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Date : 20090213

Dossier : IMM-2293-08

Référence : 2009 CF 158

Ottawa (Ontario), le 13 février 2009

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

PRITAM SINGH

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), visant une décision rendue le 25 avril 2008 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) et dans laquelle la Commission a conclu que Pritam Singh (le demandeur) n’était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

 

 

Question en litige

[2]               La présente demande soulève la question suivante : La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur disposait d’une possibilité de refuge intérieur?

 

[3]               La demande de contrôle judiciaire sera rejetée pour les motifs suivants.

 

Faits

[4]               Le demandeur est un citoyen indien analphabète qui a vécu avec sa famille dans le village de Mothanwala jusqu’en juin 2005.

 

[5]               Le neveu du demandeur, Kulbagh Singh, était un prêtre dans un temple sikh qui avait déjà éprouvé des problèmes avec la police parce qu’elle le soupçonnait d’héberger des militants. Après avoir été torturé par les autorités, le neveu du demandeur a vécu caché. Des policiers se rendaient souvent à la ferme du demandeur pour obtenir des renseignements sur son neveu.

 

[6]               Le 6 juin 2005, son neveu et deux de ses collègues auraient forcé le demandeur à les loger. Deux heures plus tard, la police a encerclé la ferme et les trois hommes ont déguerpi à travers les champs de cannes à sucre en échangeant des coups de feu avec la police. L’un des hommes et le demandeur ont été appréhendés.

 

[7]               Le demandeur a été détenu et torturé pendant trois jours. Il a été libéré après l’intervention du sarpanch et le paiement d’un pot-de-vin. Il a été photographié, la police a pris ses empreintes digitales et on a exigé qu’il signe quelques documents. On a aussi exigé qu’il se présente au commissariat de police mensuellement.

 

[8]               Le demandeur s’est présenté au commissariat de police en août 2005 et on lui a dit que deux militants avaient informé la police qu’un sac de munitions avait été caché sur sa propriété. Il a été violemment battu, mais il a finalement été libéré.

 

[9]               Il s’est alors enfui au Canada après que le neveu de sa femme lui eut offert un hébergement temporaire.

 

[10]           Il a comparu devant la Commission pour la première fois le 23 juin 2006.

 

[11]           Le 19 décembre 2007, la Commission a tenu une nouvelle audience. La veille de l’audience, le commissaire a reçu une lettre du Dr Ouimet. Le document faisait référence à l’examen qu’avait subi le demandeur le 14 décembre 2007.

 

[12]           À l’audience, le commissaire a demandé au demandeur s’il comprenait le but et les implications de l’audience, et lui a demandé comment il se sentait. Le commissaire a aussi parlé au conseil du demandeur pour clarifier l’objet de la lettre. L’audience s’est ensuite poursuivie.

 

Décision de la Commission

[13]           La Commission a conclu que le demandeur avait une possibilité de refuge intérieur (une PRI) dans plusieurs villes en Inde et a rejeté sa demande. 

 

[14]           La Commission a conclu que le demandeur ne correspondait pas au profil d’un militant, qu’aucun mandat n’avait été déposé contre lui et qu’il n’avait pas comparu devant un juge.

 

[15]           Bien que le demandeur ait témoigné qu’il ne parlait pas la langue des villes proposées, la Commission a noté que, selon la jurisprudence, cela ne signifiait pas qu’il n’y avait pas une possibilité de refuge intérieur pour le demandeur (Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 164 (C.A.). La Commission a cité des extraits du cartable national de documentation sur l’Inde en date du 30 mai 2007, IND100771.EFX, à l’onglet 14.4, pour appuyer sa conclusion.

 

Norme de contrôle

[16]           Avant l’arrêt de la Cour suprême du Canada Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la norme de contrôle applicable quant à la question d’une PRI était la décision manifestement déraisonnable (Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 44, 136 A.C.W.S. (3d) 912, et Chorny c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 999, 238 F.T.R. 289).

 

[17]           Depuis l’arrêt Dunsmuir, la décision rendue sur une PRI est susceptible de contrôle selon la nouvelle norme de la décision raisonnable. Par conséquent, la Cour n’interviendra que si la décision n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). Pour qu’une décision soit raisonnable, il doit y avoir justification de la décision, transparence et intelligibilité du processus décisionnel.

 

Analyse

[18]           Après avoir lu les observations écrites des parties, analysé et pris en considération leurs arguments présentés oralement et la jurisprudence citée, je suis d’avis que la conclusion de la Commission est raisonnable dans les circonstances en l’espèce. Le demandeur n’a présenté aucune preuve qui montre le caractère inadéquat de la PRI mentionnée.

 

[19]           Dans l’arrêt Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.), la Cour d’appel a fixé la barre très haute comme elle l’explique au paragraphe 15 de l’arrêt Ranganathan, précité :

[…] Il ne faut rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr. De plus, il faut une preuve réelle et concrète de l’existence de telles conditions. L’absence de parents à l’endroit sûr, prise en soi ou conjointement avec d’autres facteurs, ne peut correspondre à une telle condition que si cette absence a pour conséquence que la vie ou la sécurité du revendicateur est mise en cause […]

 

[20]           L’ensemble des moyens qu’a invoqués le demandeur pour montrer pourquoi la PRI ne constitue pas une solution raisonnable pour lui (la langue, l’absence de membres de la famille dans la PRI, etc.) n’établit pas que la vie ou la sécurité du demandeur seraient donc mises en péril. Les facteurs énumérés par le demandeur ont peu de poids puisqu’ils ne répondent pas à la condition susmentionnée.

 

[21]           À mon d’avis, le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau qu’il avait de prouver que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en concluant qu’il disposait d’une PRI.

 

[22]           La lettre qu’a soumise le Dr Ouimet ne permet pas d’établir que la PRI ne constituait pas une solution raisonnable. Cette lettre n’est pas un avis médical. La Commission et le conseil du demandeur ont examiné la lettre, et tous deux étaient d’avis que l’audience devait se poursuivre (dossier du tribunal, aux pages 438 à 445). L’intervention de la Cour n’est pas justifiée.

 

[23]           Les parties n’ont pas proposé de questions à certifier et la présente affaire n’en soulève aucune.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2293-08

 

INTITULÉ :                                       PRITAM SINGH

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 11 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 13 février 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Annick Legault                                                                         POUR LE DEMANDEUR

                                                                                               

 

Tony Abi Nasr                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Alexandre Tavadian

 

                                                                                               

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Annick Legault                                                                         POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

                                                                                               

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR       

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

 

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