Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Date : 20090211

Dossier : T-1102-08

Référence : 2009 CF 132

Ottawa (Ontario), ce 11e jour de février 2009

En présence de l’honorable Orville Frenette

ENTRE :

Kaddour LABIOUI

Fatna DAOUDI

Nour El Houda LABIOUI

Younes LABIOUI

Najlaa LABIOUI

 

Partie demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

Partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit ici d’un appel en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, (la Loi) contre les cinq décisions rendues le 27 mai 2008 par un juge de la Citoyenneté, refusant la demande de citoyenneté canadienne présentée par les demandeurs, au motif que ceux-ci ne rencontraient pas les exigences prévues aux alinéas 5(1)c) et e) de la Loi.

 

Les faits

[2]          Les demandeurs sont citoyens marocains. Le père a un enfant mineur qu’il a inclus dans sa demande et quatre autres enfants majeurs, au jour de la demande de citoyenneté. La famille Labioui est arrivée au Canada le 22 mars 2001.

 

[3]          Le 25 octobre 2004, les demandeurs ont tous déposé une demande de citoyenneté canadienne.

 

[4]          Le 30 janvier 2008, les demandeurs ont été convoqués pour comparaître devant le juge de la Citoyenneté en les avisant que le juge avait besoin de plus de renseignements pour rendre sa décision, ce faisant, évaluer si leur demande répond à toutes les conditions prescrites. Le 13 février 2008, les demandeurs ont comparu à tour de rôle devant le juge.

 

[5]          Les cinq décisions rendues le 27 mai 2008 sont à l’effet que les demandeurs n’ont pas rencontré les exigences de connaissance du Canada tel que prescrit par l’alinéa 5(1)e) de la Loi. Plus précisément, les demandeurs n’ont pas su répondre correctement aux questions 45, 47 et dans un cas 39, 45 et 47.

 

Décisions contestées

[6]          Le juge de la Citoyenneté a conclu, au sein de cinq décisions similaires, que les demandeurs n’ont pas rencontré les exigences de l’alinéa 5(1)e) de la Loi, parce qu’ils ne possèdent pas une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et privilèges attachés à la citoyenneté.

 

 

Point en litige

[7]          Le juge de la Citoyenneté a-t-il erré en concluant que les demandeurs n'avaient pas une connaissance adéquate du Canada et des responsabilités et privilèges de la citoyenneté canadienne?

 

Législation

[8]          L’alinéa 5(1)e) de la Loi se lit ainsi :

     5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

  […]

  e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

 

     5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

  […]

  (e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

 

 

[9]          On trouve un complément d’information à l’article 15 du Règlement sur la citoyenneté, 1993, DORS/93-246 :

  15. Une personne possède une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et privilèges attachés à la citoyenneté si, à l’aide de questions rédigées par le ministre, elle comprend de façon générale, à la fois :

a) le droit de vote aux élections fédérales, provinciales et municipales et le droit de se porter candidat à une charge élective;

b) les formalités liées au recensement électoral et au vote;

c) l’un des sujets suivants, choisi au hasard parmi des questions rédigées par le ministre :

(i) les principales caractéristiques de l’histoire sociale et culturelle du Canada,

(ii) les principales caractéristiques de l’histoire politique du Canada,

 

(iii) les principales caractéristiques de la géographie physique et politique du Canada,

(iv) les responsabilités et privilèges attachés à la citoyenneté autres que ceux visés aux alinéas a) et b).

 

  15. The criteria for determining whether a person has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship are that, based on questions prepared by the Minister, the person has a general understanding of

(a) the right to vote in federal, provincial and municipal elections and the right to run for elected office;

(b) enumerating and voting procedures related to elections; and

(c) one of the following topics, to be included at random in the questions prepared by the Minister, namely,

(i) the chief characteristics of Canadian social and cultural history,

(ii) the chief characteristics of Canadian political history,

(iii) the chief characteristics of Canadian physical and political geography, or

(iv) the responsibilities and privileges of citizenship, other than those referred to in paragraphs (a) and (b).

 

 

Analyse

     A.  Norme de contrôle

[10]      La norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190; Haddad c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2003 CFPI 692; Wang c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 391; Arif c. ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CF 557). Il a été décidé à maintes reprises que l’évaluation faite par le juge de la Citoyenneté était une question de fait qui avait droit à une grande retenue.

 

     B.  La décision est-elle raisonnable?

[11]      Une lecture attentive des motifs qui soutiennent les décisions me porte à conclure que, lors des entrevues du 13 février 2008, le juge de la Citoyenneté a posé

·                15 questions à M. Kaddour Labioui, dont six ont été réussies. Il aurait répondu incorrectement aux questions 39, 45 et 47, des questions identifiées par le juge comme obligatoires afin d’évaluer sa connaissance du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

·                13 questions à Mme Nour El Houda Labioui, dont sept ont été réussies. Elle aurait répondu incorrectement aux questions 45 et 47, des questions identifiées par le juge comme obligatoires afin d’évaluer sa connaissance du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

·                14 questions à Mme Fatna Daoudi, dont cinq ont été réussies. Elle aurait répondu incorrectement aux questions 45 et 47, des questions identifiées par le juge comme obligatoires afin d’évaluer sa connaissance du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

·                13 questions à M. Younes Labioui, dont neuf ont été réussies. Il aurait répondu incorrectement aux questions 45 et 47, des questions identifiées par le juge comme obligatoires afin d’évaluer sa connaissance du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

·                15 questions à Mlle Najlaa Labioui, dont six ont été réussies. Elle aurait répondu incorrectement aux questions 45 et 47, des questions identifiées par le juge comme obligatoires afin d’évaluer sa connaissance du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté.

