une structure ou d’un procédé non brevetés plus vastes, pourvu que l’invention brevetée soit importante pour les activités du défendeur qui mettent en cause la structure non brevetée.

 

5.         La possession d’un objet breveté ou d’un objet ayant une particularité brevetée peut constituer une « exploitation » de l’utilité latente de cet objet et ainsi constituer de la contrefaçon.

 

6.         La possession, du moins dans le cadre d’un commerce, donne naissance à une présomption d’« exploitation » réfutable.

 

7.         Bien qu’en général l’intention ne soit pas pertinente pour déterminer s’il y a eu « exploitation » et donc contrefaçon, l’absence d’intention d’utiliser l’invention ou d’en tirer un avantage peut être pertinente pour réfuter la présomption d’exploitation découlant de la possession.

 

 

[104]       Il y a contrefaçon d’un brevet lorsqu’une personne fabrique, construit, exploite ou vend un article, ou exploite ou vend une méthode, qui comprend chacun des « éléments essentiels » de l’une ou l’autre des revendications de ce brevet; voir Free World Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024, et Canamould Extrusions Ltd. c. Driangle Inc., [2003] A.C.F. no 338.

 

La contrefaçon par le produit REVOLVER

 

[105]       Selon les éléments fournis en communication préalable et consignés en preuve, le produit REVOLVER de la défenderesse a trois constituants : les injecteurs, les cartouches et les tuyaux (pièce P‑36, onglet 3).

 

[106]       Le paragraphe 24 de l’exposé conjoint des faits dit que :

La défenderesse a commencé à vendre le dispositif d’injection de colorant REVOLVER au Canada en 2003. La défenderesse vend les injecteurs, les cartouches et les tuyaux du REVOLVER séparément et sous forme de trousses pouvant également comprendre des lampes UV, des adaptateurs et d’autres articles connexes, conçus expressément pour injecter un colorant UV dans un système de conditionnement d’air fermé et sous pression.

 

 

[107]       La défenderesse fournit aux utilisateurs des instructions sur la manière d’utiliser ces constituants aux fins pour lesquelles ils sont prévus.

 

La contrefaçon du brevet 673 par le REVOLVER

 

[108]       Je vais d’abord traiter des présumées contrefaçons des revendications 1, 2 et 3 du brevet 693, lesquelles sont des revendications relatives à la méthode.

 

Revendication 1

 

[109]       Je suis d’avis que le REVOLVER contrefait la revendication 1 puisque tous les éléments essentiels de la revendication sont présents dans la méthode d’utilisation des produits. Le REVOLVER comprend une cartouche cylindrique se logeant dans un boîtier. En ce qui concerne le REVOLVER, le boîtier est la partie que la défenderesse désigne comme la culasse. Il est conçu de manière à contenir la cartouche et le mécanisme d’entraînement du piston appelé le « vérin ». Le boîtier est conçu pour être poussé mécaniquement vers le bas par-dessus la cartouche en tournant le dispositif du boîtier et à l’aide d’un mécanisme interne qui entraîne le piston dans la cartouche, expulsant ainsi le fluide. La cartouche est raccordée de façon étanche et solide à un tuyau de remplissage qui est raccordé de façon étanche au système sous pression et qui peut en être détaché.

 

[110]       La défenderesse affirme qu’il n’y a aucune contrefaçon de la part du REVOLVER puisque la cartouche dans le REVOLVER diffère considérablement de la forme cylindrique. J’accepte le témoignage de Jerome Lemon à l’effet que le REVOLVER utilise une cartouche généralement cylindrique. Quoi qu’il en soit, l’intérieur de la cartouche est certainement cylindrique.

 

[111]       La défenderesse affirme également que la cartouche doit se loger dans le boîtier plutôt que dans la culasse. Ce n’est pas mon interprétation de la revendication 1 et ce n’est pas un élément essentiel de la revendication 1 non plus.

 

[112]       La défenderesse a aussi affirmé qu’il n’y a aucune contrefaçon puisque la cartouche doit être « détachable » du boîtier. La possibilité d’être détachée n’est pas un élément essentiel de la revendication (voir mon analyse au paragraphe 62 des motifs de l’interprétation de la revendication 1).

 

Revendication 2

 

[113]       Le REVOLVER contrefait la revendication 2 parce que le fluide secondaire dans la cartouche est un colorant et comprend les éléments de la revendication 1.

 

Revendication 3

 

[114]       Le REVOLVER contrefait la revendication 3 pour le même motif que pour la revendication 2, sauf que le fluide secondaire est une huile.

 

Revendication 4

 

[115]       La revendication 4 est une revendication relative à l’appareil. À mon avis, le REVOLVER comprend tous les éléments essentiels de la revendication 4. Il comprend l’injecteur (boîtier), le tuyau (tuyau de remplissage) et la cartouche.

 

[116]       La défenderesse dit qu’il n’y a aucune contrefaçon parce que la cartouche n’est pas cylindrique. Je vous rappelle mon analyse de la revendication 1.

 

[117]       Par conséquent, le REVOLVER contrefait la revendication 4.

 

Revendications 7 et 8

 

[118]       La défenderesse affirme qu’il n’y a aucune contrefaçon des revendications 7 et 8 pour les motifs énoncés à l’annexe C du mémoire des faits et du droit de la défenderesse aux termes de la revendication 4. Ces motifs seraient dus au fait que les cartouches dans le REVOLVER ne sont pas cylindriques et que la cartouche n’entre pas dans le boîtier. J’ai examiné ces arguments dans le cadre de la revendication 1 et je ne les accepte pas.

 

[119]       Je suis d’avis que le REVOLVER de la défenderesse contrefait les revendications 7 et 8 pour les motifs indiqués dans l’analyse des revendications 2 et 3.

 

Revendication 9

 

[120]       Jerome Lemon a effectué un test de pression de la cartouche et des raccords du REVOLVER et a constaté qu’ils pouvaient résister aux pressions stipulées par la revendication 9 du brevet 673 pour les cartouches et les raccords des revendications 4 à 8. Il a constaté que le produit REVOLVER de la défenderesse pouvait résister à ces pressions.

 

[121]       La défenderesse a présenté la preuve du Pr Brown qui a testé la cartouche du REVOLVER séparément et non dans la culasse du REVOLVER. Cependant, la revendication 9 mentionne « ladite cartouche » et ses raccords. À mon avis, tester la cartouche séparément ne démontre pas que le produit REVOLVER ne peut pas résister aux pressions requises.

 

[122]       Par conséquent, je juge que le REVOLVER de la défenderesse contrefait la revendication 9 du brevet 673.

 

Revendication 10

 

[123]       Il m’apparaît clair que le REVOLVER de la défenderesse contrefait la revendication 10 en ce que les cartouches du REVOLVER sont jetables. Ceci était un élément essentiel des revendications 4 à 9.

 

Revendications 14, 15 et 16

 

[124]       Ces revendications portent sur la cartouche de l’appareil. Après examen des éléments essentiels de ces revendications, j’arrive à la conclusion que le produit REVOLVER de la défenderesse contrefait chacune d’elles.

 

[125]       Pour ce qui concerne les revendications 15 et 16, je leur appliquerais les observations déjà formulées à propos de leur contrefaçon.

 

La contrefaçon du brevet 673 par le DYE STICK

 

Revendication 1

 

[126]       J’estime que le DYE STICK contrefait la revendication 1 du brevet 673 pour les mêmes motifs que ceux que j’ai exposés à propos du REVOLVER.

 

[127]       La défenderesse soutient qu’il n’y a pas contrefaçon parce que ce serait un élément essentiel de la revendication 1 que la cartouche puisse à la fois être insérée dans son boîtier et en être « détachée ». Selon mon interprétation de cette revendication, ce n’en est pas un élément essentiel que la cartouche puisse à la fois être insérée dans son boîtier et en être détachée : l’élément essentiel est seulement qu’elle puisse y être insérée. Je dois rejeter ce moyen de la défenderesse, pour les mêmes motifs que j’ai exposés plus haut aux paragraphes 62 et 112.

 

[128]       La défenderesse fait également valoir qu’il n’y a pas contrefaçon étant donné que dans ses produits, la cartouche doit se loger dans le boîtier plutôt que dans la culasse. Je rejette ce moyen pour les mêmes motifs que j’ai formulés plus haut au paragraphe 111.

 

Revendication 2

 

[129]       Le DYE STICK contrefait la revendication 2 du brevet 673 pour les mêmes motifs qui m’ont amené à conclure plus haut que le REVOLVER la contrefait.

 

Revendication 3

 

[130]       Le DYE STICK contrefait la revendication 3 du brevet 673 pour les mêmes motifs qui m’ont amené à conclure plus haut que le REVOLVER la contrefait.

 

Revendication 4

 

[131]       Le DYE STICK contrefait la revendication 4 du brevet 673 pour les mêmes motifs qui m’ont amené à conclure plus haut que le REVOLVER la contrefait.

 

Revendications 7 et 8

 

[132]       Le DYE STICK contrefait les revendications 7 et 8 du brevet 673 pour les mêmes motifs, respectivement, qui m’ont amené à conclure plus haut que le REVOLVER les contrefait.

 

Revendication 9

 

[133]       Selon le témoignage de M. Jerome Lemon, le DYE STICK résisterait aux pressions que spécifie la revendication 9. J’accepte cet élément de preuve et conclus en conséquence que le DYE STICK contrefait cette revendication. Pour ce qui concerne les arguments avancés par la défenderesse à propos de la revendication 9, je réitère les conclusions que j’ai formulées relativement à la revendication 4.

 

Revendication 10

 

[134]       La défenderesse ne vend pas séparément la cartouche de son produit DYE STICK, mais, à mon sens, la cartouche vendue avec le DYE STICK n’est pas conçue pour être rechargée ou étanchéifiée de nouveau. Le DYE STICK se vend en prêt‑à‑monter, sans les assemblages de tuyaux. Je conclus donc que la cartouche du DYE STICK est jetable. Pour ce qui concerne les arguments avancés par la défenderesse à propos de la revendication 10, je réitère les conclusions que j’ai formulées relativement à la revendication 4.

 

Revendication 14

 

[135]       La revendication 14 traite de la cartouche utilisée pour injecter le système de réfrigération ou de conditionnement d’air sous pression. La défenderesse affirme qu’il n’y a aucune contrefaçon parce que la cartouche n’est pas cylindrique. Je ne partage pas cet avis et j’adopte pour cette conclusion les motifs que j’ai invoqués pour la revendication 1 du produit REVOLVER.

 

[136]       Le produit DYE STICK de la défenderesse contrefait la revendication 14, étant donné qu’il en reprend tous les autres éléments essentiels.

 

Revendication 15

 

[137]       La revendication 15 traite des pressions auxquelles la cartouche et ses raccords peuvent résister. La défenderesse affirme qu’il n’y a aucune contrefaçon de la part du DYE STICK, car elle n’est pas cylindrique. Je ne partage pas cet avis et je réitère et j’adopte les motifs que j’ai invoqués pour la revendication 1 concernant la forme de la cartouche. Relativement à la cartouche et à la capacité des raccords à résister aux pressions énoncées, j’accepte la preuve de Jerome Lemon en ce que la cartouche du DYE STICK résisterait aux pressions requises.

 

[138]       Je constate que le DYE STICK reprend tous les éléments essentiels de la revendication 15 et que, par conséquent, il la contrefait.

 

Revendication 16

 

[139]       Cette revendication concerne le caractère jetable de la cartouche. Me fondant sur le raisonnement que j’ai appliqué à la revendication 10 touchant le caractère jetable de la cartouche, je conclus que le DYE STICK reprend tous les éléments essentiels de la revendication 16 et qu’il contrefait donc cette dernière.

 

La contrefaçon supposée du brevet 024 par le RETRO STICK

 

[140]       Le RETRO STICK ne contrefait pas le brevet 024 puisqu’il n’utilise pas de colorant.

 

Contrefaçon du brevet 024 de la part du REVOLVER et du DYE STICK

 

[141]       Relativement aux revendications 1, 3, 5, 6, 7 et 9 du brevet 024, Jerome Lemon déclare au paragraphe 57 de son affidavit d’expert :

[traduction]

Dans le cas des produits REVOLVER et DYE STICK, à mon avis, les produits tels qu’ils sont vendus et/ou utilisés comprennent tous les éléments précisés aux revendications 1, 3, 5, 6, 7, 9 […] du brevet 024. Plus précisément, les produits REVOLVER et DYE STICK tels qu’ils sont vendus comme trousses et utilisés :

 

·         constituent des appareils permettant d’injecter un fluide secondaire dans un système de conditionnement d’air ou de réfrigération;

 

·         sont munis d’une cartouche tubulaire contenant le fluide secondaire, et d’un ajutage incorporé à une extrémité ainsi que d’un piston à même la seconde extrémité libre;

 

·         comprennent un flexible doté d’un raccord pour l’ajutage de la cartouche à l’une des extrémités et d’une valve de vidange, y compris un clapet conçu pour s’ouvrir lorsqu’il est raccordé au robinet de service du système sous pression et se fermer quand il est déconnecté;

 

·         comprennent un moyen d’injecter le colorant de la cartouche dans le système sous pression par l’intermédiaire d’un dispositif d’accouplement hydraulique en enclenchant le piston par un dispositif d’expulsion (dans ce cas un dispositif hélicoïdal mécanique d’expulsion permettant d’entraîner le piston);

 

·         lorsqu’elles sont vendues et qu’elles ne sont pas utilisées, les cartouches tubulaires ont un capuchon vissé sur l’ajutage afin d’empêcher les fuites;

 

·         ont un dispositif d’accouplement conçu pour fonctionner, tel que nous l’avons mentionné auparavant, comme un raccord pression verrouillable permettant de connecter le robinet de service au système sous pression;

 

·         sont des dispositifs d’injection;

 

·         sont dotés d’un boîtier qui accueille la cartouche et un mécanisme d’entraînement qui pousse le piston dans la cartouche tubulaire tel que mentionné ci-dessus;

 

·         sont utilisés conformément aux éléments de la revendication 9;

 

·         comprennent des cartouches de forme cylindrique contenant un fluide approximativement à la pression ambiante;

 

·         les cartouches sont dotées d’ajutages filetés adaptés pour se visser au tuyau par un raccord fileté;

 

·         comprennent un joint torique intégré à la surface externe du piston et scellé contre la surface interne de la cartouche.

