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Date : 20090213

Dossier : T-77-04

Dossier : T-123-04

 

Référence : 2009 CF 78

Ottawa (Ontario), le 13 février 2009

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ZINN

T-77-04

ENTRE :

NEIL MCFADYEN

demandeur

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

ET ENTRE :

T-123-04

 

 

NEIL MCFADYEN

demandeur

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               M. McFadyen est engagé dans un long et apparemment incessant conflit avec l’administration fiscale canadienne relativement au traitement fiscal qui lui a été accordé, à lui ainsi qu’à d’autres conjoints d’employés du gouvernement canadien vivant et travaillant à l’étranger. Au cours du litige, l’administration fiscale canadienne a changé de nom. Elle se nomme actuellement l’Agence du revenu du Canada; auparavant elle a porté les noms d’Agence des douanes et du revenu du Canada et de ministère du Revenu national (Impôt). Par souci de commodité, nonobstant le nom porté par l’administration fiscale à l’époque pertinente, je l’appellerai ARC partout où j’y ferai référence.

 

[2]               Les présentes demandes concernent les deux plaintes adressées par M. McFadyen à la Commission des droits de la personne dans lesquelles il prétend qu’il a, lui et d’autres conjoints d’employés du gouvernement canadien travaillant à l’étranger, fait l’objet de discrimination de la part de l’ARC et du ministère des Finances. Sur consentement, par ordonnance datée du 2 mars 2004, les demandes présentées par M. McFadyen pour solliciter le contrôle judiciaire des décisions de la Commission des droits de la personne rejetant ses plaintes ont été réunies pour être instruites ensemble, l’une immédiatement après l’autre. Les présents motifs s’appliquent aux deux demandes et seront déposés dans chacun des deux dossiers de la Cour nos T-77-04 et T 123‑04.

 

[3]               Les plaintes en matière des droits de la personne qui sous-tendent les présentes demandes ont le même contexte factuel que le litige fiscal susmentionné. En conséquence, il est nécessaire d’énoncer de façon suffisamment détaillée les faits pertinents se rapportant au litige fiscal.


Contexte

[4]               En août 1992, M. McFadyen et sa conjointe ont quitté la Canada pour le Japon. Sa conjointe allait occuper un poste au sein du gouvernement fédéral à l’ambassade canadienne à Tokyo, au Japon. M. McFadyen a obtenu du travail à l’ambassade en 1993 et 1994, à titre d’employé et d’entrepreneur indépendant. En 1994 et 1995, il a travaillé pour une société de valeurs mobilières ayant un bureau à Tokyo.

 

            Le litige fiscal

[5]               L’ARC a établi la cotisation de M. McFadyen pour les années d’imposition 1993, 1994 et 1995 comme résident du Canada (la « cotisation de 1996 »). M. McFadyen a fait appel de la cotisation de 1996. Le juge en chef Garon de la Cour canadienne de l’impôt a rejeté l’appel, en déclarant que M. McFadyen a été résident de fait du Canada durant les trois années en cause et par conséquent, résident habituel du Canada au sens du paragraphe 250(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) : McFadyen c. Canada, [2000] 4 C.T.C. 2573, 2000 DTC 2473. Le juge en chef Garon a en outre conclu que si M. McFadyen n’était pas résident de fait du Canada durant ces trois années, il aurait été réputé l’être en vertu de l’alinéa 250(1)e) de la Loi de l’impôt sur le revenu. L’alinéa 250(1)e) considérait alors les conjoints des diplomates ou des autres fonctionnaires du Canada comme des résidents du Canada tout au long de l’année d’imposition.

 

[6]               L’appel interjeté par M. McFadyen devant la Cour appel fédérale a été accueilli mais seulement dans le mesure où le ministre, lorsqu’il a établi la cotisation d’impôt de M. McFadyen, a été tenu de lui accorder un crédit pour impôt étranger relativement aux impôts qu’il avait payés au Japon : McFadyen c. Canada, [2002] A.C.F. no 1756, 2002 CAF 496. Une demande d’autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada a été rejetée : McFadyen c. Canada, [2003] C.S.C.R. no 54.

 

[7]               En 2003, les impôts de M. McFadyen de 1993 à 1995 ont fait l’objet d’une nouvelle cotisation, conformément à la décision de la Cour d’appel fédérale.

 

[8]               La conjointe de M. McFadyen était, au même moment, engagée dans un litige avec le ministère des Finances de l’Ontario concernant son statut aux fins de l’impôt sur le revenu de l’Ontario. Le ministère a finalement convenu qu’elle n’était pas résidente de l’Ontario au cours des années visées par l’appel et a rajusté ses impôts en conséquence. Parallèlement, le ministère des Finances de l’Ontario a reconnu, pour les mêmes raisons, que son conjoint, M. McFadyen, n’était pas résident de l’Ontario durant les années d’imposition 1993 à 1995. En conséquence, l’ARC a, en 2006, établi une nouvelle cotisation à M. McFadyen, reflétant le changement dans ses impôts de l’Ontario pour les années 1993 à 1995 (la « nouvelle cotisation de 2006 »). M. McFadyen a interjeté appel de la nouvelle cotisation de 2006 portant sur les impôts fédéraux à payer, en faisant valoir qu’il n’était pas résident du Canada durant les années d’imposition 1993 à 1995. Le juge en chef Rip de la Cour canadienne de l’impôt a déclaré que cette objection était essentiellement la même que la question tranchée par la Cour canadienne de l’impôt et la Cour d’appel fédérale dans l’appel interjeté par M. McFadyen à l’égard de la cotisation de 1996. Le 31 juillet 2008, la Cour canadienne de l’impôt a conclu que la règle de la préclusion fondée sur la cause d’action s’appliquait pour empêcher M. McFadyen de contester les cotisations fiscales fédérales pour les années d’imposition 1993 à 1995, sauf en ce qui avait trait aux intérêts imposés au titre de la nouvelle cotisation de 2006. Le 30 septembre 2008, M. McFadyen a fait appel de cette décision devant la Cour d’appel fédérale (dossier de la Cour no A‑479‑08). Cet appel n’a pas encore été tranché.

