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Date : 20090204

Dossier : T-2300-05

Référence : 2009 CF 120

Ottawa (Ontario), le 4 février 2009

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

ENTRE :

APOTEX INC.

demanderesse

et

 

ASTRAZENECA CANADA INC.

défenderesse

et

 

ASTRAZENECA CANADA INC.
AKTIEBOLAGET HASSLE et ASTRAZENECA AB

 

demanderesses reconventionnelles

 

et

 

APOTEX INC.,
SA MAJESTÉ LA REINE

et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeurs reconventionnels

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par Sa Majesté la Reine (la Couronne) en vertu du paragraphe 51(1) des Règles des Cours fédérales à l’encontre d’une ordonnance de Madame la protonotaire Aronovitch, en date du 19 août 2008, rejetant en grande partie la requête en radiation de la Couronne visant l’une des deux demandes reconventionnelles distinctes contre la Couronne.

 

Vue d’ensemble

[2]               Dans la présente action, AstraZeneca forme une demande reconventionnelle en dommages-intérêts à l’encontre de Sa Majesté la Reine en raison de la négligence alléguée de la Couronne, qui a exigé d’un fabricant de médicaments génériques, Apotex, qu’il signifie un avis d’allégation en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, modifié par DORS/98-166; DORS/99-379; DORS/2006-242 (Règlement sur les avis de conformité) au sujet d’une présentation de drogue nouvelle (PDN). AstraZeneca a présenté une demande d’interdiction en vertu du Règlement sur les avis de conformité, qui a été rejetée. Apotex poursuit maintenant AstraZeneca en dommages-intérêts en vertu de l’article 8 du Règlement sur les avis de conformité et AstraZeneca forme une demande reconventionnelle à l’encontre de Sa Majesté la Reine en alléguant que celle-ci a fait preuve de négligence en n’exigeant d’Apotex qu’elle signifie l’avis d’allégation qui a poussé AstraZeneca à présenter la demande d’interdiction. La protonotaire a conclu que, malgré la nouveauté de cette cause d’action par voie de demande reconventionnelle, elle ne la radierait pas parce qu’il n’était pas évident, manifeste et au-delà de tout doute que la cause d’action pour négligence n’existait pas. La Cour est saisie d’une demande d’annulation de l’ordonnance de la protonotaire, ce que fera la Cour si l’ordonnance est entachée d’une erreur flagrante. Pour les motifs qui suivent, la Cour conclut que la décision de la protonotaire étant bien motivée et n’étant pas entachée d’une erreur flagrante, la requête en radiation a été rejetée à bon droit.

 

LES FAITS

[3]               En 1994, Apotex a déposé une PDN pour ses gélules d’Apo-Oméprazole 20. En 1997, Apotex a déposé de nouveau sa PDN sous forme de présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN). Conformément à l’article C.08.002.1 du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870, il est possible de déposer une PADN au lieu d’une PDN dans le cas où la drogue nouvelle est l’équivalent pharmaceutique d’un produit de référence canadien.

 

[4]               En septembre 2001, le ministre de la Santé a décidé que la présentation d’Apotex pouvait faire l’objet d’une PDN plutôt que d’une PADN. En novembre 2001, Apotex a signifié un avis d’allégation à l’égard du brevet nº 2,133,762 d’AstraZeneca (le brevet 762). En décembre 2001, AstraZeneca a intenté une action en interdiction en vertu de l’article 6 du Règlement sur les avis de conformité.

 

[5]               En 2003, la demande d’interdiction a été rejetée. En 2004, le ministre a délivré un avis de conformité à Apotex pour ses gélules d’Apo-Oméprazole en se fondant sur la PDN. Le ministre a spécifiquement avisé Apotex que l’avis de conformité n’était pas basé sur une comparaison/référence de bioéquivalence avec les gélules LOSEC d’AstraZeneca à titre de produit de référence canadien.

[6]               En 2007, Apotex a poursuivi le ministre pour obtenir, notamment, une déclaration portant qu’Apotex n’était pas tenue de traiter du brevet 762 en vertu du paragraphe 5(1) du Règlement sur les avis de conformité. Le juge O’Keefe a conclu que le paragraphe 5(1) s’appliquait à bon droit à la PDN d’Apotex : Apotex Inc. c. Le ministre de la Santé, AstraZeneca AB et AstraZeneca Canada Inc., 2004 CF 650, 252 F.T.R. 8.

