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Date : 20090212

Dossier : T-338-08

Référence : 2009 CF 147

Ottawa (Ontario), le 12 février 2009

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

ENTRE :

ROBERT GAGNON

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Robert Gagnon s’est enrôlé dans les Forces canadiennes en 1999. En 2005, il a demandé des prestations d’invalidité en vertu de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6, affirmant qu’il s’était blessé au dos pendant son service militaire. Le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) lui a accordé les deux cinquièmes d’une pension, mais a refusé d’accorder les trois cinquièmes restants sur le fondement que ses blessures étaient en partie héréditaires et en partie causées lors d’activités non militaires. M. Gagnon a soutenu que le Tribunal avait commis une erreur en ne lui accordant pas une pleine pension et me demande d’ordonner au Tribunal de réexaminer sa demande.

 

[2]               Je ne peux trouver de fondement pour infirmer la décision du Tribunal. Je dois donc rejeter la demande de contrôle judiciaire.

 

[3]               M. Gagnon a soulevé trois questions principales :

1.                  L’avocat qui le représentait devant le Tribunal était incompétent.

2.                  Il y a de nouveaux éléments de preuve à l’appui de sa demande.

3.                  La conclusion du Tribunal selon laquelle ses blessures n’étaient pas entièrement liées à son service militaire était déraisonnable.

 

I. Faits

[4]               M. Gagnon s’est engagé dans les Forces canadiennes en 1999. On a alors noté qu’il avait subi des blessures au dos en jouant au hockey à l’adolescence, blessures pour lesquelles il avait reçu des traitements. M. Gagnon est tout de même resté un joueur de hockey actif. Cependant, en 2002, il a subi une autre blessure au dos en jouant dans l’équipe de hockey des Forces canadiennes. Il s’est aussi blessé au dos au travail en 2005 alors qu’il chargeait des moniteurs d’ordinateur sur un navire.

 

[5]               En 2005, on a établi un diagnostic selon lequel M. Gagnon souffrait d’une discopathie dégénérative et d’une hernie discale. Il a subi une opération au dos (une discectomie) en 2005. Il souffre encore de douleurs au dos et il éprouve aussi une certaine perte de sensibilité et de mobilité.

 

[6]               Le Tribunal a tenu compte non seulement des blessures de M. Gagnon liées à son service militaire, mais aussi d’autres sources de ses problèmes de dos, comme ses blessures précédentes au hockey, un accident de motocyclette, deux accidents de voiture, une blessure causée en soulevant une embarcation et des antécédents familiaux de lombalgie. En analysant les circonstances dans leur ensemble, le Tribunal a conclu que M. Gagnon avait droit aux deux cinquièmes d’une pension.

 

II. Analyse

 

1. L’avocat qui représentait M. Gagnon était-il incompétent?

 

[7]               M. Gagnon soutient que l’avocat (nommé par le Tribunal) ne l’a pas averti qu’une lettre de son médecin de famille n’était pas suffisante pour prouver l’absence d’antécédents familiaux de problèmes de dos. Le Tribunal a conclu que la lettre n’était pas un [traduction] « avis médical crédible ».

 

[8]               La décision du Tribunal détaille les diverses observations présentées par l’avocat de M. Gagnon. L’avocat a clairement présenté tous les arguments en faveur de M. Gagnon. Rien dans le dossier n’indique qu’il était incompétent.

 

2. Les nouveaux éléments de preuve appuient-ils la demande de M. Gagnon?

 

[9]               Lors d’un contrôle judiciaire, la Cour ne tient habituellement compte que de la preuve dont disposait le Tribunal. Son rôle consiste à déterminer si le Tribunal a commis une erreur « compte tenu de l’ensemble de la preuve dont [il] disposait » (Kaminski c. Canada (Ministre du Développement social), [2008] A.C.F. nº 1010, au paragraphe 10).

 

[10]           Rien ne permet de tenir compte des nouveaux éléments de preuve qu’a recueillis M. Gagnon et je ne peux donc pas en tenir compte pour déterminer si le Tribunal a commis une erreur.

 

3. La conclusion du Tribunal selon laquelle les blessures de M. Gagnon n’étaient pas entièrement liées à son service militaire était-elle déraisonnable?

 

[11]           M. Gagnon cite un certain nombre de cas où le Tribunal a, selon lui, mal interprété ou omis de prendre en considération des éléments de preuve lui étant favorables.