 

Les plaintes relatives aux droits de la personne

[9]               Le 23 février 1999, durant son litige fiscal avec Revenu Canada et avant que le juge en chef Garon ne rende sa décision, M. McFadyen a déposé des plaintes de discrimination contre l’ARC (dossier CCDP no H49102) et contre le ministère des Finances (dossier CCDP no B48997).

 

[10]           Dans chacune des plaintes, M. McFadyen affirme que le défendeur :

[traduction]… fait preuve de discrimination envers moi et d’autres conjoints d’employés du gouvernement, ainsi que contre d’autres personnes vivant et travaillant à l’extérieur du Canada dans la prestation de ses services en nous traitant façon différente et défavorable en raison de notre état matrimonial et/ou de notre nationalité, en contravention de l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

[11]           La Commission a désigné une enquêteuse. Dans les deux cas, l’enquêteuse a recommandé de rejeter la plainte. Dans une lettre datée du 15 décembre 2003, la Commission a rejeté ces plaintes conformément à l’alinéa 44(3)b) de la Loi. La Commission a accepté l’analyse et les recommandations de l’enquêteuse. La Commission a écrit ce qui suit :

[traduction]

[Concernant les deux plaintes], les plaintes sont rejetées au motif que :

 

·      la distinction n’est pas fondée sur l’état matrimonial, mais sur le niveau de revenu familial global,

·      un motif justifiable a été énoncé au sens de l’article 15 de la Loi.

 

[Concernant la plainte (B48997) contre le ministère des Finances du Canada], la plainte est rejetée au motif que :

 

·      l’alinéa 250(1)e) de la LIR n’a pas été appliqué dans le cas du plaignant.

 

[Concernant la plainte (H49102) contre l’[ARC]], la plainte est rejetée au motif que :

 

·      la preuve n’étaye pas l’allégation du plaignant selon laquelle le défendeur a établi une nouvelle cotisation relativement à ses déclarations de revenus en raison de son état matrimonial (conjoint d’une employée du gouvernement canadien). La preuve démontre que le défendeur a établi une nouvelle cotisation relativement aux déclarations de revenus du plaignant en tant que résident de fait du Canada, parce qu’il avait avec le Canada des liens importants qu’il n’a pas rompus lorsqu’il vivait et travaillait à l’étranger.

 

[12]           M. McFadyen cherche à faire annuler ces décisions. 

 

Questions à trancher

[13]           Les questions soulevées par le demandeur dans les présentes demandes sont les suivantes :

a)      l’enquêteuse a‑t‑elle omis d’effectuer une enquête rigoureuse et objective?

b)      existe‑t‑il une crainte raisonnable de partialité?

c)      la Commission a‑t‑elle tiré des conclusions de fait manifestement déraisonnables?

d)      la Commission a‑t‑elle omis de préciser le critère juridique qu’elle a appliqué?


Requête en ajournement

[14]           Les présentes demandes devaient être initialement instruites à Ottawa, le 26 septembre 2006, devant le juge von Finckenstein. M. McFadyen a, avant ladite date, déposé son avis d’opposition relativement à la nouvelle cotisation de 2006. L’ARC n’a pas répondu à cette opposition et, tel qu’il a été précédemment souligné, lorsqu’il a reçu la réponse négative, M. McFadyen a interjeté appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Le 31 juillet 2008, la Cour de l’impôt a fait droit à la requête et annulé l’appel de M. McFadyen étant donné qu’il tentait de débattre à nouveau des questions à l’égard desquelles le juge Garon avait déjà rendu des décisions, qui ont été confirmées en appel.

 

[15]           Le juge von Finckenstein a ordonné l’ajournement sine die des présentes demandes, à la condition que M. McFadyen puisse les remettre au rôle sur préavis de deux semaines à la plus tardive des dates suivantes : [traduction] « (i) Celle de la décision statuant sur son avis d’opposition datée du 24 mai 2006, qui ne fait pas l’objet d’un appel; (ii) celle de la décision de la Cour canadienne de l’impôt statuant sur l’appel de la décision négative rendue à l’égard de son avis d’opposition datée du 24 mai 2006. »

 

[16]           À la suite de l’ordonnance du juge von Finckenstein, M. McFadyen a déposé un avis de son intention d’agir en personne. Après que la Cour de l’impôt ait rendu sa décision le 31 juillet 2008, M. McFadyen a écrit ce qui suit à la Cour le 13 août 2008 :

[traduction] Comme la Cour de l’impôt a statué qu’il ne disposait pas d’un droit d’appel, l’appelant souhaite fixer, le plus tôt possible, la date d’une audience d’un jour relativement aux présentes demandes, conformément à l’ordonnance du juge von Finckenstein datée du 26 septembre 2006.

 

Selon les souhaits exprimés par M. McFadyen, une ordonnance a été délivrée le 25 août 2008, conformément aux directives du juge en chef, mettant les présentes demandes au rôle pour l’instruction, à Ottawa, le 16 décembre 2008.