 

L’action principale

[7]               Apotex a intenté la présente action à l’encontre d’AstraZeneca en vertu de l’article 8 du Règlement sur les avis de conformité.  Apotex allègue que l’action en interdiction d’AstraZeneca a entraîné un retard de l’approbation de la commercialisation de l’Apo-Oméprazole, reportée du 3 janvier 2002 au 27 janvier 2004. Apotex vise notamment à obtenir des dommages‑intérêts d’AstraZeneca pour le retard allégué.

 

Les demandes reconventionnelles contre la Couronne

[8]               AstraZeneca a présenté de nombreuses demandes reconventionnelles, notamment des demandes reconventionnelles distinctes à l’encontre de Sa Majesté la Reine (la Couronne). AstraZeneca veut obtenir un jugement déclaratoire portant que l’article 8 du Règlement est invalide et sans effet, ce que la Couronne ne conteste pas dans la présente requête.

 

[9]               AstraZeneca allègue en outre que la conduite du ministre à l’égard de la délivrance d’un avis de conformité à Apotex a été entachée de négligence à la fois envers AstraZeneca et envers Apotex, parce que le Règlement sur les avis de conformité ne s’appliquait pas à la PDN relative aux gélules d’Apo-Oméprazole d’Apotex. AstraZeneca cherche à obtenir la pleine contribution et indemnisation si sa responsabilité est établie envers Apotex ainsi que des dommages-intérêts en raison de la négligence du ministre.

 

[10]           La Couronne a formé une requête préliminaire visant la radiation totale ou partielle de la demande reconventionnelle fondée sur la négligence ou, à titre subsidiaire, exigeant d’AstraZeneca qu’elle fournisse des précisions supplémentaires sur les allégations. Cette requête a été rejetée par la protonotaire le 19 août 2008, sous réserve de modifications mineures autorisées dans l’intitulé et les actes de procédures. La Couronne interjette appel de cette décision.

 

La décision examinée

[11]           La Couronne a soutenu que la demande reconventionnelle doit être radiée pour l’un ou plusieurs des quatre motifs suivants :

1.      le contrôle judiciaire est la seule voie ouverte pour établir l’illégalité de toute action ou décision du ministre;

 

2.      l’inexistence d’un droit d’action contre la Couronne, le ministre étant spécifiquement exonéré de toute responsabilité pour dommages en vertu du paragraphe 8(6) du Règlement sur les avis de conformité;

 

3.      l’inexistence d’une obligation de diligence du ministre envers AstraZeneca ou Apotex;

 

4.      même si le ministre pouvait être tenu d’une obligation de diligence, aucun manquement n’est établi parce que la Cour a conclu dans la décision Apotex Inc. c. Le ministre de la Santé, précitée, qu’Apotex était tenue de traiter du brevet 762.

 

[12]           S’agissant du premier motif, la protonotaire a conclu que la demande reconventionnelle n’attaquait pas la légalité d’une décision du ministre du fait qu’AstraZeneca ne cherche pas à faire annuler ou invalider la décision du ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex. La protonotaire a conclu que la demande reconventionnelle se fondait expressément sur une allégation de négligence et que l’arrêt de la Cour d’appel Grenier c. Canada, 2005 CAF 348, 262 D.L.R. (4th) 337, selon lequel le comportement illégal d’un ministre ne peut être attaqué que par la voie du contrôle judiciaire, ne s’applique pas.

 

[13]           Deuxièmement, la Couronne a soutenu l’inexistence d’un droit d’action puisque la demande est entièrement fondée sur l’article 8 du Règlement sur les avis de conformité, qui exonère expressément le ministre de toute responsabilité. La protonotaire a déclaré à la page 6 de l’ordonnance :

AstraZeneca allègue que le ministre est responsable de négligence et invoque à cet égard l’article 3 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, qui établit la responsabilité subsidiaire de l’État à l’égard des délits civils commis par ses préposés. On peut prétendre que l’arrêt Apotex Inc. c. Syntex Pharmaceuticals International Ltd., 2005 CAF 424, [2006] 3 R.C.F. 318 (Syntex) laisse ouverte la possibilité qu’une telle demande puisse avoir gain de cause, si elle est plaidée correctement.