 

 

[142]       Au paragraphe 58 de son affidavit d’expert, M. Lemon déclare qu’en ce qui concerne les revendications 17, 19, 20 et 38 du brevet 024 :

[traduction]

En ce qui touche les revendications 17,19, 20 et 38, le produit REVOLVER comprend, à mon avis, tous les éléments requis par la présente revendication. En particulier, en plus des éléments mentionnés ci-dessus, les produits REVOLVER sont vendus en tant que trousses comprenant également une valve permettant d’empêcher le passage de matériaux du tuyau dans la cartouche à l’extrémité du tuyau, qui se visse à l’ajutage de la cartouche au moyen d’un clapet de non-retour à ressort de type bouchon mâle.

 

Et au paragraphe 59, M. Lemon affirme, concernant la revendication 2 :

[traduction]

En ce qui touche la revendication 2, le DYE STICK est une contrefaçon à mon avis, car il comprend les éléments des revendications indépendantes et le boîtier tubulaire de la cartouche est fait de matière transparente et doté de marques de graduation permettant d’injecter avec précision une quantité prédéterminée de fluide secondaire, ce qui correspond à l’élément essentiel ajouté par les revendications.

 

[143]       J’applique à l’argument de la défenderesse selon lequel les cartouches ne sont pas cylindriques les conclusions que j’ai déjà exposées à ce sujet.

 

[144]       J’accepte le témoignage de M. Lemon et, en conséquence, je conclus que les produits REVOLVER et DYE STICK contrefont tous deux les revendications 1, 3, 5, 6, 7 et 9 du brevet 024. En outre, le REVOLVER contrefait les revendications 17, 19, 20 et 38 du même brevet, et le DYE STICK contrefait sa revendication 2.

 

La contrefaçon par le RETRO STICK

 

[145]       La demanderesse avance la thèse suivante au paragraphe 84 de ses conclusions finales :

[traduction]

Le produit RETRO STICK ne contrefait selon nous que les revendications 1, 3, 4, 8, 9 et 10 du brevet 673, puisque les autres revendications en litige portent que le fluide secondaire est un colorant, alors que le RETRO STICK ne contient pas de colorant. La preuve établit à l’évidence que le RETRO STICK est identique au DYE STICK aux fins de l’analyse de la contrefaçon des revendications susdites. Nous fondant sur les mêmes motifs que nous avons exposés à propos de la contrefaçon de ces revendications par le DYE STICK, nous soutenons que le RETRO STICK, en tant qu’il est vendu par la défenderesse et utilisé par des consommateurs finaux, reprend tous les éléments desdites revendications et les contrefait.

 

[146]       Je souscris à cette thèse et conclus que le produit RETRO STICK contrefait les revendications 1, 3, 4, 8, 9 et 10 du brevet 673.

 

[147]       La question 5

            Le contrat liant Spectronics et la défenderesse constitue‑t‑il pour cette dernière un moyen de défense contre l’accusation de contrefaçon des brevets 673 ou 024 en ce qui concerne les injecteurs et les cartouches REVOLVER obtenues de fournisseurs par Spectronics, puis fournies par celle‑ci à la défenderesse en exécution de ce contrat?

 

L’accord de licence de la demanderesse avec Spectronics et le contrat de fourniture de cette dernière avec la défenderesse

 

[148]       Afin d’établir si le contrat de fourniture en question peut constituer un moyen de défense pour la défenderesse, il faut interpréter l’accord de licence. La Cour suprême du Canada formulait à ce propos les observations suivantes aux paragraphes 54 et 56 de l’arrêt Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd., [1998] 2 R.C.S. 129 :

54. Le juge de première instance semble avoir considéré que, d’après l’arrêt Consolidated Bathurst, l’interprétation du contrat devrait viser en définitive à vérifier l’intention véritable des parties au moment de conclure le contrat et que, ce faisant, le juge des faits peut admettre des éléments de preuve extrinsèques concernant les intentions subjectives des parties à ce moment-là. À mon avis, cela n’est pas tout à fait exact. L’intention des parties contractantes doit être déterminée en fonction des mots qu’elles ont employés en rédigeant le document, éventuellement interprétés à la lumière des circonstances du moment. La preuve de l’intention subjective d’une partie n’occupe aucune place indépendante dans cette décision.

 

[...]

 

56. Quand le texte du document est sans ambiguïté, l’idée exprimée dans Consolidated Bathurst, selon laquelle il y a lieu de retenir l’interprétation qui assure un « résultat équitable » ou un « résultat commercial raisonnable », n’est pas déterminante. Certes, il serait absurde d’adopter une interprétation nettement incompatible avec les intérêts commerciaux des parties, si l’objectif est de vérifier leur véritable intention au moment de contracter. Toutefois, il n’est pas difficile d’interpréter un document clair conformément à l’intention véritable des parties contractantes, si l’on présume que les parties voulaient les conséquences juridiques des mots qu’elles ont employés. Cela est conforme à l’opinion incidente de notre Cour dans Joy Oil Co c. The King, [1951] R.C.S. 624, à la p. 641 :

 

[traduction] ... en interprétant un document, il s’agit non pas de chercher à comprendre ce que les mots seulement veulent dire, ni ce que le rédacteur seulement a voulu dire, mais plutôt de chercher ce que les mots employés par le rédacteur veulent dire.

 

[149]       On peut lire par ailleurs ce qui suit sous la plume du juge Aalto aux pages 630 et 631 de l’arrêt Dumbrell c. The Regional Group of Companies Inc. (2007), 85 O.R. (3d) 616 (C.A. Ont.) :

[traduction]

[51] Selon l’arrêt Eli Lilly, précité, ce sont les termes du contrat passé entre les parties qui doivent former l’axe de l’interprétation. Il faut faire porter l’examen sur la signification de ces termes et non sur les intentions subjectives des parties. En ce sens, mon point de vue est textualiste. Cependant, il convient de distinguer la signification du contrat écrit de la signification lexicographique et syntaxique des termes qui y sont employés. Lord Hoffman faisait à ce propos la remarque suivante à la page 115 de Investors Compensation Scheme Ltd., All E.R., précité :

 

[traduction] La signification qu’un document (ou tout autre énoncé) exprime pour un homme raisonnable ne coïncide pas avec la signification de ses termes. Celle‑ci relève des dictionnaires et des grammaires, mais la signification du document est ce qu’on peut raisonnablement penser qu’ont voulu dire, dans le contexte factuel, les parties qui ont employé ces termes.

 

[52] Certes, la signification lexicale et grammaticale des termes employés par les parties (parfois appelée « sens ordinaire ») se révèle importante et souvent décisive dans l’établissement de la signification du document. Cependant, on ne peut assimiler l’une à l’autre. La signification d’un document ne réside pas seulement dans ses termes, mais aussi dans le contexte factuel ou les circonstances de leur emploi. John Swan exprime bien ce fait à la page 493 de Canadian Contract Law, Markham (Ont.), Butterworths, 2006 :

 

[traduction] Il y a un certain nombre de caractéristiques inhérentes au langage qu’il convient ici de rappeler. Il est peu de mots, si même il y en a, qu’on puisse comprendre indépendamment de leur contexte, et l’on ne peut comprendre le texte d’aucun contrat sans une certaine connaissance de son contexte et de son objet. Les mots considérés isolément présentent une imprécision intrinsèque qui oblige souvent les tribunaux à en déterminer la signification en examinant leur contexte et les attentes que pouvaient avoir les parties.

 

[53] Il faut lire le texte de l’accord écrit en tenant compte de sa globalité et des circonstances où il a été conclu. Ces circonstances comprennent les faits que les parties connaissaient ou auraient raisonnablement pu connaître au moment où elles ont conclu l’accord : BG Checo International Ltd. c. British Columbia Hydro and Power Authority, [1993] 1 R.C.S. 12, [1993] A.C.S. no 1, aux pages 23 et 24 des R.C.S; H.W. Liebig & Co. c. Leading Investments Ltd., [1986] 1 R.C.S. 70, [1986] A.C.S. no 6, aux pages 80 et 81des R.C.S., le juge La Forest; Prenn v. Simmonds, [1971] 1 W.L.R. 1381, [1971] 3 All E.R. 237 (H.L.), aux pages 1383 et 1384 des W.L.R.; et Staughton, « How Do the Courts Interpret Commercial Contracts? », précité, aux pages 307 et 308.

 

[54] L’examen du contexte dans lequel l’accord écrit a été conclu fait partie intégrante du processus d’interprétation et n’est pas une opération à laquelle on recourt seulement lorsque les termes considérés isolément présentent une certaine ambiguïté. Pour constater une ambiguïté, il faut être arrivé à certaines conclusions sur la signification des termes employés. Or on ne peut valablement arriver à une conclusion sur la signification des termes employés dans un contrat écrit qu’en examinant celui‑ci dans le contexte où il a été passé : McCamus, The Law of Contracts, Toronto, Irwin Law, 2005, aux pages 710 et 711.

 

[55] Les avis divergent sur la question de savoir jusqu’à quel point il convient d’examiner le contexte aux fins de l’interprétation des contrats : Geoff R. Hall, « A Curious Incident in the Law of Contract: The Impact of 22 Words from the House of Lords » (2004), 40 Rev. Can. Dr. Comm. 20. Quoi qu’il en soit, pour ce qui concerne les accords écrits, le contexte (ou la « matrice factuelle », comme on le désigne parfois) comprend indubitablement la genèse de l’accord, son objet et l’ensemble des circonstances commerciales où il a été conclu : Kentucky Fried Chicken Canada, a Division of Pepsi-Cola Canada Ltd. c. Scott’s Food Services Inc., [1998] O.J. No. 4368, 114 O.A.C. 357 (C.A.), à la page 363 des O.A.C.

 

[56] Je reprends à mon compte la conception du processus d’interprétation formulée par lord Steyn à la page 8 de « The Intracticable Problem of the Interpretation of Legal Texts », précité :

 

[traduction] Tout au contraire du droit romano‑germanique, la common law applique une théorie pour une grande part objective à l’interprétation des contrats. L’objet de l’interprétation d’un contrat n’est pas de découvrir comment les parties entendaient le texte dont elles ont convenu, mais plutôt de déterminer la signification de ce contrat par rapport à son contexte objectif. Généralement parlant, cette conception objective de l’interprétation sert les fins du commerce. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[150]       Selon la preuve produite dans la présente espèce, Spectronics avait adopté le concept inventif de la demanderesse et développé son propre produit pour la vente avant de conclure l’accord en question. La demanderesse, l’ayant constaté, a avisé Spectronics qu’elle contrefaisait ses brevets, par suite de quoi les deux entreprises ont conclu un accord de licence autorisant Spectronics à vendre les produits litigieux sous réserve du paiement de redevances à la demanderesse. Il n’a été produit aucun élément tendant à prouver que Spectronics ait vendu des produits contrefaits : selon la preuve, cette entreprise ne vendait à la date de l’accord que son propre injecteur, un dispositif à vis. M. Trigiani a déclaré dans son témoignage que, à sa connaissance, Spectronics ne fabriquait et vendait que des produits conçus par elle.

 

[151]       Par la suite, en janvier 2006, Spectronics a passé un contrat de fourniture avec la défenderesse. Avant la passation de ce contrat, la défenderesse se procurait directement auprès d’autres fournisseurs les constituants de son dispositif d’injection de colorant Revolver, et assemblait et chargeait elle-même les cartouches de colorant. Dans le cadre du contrat de fourniture, Spectronics se procurait les mêmes constituants – les injecteurs et les éléments des cartouches – auprès des mêmes fournisseurs que la défenderesse. Le même outillage est utilisé pour fabriquer les constituants, et cet outillage appartient à la défenderesse. En outre, c’est Spectronics qui assemble et charge de colorant les cartouches vendues en exécution du contrat de fourniture. Le colorant est produit à partir d’une formulation préalablement établie par la défenderesse.

 

[152]       Lorsque la défenderesse reçoit les Revolvers et les cartouches de Spectronics, il les vend de deux façons : 1) séparément pour utilisation avec les autres composants du dispositif d’injection de colorant Revolver et 2) ensemble dans une trousse qui comprend le Revolver, les cartouches et un tuyau obtenu d’un autre fournisseur. Il y a également des directives sur la façon d’utiliser ce dispositif.

 

[153]       Avant de passer le contrat de fourniture, Spectronics s’est plainte auprès de la demanderesse des activités contrefaisantes de la défenderesse.

 

[154]       Après avoir examiné, à la lumière des principes d’interprétation des contrats exposés plus haut, l’ensemble du texte de l’accord confidentiel de licence, en particulier sa clause 1.2 et le reste de la première page, je constate que cet accord n’autorise Spectronics à fabriquer, exploiter ou vendre que ses propres produits et non ceux de tiers. Je suis arrivé à cette conclusion après avoir lu l’accord de licence [traduction] « en tenant compte de sa globalité et des circonstances où il a été conclu » (voir Dumbrell, précité). Il faut ici prendre en considération les circonstances connues des parties au moment de la conclusion de l’accord. Par exemple, Spectronics ne vendait alors que ses propres injecteurs à vis. En outre, M. Trigiani a déclaré dans son témoignage que, à sa connaissance, Spectronics ne fabriquait et vendait que des produits de sa propre conception.

 

[155]       En conséquence, je conclus que la défenderesse ne peut invoquer le contrat de fourniture passé avec Spectronics comme moyen de défense contre l’accusation de contrefaçon pour ce qui concerne les injecteurs Revolver et les cartouches Revolver fournies par Spectronics.

 

[156]       La question 6

            L’une ou l’autre des revendications 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 14, 15 et 16 du brevet 673 est-elle invalide pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

            a)         elle serait antériorisée par le dispositif QUEST;

            b)         pour ce qui concerne la revendication 14, elle serait antériorisée par les dispositifs BRADLEY, CLASSIC ou ROBINAIR, selon le cas;

            c)         la revendication serait évidente du fait des antériorités et des connaissances générales courantes citées par les experts de la défenderesse;

            d)         sa portée serait excessive ou elle serait dénuée du caractère d’utilité du fait qu’elle ne spécifie pas de moyen de retenir le piston dans le cylindre;

            e)         la demande qui a donné lieu à la délivrance du brevet 673 ne remplirait pas la condition fixée par l’article 37, étant donné l’absence de dessins dans le mémoire descriptif;

            f)          la demanderesse tomberait sous le coup de l’alinéa 73(1)a) de la Loi sur les brevets, au motif qu’elle a déposé le procès-verbal d’une audience de l’Office européen des brevets (OEB) sur la demande européenne correspondante;

            g)         le brevet 673 serait nul sous le régime du paragraphe 53(1) de la Loi sur les brevets à l’un ou l’autre des motifs suivants :

                                    la pétition contiendrait une allégation importante non conforme à la vérité, soit l’affirmation que MM. Michael Kroll et Phil Trigiani étaient les propriétaires de l’invention;

                                    elle contiendrait plus ou moins qu’il n’est nécessaire pour démontrer ce qu’elle est censée démontrer, du fait de l’absence de dessins de l’appareil dans le mémoire descriptif?