 

[17]           M. McFadyen a pris une série de mesures avant la date prévue de l’audience. Le 7 novembre 2008, la Cour a accueilli sa requête, en partie, lui permettant de déposer un nouvel affidavit supplémentaire. Le 2 décembre 2008, la Cour a accueilli son autre requête visant à déposer le projet d’un troisième affidavit supplémentaire. Le 10 décembre 2008, j’ai délivré une directive en réponse à sa requête, demandant que le dépôt de ses nouveaux mémoires soit accepté.

 

[18]           Bref, les parties et, plus particulièrement le demandeur, suivait les étapes pour la mise en état du dossier en vue de l’audience fixée au 16 décembre 2008, quand, à la fin de la matinée du 15 décembre 2008, soit la veille de l’audience, la Cour a reçu une lettre d’Alan Riddell, l’ancien avocat de M. McFadyen dans ces affaires, l’avisant que le demandeur venait tout juste de retenir les services de son cabinet pour solliciter une ordonnance ajournant l’audience [traduction] « au motif qu’un appel mettant en cause les mêmes parties était actuellement en instance devant la Cour d’appel fédérale et qu’il devait être tranché avant qu’un juge de la Section de première instance puisse se prononcer sur les demandes de contrôle judiciaire ». Le défendeur s’est opposé à la demande d’ajournement.

 

[19]           La requête en ajournement a été instruite au début de l’audience, le 16 décembre 2008, et j’ai fait savoir verbalement qu’elle était rejetée et que les motifs seraient fournis ultérieurement. J’ai rejeté la requête pour les motifs suivants.

 

[20]           Le demandeur a fait valoir que l’ajournement devait être accordé pour trois motifs. Premièrement, il a prétendu qu’un juge de notre Cour, le juge von Finckenstein, avait déjà établi que les présentes demandes ne devaient pas être instruites avant que la question fiscale soulevée dans l’avis d’opposition du demandeur n’ait été réglée de façon définitive. Il a reconnu que bien que la question de principe invoquée dans l’avis d’opposition ait été réglée par la Cour de l’impôt, elle faisait actuellement l’objet d’un appel devant la Cour d’appel fédérale qui doit être instruit en mai 2009. Par conséquent, il a allégué que la question à laquelle la Cour devait répondre, le 16 décembre 2008, était précisément celle à laquelle elle avait répondu le 26 septembre 2006.

 

[21]           Deuxièmement, le demandeur a fait valoir qu’il avait commis une erreur en demandant qu’une nouvelle date soit fixée pour l’instruction des affaires. Il allègue qu’il a mal interprété l’ordonnance du juge von Finckenstein, pensant que s’il ne demandait pas ce report dans les deux semaines suivant la décision de la Cour de l’impôt, il ne pourrait plus en demander l’instruction.

 

[22]           Enfin, il a prétendu que si les présentes demandes étaient instruites avant que la Cour d’appel fédérale ne rende sa décision, il pourrait en résulter des conclusions contradictoires. À cet égard, l’avocat a soutenu que la question de savoir si M. McFadyen est empêché par préclusion de prétendre que le paragraphe 250(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu est discriminatoire et contraire à l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne est une question qui fait l’objet d’un litige tant devant notre Cour que devant la Cour d’appel fédérale.

 

[23]           Je conclus que, dans les circonstances présentes, aucune de ces observations n’est suffisante pour justifier que j’exerce le pouvoir discrétionnaire dont je dispose en vertu de l’article 36 des Règles des Cours fédérales pour accorder un ajournement. Lorsque la Cour se demande si elle doit accorder un ajournement, elle doit tenir compte de facteurs pertinents, notamment la question du préjudice causé à l’une ou plusieurs des parties, la question du préjudice causé à la Cour vu la perte du temps censé être consacré à une audience et le fait qu’il est dans l’intérêt public d’arriver à une conclusion diligente du litige.

 

[24]           N’eût été la demande de report de l’instruction de ces affaires, formulée par M. McFadyen, l’audience du 16 décembre 2008 n’aurait pas été fixée. De nombreuses boîtes de documents ont été déposées par les parties relativement à ces affaires; elles occupaient un espace d’au moins douze pieds sur les tablettes. L’avocate du défendeur s’est préparée pour l’audience et sa préparation était virtuellement achevée lorsque, le dimanche 14 décembre 2008, elle a été avisée verbalement par Me Riddel qu’il écrirait à la Cour le jour suivant pour demander un ajournement. De toute évidence, l’avocate a dû se préparer à deux reprises pour l’instruction des affaires. En outre, comme cette date a été fixée environ quatre mois auparavant, la Cour a examiné les documents déposés afin de se préparer adéquatement à l’audience. Là encore, cette préparation a été faite à deux reprises – par deux juges différents de notre Cour.

 

[25]           On ne réagit pas à la perte de temps et de ressources causée à l’avocate du défendeur et à la Cour en disant, comme le demandeur l’a fait, qu’une nouvelle date d’audience pourra être fixée rapidement lorsque la Cour d’appel aura rendu sa décision.

 

[26]           Il convient de signaler que, lorsque la Cour lui a demandé s’il y aurait un désistement dans les présentes demandes, advenant le rejet de l’appel par la Cour d’appel fédérale, l’avocat du demandeur n’a pas pu lui en donner l’assurance. Par conséquent, on ne peut affirmer que l’ajournement demandé aurait entraîné une économie des ressources judiciaires.