 

[14]           Troisièmement, la Couronne a fait valoir qu’elle n’avait pas envers AstraZeneca d’obligation de diligence dont l’inexécution donnerait lieu à une demande pour préjudice pécuniaire. La protonotaire a conclu qu’AstraZeneca avait droit de maintenir son action au stade des actes de procédure, déclarant aux pages 8 et 9 de l’ordonnance :

[…] AstraZeneca a donc le droit de maintenir son action, à moins que la Couronne, qui doit s’acquitter du fardeau de preuve à cet égard, puisse établir qu’il est évident et manifeste que la loi applicable, dans son ensemble, ne peut expressément ou implicitement donner lieu à une proximité ou un « lien » suffisant entre AstraZeneca et le ministre pour qu’il soit juste et équitable d’imposer une obligation de diligence au ministre. […]

 

À la lumière des circonstances particulières de l’espèce, de la négligence alléguée du ministre dans l’instruction des présentations réglementaires d’Apotex, de l’absence d’avertissement aux parties et de la jurisprudence afférente au Règlement, j’estime que la Couronne ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve.

 

En réalité, lorsqu’on examine l’objet de la Loi sur les brevets et du Règlement à travers la jurisprudence récente, la Cour a indiqué que le principal souci du législateur est la protection des droits tant des fabricants de médicaments génériques que des innovateurs.

 

[15]           La protonotaire a déclaré à la page 10 de l’ordonnance :

AstraZeneca fait valoir que l’administration du Règlement sur les aliments et drogues et du Règlement sur les avis de conformité comporte la responsabilité de décider si le fabricant est tenu de faire une allégation en vertu du paragraphe 5(1) du Règlement. Cette argumentation et les allégations supplémentaires au sujet de l’instruction des présentations réglementaires d’Apotex, du traitement confidentiel des présentations de drogues sans que l’innovateur, en l’espèce AstraZeneca, ait aucun moyen d’en être informé, sont tous fondés sur le processus réglementaire et, peut-on prétendre, suffisent à établir la proximité nécessaire donnant lieu à l’obligation de diligence.

 

 

[16]           Quatrièmement, la protonotaire a conclu que ni la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, ni la préclusion fondée sur la cause d’action ne s’appliquaient par suite de la décision de la Cour Apotex Inc. c. Le ministre de la Santé, précitée, car aucun des motifs dont était saisi le juge O’Keefe ne traitait de la question cruciale dans la demande pour négligence, à savoir, selon la protonotaire, l’allégation portant que l’article 5 du Règlement sur les avis de conformité ne s’appliquait pas, la présentation étant une PDN et non une PADN, et le défaut allégué du ministre d’en aviser les parties en conséquence.

 

[17]           En ce qui concerne les autres questions, la protonotaire a conclu aux pages 11 et 12 de l’ordonnance :

S’agissant des paragraphes 201 et 203, j’accepte les observations d’AstraZeneca et j’y souscris.

 

En outre, Sa Majesté n’a pas convaincu la Cour, à première vue, que ce soit par un témoignage par affidavit ou par la suffisance des actes de procédure, qu’elle a besoin de précisions pour plaider sa cause.

 

[18]           La protonotaire a donc accueilli la requête à l’égard de modifications mineures à l’intitulé et à la défense et l’a rejetée pour le reste.

 

LES QUESTIONS SOULEVÉES

[19]           La Couronne soulève trois questions dans le présent appel :

1.      La seconde demande reconventionnelle devrait-elle être radiée et l’action rejetée en vertu de l’article 221 des Règles des Cours fédérales parce qu’elle ne révèle aucune cause d’action, est frivole ou vexatoire ou constitue autrement un abus de procédure? La Couronne fait valoir que quatre motifs justifient de rejeter la seconde demande reconventionnelle dans sa totalité :

 

a.       AstraZeneca n’a pas de droit d’action contre Sa Majesté, parce que sa plainte correspond à une attaque indirecte contre les décisions d’un office fédéral (le ministre de la Santé), qui ne peuvent être jugées illégales que par la voie du contrôle judiciaire;

 

b.      AstraZeneca n’a pas de droit d’action parce que le paragraphe 8(6) du Règlement sur les avis de conformité exonère expressément le ministre de toute responsabilité;

 

c.       il n’y avait pas d’obligation de diligence envers AstraZeneca;

 

d.      il n’y a eu de manquement à aucune obligation de diligence envers AstraZeneca qui donnerait lieu à une demande pour préjudice pécuniaire.