 

[157]       La question 6.a)

Le droit relatif à l’antériorité

            La question de la nouveauté (ou de l’antériorité) est régie par l’article 28.2 de la Loi sur les brevets, qui contient entre autres les dispositions suivantes :

28.2(1) L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas :

 

a) plus d’un an avant la date de dépôt de celle‑ci, avoir fait, de la part du demandeur ou d’un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

b) avant la date de la revendication, avoir fait, de la part d’une autre personne, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

c) avoir été divulgué dans une demande de brevet qui a été déposée au Canada par une personne autre que le demandeur et dont la date de dépôt est antérieure à la date de la revendication de la demande visée à l’alinéa (1)a) [...]

 

 

[158]       On peut lire ce qui suit aux paragraphes 25, 26 et 27 de l’arrêt Free World Trust de la Cour suprême du Canada, précité :

25. La défense fondée sur l’antériorité découlant d’une publication est difficile à établir, car les tribunaux reconnaissent qu’il n’est que trop facile, après la divulgation d’une invention, de la reconnaître, par fragments, dans un enseignement antérieur. Il faut peu d’ingéniosité pour constituer un dossier d’antériorité lorsqu’on dispose du recul nécessaire. En l’occurrence, les intimés prétendent que tous les éléments essentiels des prétendues inventions de l’appelante avaient été divulgués dans une seule publication, savoir l’article de Solov’eva, environ quatre ans avant la demande de brevet. Si tel est le cas, le brevet est invalide.

 

26. Les intimés ont appris l’existence de l’article de Solov’eva en prenant connaissance du mémoire descriptif du brevet 361, l’appelante en faisant mention à titre d’antériorité. La question qui se pose sur le plan juridique est de savoir si cet article renferme suffisamment d’information pour permettre à une personne ayant des compétences et des connaissances moyennes dans le domaine de comprendre, sans avoir accès aux deux brevets, [traduction] « la nature de l’invention et de la rendre utilisable en pratique, sans l’aide du génie inventif, mais uniquement grâce à une habileté d’ordre technique » (H. G. Fox, The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions (4e éd. 1969), aux pp. 126 et 127). En d’autres mots, les renseignements donnés par Solov’eva étaient‑ils, « en termes d’utilité pratique, les mêmes que ceux que donnent les brevets contestés »? (Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504, le juge Dickson, à la p. 534), ou, pour reprendre l’exposé mémorable fait dans General Tire & Rubber Co. c. Firestone Tyre & Rubber Co., [1972] R.P.C. 457 (C.A. Angl.), à la p. 486:

 

[traduction] Aussi clair qu’il soit, un poteau indicateur placé sur la voie menant à l’invention du breveté ne suffit pas. Il faut prouver clairement que l’inventeur préalable a pris possession de la destination précise en y laissant sa marque avant le breveté.

 

Il est donc difficile de satisfaire au critère applicable en matière d’antériorité :

 

Il faut en effet pouvoir s’en remettre à une seule publication antérieure et y trouver tous les renseignements nécessaires, en pratique, à la production de l’invention revendiquée sans l’exercice de quelque génie inventif. Les instructions contenues dans la publication antérieure doivent être d’une clarté telle qu’une personne au fait de l’art qui en prend connaissance et s’y conforme arrivera infailliblement à l’invention revendiquée. (Beloit Canada Ltd. c. Valmet OY (1986), 8 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.), le juge Hugessen, à la p. 297)

 

27. En toute déférence, il est clair que l’article de Solov’eva n’aborde pas et résout encore moins les difficultés techniques sur lesquelles portent les brevets en cause. Il ne s’agit de rien de plus qu’un résumé de quatre pages de l’histoire de l’électromagnétothérapie. L’article fait état de certains des différents systèmes offerts en 1975 en Europe et au Japon. Il convient de signaler que l’appelante ne prétend pas avoir inventé l’électromagnétothérapie. Elle a obtenu un brevet pour un moyen en particulier. Même si les différents composants étaient déjà connus des personnes versées dans l’art, l’inventeur les a combinés pour obtenir ce que le commissaire aux brevets a qualifié de résultat nouveau, utile et ingénieux. L’invention revendiquée correspondait à une combinaison ingénieuse de composants déjà connus, et non à leur simple juxtaposition (The King c. Uhlemann Optical Co., [1952] 1 R.C.S. 143, le juge en chef Rinfret, à la p. 150; Domtar Ltée c. MacMillan Bloedel Packaging Ltée, [1977] A.C.F. no 207 (QL) (1re inst.), aux par. 28 à 33). La combinaison ingénieuse n’était ni enseignée ni envisagée dans l’article de Solov’eva. Aucun des autres arguments invoqués à l’encontre de la validité des brevets n’est convaincant. Le breveté a respecté les obligations contractées dans le cadre du marché en divulguant une invention. Les brevets sont valides.

 

 

[159]       La Cour suprême du Canada a modifié quelque peu le droit en cette matière dans l’arrêt Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., [2008] A.C.S. no 63 [Apotex c. Sanofi], où le juge Rothstein, écrivant au nom de la Cour, exposait le raisonnement suivant :

23. Pour les motifs qui suivent et au vu de la jurisprudence récente, j’estime respectueusement que le juge de première instance a exagéré la rigueur du critère de l’antériorité en considérant que l’ « invention exacte » devait déjà avoir été faite et avoir été rendue publique.

 

24. En 2005, dans l’arrêt Synthon de la Chambre des lords, lord Hoffmann a apporté quelques précisions supplémentaires sur le critère de l’antériorité et sur son interprétation depuis l’arrêt General Tire. Le fait qu’il a qualifié d’inattaquable le passage cité des motifs de lord Westbury dans Hills c. Evans (1862), 31 L.J. Ch. (N.S.) 457, p. 463, indique clairement que son analyse ne tient pas à quelque modification du droit anglais découlant de l’adoption de la Patents Act 1977 (R.‑U.), 1977, ch. 37, non plus qu’à la ratification de la Convention sur la délivrance de brevets européens, 1065 R.T.N.U. 199 (entrée en vigueur le 7 octobre 1977) par le Royaume‑Uni. Il établit une distinction entre deux exigences en la matière qui, jusqu’alors, ne faisaient pas expressément l’objet d’un examen distinct, à savoir la divulgation antérieure et le caractère réalisable.

 

25. Lord Hoffmann explique que suivant l’exigence de la divulgation antérieure, le brevet antérieur doit divulguer ce qui, une fois réalisé, contreferait nécessairement le brevet (par. 22) :

 

[traduction] Si je puis me permettre de résumer ce qui découle de ces deux énoncés fort connus [tirés de General Tire et de Hills c. Evans], l’objet de l’antériorité alléguée doit divulguer ce qui, une fois réalisé, contreferait le brevet. . . Il s’ensuit que, peu importe que cela aurait sauté ou non aux yeux de quiconque au moment considéré, lorsque ce qui est décrit dans la divulgation antérieure est réalisable et une fois réalisé, contreferait nécessairement le brevet, la condition de la divulgation antérieure est remplie.

 

En ce qui concerne la divulgation, la personne versée dans l’art [traduction] « est censée tenter de comprendre ce que l’auteur de la description [dans le brevet antérieur] a voulu dire » (par. 32). À cette étape, les essais successifs sont exclus. La personne versée dans l’art se contente de lire le brevet antérieur pour en comprendre la teneur.

 

26. Lorsque l’exigence de la divulgation est remplie, le second élément établissant l’antériorité est le « caractère réalisable », à savoir la possibilité qu’une personne versée dans l’art ait pu réaliser l’invention (par. 26). Lord Hoffmann conclut que le volet du critère de l’antériorité correspondant au caractère réalisable équivaut au critère du caractère suffisant suivant les dispositions législatives pertinentes du Royaume‑Uni. (Notre Cour n’a pas à statuer en l’espèce sur l’incidence du caractère réalisable de l’invention sur le caractère suffisant du mémoire descriptif du brevet pour les besoins de l’al. 34(1)b) de la Loi sur les brevets du Canada dans sa version antérieure au 1er octobre 1989, devenu l’actuel al. 27(3)b), et mon analyse du caractère réalisable ne vaut que pour le critère de l’antériorité. La question de savoir si, au Canada, le caractère réalisable de l’invention et le caractère suffisant du mémoire descriptif se confondent l’un et l’autre devra être tranchée une autre fois.)

 

27. Dès lors que l’objet de l’invention est divulgué dans un brevet antérieur, on suppose que la personne versée dans l’art est disposée à procéder par essais successifs pour arriver à l’invention. Bien que de tels essais soient exclus à l’étape de la divulgation, ils ne le sont pas pour les besoins du caractère réalisable, car la question n’est plus de savoir si la personne versée dans l’art saisit la teneur de la divulgation du brevet antérieur, mais bien si elle est en mesure de réaliser l’invention.

 

28. Le juge de première instance a conclu à juste titre qu’il était lié par l’arrêt Beloit, lequel ne portait que sur un volet de l’antériorité : l’invention visée par le brevet en cause avait‑elle déjà été divulguée en totalité dans une même publication ou un même brevet. Le juge Hugessen y a conclu qu’elle ne l’avait pas été. Dès lors, il ne lui incombait pas de se demander en outre si, à supposer que la divulgation ait été claire, elle aurait en outre permis la réalisation de l’invention. Cette question ne faisait pas l’objet du litige. L’analyse consistant à isoler expressément le volet de la divulgation et celui du caractère réalisable apporte une nuance au raisonnement sous‑tendant l’arrêt Beloit. Elle explique la démarche qu’une personne versée dans l’art adopterait si le brevet d’origine antériorisait l’invention visée par le brevet subséquent. Je suis enclin à la faire mienne.

 

29. Sous réserve de toute restriction prévue dans la Loi sur les brevets, je ne vois pas pourquoi l’analyse relative à l’antériorité ne s’appliquerait qu’aux brevets de genre. Toujours sous réserve de la Loi sur les brevets, l’analyse de l’antériorité et de l’évidence paraît valoir pour les brevets en général.

 

30. Deux questions se posent dès lors en ce qui concerne le critère de l’antériorité : 1) en quoi consiste la divulgation antérieure et 2) dans quelle mesure le caractère réalisable admet‑il les essais successifs?

 

Selon mon interprétation de cette jurisprudence, l’arrêt Free World Trust, précité, reste applicable si l’on constate l’absence de divulgation antérieure dans l’état de la technique.

 

[160]       Le dispositif QUEST est un outil d’injection autonome (preuve 15). Il comprend :

            1.         un boîtier contenant un fluide secondaire;

            2.         un piston à même le boîtier;

            3.         un vérin vissé avec le boîtier pour entraîner le piston de manière à ce qu’en tournant le vérin, le filetage entraîne le piston à l’intérieur du boîtier, en expulsant ainsi le fluide (paragraphe 102 des conclusions finales de la demanderesse).

 

[161]       La défenderesse affirme que toutes les revendications du brevet 673 ont été antérieurement divulguées par QUEST.

 

[162]       Je désire traiter en premier des revendications 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9 et 10 du brevet 673. Il s’agit de déterminer si l’outil QUEST amène directement une personne versée dans l’art à utiliser une [traduction] « cartouche cylindrique se logeant dans un boîtier doté d’un dispositif d’entraînement du piston ». Le piston de l’outil QUEST est défini par une des extrémités du vérin. Si vous enleviez le vérin, il n’y aurait pas de piston, car il est attaché au vérin. Ainsi, il n’y aurait pas de cartouche cylindrique telle que définie par les revendications du brevet 673 en ce qu’il n’y aurait aucun piston dans la cartouche.

 

[163]       La défenderesse fait valoir que la clé à douilles (pièce 30) constitue un dispositif pour loger une cartouche dotée d’un dispositif d’entraînement du piston. Le piston dans l’outil QUEST est poussé à l’intérieur du boîtier pour en expulser le fluide. Cependant, en tournant l’écrou à l’une des extrémités du vérin, on visse le filetage du vérin avec le filetage à l’intérieur du boîtier. Le filetage du vérin doit engager les filets à l’intérieur du boîtier afin de pousser le piston à l’intérieur du boîtier. S’il n’y avait pas de filetage, le piston n’avancerait pas à l’intérieur du boîtier de manière à en expulser le fluide.

 

[164]       L’expert de la défenderesse, M. Frise déclare à la page 109, volume 6 de la transcription :

[traduction]

Q.        Et je crois que vous seriez de mon avis, monsieur, en ce que si vous placez cette clé à l’extrémité de l’outil QUEST, et si l’outil QUEST n’avait pas le filetage ici, ce qui, comme vous dites, définit le parcours, n’est-ce pas?

 

R.         Oui.

 

Q.        Vous pourriez tourner cette clé tant que vous voulez, il n’y aurait aucun mouvement du piston, n’est-ce pas?

 

R.         Il tournerait.

 

Q.        En effet, vous tourneriez le piston, c’est vrai, mais cela ne pousserait pas le piston à l’intérieur, n’est-ce pas?

 

R.         Le piston ne serait pas poussé vers l’intérieur.

 

Q.        Et en ce qui concerne la clé et la barre transversale sur le Bradley, si votre main n’était pas sur le dessus pour faire tourner la clé ou la barre transversale, il n’y aurait aucun entraînement de quoi que ce soit, n’est-ce pas?

 

R.         Oui, vous en auriez certainement, tous ces dispositifs nécessitent l’usage de la main.

 

[165]       Après examen de l’outil QUEST, je suis d’avis que la clé à douilles n’est pas un boîtier doté d’un dispositif d’entraînement du piston. À mon avis, le bout femelle se loge en réalité dans l’injecteur parce qu’à mesure que vous tournez l’écrou sur le vérin à l’aide de la clé, le bout femelle est en réalité poussé à l’intérieur de l’injecteur.

 

[166]       Jerome Lemon, l’expert de la demanderesse, déclare au paragraphe 8 de son affidavit de réfutation d’expert :

[traduction]

[…] Il m’apparaît évident que « boîtier » signifie un dispositif conçu pour tenir une cartouche en place de façon à ce que le mécanisme d’entraînement du piston puisse faire entrer le piston dans la cartouche et l’y pousser, expulsant ainsi le fluide secondaire à l’autre extrémité.

 

[167]       La conception de la clé à douilles ne comprend aucun moyen de tenir le boîtier en place pour que le mécanisme d’entraînement du piston puisse faire entrer le piston et le pousser dans le boîtier, point que les experts de la défenderesse et de la demanderesse ont tous deux déclaré nécessaire.