 

[27]           On ne réagit pas non plus à la perte de temps et de ressources en faisant valoir que la demande pour le report de l’audience a été faite par une partie qui, agissant pour son propre compte, a pu mal interpréter l’ordonnance de la Cour. Premièrement, il était représenté au moment où l’ordonnance en question a été rendue et il a eu toutes les occasions de se faire expliquer le sens et l’application de l’ordonnance. En outre, le demandeur aurait pu, en cas de doute, retenir les services d’un avocat et solliciter son avis, ce qu’il admet avoir fait, mais seulement quelques jours avant l’audience pour se faire aider dans la préparation de son exposé oral. Toute partie au litige a le droit de défendre sa propre cause. Il y a des risques associés à cette façon de procéder, et lorsqu’une décision imprudente est prise, c’est cette partie et non la partie adverse ou la Cour qui doit en assumer les conséquences.

 

[28]           En règle générale, l’intérêt d’éviter des décisions judiciaires conflictuelles de deux Cours l’emporte sur l’intérêt public d’arriver à une conclusion diligente du litige en temps opportun. Toutefois, l’avocat a admis qu’il était possible de rendre une décision à l’égard des présentes demandes avant que les questions devant la Cour d’appel fédérale n’aient été tranchées. En fait, comme vous le verrez dans les motifs qui suivent, je n’ai rendu aucune décision concernant quelque question que ce soit actuellement devant la Cour d’appel car, à mon avis, il n’est pas nécessaire de le faire pour statuer sur les présentes demandes.

 

[29]           J’ai refusé pour ces motifs d’accorder l’ajournement et l’audience a été poursuivie. Avant de présenter ses excuses, Me Riddell a parlé d’une question en suspens depuis le 21 septembre 2006, soit la requête en vue de radier des parties des mémoires du défendeur. La requête originale a été produite tout juste avant la première date d’audience prévue et, par conséquent, le demandeur a demandé qu’elle soit examinée à l’audience par le juge von Finckenstein. Dans la requête en radiation, on prétend que les déclarations contestées ne sont pas étayées par la preuve dans le dossier, qu’elles se rapportent à une question litigieuse ou controversée dans l’instance, ou qu’elles sont préjudiciables au demandeur. Il va sans dire que l’avocate du défendeur a assuré la Cour qu’elle invoquerait, au cours de ses observations, les éléments de preuve du dossier étayant les déclarations figurant dans ses mémoires.

 

[30]           Il est devenu tout à fait évident qu’une décision formelle à l’égard de chacun des extraits contestés par le demandeur exigerait une bonne partie de la journée et qu’il était improbable qu’elle soit d’une quelconque utilité à ce stade‑ci du litige. Toute déclaration faite par l’avocat, que ce soit dans un mémoire ou dans un exposé oral, doit être étayée par la preuve au dossier. En conséquence, cette question a été résolue durant l’audience après que je me sois engagé envers l’avocat et les parties à n’accorder aucun poids aux observations de l’une ou l’autre des parties fondées sur des faits ne figurant pas au dossier.

Analyse

L’enquêteuse a‑t‑elle omis d’effectuer une enquête rigoureuse et objective?

[31]           M. McFadyen prétend que la Commission a manqué à son obligation d’équité procédurale en se fondant sur les rapports de l’enquêteuse, lesquels n’étaient ni rigoureux ni objectifs. Il a soulevé sur ce point cinq allégations démontrant, selon lui, que l’enquêteuse n’a pas mené une enquête rigoureuse ainsi qu’une allégation d’impartialité qui sera examinée plus loin.

 

[32]           Premièrement, le demandeur prétend que l’enquête n’était pas rigoureuse, étant donné que l’enquêteuse n’a pas enquêté sur les faits concernant son statut de résidence en Ontario. Les rapports de l’enquêteuse sont datés du 8 mai 2003. Au paragraphe 34 de son nouveau mémoire des arguments modifié, le demandeur prétend qu’après avoir, le 6 mars 2006, accueilli son opposition et confirmé qu’il n’était pas résident de l’Ontario à l’époque visée, l’ARC a [traduction] « implicitement admis » que de nombreux paragraphes étaient inexacts dans les rapports de l’enquêteuse. Certes, comme le souligne le demandeur, il a avisé l’enquêteuse qu’il avait déposé une opposition concernant sa nouvelle cotisation de 2003 en tant que résident de l’Ontario, mais la décision concernant cette opposition n’a été rendue que presque trois ans après que l’enquêteuse ait terminé ses rapports et plus de deux ans après les décisions faisant l’objet du contrôle.

 

[33]           À mon avis, on ne peut soutenir que l’enquêteuse n’a pas suffisamment fait preuve de rigueur lorsque les faits qu’on souligne n’étaient pas connus ou existants au moment de l’enquête. M. McFadyen prétend que l’enquêteuse a commis une erreur en omettant d’enquêter sur l’ARC concernant son opposition et qu’elle a accepté d’emblée la thèse de l’ARC. Cette prétention soulève deux problèmes. Premièrement, il n’est pas évident que l’enquête qui aurait dû être faite, selon lui, aurait donné lieu à une conclusion différente. La question de la résidence en Ontario relève, comme le reconnaît M. McFadyen, des autorités de l’Ontario et non de l’ARC. Deuxièmement, la Cour de l’impôt est parvenue à une conclusion, qui a été maintenue par la Cour d’appel fédérale, selon laquelle M. McFadyen a fait l’objet d’une cotisation parce qu’il était résident de fait du Canada, non parce qu’il était considéré comme un résident en vertu de l’alinéa 250(1)e) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Bien que M. McFadyen ait contesté cette conclusion dans son opposition à la nouvelle cotisation de 2006, et que la question soit actuellement devant la Cour d’appel fédérale, la preuve qui était devant l’enquêteuse en 2003 ne peut être modifiée rétroactivement. Elle a fait ses rapports selon les faits dont elle pouvait disposer. On ne peut lui tenir rigueur d’avoir agi ainsi.