 

[12]           Premièrement, M. Gagnon soutient que le Tribunal a mal interprété un avis fourni par le Dr Garth Johnson qui affirmait : [traduction] « Il a clairement des antécédents familiaux de problèmes de colonne vertébrale chez sa mère et son cousin; il n’a toutefois pas précisément d’antécédents familiaux de spondylarthrite. » M. Gagnon affirme que le Tribunal aurait dû se rendre compte que cette déclaration ne pouvait pas être utilisée pour appuyer une conclusion selon laquelle ses problèmes de dos étaient héréditaires, puisque la spondylarthrite est héréditaire en soi. Autrement dit, selon les observations de M. Gagnon, l’avis du Dr Johnson est ambigu.

 

[13]           Deuxièmement, M. Gagnon soutient que le Tribunal n’aurait pas dû se fonder sur l’avis d’un chiropraticien (le Dr G. Mcbride) qui a noté qu’ [traduction] « il y a beaucoup de problèmes de lombalgie du côté maternel, ce qui est important puisque […] les personnes ayant des antécédents familiaux de lombalgie ont généralement une incidence de lombalgie cinq fois plus élevée que l’ensemble de la population ».

 

[14]           Troisièmement, M. Gagnon affirme que le Tribunal n’a pas accordé suffisamment d’importance aux déclarations de M. Richard Riley, de Mme Jennifer Lapointe et du Dr Janna, qui ont confirmé son récit selon lequel il s’était blessé en déplaçant des moniteurs d’ordinateur.

 

[15]           Quatrièmement, M. Gagnon soutient que le Tribunal n’a pas respecté ses obligations de tirer « les conclusions les plus favorables possible » au demandeur, d’accepter « tout élément de preuve non contredit que lui présente » le demandeur et de trancher en sa faveur toute incertitude, obligations prévues aux alinéas 39a), b) et c) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18.

 

[16]           Les trois premiers arguments de M. Gagnon concernent en fait l’importance que le Tribunal aurait dû accorder à certains éléments de preuve. La question de l’importance accordée à la preuve relève entièrement du pouvoir discrétionnaire du Tribunal, sous réserve des obligations que lui impose la loi, ce qui fait l’objet du quatrième argument de M. Gagnon.

 

[17]           Le Tribunal disposait d’éléments de preuve contradictoires sur la question des antécédents familiaux de problèmes de dos. Il a résolu cette contradiction en préférant les avis des Drs Johnson et McBride à l’avis du médecin de famille de M. Gagnon, le Dr Lagrotteria, comme il avait le droit de le faire. Le Tribunal a bel et bien examiné la preuve confirmant le récit de M. Gagnon selon lequel il s’était blessé en déplaçant des moniteurs d’ordinateur. Cette preuve, en partie, justifiait l’octroi d’une pension partielle. Enfin, à mon sens, le Tribunal a tiré les conclusions les plus favorables possible au demandeur et a tranché toutes les incertitudes en sa faveur. Je ne vois aucun fondement permettant de conclure que le Tribunal ne s’est pas acquitté de ses obligations légales envers lui. En fait, le Tribunal a de façon concomitante l’obligation d’accorder « seule la fraction - calculée en cinquièmes - du degré total d’invalidité qui représente l’aggravation » pendant le service militaire (Loi sur les pensions, précitée, au paragraphe 21(2.1)). C’est ce qu’il a fait en accordant à M. Gagnon les deux cinquièmes d’une pension.

 

III. Conclusion et dispositif

 

[18]           Au vu du dossier, M. Gagnon a eu une possibilité raisonnable de présenter sa preuve au Tribunal. Pour sa part, le Tribunal a tenu compte des éléments de preuve pertinents pour parvenir à sa conclusion. Cette conclusion est raisonnable en ce sens qu’elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

 

[19]           En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucuns dépens ne sont adjugés.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      L’intitulé est modifié pour Robert Gagnon c. Le procureur général du Canada.

 

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-338-08

 

INTITULÉ :                                       ROBERT GAGNON c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 22 septembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge O’Reilly

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 12 février 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert Gagnon

 

LE DEMANDEUR POUR SON

PROPRE COMPTE

 

Claudine Patry

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert Gagnon

 

LE DEMANDEUR POUR SON

PROPRE COMPTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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