 

 

 

[12]      Je constate que dans la décision El Fihri c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1106, 147 A.C.W.S. (3d) 745, la demanderesse aurait, lors de son audience, répondu incorrectement à deux questions obligatoires de sorte que sa demande de citoyenneté fût refusée par le juge Pierre Blais. Ce dernier souligne ce qui suit :

[16]     Il est donc évident que la demanderesse n'a pas pu répondre correctement à deux questions obligatoires posées par le juge. Bien que la demanderesse allègue qu'elle aurait dû recevoir le test par écrit, rien dans la Loi ni dans les règlements n'indiquerait que ceci est le cas. Bien au contraire, dans l'affaire Hussain c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1130, le juge Lemieux indique :

 

Il ressort clairement des éléments de preuve qui m'ont été soumis que les questions posées par un juge de la citoyenneté (lorsque l'option du test écrit n'est pas accordée) sont fondées sur les renseignements figurant dans le matériel d'auto-formation approuvé par le ministre et présenté aux personnes qui demandent la citoyenneté. Les demandeurs de la citoyenneté canadienne qui sont interrogés reçoivent un avis décrivant l'objet de l'entrevue de façon à pouvoir examiner le matériel d'auto-formation prescrit par le ministre afin de se préparer pour l'entrevue. À partir de la preuve qu'on m'a présentée, je suis convaincu que le requérant n'a pas reçu la lettre d'avis standard; la lettre du 2 février 1998 qu'il a reçue ne précisait pas l'objet de l'entrevue. Je conclus également que le requérant avait des motifs raisonnables de croire que l'entrevue du 20 février 1998 porterait sur ses absences.

 

[17]     Dans le présent cas, la demanderesse a reçu tous les documents nécessaires pour se préparer pour l'entrevue et le juge le mentionne même à la deuxième page de sa décision. De plus, dans une lettre envoyée à la demanderesse le 28 juillet 2004, il fut écrit :

 

Le Juge de la citoyenneté a besoin de plus de renseignements pour prendre une décision au sujet de votre demande de citoyenneté. Vous êtes donc convoqué(e) à une entrevue pour que le juge puisse déterminer si votre demande répond à toutes les conditions prescrites. Il se peut qu'il vous pose des questions afin de déterminer si vous avez une connaissance suffisante du français ou de l'anglais et une connaissance suffisante du Canada.

 

 

 

[13]      De plus, dans Wang c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 391, 166 A.C.W.S. (3d) 219, le juge James Russell s’exprime comme suit :

[22]     Tout comme dans l'article 5 de la Loi, les critères énumérés à l'article 15 du Règlement sont cumulatifs. Par conséquent, une personne doit montrer qu'elle a une connaissance générale de chacun des sujets énumérés aux alinéas 15a) et b) du Règlement et de l'un des sujets, choisi par le ministre, tirés de l'alinéa 15c). À mon avis, l'incapacité de répondre correctement à des questions relatives à l'un des sujets touchant tout domaine prévu à l'article 15 du Règlement mène à l'échec de l'examen, et ce, même si le demandeur a montré qu'il avait une connaissance suffisante dans d'autres domaines.

 

 

 

[14]      Vu ces faits et compte tenu de la norme de contrôle applicable, je suis d’avis que la décision du juge de la Citoyenneté suivant laquelle les demandeurs n'avaient pas une connaissance suffisante du Canada était raisonnable.

 

 

 

Les représentations des demandeurs

[15]      Les demandeurs ont appuyé leur mémoire par des affidavits dans lesquels ils affirment qu’ils ont répondu correctement aux questions posées par le juge de la Citoyenneté.

 

[16]      Cette Cour ne peut pas à ce stade accepter ce genre de preuve pour contourner la décision du juge de la Citoyenneté.

 

[17]      Les demandeurs allèguent que leurs droits fondamentaux ont été brimés parce qu’ils n’ont pas eu la même opportunité que d’autres candidats ont de répondre à des questions à choix multiples. Cet argument ne peut être retenu parce que le juge, se fondant sur la Loi, avait le choix et la discrétion de procéder au moyen d’un questionnaire direct auprès des demandeurs sur leurs connaissances générales du Canada (Wang, précité, au paragraphe 22).

 

Conclusion

 

[18]      Pour les motifs précités, les appels des demandeurs ne peuvent être accueillis.

 

Dépens

 

[19]      La procureure du défendeur a présenté une requête à la Cour pour modifier les conclusions de son mémoire pour exiger les dépens contre les demandeurs si leurs appels étaient rejetés. Les demandeurs ont contesté cette requête.

 

[20]      Dans les circonstances particulières de cette affaire, je ne crois pas équitable d’imposer de tels dépens aux demandeurs.

 

JUGEMENT

 

          L’appel en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, contre les cinq décisions rendues le 27 mai 2008 par un juge de la Citoyenneté est rejeté, sans dépens.

 

 

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1102-08

 

INTITULÉ :                                       Kaddour LABIOUI, Fatna DAOUDI, Nour El Houda LABIOUI, Younes LABIOUI, Najlaa LABIOUI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              L’honorable Orville Frenette, Juge suppléant

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 11 février 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Kaddour Labioui                           LES DEMANDEURS EUX-MÊMES

Mme Fatna Daoudi

Mme Nour El Houda Labioui

M. Younes Labioui

Mlle Najlaa Labioui

 

Me Émilie Tremblay                             POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.