 

[34]           Deuxièmement, le demandeur prétend que l’enquête n’était pas rigoureuse, étant donné que l’enquêteuse a omis de divulguer des éléments de preuve de première importance et d’en faire rapport. Plus particulièrement, il fait valoir que l’enquêteuse détenait la preuve que son état matrimonial a été pris en considération lors de l’établissement de sa cotisation de 1996, mais cela n’a pas été reflété dans ses rapports. Des précisions concernant l’élément de preuve qui aurait été omis figurent aux paragraphes 41 à 45 de son nouveau mémoire des arguments modifié.

 

[35]           Le défendeur prétend que le rapport de l’enquêteuse sur la plainte formulée à l’égard de l’ARC démontre que l’état matrimonial a été pris en considération et il fait référence aux paragraphes 42 à 45 dudit rapport et au résumé de la preuve d’Eliza Erskine, agente principale des décisions. Plus particulièrement, le défendeur renvoie à l’extrait suivant du paragraphe 42 : [traduction] « ... [L]e problème est le lien avec le Canada. Par exemple, l’endroit où se trouvent votre maison, votre conjoint, les personnes à votre charge, votre famille, vos relations sociales, et la province d’où relèvent vos documents issus d’une administration provinciale (p. ex., le permis de conduire) et votre protection en matière de santé, etc. sont des indices de l’endroit où vous êtes établi aux fins de l’impôt. » L’avocat prétend que, contrairement aux observations faites par M. McFadyen, l’ARC n’a pas nié que l’état matrimonial d’une personne ou l’endroit où se trouve son conjoint peuvent être des facteurs pertinents pour établir la résidence. En outre, le défendeur allègue que le rapport sur la plainte formulée à l’égard de l’ARC démontre clairement que l’état matrimonial est un facteur qui a été pris en considération par l’ARC, mais que le simple fait qu’elle l’ait pris en considération ne signifie pas pour autant qu’il y a eu violation de la Loi. Les extraits des paragraphes 71 à 74 du rapport sur la plainte formulée à l’égard de l’ARC appuient les observations du défendeur et constituent, à mon avis, une réponse pleine et entière aux observations faites par M. McFadyen :

[traduction]

71.        La question est de savoir si une nouvelle cotisation a été établie à l’égard des déclarations de revenus du plaignant et s’il a été considéré comme un « résident habituel » du Canada et « résident de fait » de l’Ontario parce qu’il était marié, expressément, à une employée du gouvernement mutée à l’étranger.

 

72.        La preuve démontre qu’une nouvelle cotisation a été établie à l’égard du plaignant, parce que de nombreux facteurs indiquaient qu’il avait des liens sociaux, personnels, économiques et financiers important avec le Canada; il était de ce fait résident de fait du Canada et tenu de payer des impôts sur le revenu au Canada, non au Japon. La preuve démontre également que le défendeur a tenu compte de l’état matrimonial du plaignant, c.‑à‑d. conjoint d’une fonctionnaire, comme étant un lien avec le Canada permettant d’établir que le plaignant était résident canadien aux fins de l’impôt.

 

73.        Dans les arrêts Thomson c. M.N.R. et Beament c. M.N.R., la Cour suprême du Canada a déclaré que l’état matrimonial est l’un des facteurs qui permet de déterminer si le contribuable est résident aux fins de l’impôt. Cela est attribuable au fait que l’état matrimonial est un des indices de liens sociaux avec le Canada permettant d’établir la résidence aux fins de l’impôt. En vertu de la common law, si le plaignant avait rompu tous ses liens avec le Canada, sa cotisation aurait été établie à titre de non-résident malgré son état matrimonial; ou encore si le plaignant avait conservé tous ses liens avec le Canada et qu’il n’avait pas été marié, sa cotisation aurait été établie à titre de résident de fait du Canada.

 

74.        Bien que le défendeur n’ait pas fourni de données comparatives sur la façon dont il traite les particuliers non mariés, ou les particuliers non mariés à des fonctionnaires, le preuve fournie n’indique pas que le plaignant a été traité d’une manière différente et défavorable, simplement parce que son état matrimonial, en tant que conjoint d’une fonctionnaire, est considéré par la common law comme un des facteurs permettant d’établir le statut de résident. Comme il a été indiqué au paragraphe 66 ci‑dessus, le Tribunal a déclaré dans Menghani et Naqvi qu’invoquer certains facteurs, notamment des motifs de distinction illicites selon la CCDP (tel l’état matrimonial) dans un cas qui s’y prête et lorsque la cotisation a été adéquatement établie, peut être une considération pertinente et ne pas constituer une discrimination en vertu de la CCDP.           

 

[36]           Troisièmement, le demandeur fait valoir que l’enquête n’était pas rigoureuse, étant donné que l’enquêteuse a omis d’obtenir des données comparatives de l’ARC. Le 17 février 2001, l’enquêteuse a écrit à l’ARC pour lui demander ce qui suit : [traduction ] « Veuillez fournir une analyse comparative entre le P et les autres ERP non mariés à des employés du gouvernement canadien (supprimer les noms, ne fournir que les données). » Cela fournirait sans doute la preuve relativement à la question de savoir si la situation fiscale du demandeur différait de celle des employés recrutés sur place qui n’étaient pas mariés à des employés du gouvernement canadien. L’ARC a répondu à cette demande dans un courriel daté du 3 mars 2003 libellé comme suit :

[traduction] Après qu’elle se soit penchée sur la question et qu’elle en ait discuté avec d’autres, elle [Mme Kenny] a confirmé que l’ADRC ne considérait pas qu’il était alors faisable de vérifier la façon dont la cotisation des autres employés de l’ambassade était établie. Selon le MAECI, il serait possible d’obtenir une liste de Canadiens employés dans diverses ambassades à l’étranger et d’examiner ensuite leurs dossiers antérieurs remontant à une ou plusieurs années. Toutefois, elle a indiqué que cela pourrait prendre plusieurs semaines de recherches à temps plein. Par ailleurs, étant donné le délai, il est possible que les dossiers originaux ne soient pas accessibles, même si des renseignements pertinents ont sans doute été conservés sous forme électronique ou autre.