 

2.      À titre subsidiaire, la Cour devrait-elle annuler le refus de la protonotaire de radier des parties des paragraphes 201 et 203 et de la défense et demande reconventionnelle en vertu de l’article 221 des Règles des Cours fédérales?

 

3.      À titre subsidiaire également, la Cour devrait-elle annuler le refus de la protonotaire d’exiger qu’AstraZeneca fournisse des précisions au sujet de ses allégations?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[20]           Les décisions relevant du pouvoir discrétionnaire des protonotaires peuvent être infirmées en appel dans les seuls cas où :

(a) elles sont entachées d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits;

(b)    elles portent sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal.

Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd. [1993] 2 C.F. 425 (C.A.), le juge MacGuigan, au paragraphe 95; Z.I. Pompey Industrie c. ECU-Line N.V., 2003 CSC 27, 224 D.L.R. (4th) 577, le juge Bastarache, au paragraphe 18.

 

[21]           En présence de l’un ou l’autre de ces facteurs, la Cour qui procède au contrôle doit exercer son pouvoir discrétionnaire de novo : Aqua-Gem, précité; Merck & Co. c. Apotex Inc., 2003 CAF 488, 315 N.R. 175, au paragraphe 17.

 

[22]           La Couronne fait valoir que la décision relative à une requête en radiation est cruciale pour l’issue définitive de l’affaire et que la Cour doit donc réviser de novo la décision de la protonotaire, qui porte sur la radiation totale de la demande reconventionnelle alléguée par la Couronne. La Couronne soutient, à titre subsidiaire, que les conclusions de la protonotaire visant la radiation partielle et la demande de précisions sont entachées d’erreur flagrante et doivent être infirmées pour cette raison.

 

[23]           AstraZeneca fait valoir que ce n’est pas le recours présenté, mais plutôt l’ordonnance rendue qui doit être « déterminante pour la solution définitive de la cause principale » pour justifier un examen de novo. Dans la décision Peter G. White Management Ltd. c. Canada, 2007 CF 686, 314 F.T.R. 284, le juge Hugessen a déclaré au paragraphe 2 :

 

[...] le simple fait que le recours présenté au protonotaire aurait pu avoir une influence déterminante sur l’issue du principal ne veut pas dire que le juge doive reprendre l’affaire de novo. Il ressort clairement de l’examen des décisions, et particulièrement de l’arrêt clé de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.), que ce n’est pas le recours présenté, mais plutôt l’ordonnance que le protonotaire rend qui doit avoir une influence déterminante sur l’issue du principal pour que le juge ait à examiner l’affaire de novo. [...] En bref, sauf circonstances extraordinaires, la décision d’un protonotaire de ne pas radier une déclaration n’a pas d’influence déterminante sur l’issue du principal. Le choix de la norme de contrôle est dicté par l’ordonnance qui a été prononcée, et non par celle qui aurait pu l’être.

[24]           De même, dans la décision récente Chrysler Canada Inc. c. Canada, 2008 CF 1049, le juge Hughes a dit au paragraphe 4 :

[traduction] La radiation d’un acte de procédure par un protonotaire est une décision qui est évidemment cruciale pour l’issue de l’affaire. Toutefois, quand le protonotaire ne radie pas un acte de procédure, ce qui est le cas en l’espèce, cette décision n’est pas déterminante en définitive à l’égard de toute question cruciale pour le litige. Par conséquent, la décision examinée en l’espèce doit faire l’objet en appel d’un contrôle selon le deuxième facteur du critère exposé dans l’arrêt Merck, précité, soit la décision entachée d’erreur flagrante, en ce sens qu’elle est fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits.

 

[25]           Je suis d’accord avec mes collègues pour dire que dans le cas où le protonotaire décide de ne pas radier une déclaration, cette décision ne doit pas faire l’objet d’une révision de novo. Par conséquent, la décision de la protonotaire ne sera infirmée que s’il est établi qu’elle est entachée d’une erreur flagrante.