 

[168]       Je suis d’avis que les revendications 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9 et 10 du brevet 673 n’ont pas été antérieurement divulguées par les références de QUEST. La description de QUEST ne mène pas vers ces revendications ou ne mène pas directement à l’invention revendiquée dans ces revendications. QUEST n’enseigne pas une cartouche se logeant dans un boîtier doté d’un mécanisme d’entraînement du piston, tel que requis par la revendication.

 

[169]       La prochaine question à discuter est à savoir si les revendications 14 et 16 sont divulguées antérieurement par la référence de QUEST. Je dois déterminer si l’outil QUEST comprend une cartouche dotée de deux extrémités libres.

 

[170]       La revendication 14 concerne :

[traduction]

14.        Une cartouche permettant d’injecter un fluide dans un système de conditionnement d’air ou de réfrigération fermé et sous pression, comprenant :

 

a.         une cartouche cylindrique fermée et non pressurisée, ladite cartouche ayant deux extrémités : une première extrémité libre qui se connecte au système recevant l’injection et une seconde extrémité libre;

 

b.         […]

 

c.         un piston placé de manière étanche avec ladite deuxième extrémité libre de ladite cartouche, ladite cartouche étant adaptée pour être raccordée de façon étanche au dit système de conditionnement d’air ou de réfrigération sous pression ou en être détachée par l’intermédiaire d’un dispositif d’accouplement hydraulique, pour former un système binaire fermé.

 

[171]       Comme on peut le voir, la première extrémité libre est raccordée au système recevant l’injection. La preuve démontre cependant que l’extrémité de l’injecteur QUEST qui se raccorde au système recevant l’injection est dotée d’un clapet de non-retour qui ferme l’extrémité du boîtier entre l’élément intégré de connexion permettant de raccorder l’outil QUEST au système de conditionnement d’air ou au système recevant l’injection. La réclamation 14 n’est pas antériorisée par l’outil QUEST puisqu’elle ne décrit pas directement une cartouche comprenant une première extrémité libre et raccordée au système de conditionnement d’air.

 

[172]       De plus, la revendication 14 prévoit une deuxième extrémité libre dotée d’un [traduction] « piston placé de manière étanche avec la deuxième extrémité libre de ladite cartouche ». La deuxième extrémité de l’outil QUEST est dotée de filetage à l’extérieur du vérin qui engage les filets à l’intérieur du boîtier qui ferme la deuxième extrémité libre du boîtier entre la deuxième extrémité et le piston.

 

[173]       À mon avis, l’outil QUEST utilise la méthode habituelle pour fermer la première extrémité de la cartouche qui doit être raccordée au système recevant l’injection. La seconde ou l’autre extrémité de la cartouche comprend un vérin qui en sort et qui permet de fermer cette extrémité de la cartouche. L’outil QUEST ne mène pas directement à la cartouche revendiquée dans la revendication 14 du brevet 673

 

[174]       Les experts comprennent bien qu’une cartouche indépendante est décrite par la revendication. Le Pr Brown, l’expert de la défenderesse a déclaré aux pages 86 et 87, volume 4 de la transcription :

[traduction]

Q.        Donc, de toute façon, aucune antériorité ne comprenait un boîtier particulier conçu expressément pour loger une cartouche, une cartouche indépendante, n’est-ce pas?

 

R.         Parce qu’on suppose naturellement que la douille 5-8 et la clé à rochet seraient utilisées, puisque cela venait d’une boîte à outils, on s’en servirait pour d’autres utilisations. Ce n’est pas spécifique, conçu spécifiquement pour cet outil.

 

Q.        Et aucun des autres composants ne comprenaient quoi que ce soit conçu spécifiquement et qu’on considérerait comme un boîtier indépendant pouvant loger des cartouches indépendantes, n’est-ce pas?

 

            R.         Pas à ma connaissance.

 

            Q.        Et les revendications de ceux-ci, du brevet que nous venons juste d’examiner, la revendication quatre, précise en particulier que le réservoir est une cartouche cylindrique se logeant dans un boîtier doté d’un mécanisme d’entraînement du piston?

 

            R.         Oui, c’est bien ça, c’est ce qui est décrit.

 

L’outil QUEST ne divulgue pas ces éléments.

 

[175]       En conséquence, je conclus que l’injecteur QUEST n’antériorise pas la revendication 14 du brevet 673, ni non plus ses revendications 15 ou 16 puisqu’elles sont dépendantes de la revendication 14.

 

[176]       Point no 6.b)

            Est-ce que la revendication 14 a été antériorisée par les références BRADLEY, CLASSIC ou ROBINAIR respectivement?

            La preuve démontre que ni le BRADLEY (preuve 1, volume 11, onglet 60) ni le CLASSIC (preuve 10) ne comprennent ou ne divulgue une cartouche dotée de deux extrémités libres. Comme il a été remarqué dans la dernière section de ces motifs, il s’agit d’une exigence de la revendication 14. De plus, l’extrémité de ces outils qui se raccorde au système de conditionnement d’air est fermée au moyen d’un clapet de non-retour lorsque la cartouche est fermée et qu’elle contient du fluide. Le BRADLEY et le QUEST sont tous les deux rechargeables. Par conséquent, ils ne divulguent pas une cartouche cylindrique non pressurisée dans une quantité prédéterminée de fluide secondaire maintenu à une pression ambiante. Aussi, comme je l’ai fait remarquer pour l’outil QUEST, ils ne mènent pas directement à l’utilisation d’une cartouche indépendante, ce qui doit être couvert par la revendication, selon le témoignage des experts.

 

[177]       En ce qui concerne l’outil ROBINAIR, l’extrémité de la cartouche qui se raccorde au système de conditionnement d’air est fermée par un ajutage doté d’un clapet anti-retour. Par conséquent, il ne divulgue pas la cartouche décrite dans la revendication 14, car il n’y a pas deux extrémités libres. De plus, j’ai remarqué que le ROBINAIR est rechargeable. Cela signifie qu’il ne divulgue pas une cartouche cylindrique non pressurisée contenant une quantité prédéterminée de fluide secondaire qui est maintenu approximativement à la pression ambiante, tel qu’énoncé dans la revendication 14.

 

[178]       À mon sens, le ROBINAIR antériorise effectivement la revendication 14 du brevet 673.

 

[179]       La question 6.c)

            La revendication est-elle évidente du fait des antériorités et des connaissances générales courantes citées par les experts de la défenderesse?

            L’article 28.3 de la Loi sur les brevets, qui porte sur la question de l’évidence des brevets, est ainsi libellé :

L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

 

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[180]       Avant l’arrêt de la Cour suprême du Canada Apotex c. Sanofi, précité, le juge Hugessen avait formulé le critère applicable à l’évidence à la page 294 de Beloit Canada Ltd. et al. c. Valmet Oy (1986), 8 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.) :

Pour établir si une invention est évidente, il ne s’agit pas de se demander ce que des inventeurs compétents ont ou auraient fait pour solutionner le problème. Un inventeur est par définition inventif. La pierre de touche classique de l’évidence de l’invention est le technicien versé dans son art mais qui ne possède aucune étincelle d’esprit inventif ou d’imagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu d’intuition; un triomphe de l’hémisphère gauche sur le droit. Il s’agit de se demander si, compte tenu de l’état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l’invention aurait été faite, cette créature mythique (monsieur tout‑le‑monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. C’est un critère auquel il est très difficile de satisfaire.

 

Le juge Hugessen poursuit dans les termes suivants à la page 295 :

Une fois qu’elles ont été faites, toutes les inventions paraissent évidentes, et spécialement pour un expert du domaine. Lorsque cet expert a été engagé pour témoigner, l’infaillibilité de sa sagesse rétrospective est encore plus suspecte. Il est si facile de dire, une fois que la solution préconisée par le brevet est connue : « J’aurais pu faire cela »; avant d’accorder un poids quelconque à cette affirmation, il faut obtenir une réponse satisfaisante à la question : « Pourquoi ne l’avez-vous pas fait? ».

 

 

[181]       Après avoir examiné les droits américain et britannique relatifs à l’évidence, le juge Rothstein, écrivant au nom de la Cour, formulait les observations suivantes aux paragraphes 60 à 67 de l’arrêt Apotex c. Sanofi, précité :

60. L’état actuel du droit relatif à l’« essai allant de soi » est semblable au Royaume‑Uni et aux États‑Unis. Il est désormais manifeste que les deux pays reconnaissent la pertinence de ce facteur dans le cadre de l’examen portant sur l’évidence. La Cour suprême des États‑Unis l’a reconnu expressément dans l’arrêt KSR. La convergence du droit britannique et du droit américain sur ce point donne à penser qu’il convient de remettre en question la manière restrictive dont les tribunaux canadiens ont interprété le critère établi dans l’arrêt Beloit.

 

d) La notion d’évidence au Canada

 

61. Je cite d’emblée les propos du lord juge Diplock dans l’arrêt Johns‑Manville (p. 493 et 494) :

 

[traduction] Le droit des brevets peut trop facilement être embrouillé par la terminologie employée et par le renvoi à une foule de décisions relatives à d’autres inventions de catégories différentes. Lorsque l’évidence est en cause, le bien‑fondé de la décision ne dépend pas de ce que son auteur a paraphrasé ou non le texte de la loi d’une certaine manière. Je doute qu’il existe un libellé convenant à toutes les catégories de revendication.

 

Même si, en l’espèce, l’évidence ne s’apprécie pas au regard d’un critère expressément prévu dans la loi, mais bien par déduction nécessaire au vu des exigences de la Loi sur les brevets applicables à l’invention, les propos du lord juge Diplock sont néanmoins à‑propos, car les tribunaux ont souvent vu dans le libellé de l’arrêt Beloit une prescription légale limitant l’examen de l’évidence.

 

62. Je ne pense pas que dans cet arrêt, le juge Hugessen a voulu conférer un caractère universel à la définition plutôt colorée qu’il y donne de l’évidence, de façon qu’elle s’applique indépendamment du contexte à toute catégorie de revendication. Je remarque en particulier que le critère de l’« essai allant de soi » n’est obligatoire ni au Royaume‑Uni ni aux États‑Unis. Il s’agit d’un élément parmi d’autres selon le contexte et la nature de l’invention.

 

63. Dans l’arrêt KSR, le juge Kennedy met en garde contre l’application d’une règle trop rigide qui restreint l’examen portant sur l’évidence. Une démarche large et flexible englobant [traduction] « toute considération accessoire pouvant se révéler éclairante » convient davantage (p. 1739). J’en déduis que dans la plupart des cas où il est appelé à statuer sur les faits, le juge ou le jury ne doit appliquer une règle rigide que si la loi l’y oblige.

 

64. À mon avis, les facteurs énoncés par le juge Kitchin, puis repris par lord Hoffmann dans l’arrêt Lundbeck (par. 59), ne sont pas exhaustifs, mais offrent des repères pour déterminer si une étape donnée « allait de soi ». Cependant, la notion d’« essai allant de soi » commande la prudence. Ce n’est qu’un des éléments à considérer pour statuer sur l’évidence. Elle ne saurait permettre de réfuter toute allégation de contrefaçon. Le régime des brevets vise à favoriser le financement de la recherche et du développement, ce qui est assurément d’une importance capitale dans le domaine pharmaceutique et celui de la biotechnologie.

 

65. Dans l’arrêt Saint‑Gobain PAM SA c. Fusion Provida Ltd., [2005] EWCA Civ 177, le lord juge Jacob a dit ce qui suit au par. 35 :

 

[traduction] La seule inclusion possible de quelque chose dans un programme de recherche dans l’optique d’en apprendre davantage et de faire une découverte ne suffit pas. S’il en allait autrement, peu d’inventions seraient brevetables. L’éventualité d’une protection ne justifierait la recherche que dans des domaines n’offrant aucune chance de découverte. La notion d’« essai allant de soi » ne s’applique vraiment que lorsqu’il est plus ou moins évident que l’essai sera fructueux.

 

Dans l’arrêt General Tire, le lord juge Sachs dit à la p. 497 :

 

[traduction] Après tout, la locution « aller de soi » est très usitée et il ne nous paraît pas nécessaire d’étoffer la principale définition du dictionnaire, à savoir quelque chose de « très clair ».

 

Dans Intellectual Property Law, le professeur Vaver convient de ce sens (p. 136). J’estime que la notion d’« essai allant de soi » n’est applicable que lorsqu’il est très clair ou, pour reprendre les termes employés par le lord juge Jacob, qu’il est plus ou moins évident, que l’essai sera fructueux.

 

66. Pour conclure qu’une invention résulte d’un « essai allant de soi », le tribunal doit être convaincu selon la prépondérance des probabilités qu’il allait plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention. La seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas.

 

67. Lors de l’examen relatif à l’évidence, il y a lieu de suivre la démarche à quatre volets d’abord énoncée par le lord juge Oliver dans l’arrêt Windsurfing International Inc. c. Tabur Marine (Great Britain) Ltd., [1985] R.P.C. 59 (C.A.). La démarche devrait assurer davantage de rationalité, d’objectivité et de clarté. Le lord juge Jacob l’a récemment reformulée dans l’arrêt Pozzoli SP c. BDMO SA, [2007] F.S.R. 37, [2007] EWCA Civ 588 (par. 23) :

 

[traduction] Par conséquent, je reformulerais comme suit la démarche préconisée dans l’arrêt Windsurfing :

 

(1) a) Identifier la « personne versée dans l’art ».

 

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne.

 

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation.

 

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation.

 

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité? [Je souligne.]

 

La question de l’« essai allant de soi » se pose à la quatrième étape de la démarche établie dans les arrêts Windsurfing et Pozzoli pour statuer sur l’évidence.

 

 

Application de la démarche Windsurfing exposée plus haut

 

[182]       1.a) Identifier la « personne versée dans l’art »

            La personne versée dans l’art, aux fins de la présente espèce, serait un ingénieur mécanicien, un ingénieur en fabrication ou un technicien, expérimenté dans le domaine de la climatisation automobile.

[183]       1.b)      Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne.

            Les connaissances générales pertinentes de cette personne seraient celles qui sont nécessaires pour assembler le dispositif en question et appliquer les méthodes y afférentes, ainsi que des connaissances relatives aux climatiseurs d’automobiles, à leur fonctionnement et à leur entretien.

 

[184]       2.         Identifier l’idée originale de la revendication en question ou si on ne peut le faire facilement, l’interpréter

L’idée originale dont il est question ici est une cartouche indépendante remplie d’un fluide prédéterminé à injecter dans un système de conditionnement d’air ainsi qu’un boîtier doté d’un mécanisme d’entraînement du piston.