 

Étant donné les ressources auxquelles il faudrait faire appel pour examiner le traitement des autres contribuables, l’ADRC considère qu’en ne produisant pas cette quantité limitée de renseignements elle pourra terminer l’enquête concernant ce dossier dans un court délai, comme vous le désirez. J’ose espérer que vous êtes en mesure de continuer l’examen des plaintes.

 

L’enquêteuse résume cette réponse au paragraphe 26 du rapport sur la plainte formulée à l’égard de l’ARC et écrit ensuite : [traduction] « Le défendeur n’ayant pas fourni les données comparatives, nous avons dû pousser l’enquête plus loin. »

 

[37]           Le défendeur prétend qu’une distinction peut être établie entre la présente situation et la décision Charlebois c. Canada (Commission des droits de la personne), non publiée, 17 septembre 1998, dossier de la Cour T‑2314‑96, invoquée par le demandeur. Dans Charlebois, le plaignant a affirmé qu’il croyait que son congédiement était attribuable à une cause inexprimée sous-jacente L’enquêteuse avait initialement demandé à l’employeur ce que la Cour considérait être des questions pertinentes à cet égard, mais plutôt que d’attendre la réponse, elle a mené son enquête à terme et terminé son rapport. Le juge Campbell avait conclu que l’enquête n’avait pas été rigoureuse pour ce motif.

 

[38]           Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que Charlebois se distingue de la présente espèce. En l’espèce, l’enquêteuse n’a pas obtenu de réponse de la part de l’ARC concernant sa demande de données comparatives et elle avait déclaré qu’il n’était pas considéré alors faisable de fournir des données. Plus important encore, à mon avis, les données demandées en l’espèce n’étaient pas indispensables au point que l’enquêteuse ne puisse pas trancher la question qu’elle était tenue de trancher, tandis que dans Charlebois, les renseignements requis semblaient être à l’origine de la plainte. En conséquence, je conclus que l’enquêteuse n’a commis aucune erreur dans sa façon de procéder.

 

[39]           Quatrièmement, le demandeur prétend que l’enquête n’était pas rigoureuse, puisque que l’enquêteuse a omis d’enquêter et donc de se prononcer sur des aspects de ses plaintes, à savoir, l’allégation selon laquelle il avait fait l’objet d’une discrimination fondée sur la nationalité et le sexe, et qu’elle avait omis d’enquêter et d’interroger l’ARC sur l’objet de la Loi sur la Convention Canada-Japon en matière d’impôts sur le revenu  et de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques.

 

[40]           Dans son rapport sur la plainte formulée à l’égard de l’ARC, l’enquêteuse écrit ce qui suit :

[traduction]

68.        Le plaignant englobe plusieurs motifs dans sa plainte, à savoir la nationalité, le sexe et l’orientation sexuelle.

 

69.        Un examen des détails contenus dans sa plainte montre que seul le motif fondé sur son état matrimonial est lié à sa plainte au regard des droits de la personne. En conséquence, il n’y a pas eu enquête à l’égard des autres motifs.

 

70.        La plainte comprend également les motifs suivants : « citoyenneté », « habitant antérieurement au Canada » et « statut social ». Ce ne sont pas des motifs interdits en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP). Par conséquent, il n’y a pas eu d’enquête également à leur égard, car la Commission n’a pas compétence pour examiner ces motifs.

 

On est parvenu à une conclusion semblable dans le rapport sur la plainte formulée à l’égard du ministère des Finances.

 

[41]           Le défendeur soutient que, lorsqu’on effectue une lecture objective des plaintes en matière des droits de la personne produites par le demandeur, la conclusion de l’enquêteuse voulant que seul le motif de l’état matrimonial soit lié à ses plaintes est raisonnable.

 

[42]           Dans son exposé oral, M. McFadyen a soutenu que la plainte de discrimination fondée sur le sexe concernait son allégation selon laquelle l’ARC était engagée dans une discrimination généralisée à l’égard des femmes, étant donné que la plupart des conjoints qui se trouvaient dans la même situation que lui étaient des femmes. M. McFadyen ne fait pas partie du groupe qui, selon ses affirmations, font l’objet d’une discrimination généralisée. À mon avis, il n’est pas déraisonnable de la part de l’enquêteuse ou de la Commission de refuser d’enquêter sur une allégation de discrimination généralisée à l’égard d’une catégorie de personnes, formulée par une personne qui n’appartient pas personnellement à cette catégorie, sauf s’il est prouvé que les membres de cette catégorie sont incapables de formuler leur propre plainte. 

 

[43]           Je conclus également qu’il n’était pas déraisonnable de la part de l’enquêteuse de conclure que la nationalité n’était applicable à la plainte. Je ne vois rien qui appuie l’argument voulant que le traitement fiscal de M. McFadyen tenait à sa nationalité. Il a été imposé au Canada parce qu’il a été établi qu’il était résident habituel du Canada. Sa nationalité n’a joué aucun rôle dans cette décision et aucun n’a été proposé. Ceux qui doivent payer des impôts au Canada viennent de nombreux pays et sont de nationalités diverses. Rien dans le dossier ni dans la plainte ne justifie que l’on examine si le traitement fiscal de M. McFadyen était fondé sur sa nationalité. Le simple fait de soulever un motif de discrimination ne signifie pas nécessairement que l’allégation est fondée.