 

L’ANALYSE

Le critère applicable à la requête en radiation

[26]           La radiation d’une déclaration appelle un seuil élevé. Une déclaration est radiée dans le cas où il est évident et manifeste qu’elle ne révèle aucune cause d’action raisonnable et où la Cour est convaincue hors de tout doute qu’elle n’a aucune chance de succès. La protonotaire a déclaré à la page 4 de l’ordonnance :

La partie qui demande la radiation a la charge d’établir qu’il est évident, manifeste et au-delà de tout doute que la cause n’a aucune chance de succès. Pour l’application du critère, la Cour doit tenir les articulés pour avérés, interpréter la demande de manière large et généreuse et refuser la radiation s’il est possible de dégager une cause d’action, si ténue soit-elle, d’une telle interprétation de la déclaration. (Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959 aux paragraphes 30 à 33; Bande indienne de Shubenacadie c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2002 CAF 255.)

 

[27]           Je conviens avec la protonotaire que telle est la norme applicable à la radiation d’une demande. De plus, la Couronne n’a pas allégué que la protonotaire avait commis une erreur en exposant le critère.

 

Question nº 1 : La seconde demande reconventionnelle devrait-elle être radiée en totalité?

a)      AstraZeneca dispose-t-elle d’un droit d’action hormis le contrôle judiciaire?

[28]           La Couronne reprend l’observation formulée devant la protonotaire que sa demande repose sur la décision du ministre de délivrer un avis de conformité à Apotex et que cette décision ne peut être attaquée que par la voie du contrôle judiciaire. La Couronne invoque l’arrêt Grenier, précité, à l’appui de sa thèse qu’une partie doit attaquer la décision d’un office fédéral par la voie du contrôle judiciaire et elle cite diverses décisions où les tribunaux ont rejeté des procédures dans lesquelles une partie cherchait à attaquer la légalité d’une telle décision par la voie d’une action en justice. La Couronne renvoie en particulier à un arrêt récent, Nu-Pharm Inc. c. Canada, 2008 CAF 227, dans lequel la Cour d’appel fédérale a confirmé le rejet de l’action en dommages‑intérêts d’un fabricant de médicaments relative à une déclaration du ministre portant que le médicament ne pouvait être vendu sans un avis de conformité.

 

[29]           Dans sa décision, la protonotaire a conclu que la demande reconventionnelle ne contestait pas la légalité de la décision du ministre mais qu’elle constituait une demande à l’encontre du ministre pour la négligence dont il avait fait preuve dans l’exécution de ses obligations. Elle a cité la décision Peter G. White Management Ltd., précitée, où le juge Hugessen a conclu que l’arrêt Grenier n’interdisait pas d’intenter une action contre un représentant de la Couronne qui décide de ne pas « respecter les obligations contractuelles de son employeur », ainsi que ma décision Agustawestland International Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2006 CF 767, où j’ai conclu au paragraphe 7 que l’arrêt Grenier ne s’applique pas aux actes pour lesquels la Couronne peut normalement être poursuivie en justice pour inexécution de contrat ou au titre de sa responsabilité délictuelle. La protonotaire a également établi une distinction avec l’affaire Nu‑Pharm pour de nombreux motifs. Elle a déclaré aux pages 5 et 6 de l’ordonnance :

[...] l’affaire Nu-Pharm ne portait pas sur une demande reconventionnelle formée en parallèle à une action principale toujours en cours. Dans l’hypothèse où la décision était soumise au contrôle, on peut se demander si AstraZeneca aurait eu la qualité pour attaquer toute décision du ministre rendue dans l’instruction des présentations de drogues d’Apotex. En outre, il n’y aurait aucune raison de forcer AstraZeneca à demander réparation par la voie jugement déclaratoire à l’égard d’un comportement antérieur à la délivrance de l’avis de conformité en 2004, pour demander ensuite une contribution et une indemnisation ou des dommages-intérêts dans une procédure intentée en vertu de l’article 8, alors que l’affirmation selon laquelle Apotex n’était pas tenue de traiter du brevet 762 a été invoquée comme défense à la demande d’Apotex et doit être jugée dans la présente action, sans égard à la demande contre la Couronne. Cela irait à l’encontre du principe de l’économie judiciaire et de « l’approche utilitaire et pragmatique » à laquelle fait allusion la Cour d’appel dans l’arrêt Grenier.