 

[185]       3.         Déterminer les différences qui existent, le cas échéant, entre la matière dite comme faisant partie de « l’état de la technique » et l’idée originale de la revendication ou la revendication telle qu’interprétée

            Les méthodes antérieures d’injection de colorant liquide (fluide secondaire) dans un système de conditionnement d’air étaient des méthodes par infusion. Le colorant liquide dans ce cas était sous pression de manière à être poussé à l’intérieur du système de conditionnement d’air. Tout dispositif mécanique disponible dans ce temps-là était habituellement doté d’extrémités adaptées pour permettre un raccordement détachable aux systèmes de conditionnement d’air et fermées à l’aide de clapets de non-retour. L’autre (la seconde) extrémité de tous les dispositifs, sauf en ce qui concerne le ROBINAIR, était fermée par un vérin en saillie plutôt que par un piston. De même, la conception du ROBINAIR semble fournir un avantage mécanique inférieur aux injecteurs filetés antérieurs.

 

[186]       Tel que mentionné auparavant, le Protocole de Montréal de 1987 et les règlements gouvernementaux adoptés au début des années 1990 prévoyaient que des quantités minimes de réfrigérant pouvaient s’échapper dans l’atmosphère. Les systèmes de conditionnement d’air ne pouvaient pas être rechargés sans vérifier s’il y avait des fuites et un nouveau colorant liquide fait de molécules plus petites qui se détachent moins facilement quand il y a des fuites dans le système de conditionnement d’air est devenu obligatoire.

 

[187]       L’avantage de la nouvelle invention comprenait le fait que les dégâts et les inconvénients étaient évités, qu’on améliorait la précision et qu’on réduisait les possibilités d’introduction de contaminants dans le fluide secondaire. Avec les anciennes méthodes, il y avait des fuites accidentelles de réfrigérant. Un autre avantage de la nouvelle invention était que le tuyau de remplissage pouvait rester plein de fluide en tout temps, évitant ainsi d’avoir à le vidanger entre les utilisations.

 

[188]       4.         Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité?

            Le juge Rothstein écrivait ce qui suit au paragraphe 68 de l’arrêt Apotex c. Sanofi, précité :

i.          Dans quels cas la notion d’« essai allant de soi » est-elle pertinente?

 

68. Dans les domaines d’activité où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation, le recours à la notion d’« essai allant de soi » pourrait être indiqué. Dans ces domaines, de nombreuses variables interdépendantes peuvent se prêter à l’expérimentation. Par exemple, certaines inventions du secteur pharmaceutique pourraient justifier son application étant donné l’existence possible de nombreuses compositions chimiques semblables pouvant donner lieu à des réponses biologiques différentes et être porteuses de progrès thérapeutiques notables.

 

[189]       Compte tenu du paragraphe 68 de l’arrêt Apotex c. Sanofi, précité, je suis arrivé à la conclusion que l’application du critère de l’« essai allant de soi » ne conviendrait pas dans la présente espèce, au motif que celle‑ci ne concerne pas un domaine où, selon la Cour suprême du Canada, le recours à ce critère serait indiqué.

 

[190]       En me basant sur la preuve des antériorités devant moi, je suis d’avis que les inventions revendiquées, à savoir une cartouche indépendante remplie d’une quantité prédéterminée de fluide (secondaire) à injecter dans un système de conditionnement d’air ou de réfrigération au moyen d’un boîtier doté d’un mécanisme d’entraînement du piston, n’étaient pas évidentes pour la personne versée dans l’art à la date de dépôt du brevet 673.

 

[191]       La question 6.d)

            La portée de la revendication serait excessive ou celle‑ci serait dénuée du caractère d’utilité du fait qu’elle ne spécifie pas de moyen de retenir le piston dans le cylindre.

            Le juge Cullen écrivait ce qui suit sur les questions de la portée excessive et de l’inutilité du brevet aux pages 27 et 28 de la décision Lubrizol Corp. et al. c. Imperial Oil Ltd. (1990), 33 C.P.R. (3d) 1 (C.F. 1re inst.) :

Il y a deux limites fondamentales à l’envergure du monopole qui peut valablement être revendiqué dans un brevet :

 

1) il ne doit pas dépasser l’invention qui a été faite,

 

2) il ne doit pas dépasser l’invention décrite dans le mémoire descriptif.

 

Si la revendication est d’une portée beaucoup plus large que celle indiquée dans le mémoire descriptif au point d’inclure une vaste gamme de matériaux qu’on ne peut pas tous imaginer comme étant exploitables, la revendication n’est pas valable.

 

Toutefois, dans l’arrêt Burton Parsons Chemicals Inc. et autres c. Hewlett-Packard Ltd. et autres (1974), 3 N.R. 533 (C.S.C.), la Cour suprême du Canada a déclaré qu’un inventeur peut rendre la portée de ses revendications aussi restreinte qu’il le juge nécessaire pour se protéger contre l’invalidité qui surviendrait si les revendications étaient trop larges.

 

Encore une fois, c’est à la défenderesse qu’il incombe de prouver l’absence d’utilité ou le fait que la revendication est d’une portée plus large que l’invention. Le fait qu’un brevet n’a pas fait l’objet d’essais complets et que ses revendications n’ont pas toutes été prouvées ne suffit pas. Dans l’arrêt Lovell Manufacturing Co. et autres c. Beatty Bros. Ltd. (1962), 41 C.P.R. (2d) 18, la Cour a statué qu’il était possible de présenter des revendications allant au-delà d’exemples précis à condition que les revendications représentent des prévisions judicieuses des résultats qui se produiront si les revendications sont suivies. Il s’agit là d’une question de fait, et les revendications doivent être interprétées par l’emploi du vocabulaire courant de l’art. En ce qui concerne le mémoire descriptif, le libellé et les dessins peuvent aider, mais ils ne doivent pas être utilisés pour modifier ou étendre les revendications; si le libellé est simple et clair, on ne pourra pas en étendre ou en limiter la portée par renvoi à l’énoncé du mémoire descriptif (Kramer (précité) p. 310). Encore une fois, on a rappelé aux tribunaux de ne pas adopter une approche trop technique.

 

[192]       On trouve par ailleurs le passage suivant à la page 160 de l’arrêt de la Cour suprême du Canada Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 145 :

[...] Dans la mesure où la Cour d’appel fédérale a statué que le par. 36(1) de la Loi sur les brevets exige la divulgation d’une invention, y compris son utilité, au public en tant que personnes sans habiletés ni connaissances spéciales, une telle conclusion est, à mon avis, contraire au droit. Il n’y a qu’un seul critère et c’est celui de savoir si le mémoire descriptif décrit adéquatement l’invention pour une personne versée dans l’art, même si dans le cas de brevets de nature hautement technique et scientifique, cette personne peut être quelqu’un qui possède un niveau élevé de connaissances scientifiques spécialisées et d’expertise dans le domaine spécifique des sciences dont relève le brevet. On pourrait ajouter que l’intimée n’a présenté aucun élément de preuve sur les points à l’égard desquels les mémoires descriptifs des deux brevets contestés pourraient être jugés insuffisants par un ouvrier moyennement versé dans l’art.

 

Avec tous égards, je suis d’avis que la Cour d’appel fédérale a aussi commis une erreur en jugeant que le par. 36(1) exige une indication distincte de l’utilité réelle de l’invention en cause. Il y a un exposé utile dans Halsbury’s Laws of England, (3e éd.), vol. 29, à la p. 59 sur le sens de « inutile » en droit des brevets. Le terme signifie [traduction] « que l’invention ne fonctionnera pas, dans le sens qu’elle ne produira rien du tout ou, dans un sens plus général, qu’elle ne fera pas ce que le mémoire descriptif prédit qu’elle fera ». On n’a pas prétendu que l’invention ne produirait pas les résultats promis [...]

 

 

[193]       La défenderesse a fait valoir que les revendications du brevet 673 ont une portée plus large que l’invention décrite dans le mémoire descriptif et que le SPOTGUN de la demanderesse manque d’utilité. Le motif de cette conclusion est que les revendications ne précisent pas un moyen de tenir le piston en place dans la cartouche afin d’en empêcher son éjection. Il y a de nombreux problèmes relatifs à cet argument. Par exemple, les revendications 1 et 4 et leurs revendications dépendantes exigent que la cartouche soit « logée » dans le boîtier. De plus, la revendication 14 exige que la cartouche forme un système binaire fermé avec le système de conditionnement d’air lorsqu’elle y est raccordée. Si la cartouche se loge dans un boîtier, on empêche ainsi l’éjection du piston. Deuxièmement, puisque la revendication 14 exige que la cartouche fasse partie d’un système binaire fermé, il en découle également qu’il doit y avoir un moyen d’empêcher que le piston soit éjecté de la cartouche.

 

[194]       Selon mon examen du témoignage de M. Brown (voir les pages 69 à 75 et 79 à 81 de la transcription du 16 juin 2008), il estimait que la personne versée dans l’art comprendrait la nécessité d’empêcher l’éjection du piston et qu’il y avait plusieurs moyens de ce faire. Les déclarations de M. Frise vont dans le même sens (voir les pages 18 à 25 de la transcription du 18 juin 2008).

 

[195]       M. Frise a aussi déclaré au paragraphe 29 de son affidavit d’expert que [traduction] « les revendications, à [son] avis, ont une portée plus large que toute invention dont on pourrait soutenir qu’elle est décrite dans l’exposé ». Cependant, au cours de son contre-interrogatoire, il a donné les réponses suivantes au sujet du brevet 673 :

[traduction]

Q.        Merci. J’apprécie votre réponse, Monsieur. À la page trois, il y a une discussion au haut de la page où on dit,

 

« L’utilisation de réservoirs de remplissage non sous pression éviterait les questions de déboursés, d’inconvénients et de sécurité associées aux réservoirs sous haute pression et représenterait par conséquent une amélioration marquée de la technique. »

 

Êtes-vous d’accord, Monsieur?

 

R.         Oui.

 

Q.        Et ces avantages ne se limiteraient pas à l’utilisation d’un outil du genre pistolet à calfeutrer, n’est-ce pas? On pourrait utiliser n’importe quel genre d’injecteur, exact?

 

R.         Oui.

 

Q.        Et il existe toute une gamme de pistolets d’injection qui sont offerts sur le marché depuis le milieu des années 1990, n’est-ce pas vrai?

 

R.         Et bien, il y a une grande variété de pistolets d’injection pour un type de service ou un autre, oui.

 

Q.        Toutes sortes de pistolets, des pistolets à calfeutrer ou des fusils à colle ou… Les possibilités sont multiples, n’est-ce pas, il y a toutes sortes de pistolets d’injection, non?

 

R.         Il y en a un bon nombre, oui.

 

M. Frise est convaincu que les avantages de l’invention décrits dans le mémoire descriptif auraient été obtenus par différents genres d’injecteurs autres que l’injecteur du type pistolet à calfeutrer.

 

[196]       Pour les motifs susmentionnés, je suis convaincu que les revendications n’ont pas une portée plus large que l’invention décrite et que l’invention ne manque pas d’utilité. Le brevet 673 n’est pas invalide fondé sur ces motifs.

 

[197]       La question 6.e)

            La demande qui a donné lieu à la délivrance du brevet 673 ne remplirait pas la condition fixée par l’article 37, étant donné l’absence de dessins dans le mémoire descriptif.

            L’article 37 de la Loi sur les brevets dit :

37.(1) Dans le cas d’une machine ou dans tout autre cas où, pour l’intelligence de l’invention, il peut être fait usage de dessins, le demandeur fournit, avec sa demande, des dessins représentant clairement toutes les parties de l’invention.

 

(2) Chaque dessin comporte les renvois correspondant au mémoire descriptif. Le commissaire peut, à son appréciation, exiger de nouveaux dessins ou en dispenser.

 

 

[198]       On voit que le paragraphe 37(2) de la Loi sur les brevets confère au commissaire le pouvoir de dispenser à son gré de la production de dessins. La Cour de l’Échiquier exposait le raisonnement suivant à la page 63 de Schweyer Electric and Manufacturing Co. c. New York Central Railroad Co., [1934] R.C.E. 31 :

[traduction] Cependant, en l’occurrence, le Bureau des brevets a bel et bien attribué la date de dépôt susdite à la demande en question, et un brevet a été délivré en temps voulu, comme bien d’autres sans doute dans des circonstances semblables. Il ne me paraît pas possible de retourner en arrière et de remanier l’histoire en statuant que la véritable date de dépôt coïncidait avec la date de la production des dessins, exécutée une semaine plus tard. Je ne suis pas disposé à conclure que le mémoire descriptif fût si incomplet qu’il ne méritait pas ce nom et que l’on n’aurait pas dû attribuer le 31 août comme date de dépôt à Schweyer. Il était tout à fait possible que le mémoire descriptif déposé décrivît et exposât l’invention présumée de manière tout à fait satisfaisante pour la personne versée dans l’art, et que les dessins non produits immédiatement mais qui allaient l’être bientôt ne fissent que clarifier et développer ledit mémoire descriptif.

 

 

[199]       Je note que, selon leurs témoignages, aucun des témoins experts de la défenderesse n’a eu de mal à comprendre l’invention à la lecture du mémoire descriptif. En outre, comme il a délivré le brevet 673, le commissaire a dû penser qu’étaient remplies les conditions prévues par la Loi, y compris pour ce qui concerne la dispense de la production de dessins que permet son paragraphe 37(2).

[200]       En conséquence, je ne puis conclure que le brevet 673 est invalide au motif qu’il ne remplirait pas la condition fixée par l’article 37.

 

[201]       La question 6.f)

            La demanderesse tomberait sous le coup de l’alinéa 73(1)a) de la Loi sur les brevets, au motif qu’elle a déposé le procès-verbal d’une audience de l’OEB sur la demande européenne correspondante.

L’alinéa 73(1)a) de la Loi est libellé comme suit :

73.(1) La demande de brevet est considérée comme abandonnée si le demandeur omet, selon le cas :

 

a) de répondre de bonne foi, dans le cadre d’un examen, à toute demande de l’examinateur, dans les six mois suivant cette demande ou dans le délai plus court déterminé par le commissaire [...]

 

[202]       La preuve produite dans la présente espèce n’établit pas que la demanderesse ait omis de répondre, dans le cadre d’un examen, à quelque demande que ce soit de l’examinateur. En fait, M. Frise a déclaré dans son témoignage que les déclarations inexactes, s’il y en avait eu, avaient été faites devant l’Office européen des brevets, et le procès-verbal déposé avec la demande canadienne montre que l’OEB avait rejeté les assertions supposées inexactes.

 

[203]       La demanderesse ne tombe pas sous le coup de l’alinéa 73(1)a) de la Loi et le brevet n’est pas invalide à ce titre.