 

[44]           Quant à l’argument voulant que l’enquêteuse ait omis d’interroger l’ARC concernant le traité fiscal Canada-Japon ou la Convention de Vienne, il n’est tout simplement pas étayée par la preuve. Les pages 491 à 504 du dossier supplémentaire du demandeur, vol. 2 sur 4, sont un compte rendu de l’entretien de l’enquêteuse avec Eliza Erskine, agente principale des décisions, et elles montrent que l’enquêteuse l’a interrogée sur les deux sujets.

 

[45]           Cinquièmement, le demandeur prétend que l’enquête n’était pas rigoureuse, puisque l’enquêteuse a omis d’interroger [traduction] « bon nombre de décideurs liés de façon cruciale » à l’ARC. Cette prétention ne peut être soutenue. Premièrement, je constate que l’enquêteuse a interrogé les décideurs les plus importants de l’ARC, à savoir Mmes McGetchie et McKenny, et qu’elle a eu, en outre, un entretien avec Mme Erskine qui était agente principale des décisions à l’ARC. Le juge Nadon, qui siégeait alors à la Cour fédérale — Section de première instance, avait fait remarquer, au par. 69 de la décision Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 574, que le fait que l’enquêteuse n’interroge pas toutes les personnes que le demandeur a proposé comme témoins ne rend pas nécessairement le rapport invalide. L’enquêteuse est maître de sa propre procédure. Les enquêteurs possèdent de l’expérience et des connaissances dans ce domaine, et il faut leur accorder beaucoup de latitude dans la façon de mener leurs enquêtes. Lorsque, comme en l’espèce, des témoins clés sont interrogés, la Cour doit faire preuve de retenue à l’égard d’une conclusion portant que l’enquête est entachée d’un vice parce que les autres témoins n’ont pas été interrogés, sauf s’il est prouvé de façon claire et convaincante que ceux qui n’ont pas été interrogés détenaient des éléments de preuve cruciaux. Il n’y a aucune preuve de cette nature en l’espèce, et je conclus que la décision de l’enquêteuse d’interroger certaines personnes plutôt que d’autres était raisonnable.

 

Existe‑t‑il une crainte raisonnable de partialité?

[46]           Le demandeur prétend que la décision de la Commission devrait être annulée pour le motif qu’il existe une crainte raisonnable de partialité de sa part. La preuve sur laquelle il se fonde est le refus de la Commission d’examiner ses préoccupations concernant les erreurs et les omissions dans les rapports de l’enquêteuse, et une possible partialité de la part l’enquêteuse. Il s’appuie, en grande partie, sur l’extrait suivant qui décrit un entretien téléphonique qu’un représentant de la Commission a eu avec lui. Il est reproduit à la page 516 du dossier supplémentaire du demandeur, vol. 2 sur 4 : [traduction] « J’ai expliqué au plaignant que pendant qu’elle se préparait à le rencontrer, Mme Helgason avait voulu l’informer à l’avance qu’elle n’étant pas prête à modifier le rapport d’enquête et que la procédure qu’il devait suivre alors consistait à rédiger des observations écrites. » Le demandeur affirme que cet extrait démontre l’étroitesse d’esprit de la Commission et, par conséquent, sa partialité.

 

[47]           Le défendeur soutient, à juste raison, que le critère est celui de savoir si, en fait, on s’est tellement écarté de la norme de l’ouverture d’esprit qu’on pourrait avec raison affirmer qu’il y a eu préjugement de la question portée devant la Commission : voir Zündel c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. no 964, 175 D.L.R. (4th) 512. Je suis convaincu que la Commission n’a pas préjugé de la question et qu’elle n’a pas, par conséquent, fait preuve de partialité. Il ressort de l’intégralité du résumé écrit de l’entretien téléphonique que la Commission était prête à entendre ou à lire ce que M. McFadyen avait à dire et qu’elle aurait poussé l’enquête plus à fond si elle avait cru qu’il était justifié de le faire. Elle n’était pas prête à cependant modifier les rapports. S’il avait été justifié de pousser l’enquête plus à fond, des addenda ou d’autres rapports auraient sans doute été soumis à l’examen de la Commission en plus des observations écrites des deux parties concernant les rapports. La Commission n’avait alors déterminé quelle décision elle rendrait concernant les rapports et les observations des parties. Il n’y a donc pas eu préjugement.

 

[48]           M. McFadyen soutient également qu’il y avait une crainte raisonnable de partialité de la part de l’enquêteuse étant donné qu’elle a accepté les déclarations de l’ARC à première vue, qu’elle n’a pas cherché à faire confirmer ces déclarations, qu’elle a retenu les services d’un représentant de l’ARC comme expert et qu’elle a refusé que l’expert du demandeur étudie le rapport, qu’elle a refusé d’intervenir de quelque façon que ce soit après que le demandeur ait relevé des lacunes dans ses rapports.

 

[49]           Je conclus qu’aucune de ces allégations n’est étayée par la preuve et que, par conséquent, on ne peut conclure à la partialité telle qu’elle est décrite dans Zündel, précité. L’enquêteuse a effectué un examen détaillé et complet des principaux fondements sur lesquelles reposaient les plaintes du demandeur. Elle expose les preuves qu’elle a obtenues tant du demandeur que du défendeur. Une grande latitude lui est accordé quant à la manière de mener son enquête. Il n’y a rien dans ses rapports ou dans ses actes qui donnent à penser qu’elle a favorisé une partie plus qu’une autre. Elle a refusé l’expert proposé par l’une et l’autre des parties, mais elle a indiqué que, s’il fallait recourir à un expert, la Commission s’adresserait au sien plutôt que de se fier à l’expert proposé par l’une ou l’autre des parties. Bref, ses interventions ont été faites de façon impartiale et appropriée.