 

[30]           Je souscris à la position prise par la protonotaire. En l’espèce, l’avis de conformité a été délivré et AstraZeneca n’attaque pas ou ne cherche pas à faire annuler la décision du ministre. De plus, la Couronne n’a pas répondu aux conclusions de la protonotaire. Selon les observations de la Couronne, il était évident que la décision de la protonotaire serait révisée de novo, car la Cour n’a été saisie d’aucune observation justifiant que les motifs de la protonotaire sur l’une ou l’autre des questions, sauf la radiation partielle, soient entachés d’erreur flagrante. La décision ne fait pas l’objet d’une révision de novo et la Cour doit donc examiner les motifs de la protonotaire et décider s’ils sont entachés d’une erreur flagrante. Les conclusions de la protonotaire au sujet de la première question sont claires et raisonnables et elles ne seront pas annulées.

 

b)      Est-il exact qu’il n’existe pas de droit d’action en raison de l’article 8 du Règlement?

[31]           La Couronne fait valoir que la demande reconventionnelle n’est pas justifiée en droit parce que le paragraphe 8(6) du Règlement sur les avis de conformité prévoit expressément que le ministre ne peut être tenu responsable des dommages-intérêts au titre de l’article 8. La protonotaire a conclu que la demande d’AstraZeneca n’est pas intentée en vertu de l’article 8, mais fondée sur la négligence. Cette position est en conformité avec les actes de procédure, où AstraZeneca s’appuie sur l’article 3 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985, ch. C‑50. AstraZeneca ne plaide pas ou ne fait pas valoir que le ministre est responsable du au titre de l’article 8 du Règlement sur les avis de conformité.

 

c)      Est-il évident et manifeste qu’il n’y avait aucune obligation de diligence envers AstraZeneca?

[32]           La Couronne soutient qu’aucune obligation de diligence envers AstraZeneca n’est établie dans les actes de procédure. Premièrement, la Couronne reconnaît qu’AstraZeneca a invoqué la négligence, mais elle soutient que l’acte de procédure correspond à une demande pour inexécution d’une obligation légale et que ce délit n’existe pas. AstraZeneca fait valoir que l’acte de procédure n’est pas aussi limité et en outre qu’un manquement à une obligation légale peut constituer une preuve de négligence s’il se répercute sur la responsabilité civile. Deuxièmement, la Couronne soutient qu’AstraZeneca ne peut répondre au critère à deux étapes exposé dans l’arrêt Anns c. Merton London Borough Council, [1978] A.C. 728 (H.L.), adopté dans l’arrêt Kamloops (City) c. Neilsen [1984] 2 R.C.S. 2, perfectionné dans l’arrêt Cooper c. Hobart, [2001] 3 R.C.S. 537 et confirmé dans la jurisprudence ultérieure. La protonotaire a cité un extrait de l’arrêt Edwards c. Barreau du Haut‑Canada, [2001] 3 R.C.S. 562, qui résume le critère de l’arrêt Anns aux paragraphes 9 et 10 :

9   À la première étape du critère énoncé dans l’arrêt Anns, il s’agit de déterminer si les circonstances dévoilent un préjudice raisonnablement prévisible et un lien de proximité suffisamment étroit pour établir une obligation de diligence prima facie. À cette étape, l’accent est mis sur les facteurs découlant du lien entre le demandeur et le défendeur, notamment des considérations de politique générales. Le point de départ de cette analyse consiste à établir s’il existe des catégories analogues d’affaires où les tribunaux ont reconnu l’existence d’un lien étroit. En l’absence de telles décisions, il s’agit de déterminer s’il y a lieu de reconnaître une nouvelle obligation de diligence dans les circonstances de l’espèce. La simple prévisibilité ne suffit pas à établir une obligation de diligence prima facie. Le demandeur doit aussi prouver l’existence d’un lien étroit – que le défendeur avait avec lui une relation à ce point étroite et directe qu’il est juste de lui imposer une obligation de diligence dans les circonstances. Les facteurs donnant lieu à l’existence d’un lien étroit doivent être fondés sur la loi applicable le cas échéant, comme en l’espèce.