 

[204]       La question 6.g)

            Le brevet 673 serait nul sous le régime du paragraphe 53(1) de la Loi sur les brevets à l’un ou l’autre des motifs suivants :

la pétition contiendrait une allégation importante non conforme à la vérité, soit l’affirmation que MM. Michael Kroll et Phil Trigiani étaient les propriétaires de l’invention;

 

le mémoire descriptif contiendrait plus ou moins qu’il n’est nécessaire pour démontrer ce qu’il est censé démontrer, du fait qu’on n’y trouve pas de dessins de l’appareil.

 

            Le paragraphe 53(1) de la Loi sur les brevets dispose ce qui suit :

53.(1) Le brevet est nul si la pétition du demandeur, relative à ce brevet, contient quelque allégation importante qui n’est pas conforme à la vérité, ou si le mémoire descriptif et les dessins contiennent plus ou moins qu’il n’est nécessaire pour démontrer ce qu’ils sont censés démontrer, et si l’omission ou l’addition est volontairement faite pour induire en erreur.

 

 

[205]       La Cour suprême du Canada s’exprime à ce propos dans les termes suivants aux pages 538 et 539 de l’arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. (2002), 21 C.P.R. (4th) 499 (C.S.C.) :

107. Le juge de première instance a conclu que les Drs Broder et Mitsuya étaient des coïnventeurs, mais que l’omission de leur nom dans le brevet ne constituait pas une déclaration inexacte importante qui justifierait l’invalidation du brevet. En tirant de cette conclusion, il a mentionné l’observation du juge Addy dans la décision Cie Procter & Gamble c. Bristol‑Myers Canada Ltd., [1978] A.C.F. no 812 (QL) (1re inst.), par. 37, selon laquelle « le fait que le demandeur soit l’inventeur ou l’un des deux coïnventeurs est sans conséquence pour le public, puisque ce fait ne touche ni la durée ni le fond du brevet ni même le fait d’y avoir droit » (conf. par (1979), 42 C.P.R. (2d) 33 (C.A.F.)). Plus tôt, dans la décision Jules R. Gilbert Ltd. c. Sandoz Patents Ltd. (1970), 64 C.P.R. 14 (C. de l’É.), p. 74 (inf. pour d’autres motifs par [1974] R.C.S. 1336 (sub nom. Sandoz Patents Ltd. c. Gilcross Ltd.)), le juge Thurlow avait indiqué que « [l]es allégations de la pétition sur toute matière autre que l’objet des revendications dans le brevet accordé ne sont pas importantes ».

 

108. Les appelantes soutiennent que, même si, comme l’a affirmé le juge Addy, l’identité de l’inventeur n’est peut‑être pas importante pour la population dans la plupart des cas, ce n’est pas nécessairement vrai dans tous les cas. En l’espèce, par exemple, la question du « droit » aux récompenses du brevet pour l’AZT est à l’origine d’une importante controverse au sein de la population. La question de la paternité conjointe de l’invention aurait eu des répercussions importantes en matière de politique générale en raison des mandats, objectifs et sources de financement très différents des établissements concernés, en particulier le NIH et l’organisation Glaxo/Wellcome. Si les chercheurs du NIH avaient vraiment été des « coïnventeurs », et que le NIH ou le gouvernement américain avait par conséquent détenu un droit de propriété sur le brevet, cela aurait pu avoir une incidence importante sur l’accès au médicament AZT à travers le monde et sur son coût.

 

109. Cependant, il n’est pas nécessaire d’examiner davantage la question de l’importance en l’espèce, non seulement à cause de la conclusion que les Drs Broder et Mitsuya n’étaient pas, en fait, des coinventeurs, mais encore parce qu’il n’existe aucune preuve que l’omission de les désigner a été « volontairement faite pour induire en erreur », comme l’exigent les derniers mots du par. 53(1).

 

[206]       La jurisprudence établit que la déclaration supposée inexacte doit être importante et avoir été « volontairement faite pour induire en erreur ». L’arrêt que nous venons de citer milite dans le sens de la conclusion comme quoi l’affirmation voulant que MM. Michael Kroll et Phil Trigiani fussent les propriétaires de l’invention ne constitue pas une allégation importante.

 

[207]       Le paragraphe 27(1) de la Loi sur les brevets porte le passage suivant :

27(1) Le commissaire accorde un brevet d’invention à l’inventeur ou à son représentant légal [...]

 

L’article 2 de la même loi définit comme suit l’expression « représentants légaux » :

« représentants légaux » Sont assimilés aux représentants légaux les héritiers, exécuteurs testamentaires, administrateurs, gardiens, curateurs, tuteurs, ayants droit, ainsi que toutes autres personnes réclamant par l’intermédiaire ou à la faveur de demandeurs et de titulaires de brevets.

 

À mon avis, compte tenu de la signification lexicographique de termes comme « gardien » ou « curateur », M. Michael Kroll pourrait être considéré comme le représentant légal de l’inventeur et donc comme un demandeur.

 

[208]       En ce qui a trait à la thèse que l’omission des dessins serait assez importante pour faire tomber la demanderesse sous le coup du paragraphe 53(1) de la Loi sur les brevets, je rappelle que l’invention pouvait être comprise à partir du mémoire descriptif.

 

[209]       Je conclus que le brevet 673 ne peut être déclaré nul ou invalide sous le régime du paragraphe 53(1), ni au motif de la désignation de M. Michael Kroll comme demandeur ni à celui de l’omission des dessins.

 

[210]       La question 7.a)

            7.         L’une ou l’autre des revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21 et 38 du brevet 024 est-elle invalide pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

                        a)         l’objet défini par elle ne serait pas un élément brevetable distinct de l’objet défini par l’une ou l’autre des revendications du brevet 673?

            La défenderesse soutient que les revendications sus‑énumérées du brevet 024 sont invalides au motif du double brevet. Le juge Binnie, écrivant au nom de la Cour, analyse dans les termes suivants la question du double brevet aux pages 157 et 158 de l’arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc. :

3. Si les revendications du brevet 803, correctement interprétées, n’incluent pas les ailettes flexibles, le brevet 734 est‑il néanmoins invalide pour cause de double brevet?

 

63. L’interdiction du double brevet est rattachée au problème du « renouvellement à perpétuité » mentionné au départ. L’inventeur n’a droit qu’à « un » brevet pour chaque invention : Loi sur les brevets, par. 36(1). Si un brevet comportant des revendications identiques est délivré ultérieurement, il y a prolongement irrégulier du monopole. Il est clair que l’interdiction du double brevet implique une comparaison des revendications plutôt que des divulgations, car ce sont les revendications qui définissent le monopole. La question est de savoir à quel point les revendications du brevet ultérieur doivent être « identiques » pour justifier l’invalidation.

 

64. La Cour d’appel fédérale a adopté le critère selon lequel il doit y avoir « identité » des revendications : Beecham Canada Ltd. c. Procter & Gamble Co., [1982] A.C.F. no 10 (QL), au par. 64. Cette formulation découle d’une observation de l’éditeur faite par H.G. Fox, c.r., au sujet de Lovell Manufacturing Co. c. Beatty Bros. Ltd., publiée à (1962), 23 Fox Pat. C. 112, aux pp. 116 et 117 :

 

[traduction] Les lettres patentes sont délivrées non pas pour une période indéterminée, mais pour un certain nombre d’années, et la délivrance d’un second brevet relativement au même objet serait nulle en vertu de la présente loi [6 Henry VIII, ch. 15, 1514] et de la Statute of Monopolies, de même qu’en common law et en vertu de l’alinéa 28(1)b) de la Loi canadienne sur les brevets. Mais, à cette fin, l’objet des deux brevets accordés doit être identique. Une revendication ne saurait être invalidée en raison de l’existence d’une revendication antérieure, sauf si les deux revendications coïncident exactement.

 

65. Ce volet de l’interdiction du double brevet est parfois appelé le double brevet relatif à la « même invention ». Étant donné l’interprétation que le juge de première instance a donnée des revendications, on ne peut pas dire que l’objet du brevet 734 est le même que celui du brevet 803 ni qu’il y a « identité » des revendications des deux brevets.

 

66. L’interdiction comporte toutefois un deuxième volet qui est parfois appelé le double brevet relatif à une « évidence ». Il s’agit d’un critère plus souple et moins littéral qui interdit la délivrance d’un deuxième brevet dont les revendications ne visent pas un « élément brevetable distinct » de celui visé par les revendications du brevet antérieur. Dans Commissioner of Patents c. Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft Vormals Meister Lucius & Bruning, [1964] R.C.S. 49, la question était de savoir si Farbwerke Hoechst pouvait obtenir un brevet pour un médicament qui constituait une version diluée d’un autre médicament qu’elle avait déjà fait breveter. Il n’y avait pas d’identité des revendications. Le juge Judson a néanmoins conclu à l’invalidité du brevet ultérieur en expliquant, à la p. 53 :

 

[traduction] Une personne a droit à un brevet pour une substance médicinale nouvelle, utile et inventive; toutefois, le fait de diluer cette nouvelle substance une fois que ses usages médicaux sont déterminés ne crée pas une nouvelle invention. La substance diluée et la substance non diluée ne sont que deux aspects de la même invention. En l’espèce, l’addition d’un véhicule inerte, qui constitue un moyen courant d’augmenter le volume et de faciliter ainsi les mesures et l’administration, n’est rien d’autre que de la dilution et ne crée pas une nouvelle invention. [Je souligne.]

 

67. Dans l’arrêt Consolboard, précité, le juge Dickson a qualifié l’arrêt Farbwerke Hoechst d’« arrêt qui fait autorité en matière de double brevet » (p. 536) et qui appuie la proposition selon laquelle un second brevet ne saurait être justifié que si les revendications font preuve « de nouveauté ou d’ingéniosité » par rapport au premier brevet :

 

Le juge Judson a dit, au nom de la Cour, que le second procédé ne comportait pas de nouveauté ou d’ingéniosité et qu’en conséquence le second brevet n’était pas justifié.

 

 

[211]       La défenderesse à la présente action invoque le second volet du critère, c’est‑à‑dire le double brevet relatif à une évidence. Ce critère s’applique au cas où les revendications des brevets en cause, quoique non identiques, ne visent pas des éléments brevetables distincts.

 

[212]       Si l’on suit l’arrêt Whirlpool, précité, la question à trancher ici est celle de savoir si les revendications du brevet 024 font preuve « de nouveauté ou d’ingéniosité » par rapport au brevet 673. Je donnerais à cette question une réponse affirmative.

 

[213]       Les revendications du brevet 024 ont toutes [traduction] « un ajutage intégré à une première extrémité du dit boîtier tubulaire et en sortant ». De même, certaines des revendications du brevet 024 comprennent aussi un clapet anti-retour dans le tuyau. Je dois maintenant déterminer si l’inclusion d’un « ajutage intégré à une première extrémité du dit boîtier tubulaire et en sortant » et l’inclusion d’un clapet anti-retour dans le tuyau sont inventifs ou font ressortir le caractère novateur ou ingénieux.

 

[214]       Je suis d’avis que l’ajutage intégré est inventif. Selon la preuve, on tendait dans l’industrie vers des structures comprenant des clapets de non-retour et des éléments de raccordement non intégrés aux ajutages des dispositifs d’injection. Les preuves démontrent également que le seul exemple d’une cartouche indépendante et d’un boîtier doté d’un dispositif d’entraînement du piston est le dispositif de conception internationale de la défenderesse. Ce dispositif tend à démontrer que l’ajutage intégré est inventif puisque la cartouche dans ce dispositif ne comprenait pas d’ajutage, mais comprenait un opercule métallique.

 

[215]       En ce qui concerne le clapet de non-retour placé dans le tuyau, je suis d’avis que c’est inventif. Selon la preuve, la tendance était d’inclure les clapets de non-retour dans les ajutages plutôt que dans le tuyau. Ceci est démontré par les tuyaux utilisés dans les injecteurs ROBINAIR, QUEST et CLASSIC.

 

[216]       Il y a des avantages ou des bénéfices à placer le clapet de non-retour dans le tuyau, à savoir :

            1.         éviter d’avoir à purger le tuyau avant chaque utilisation;

            2.         éviter les problèmes de refoulement;

            3.         empêcher les fuites du tuyau après l’utilisation.

 

[217]       Il n’y a pas de preuve que le clapet anti-retour avait été utilisé dans un tuyau auparavant.

 

[218]       Pour les motifs susmentionnés, je suis d’avis que le fait d’utiliser un ajutage intégré ou de placer un clapet anti-retour dans le tuyau n’était pas évident.

 

[219]       En résumé, l’utilisation d’un [traduction] « ajutage intégré à une première extrémité du dit boîtier tubulaire et en sortant » et l’utilisation d’un clapet anti-retour dans le tuyau font ressortir le caractère « novateur ou ingénieux » tel qu’énoncé ci-dessus dans Whirlpool. Je ne conclus donc pas qu’il s’agit d’un double brevet par suite du brevet 024. Par conséquent, le brevet 024 n’est pas invalide pour ce motif.

 

[220]       La question 7.b)

            Pour ce qui concerne l’une ou l’autre des revendications 1, 5, 6, 7 et 9, elle serait antériorisée par la demande du brevet canadien no 2252329.

            La défenderesse soutient que les revendications sus-énumérées du brevet 024 sont antériorisées par le brevet 329, étant donné que la date de dépôt effective de la demande de ce dernier brevet est antérieure à celle du brevet 024. La date de dépôt de la demande du brevet 329 au Canada est le 3 novembre 1998, mais cette demande revendiquait une priorité fondée sur une demande provisoire déposée aux États-Unis le 4 novembre 1997. Or, la date de dépôt de la demande du brevet 024 est le 8 décembre 1997.

 

[221]       La preuve montre que le brevet 024 est cité comme faisant partie de l’état de la technique dans le brevet 329. La preuve montre aussi que la défenderesse avait connaissance, au moment où elle élaborait le DYE STICK, de la réalisation commerciale des inventions revendiquées dans les brevets 673 et 024 sous la forme du SPOTGUN de la demanderesse.