 

La Commission a‑t‑elle tiré des conclusions de fait manifestement déraisonnables?

[50]           Le demandeur prétend que la Commission a, en acceptant les rapports de l’enquêteuse, tiré des conclusions de fait manifestement déraisonnables. Il soutient qu’il y a une contradiction évidente entre les conclusions de l’enquêteuse voulant que le défendeur ait fondé sa décision sur son état matrimonial et la conclusion de la Commission voulant qu’il ne l’ait pas fait. Les extraits qu’il estime contradictoires sont les suivants :

[traduction] La preuve indique également que le défendeur a utilisé l’état matrimonial du plaignant, c.‑à‑d. conjoint d’une fonctionnaire, comme lien avec le Canada pour établir qu’il était résident canadien aux fins de l’impôt.

 

et

 

La preuve n’étaye pas l’allégation du plaignant voulant que le défendeur ait établi une nouvelle cotisation relativement à ses déclarations de revenus en raison de son état matrimonial (conjoint d’une fonctionnaire du gouvernement canadien). La preuve indique que le défendeur a établi une nouvelle cotisation relativement aux déclarations de revenus du plaignant en tant que résident de fait du Canada parce qu’il avait des liens importants avec le Canada qu’il n’avait pas rompus alors qu’il travaillait et vivait à l’étranger avec le Canada.

 

 

[51]           La prétention du demandeur selon laquelle ces extraits soient contradictoires est sans fondement. Il y a une différence importante entre dire, comme l’enquêteuse l’a fait, que l’état matrimonial est un facteur qui a été pris en considération pour établir les liens du demandeur avec le Canada et dire, comme la Commission l’a fait, que son impôt sur le revenu n’a pas donné lieu à l’établissement d’une nouvelle cotisation en raison de son état matrimonial.

 

La Commission a‑t‑elle omis de préciser le critère juridique qu’elle a appliqué?

[52]           Le demandeur prétend que le dossier n’indique pas clairement quel critère a été employé par la Commission pour conclure que l’état matrimonial n’a pas été utilisé pour établir sa situation fiscale. Encore une fois, à mon avis, cette observation est fondée sur une compréhension erronée de la décision de la Commission. Les rapports de l’enquêteuse indiquent, comme l’a admis l’ARC, que l’état matrimonial est un des facteurs qui peut être pris en considération pour déterminer si un contribuable est un résident habituel du Canada – ce facteur à lui seul ne permet pas nécessairement de conclure qu’il y a eu conduite discriminatoire. En l’espèce, la Commission a jugé que l’alinéa 250(1)e) de la Loi de l’impôt sur le revenu n’a pas été appliqué à M. McFadyen, de sorte qu’il n’a pas été jugé résident uniquement en raison de son mariage avec une employée du gouvernement travaillant à l’étranger. Par conséquent, il n’a pas été possible de conclure qu’il existait une preuve prima facie de discrimination, comme l’a affirmé M. McFadyen. Je conclus, à la lecture du rapport et des décisions de la Commission qu’elle était persuadée que rien ne prouvait que le traitement fiscal de M. McFadyen ait été discriminatoire à son égard en raison de son état matrimonial. On est parvenu ainsi, à mon avis, à une conclusion raisonnable fondée sur l’ensemble de la preuve.

 

Conclusion

[53]           Les présentes demandes doivent être rejetées. Ni la Commission ni l’enquêteuse n’ont manqué à leur obligation d’équité procédurale, et la décision de la Commission de rejeter les plaintes du demandeur était raisonnable, compte tenu de la preuve dont elle était saisie.

 

[54]           Le défendeur demande les dépens dans les présentes espèces, et je ne vois pas pourquoi ils ne lui seraient pas accordés. Toutefois, bien que le défendeur ait droit à ses débours dans chaque demande, la majeure partie du travail juridique a servi dans les deux dossiers, p. ex., les mémoires ont été faits en double, etc. En conséquence, le défendeur aura droit à ses dépens pour le dossier de la Cour nT‑77‑04, mais pour le dossier de la Cour no T‑123‑04, il aura droit à ses dépens que pour le travail juridique exécuté uniquement pour cette demande. De cette façon, les dépens ne seront pas injustement adjugés au défendeur, en ce qui concerne la deuxième demande, pour du travail effectué dans la première et qui a été largement reproduit dans la deuxième demande.

 

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que :

  1. la requête demandait l’ajournement de l’audience soit rejetée ;
  2. la demande de contrôle judiciaire soit rejetée;
  3. le défendeur ait droit à ses dépens conformément aux présents motifs.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Danielle Benoît

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                        T-77-04

 

INTITULÉ :                                                       NEIL MCFADYEN c.

                                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

DOSSIER :                                                        T-123-04

 

INTITULÉ :                                                       NEIL MCFADYEN c.

                                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                               Le 16 décembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                             LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                                     Le 13 février 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Alan Riddell

 

 

 

Neil McFadyen

 

POUR LE DEMANDEUR

(T-77-04 / Doc. no 90 du dossier de la requête)

(T-123-04 / Doc. no 75 du dossier de la requête)

 

DEMANDEUR

Pour son propre compte

 

Tatiana Sandler

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

SOLOWAY WRIGHT, s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

 

POUR LE DEMANDEUR

(T-77-04 / Doc. no 90 du dossier de la requête)

(T-123-04 / Doc. no 75 du dossier de la requête)

 

JOHN SIMS, c.r.

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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