 

10   Si, à la première étape du critère énoncé dans l’arrêt Anns, le demandeur réussit à établir une obligation de diligence prima facie (malgré le fait que l’obligation proposée ne corresponde pas à une catégorie de réparation déjà reconnue), il faut passer à la deuxième étape de ce critère. Il s’agit de savoir s’il existe des considérations de politique résiduelles qui justifient l’annulation de la responsabilité. De telles considérations comprennent notamment l’effet qu’aurait la reconnaissance d’une telle obligation de diligence sur d’autres obligations légales, son incidence sur le système juridique et, d’une façon moins précise mais tout aussi importante, l’effet qu’aurait l’imposition d’une responsabilité sur la société en général.

 

[33]           La Couronne fait valoir qu’AstraZeneca ne peut pas établir un lien de proximité entre le ministre et la Couronne, du fait qu’il n’y a pas d’obligation de diligence envers AstraZeneca. La Couronne fait valoir que rien dans le Règlement n’indique un lien entre les fabricants de médicaments et le ministre en vertu duquel le ministre serait responsable de leurs pertes. La Couronne soutient en outre que si une obligation de diligence était établie, d’autres raisons de politique l’annuleraient.

 

[34]           La protonotaire a conclu que la Couronne ne s’était pas acquittée de son fardeau de preuve et n’avait pas établi qu’il était évident et manifeste que l’action ne pouvait pas être accueillie. La protonotaire a ensuite effectué l’analyse de la jurisprudence à l’appui de sa conclusion que le Règlement sur les avis de conformité a pour objet de protéger les brevetés et les fabricants de génériques, ce que je ne répéterai pas ici. Aux pages 8 et 9 de l’ordonnance, la protonotaire a conclu :

 

À mon avis, l’espèce n’appartient ou n’est analogue à aucune catégorie d’affaires dans lesquelles les tribunaux canadiens ont déjà reconnu l’existence d’une obligation de diligence. [...]

 

Au stade des actes de procédure, AstraZeneca a donc le droit de maintenir son action, à moins que la Couronne, qui doit s’acquitter du fardeau de preuve à cet égard, puisse établir qu’il est évident et manifeste que la loi applicable, dans son ensemble, ne peut expressément ou implicitement donner lieu à une proximité ou un « lien » suffisant entre AstraZeneca et le ministre [...]

 

À la lumière des circonstances particulières de l’espèce, de la négligence alléguée du ministre dans l’instruction des présentations réglementaires d’Apotex, de l’absence d’avertissement aux parties et de la jurisprudence afférente au Règlement, j’estime que la Couronne ne s’acquitte pas de son fardeau de preuve.

 

[35]           La protonotaire a poursuivi aux pages 9 et 10 :

Le régime réglementaire prévu par le Règlement sur les avis de conformité confère au ministre le rôle de tenir un registre des brevets, d’instruire les présentations de drogues et de délivrer les avis de conformité. En outre, il est dit que le ministre agit dans une fonction purement administrative quand il traite les présentations de drogue (Ferring, au paragraphe 78). AstraZeneca fait valoir que l’administration du Règlement sur les aliments et drogues et du Règlement sur les avis de conformité comporte la responsabilité de décider si le fabricant est tenu de faire une allégation en vertu du paragraphe 5(1) du Règlement. Cette argumentation et les allégations supplémentaires au sujet de l’instruction des présentations réglementaires d’Apotex, du traitement confidentiel des présentations de drogues sans que l’innovateur, en l’espèce AstraZeneca, n’ait aucun moyen d’en être informé, sont tous fondés sur le processus réglementaire et, peut-on prétendre, suffisent à établir la proximité nécessaire donnant lieu à l’obligation de diligence. Autrement dit, on peut soutenir en se fondant sur l’économie du Règlement, qu’une fois engagée, la relation entre le ministre et AstraZeneca à titre de « première personne » en vertu du Règlement sur les avis de conformité est d’une nature telle que le ministre devrait être conscient des « intérêts légitimes » d’AstraZeneca dans la gestion de ses affaires. (Cooper, paragraphe 33)

 

[36]           La Couronne n’a pas présenté d’observations visant directement les conclusions de la protonotaire, ce qu’elle pouvait raisonnablement faire à mon avis.