 

[222]       Le paragraphe 28.2(1) et l’article 28.3 de la Loi sur les brevets portent les dispositions suivantes :

28.2(1) L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas :

 

a) plus d’un an avant la date de dépôt de celle-ci, avoir fait, de la part du demandeur ou d’un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

b) avant la date de la revendication, avoir fait, de la part d’une autre personne, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

c) avoir été divulgué dans une demande de brevet qui a été déposée au Canada par une personne autre que le demandeur et dont la date de dépôt est antérieure à la date de la revendication de la demande visée à l’alinéa (1)a);

 

d) avoir été divulgué dans une demande de brevet qui a été déposée au Canada par une personne autre que le demandeur et dont la date de dépôt correspond ou est postérieure à la date de la revendication de la demande visée à l’alinéa (1)a) si :

 

(i) cette personne, son agent, son représentant légal ou son prédécesseur en droit, selon le cas :

 

(A) a antérieurement déposé de façon régulière, au Canada ou pour le Canada, une demande de brevet divulguant l’objet que définit la revendication de la demande visée à l’alinéa (1)a),

 

(B) a antérieurement déposé de façon régulière, dans un autre pays ou pour un autre pays, une demande de brevet divulguant l’objet que définit la revendication de la demande visée à l’alinéa (1)a), dans le cas où ce pays protège les droits de cette personne par traité ou convention, relatif aux brevets, auquel le Canada est partie, et accorde par traité, convention ou loi une protection similaire aux citoyens du Canada,

 

(ii) la date de dépôt de la demande déposée antérieurement est antérieure à la date de la revendication de la demande visée à l’alinéa a),

 

(iii) à la date de dépôt de la demande, il s’est écoulé, depuis la date de dépôt de la demande déposée antérieurement, au plus douze mois,

 

(iv) cette personne a présenté, à l’égard de sa demande, une demande de priorité fondée sur la demande déposée antérieurement.

 

[...]

 

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

 

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

 

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

 

[223]       La Cour suprême a exprimé l’opinion suivante sur l’interprétation législative aux pages 40 et 41 de Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27 :

Bien que l’interprétation législative ait fait couler beaucoup d’encre (voir par ex. Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (1997); Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994) (ci‑après « Construction of Statutes »); Pierre‑André Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1990)), Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l’interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit :

 

[traduction] Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

 

[224]       L’article 28.2 permet la communication au public de l’objet que définit la revendication dans la période d’un an précédant la date de dépôt de la demande de brevet. L’application de la méthode exposée ci‑dessus et la prise en considération de l’ensemble des dispositions de la Loi sur les brevets conduisent à penser qu’il serait absurde de permettre la communication au public de l’objet défini par la revendication dans la période d’un an précédant la date de dépôt de la demande de brevet sans que la brevetabilité de cet objet en soit compromise, si une autre personne pouvait invoquer ledit objet ainsi divulgué comme antériorité pour faire rejeter cette demande.

 

[225]       À mon sens, cette absurdité est particulièrement manifeste dans la présente espèce, où la défenderesse cite dans la demande du brevet 629 le SPOTGUN de la demanderesse comme faisant partie de l’état de la technique.

 

[226]       Pour les motifs qui précèdent, je suis d’avis que le brevet 329 n’est pas opposable à la demande de brevet de la demanderesse. Aucune des revendications 1, 5, 6, 7 et 9 du brevet 024 n’est antériorisée par le brevet 329.

 

[227]       Point no 7.c)

            En ce qui concerne les revendications 1, 4, 5, 6, 7, 9, 17, 20, 21 ou 38, la matière définie par la revendication a été antériorisée par les références de QUEST, CLASSIC et ROBINAIR respectivement.

            J’ai examiné les paragraphes 166 à 170 des conclusions finales de la demanderesse et je confirme le raisonnement qui y est présenté. Ils se lisent comme suit :

[traduction]

166.      Les experts de la défenderesse ont fait valoir l’antériorité de diverses revendications du brevet 024 par les injecteurs de Quest, Classic et Robinair. Cependant, on plaide qu’aucun des composants n’expose tous les éléments qui forment la combinaison des éléments revendiqués. D’ailleurs, on fait valoir que la défenderesse ne s’est pas acquittée de l’obligation lui incombant d’établir que l’injecteur Robinair constituait, en fait, une antériorité. Il vaut également la peine de remarquer pour des raisons de clarté que, alors qu’on peut citer le brevet 673 pour des questions de double brevet, on ne peut par contre pas le citer comme une antériorité et il ne peut influencer la valeur inventive ni la divulgation de caractéristiques particulières exposées dans son mémoire descriptif.

 

167.      Traitant en premier de Quest, on fait valoir qu’il ne comprend pas d’ajutage intégré et sortant d’une des extrémités du boîtier tubulaire pour se raccorder à l’ensemble de connexion. Tel que mentionné par M. Frise durant le contre-interrogatoire, l’ajutage est simplement un trou à l’extrémité du dispositif qui se ferme à l’aide d’un clapet de non-retour tenu en place par un tuyau de remplissage/raccord intégré à l’extrémité du dispositif. De plus, le composant ne comprend pas de valve de vidange même si l’on accepte que le tuyau présenté comme preuve constituait une antériorité, car ce tuyau ne comprenait pas de clapet de non-retour, mais comprenait plutôt un dépresseur de valve qui ne fermait pas l’extrémité du tuyau lorsqu’il était détaché du poste de service. Par conséquent, il ne comprend pas tous les éléments de la revendication 1 ou d’aucune de ses revendications dépendantes et ces éléments n’étaient pas antériorisés. En ce qui touche la revendication 17, il est clair que Quest n’enseigne pas un ensemble de connexion tel qu’exigé par la revendication puisque l’outil ne comprend pas de valve de vidange ni de clapet anti-retour. De plus, il n’a pas divulgué une cartouche comprenant deux extrémités libres comme le mentionne le brevet 673. Par conséquent, on fait valoir qu’il est clair que la revendication 17 ou n'importe laquelle de ses revendications dépendantes n’a pas été antériorisée par Quest.

 

168.      En ce qui concerne les revendications de la défenderesse, on fait d’ailleurs valoir que Quest ne divulgue aucune marque de graduation (revendication 2), ni un capuchon (revendication 3), ni un boîtier et dispositif d’entraînement indépendants (revendication 7) ou ni un clapet anti-retour dans l’ensemble de connexion (revendication 38). Par conséquent, on fait valoir que, même s’il a été conclu que les revendications 1 et 17 étaient antériorisées par Quest (ce qui ne devrait pas être le cas), on ne devrait pas conclure que les revendications susmentionnées ont été antériorisées car elles comprennent des éléments supplémentaires qu’on ne trouve pas dans l’outil Quest.

 

169.      Dans le même ordre d’idées, en ce qui touche le Classic, on fait valoir qu’il ne divulgue pas un ajutage intégré sortant de la cartouche ni un clapet anti-retour dans l’ensemble de connexion tel que défini aux revendications 1/38 et 17. Il ne divulgue pas non plus de cartouche indépendante et de boîtier comprenant un dispositif d’entraînement permettant de pousser le piston à injecter le fluide. Il ne divulgue pas non plus un capuchon ni des marques de graduation qui permettraient de mesurer (au lieu de remplir) le composant et, on plaide, n’antériorise aucune des revendications.

 

170.      Enfin, au sujet du Robinair, on fait valoir qu’il est clair que ce dernier ne divulgue pas un ajutage intégré ou un ensemble de connexion comprenant un raccord sur la première extrémité du flexible, pour y placer ledit ajutage intégré (revendication 1); ou une quantité prédéterminée de fluide maintenu à pression ambiante dans la cartouche ou un ensemble de connexion comprenant un clapet anti-retour dans l’ensemble (revendication 17). De plus, il ne comprend pas un capuchon (revendication 3), un boîtier et un dispositif d’entraînement (revendication 7) ou un clapet anti-retour (revendication 38). Encore une fois, on fait valoir qu’il est clair qu’aucune des revendications du brevet 024 n’a été antériorisée par Robinair.

 

Je suis d’avis qu’aucune des revendications 1, 4, 5, 6, 7, 9, 17, 20, 21 et 38 n’est antériorisée par les dispositifs Quest, Classic ou Robinair, considérés respectivement.

 

[228]       La question 7.d)

            La revendication serait évidente du fait des antériorités et des connaissances générales courantes citées par les experts de la défenderesse.

            J’appliquerais à cette question le même droit relatif à l’évidence que j’ai appliqué à propos du brevet 673. Les antériorités citées par la défenderesse ne me paraissent pas justifier la conclusion que le brevet 024 serait entaché d’évidence.

 

[229]       Les preuves établissent qu’avant l’arrivée du SPOTGUN de la demanderesse il n’y avait aucun enseignement de cartouches indépendantes ou de cartouches logées dans un boîtier comprenant un dispositif d’entraînement du piston. De même, il n’y avait aucune divulgation d’un ensemble de connexion qui comprenait une valve de vidange et un clapet anti-retour ainsi qu’il est énoncé dans le brevet 024. L’antériorité ne mènerait pas une personne versée dans l’art à l’invention revendiquée. Les revendications ne sont pas évidentes, en raison des références et des connaissances générales ordinaires identifiées par les experts de la défenderesse.

 

[230]       La question 7.e)

            La revendication serait ambiguë du fait de l’emploi de l’expression [traduction] « valve de vidange ».

            Notre Cour a examiné la question de l’invalidité des revendications pour cause d’ambiguïté à la page 356 de la décision Letourneau c. Clearbrook Iron Works Ltd. (2005), 44 C.P.R. (4th) 45 (C.F.), où l’on peut lire ce qui suit sous la plume du juge Mosley :

37. Une revendication n’est pas invalide du simple fait qu’elle n’est pas un modèle de concision et de clarté. Bien peu de revendications de brevet possèdent ces qualités. Les revendications sont rédigées de manière à être comprises par des personnes qui ont des connaissances et une expérience pratiques dans le domaine précis de l’invention : Risi Stone Ltd. précité, au paragraphe 20. On ne saurait qualifier d’ambigu un terme que l’on peut interpréter en recourant aux règles de grammaire et à la logique : Mobil Oil Corp. c. Hercules Canada Inc. (1995), 63 C.P.R. (3d) 473, à la page 484, 188 N.R. 382 (C.A.F.).

 

38. La Cour doit interpréter la revendication de façon téléologique sans être trop tatillonne ou formaliste. Si plusieurs interprétations sont raisonnablement possibles, la Cour doit favoriser celle qui permet de confirmer la validité du brevet. Si le libellé du mémoire descriptif peut raisonnablement être interprété de manière à reconnaître à l’inventeur la protection de ce qu’il a effectivement inventé de bonne foi, le tribunal doit, en principe, s’efforcer de donner effet à cette interprétation : Lubrizol Corp. c. Imperial Oil Ltd. (1992), 45 C.P.R. (3d) 449, 98 D.L.R. (4th) 1 (C.A.F.); Western Electric Co. Inc. and Northern Electric Co. c. Baldwin International Radio of Canada Ltd., [1934] R.C.S. 570, [1934] 4 D.L.R. 129; Unilever PLC c. Proctor & Gamble Inc., [1995] A.C.F. no 1005, au paragraphe 23, 61 C.P.R. (3d) 499 (C.A.F.).

 

[231]       La question d’ambiguïté qui a été soulevée en l’espèce concerne la signification du terme « valve de vidange ». L’expert de la défenderesse, Jerome Lemon, au paragraphe 31 de son affidavit d’expert (preuve no 33) affirme ce qui suit :

[traduction]

[...] Le terme « valve de vidange » n’est pas le terme que j’utiliserais pour un type de raccord ou de valve en particulier permettant de se connecter à un orifice de remplissage d’un robinet de service d’un système de conditionnement d’air ou de réfrigération. Par contre, depuis juin 1999, la plupart des raccords adaptés pour se connecter à un orifice de remplissage de conditionneur d’air ou de réfrigération comprend une valve qui peut fermer l’extrémité du tuyau de remplissage, et j’en conclus que le terme « valve de vidange » est requis pour une telle valve dans le raccord. […]

 

Et au paragraphe 19 de son affidavit de réfutation (preuve 79), il déclare :

[traduction]

La difficulté évidente de l’expert Frise de la défenderesse à comprendre le concept d’une « valve de vidange » de la façon dont ce terme est utilisé dans le brevet 024 et en relation à un tirant de système de conditionnement d’air semble démontrer, à mon avis, son manque de bonne connaissance des techniques d’entretien des conditionneurs d’air et de ses outils […] Une citation de mon affidavit qu’il a utilisée plus tard (paragraphe 40) concernant la signification de la « valve de vidange » ne tenait pas compte du contexte, et il n’indique pas que j’ai clairement affirmé qu’à mon avis le terme visait un tuyau comprenant une valve dans le raccord du tuyau au système de conditionnement d’air. Comme il vous semblera déjà évident, je ne considère pas que le terme « valve de vidange » est ambigu du tout lorsqu’il est pris en considération dans le contexte où il est utilisé.

 

 

[232]       M. Frise a fait les déclarations suivantes au cours de son contre-interrogatoire (page 84 de la transcription du 19 juin 2008) :

[traduction]

Q.        Au paragraphe 34 (page 22) de votre affidavit, sous le titre « Ambiguïté », vous évoquer vos efforts pour comprendre l’expression « valve de vidange ». Est‑ce bien exact?

 

A.        Oui.

 

Q.        Et ce, dans le contexte du mémoire descriptif. Exact?

 

A.        Ce terme figure un peu partout dans le brevet.

 

Q.        Mais ces efforts que vous avez déployés ne vous ont pas permis d’arriver à une conclusion sur la signification de cette expression?

 

A.        Cette expression m’apparaît ambiguë. Mais en réunissant les éléments d’information pertinents épars dans le brevet, j’ai conclu qu’il s’agit du dispositif situé à l’extrémité du conduit, qui permet le raccordement au système de conditionnement d’air.

 

Q.        C’est ce que dit en fait la revendication, en un sens, ne pensez-vous pas?

 

A.        En un sens, j’imagine que oui. Pourrais‑je réexaminer la revendication?

 

[233]       Le témoignage des experts m’incite à penser que l’expression [traduction] « valve de vidange » n’est pas ambiguë. Le fait que la valve de vidange 52 représentée dans le mémoire descriptif correspond à la définition des experts me conforte dans cette opinion. Je rejette donc le moyen de la défenderesse selon lequel les revendications du brevet 024 seraient invalides pour cause d’ambiguïté.

 

[234]       La question 8

            La défenderesse est-elle responsable de contrefaçon ou d’incitation à la contrefaçon des revendications désignées des brevets 673 ou 024?

            Il est à noter qu’une ordonnance de disjonction a été prononcée dans la présente action. Par conséquent, les points concernant l’importance de la contrefaçon, ainsi que les dommages causés par cette dernière ou les profits qui en ont été tirés, doivent être décidés séparément après l’instruction de toute question litigieuse qu’il resterait à trancher.

 

[235]       La demanderesse soutient que la défenderesse est responsable à la fois de contrefaçon directe et d’incitation à la contrefaçon directe.

 

[236]       La Cour d’appel fédérale a formulé les conditions à remplir pour établir l’incitation à la contrefaçon à la page 7 de l’arrêt AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑Être social) (2002), 22 C.P.R. (4th) 1 (C.A.F.) :

Troisièmement, le juge O’Keefe a conclu qu’Apotex n’avait ni incité ni amené aucune personne à la contrefaçon. Il a exposé le critère auquel doit satisfaire le breveté qui désire invoquer la doctrine de l’incitation à la contrefaçon. Le breveté doit prouver chacun des éléments suivants :

 

1) l’acte de contrefaçon a été exécuté par le contrefacteur direct;

 

2) l’exécution de l’acte de contrefaçon a été influencée par le vendeur, à un point tel que sans cette influence la contrefaçon n’aurait pas été commise par l’acheteur;

 

3) l’influence a été sciemment exercée par le vendeur, c’est‑à‑dire que le vendeur savait que son influence entraînerait l’exécution de l’acte de contrefaçon.

 

[237]       Aux paragraphes 176 et 177 de ses conclusions finales, que je reproduis ici, la demanderesse expose ce qu’elle estime être les modalités de la contrefaçon commise par la défenderesse :

[traduction]

176.      Dans la présente espèce, la défenderesse contrefait directement les revendications relatives à l’appareil et à la cartouche en vendant ses produits contestés sous forme de prêts‑à‑monter, et ses cartouches isolément ou, dans le cas du DYE STICK et du RETRO STICK, intégrées aux injecteurs. Nous soutenons en outre que la défenderesse pourrait être responsable d’incitation des consommateurs finaux des produits contestés à la contrefaçon des revendications de procédé en litige. À ce propos, on notera que la défenderesse non seulement vend des prêts‑à‑monter complets adaptés seulement à une utilisation contrefaisante, mais qu’elle les accompagne d’instructions explicites montrant aux consommateurs finaux à utiliser ces produits d’une manière qui contrefait les revendications.

 

177.      Il est de droit constant que se rend responsable d’incitation à la contrefaçon toute personne qui, seule ou en association avec une autre, vend à un consommateur l’ensemble des éléments constituants d’une invention, accompagnés d’instructions montrant comment les assembler ou les utiliser pour obtenir cette dernière.

 

 

Je suis du même avis que la demanderesse et conclus à la contrefaçon directe aussi bien qu’à l’incitation à la contrefaçon. La question de la contrefaçon directe a aussi été examinée plus haut dans le présent exposé.

 

[238]       La question 9

            La demanderesse est‑elle responsable de déclarations fausses ou trompeuses en violation de l’alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce?

            L’alinéa 7a) et les articles 52 et 53.2 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13, disposent ce qui suit :

7. Nul ne peut :

 

a) faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discréditer l’entreprise, les marchandises ou les services d’un concurrent;

 

[...]

 

52. Les définitions qui suivent s’appliquent aux articles 53 à 53.3.

 

[...]

 

« tribunal » La Cour fédérale ou la cour supérieure d’une province.

 

[...]

 

53.2 Lorsqu’il est convaincu, sur demande de toute personne intéressée, qu’un acte a été accompli contrairement à la présente loi, le tribunal peut rendre les ordonnances qu’il juge indiquées, notamment pour réparation par voie d’injonction ou par recouvrement de dommages-intérêts ou de profits, pour l’imposition de dommages punitifs, ou encore pour la disposition par destruction, exportation ou autrement des marchandises, colis, étiquettes et matériel publicitaire contrevenant à la présente loi et de toutes matrices employées à leur égard.

 

 

[239]       Ces dispositions créent une cause d’action statutaire en vertu de laquelle des dommages‑intérêts peuvent être accordés à la personne lésée par des déclarations fausses ou trompeuses d’un concurrent qui tendent à discréditer son entreprise, ses marchandises ou ses services. On peut lire à ce propos ce qui suit à la page 197 de l’arrêt S. & S. Industries Inc. c. Rowell (1966), 48 C.P.R. 193 (C.S.C.) :

[traduction]

L’alinéa 7a) et le paragraphe 52 de la Loi sur les marques de commerce ont ensemble pour effet de créer une cause d’action statutaire en vertu de laquelle des dommages-intérêts peuvent être accordés à la personne lésée par des déclarations fausses ou trompeuses d’un concurrent qui tendent à discréditer son entreprise, ses marchandises ou ses services. Les éléments essentiels d’une telle action sont :

 

1. la présence d’une déclaration fausse ou trompeuse;

 

2. le fait que celle‑ci tende à discréditer l’entreprise, les marchandises ou les services d’un concurrent;

 

3. le fait qu’il en résulte un dommage.

 

[240]       Les tribunaux ont aussi conclu que l’existence d’un dommage est une condition nécessaire à l’établissement d’une responsabilité sous le régime du paragraphe 7(1). La Cour d’appel fédérale formule à ce sujet les observations suivantes aux pages 192 et 193 de l’arrêt BMW Canada Inc. c. Nissan Canada Inc. (2007), 60 C.P.R. (4th) 181 :

33. Quant au troisième élément, c’est-à-dire les dommages, le juge de première instance a accepté l’argument des intimées selon lequel, une fois démontrée l’existence des deux premiers éléments, il y a présomption qu’il y a des dommages. Au paragraphe 109 de sa décision, le juge de première instance a déclaré ce qui suit :

 

En l’absence d’une preuve des dommages-intérêts lesquels, conformément à l’ordonnance de disjonction rendue par la Cour avant l’instruction, doivent être réglés une fois présentées les observations des parties, je présume, sous réserve d’autres facteurs, qu’il y aura lieu à des dommages-intérêts, symboliques ou élevés.

 

34. Comme l’a mentionné le juge de première instance, l’ordonnance de disjonction datée du 5 octobre 2006 prévoit que les questions de responsabilité doivent être séparées des questions de l’étendue des dommages et de l’état comptable des profits, et que la production de documents et la communication préalable orale sur les questions de l’étendue des dommages et de l’état comptable des profits doivent être reportées jusqu’à ce que soit rendu un jugement sur les questions de responsabilité.

 

35. Sans faire de commentaires sur les deux premiers éléments, je conclus que le juge de première instance a commis une erreur de droit lorsqu’il a tenu pour acquis qu’il y aurait des dommages. Un dommage réel ou éventuel est un élément nécessaire à une conclusion selon laquelle il y a une responsabilité suivant l’alinéa 7b). En l’absence de preuve à cet égard, la Cour ne peut pas conclure à l’existence d’une responsabilité : Tommy Hilfiger Licensing Inc. et al. c. Produits de qualité I.M.D. Inc. et al. (2005), 267 F.T.R. 259, aux paragraphes 137 et 138 (C.F.). Un demandeur doit « [traduction] établir qu’il subit ou, dans une action quia timet, qu’il est susceptible de subir des dommages à cause de la croyance erronée engendrée par la représentation trompeuse du défendeur que la source de ses produits et services est la même que ceux du demandeur » : Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., précité, au paragraphe 32, qui cite Reckitt & Colman Products Ltd. c. Borden Inc., [1990] 1 All E.R. 873 (H.L.), à la page 880. Voir également Pro-C Ltd. c. Computer City, Inc. (2001), 55 O.R. (3d) 577, au paragraphe 24.

 

36. Une ordonnance de disjonction ne dégage pas l’appelante de l’obligation de prouver l’existence d’un dommage en tant qu’élément de sa cause d’action. Elle ne fait simplement que reporter la preuve de l’étendue des dommages jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur la question de la responsabilité des intimées.

 

 

[241]       Dans la présente espèce, une ordonnance de disjonction a été prononcée. La défenderesse n’a prouvé l’existence d’aucun dommage, de sorte que sa demande doit être rejetée. La Cour d’appel fédérale est en effet très claire sur ce point. La défenderesse a omis d’établir l’un des éléments essentiels de l’action, à savoir le fait qu’il résulterait un dommage de la déclaration attaquée.

 

[242]       La demande reconventionnelle en dommages-intérêts présentée par la défenderesse sous le régime de l’alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce est rejetée.

 

[243]       Je précise que j’ai accordé plus de poids au témoignage d’expert de M. Jerome Lemon qu’aux déclarations des experts de la défenderesse à cause de l’expérience pratique de celui‑là et du caractère direct de ses réponses.

 

[244]       En résumé, je décide ce qui suit :

            1.         Il sera prononcé une déclaration valant entre la défenderesse et la demanderesse comme quoi cette dernière est titulaire des brevets 2235673 (le brevet 673) et 2224024 (le brevet 024), et que ces brevets sont et restent valides.

            2.         Il sera prononcé une déclaration comme quoi la défenderesse a contrefait les revendications 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 14, 15 et 16 du brevet 673, ainsi que les revendications 1, 2, 3, 5, 6, 7, 9, 17, 18, 19, 20 et 38 du brevet 024, et qu’elle a incité et induit à la contrefaçon des revendications 1, 2 et 3 du brevet 673, ainsi que de la revendication 9 du brevet 024.

            3.         Il sera prononcé des injonctions provisoires, interlocutoires et permanentes interdisant à la défenderesse, soit par elle-même, soit par l’intermédiaire de ses actionnaires, administrateurs, cadres, mandataires, préposés, employés, filiales ou autres sociétés affiliées, ou de toutes autres personnes physique ou morale dépendant d’elle :

                        a)         de contrefaire directement ou indirectement quelque revendication que ce soit des brevets 673 ou 024;

                        b)         d’inciter ou d’induire quiconque à contrefaire les revendications des mêmes brevets.

            4.         Il est ordonné à la défenderesse de remettre sans délai à la demanderesse tous les articles en sa possession ou sous son contrôle qui sont utilisés, fabriqués ou en cours de fabrication en contrefaçon desdits brevets 673 ou 024, ou de faire en sorte que ces articles soient détruits.

            5.         La défenderesse paiera à la demanderesse des dommages-intérêts d’un montant à établir ou, subsidiairement à l’ordonnance de dommages-intérêts, lui paiera l’équivalent des profits réalisés par elle comme conséquence de ses activités illicites. Pour le cas où les parties ne pourraient convenir de la manière d’établir l’importance des dommages ou le montant des dommages-intérêts, je reste compétent pour statuer sur cette question.

            6.         La défenderesse versera à la demanderesse une indemnité raisonnable au titre des actes, accomplis par elle après que les demandes des brevets 673 et 024 ont été mises à la disposition du public pour consultation et avant la délivrance de ces brevets, qui auraient contrefait respectivement lesdits brevets si ceux‑ci avaient été délivrés le jour même où les demandes correspondantes ont été ainsi mises à la disposition du public.

            7.         Les intérêts avant et après jugement sont accordés à la demanderesse.

            8.         La demande reconventionnelle en dommages-intérêts déposée par la défenderesse sous le régime du paragraphe 7(1) de la Loi sur les marques de commerce est rejetée.

            9.         Les parties pourront me présenter des observations orales ou écrites sur les dépens, selon le vœu exprimé par la demanderesse au terme de ses conclusions finales en procédure orale. Je reste compétent pour statuer sur les dépens.


 

JUGEMENT MODIFIÉ

 

            VU les actes de procédure,

 

            VU la preuve produite au procès,

 

            VU les conclusions écrites des parties

 

            ET ENTENDU les conclusions orales des avocats des parties,

 

            LA COUR DÉCLARE :

 

            1.         Il sera prononcé une déclaration valant entre la défenderesse et la demanderesse comme quoi cette dernière est titulaire des brevets 2235673 (le brevet 673) et 2224024 (le brevet 024), et que ces brevets sont et restent valides.

 

            2.         Il sera prononcé une déclaration comme quoi la défenderesse a contrefait les revendications 1, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 14, 15 et 16 du brevet 673, ainsi que les revendications 1, 2, 3, 5, 6, 7, 9, 17, 18, 19, 20 et 38 du brevet 024, et qu’elle a incité et induit à la contrefaçon des revendications 1, 2 et 3 du brevet 673, ainsi que de la revendication 9 du brevet 024.

 

            LA COUR ORDONNE :

 

            1.         Il est prononcé des injonctions provisoires, interlocutoires et permanentes interdisant à la défenderesse, soit par elle-même, soit par l’intermédiaire de ses actionnaires, administrateurs, cadres, mandataires, préposés, employés, filiales ou autres sociétés affiliées, ou de toutes autres personnes physique ou morale dépendant d’elle :

 

                        a)         de contrefaire directement ou indirectement quelque revendication que ce soit des brevets 673 ou 024;

 

                        b)         d’inciter ou d’induire quiconque à contrefaire les revendications des mêmes brevets.

 

            2.         Il est ordonné à la défenderesse de remettre sans délai à la demanderesse tous les articles en sa possession ou sous son contrôle qui sont utilisés, fabriqués ou en cours de fabrication en contrefaçon desdits brevets 673 ou 024, ou de faire en sorte que ces articles soient détruits.

 

            3.         La défenderesse paiera à la demanderesse des dommages-intérêts d’un montant à établir ou, subsidiairement à l’ordonnance de dommages-intérêts, lui paiera l’équivalent des profits réalisés par elle comme conséquence de ses activités illicites. Pour le cas où les parties ne pourraient convenir de la manière d’établir l’importance des dommages ou le montant des dommages-intérêts, je reste compétent pour statuer sur cette question.

 

            4.         La défenderesse versera à la demanderesse une indemnité raisonnable au titre des actes, accomplis par elle après que les demandes des brevets 673 et 024 ont été mises à la disposition du public pour consultation et avant la délivrance de ces brevets, qui auraient contrefait respectivement lesdits brevets si ceux‑ci avaient été délivrés le jour même où les demandes correspondantes ont été ainsi mises à la disposition du public.

 

            5.         Les intérêts avant et après jugement sont accordés à la demanderesse.

 

            6.         Ayant noté que j’ai omis d’inclure dans mon jugement le rejet de la demande reconventionnelle de la défenderesse, je corrige ce jugement par l’adjonction de ce qui suit :

                        La demande reconventionnelle en dommages-intérêts déposée par la défenderesse sous le régime de l’alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce est rejetée.

 

            7.         Les parties pourront me présenter des observations orales ou écrites sur les dépens, selon le vœu exprimé par la demanderesse au terme de ses conclusions finales en procédure orale. Je reste compétent pour statuer sur les dépens.

 

            8.         L’exposé des motifs du présent jugement suivra, et je reste compétent pour prononcer ces motifs.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑824‑04

 

INTITULÉ :                                                   UVIEW ULTRAVIOLET SYSTEMS INC.

                                                                        c.

                                                                        BRASSCORP LTD.

                                                                        (exerçant son activité sous la dénomination de

                                                                        CLIPLIGHT MANUFACTURING COMPANY)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :                         Du 9 au 25 juin 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 3 mars 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Brian Isaac

Joseph Fraresso

Kevin Graham

 

POUR LA DEMANDERESSE

Chris Kvas

Steven Leach

Kenneth Hanna

David Lam

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Smart & Biggar

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

 

Ridout & Maybee LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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