 

[37]           La Couronne fait ensuite valoir qu’à la seconde étape du critère de l’arrêt Anns, des considérations de politique doivent limiter toute obligation de diligence, car le paragraphe 8(6) du Règlement limite expressément la responsabilité du ministre et, par conséquent, va à l’encontre de toute obligation de diligence. La Couronne soutient également que l’article 8 fournit déjà une réparation à AstraZeneca, parce qu’AstraZeneca a la possibilité d’établir qu’elle n’est aucunement responsable du retard et d’obtenir une réduction correspondante du montant compensatoire dû à Apotex. La protonotaire a conclu aux pages 10 et 11 :

 

[…] La possibilité d’obligations conflictuelles ne ressort pas à l’évidence de la Loi sur les brevets ni du Règlement sur les avis de conformité. Par ailleurs, la jurisprudence traitant de l’objet du Règlement sur les avis de conformité et de la Loi sur les brevets indique que la reconnaissance d’une obligation de diligence en l’espèce créerait un conflit qui empêcherait le ministre de s’acquitter d’autres obligations légales prépondérantes à l’égard du public ou envers le Parlement. À ce stade-ci, il n’y a pas lieu de décider si une obligation de droit privé à l’égard d’AstraZeneca devrait être exclue parce qu’elle crée un conflit insoutenable ou pour d’autres motifs de politique.

 

S’agissant de l’argumentation selon laquelle la modification du paragraphe 8(6) du Règlement doit s’interpréter comme une expression de l’intention du législateur d’exonérer le ministre de toute responsabilité, cette disposition semble limitée aux demandes faites en vertu de l’article 8 et n’est pas prima facie déterminante à l’égard des considérations de politique ou de l’intention du législateur de conférer au ministre une immunité à l’égard des poursuites de droit privé intentées à l’encontre du comportement du ministre dans l’exercice de ses fonctions d’administration du Règlement.

 

[38]           Je conviens avec la protonotaire que le fardeau de la preuve incombe à la Couronne, qui doit établir les raisons de politique justifiant de circonscrire l’obligation de diligence et qu’à l’étape actuelle, aucune considération de politique ne justifie de radier la demande en invoquant le critère de l’arrêt Anns. Dans l’arrêt Holland c. Saskatchewan, 2008 CSC 42, 294 D.L.R. (4th) 193, prononcé par la juge en chef McLachlin, la Cour a reconnu que si le simple manquement à une obligation légale ne constitue pas de la négligence et ne donne pas lieu à une action pour manquement par négligence à une obligation légale, il peut néanmoins coexister une responsabilité potentielle à raison de la négligence selon le critère énoncé dans l’arrêt Anns. La protonotaire a fait une excellente analyse du lien de proximité et de l’obligation de diligence prévus au Règlement sur les avis de conformité à l’égard de l’innovateur et elle a conclu à la possibilité d’une action pour négligence. La protonotaire a conclu que l’affaire est nouvelle et que les tribunaux ne l’ont pas jusqu’ici reconnue, mais qu’AstraZeneca est néanmoins en droit de maintenir son action à moins que la Couronne puisse établir qu’il était évident, manifeste et au-delà de tout doute que le Règlement ne créait pas un lien de proximité ou une obligation de diligence suffisants entre AstraZeneca et le ministre. La protonotaire a conclu avec raison que la Couronne n’avait pu s’acquitter de ce fardeau de preuve.

 

d)       Est-il évident et manifeste qu’il n’y a pas eu de manquement à l’obligation de diligence?

[39]           Enfin, la Couronne soutient que rien n’établit le manquement parce que l’affaire est chose jugée en raison de la décision Apotex Inc. c. Ministre de la Santé, précitée, du juge O’Keefe. Je conviens avec la protonotaire que cette décision ne traitait pas de la question de la négligence et que l’argumentation de la chose jugée et de la préclusion fondée sur la cause d’action ne s’appliquent pas. La question de la négligence alléguée est une question nouvelle soulevée dans la demande reconventionnelle qui est fondée sur des faits allégués qui n’étaient pas connus des parties à l’époque.

 

Question n° 2 : Certaines allégations précises devraient‑elles être radiées?

[40]           La Couronne soutient que les paragraphes 201 et 203 de la demande reconventionnelle devraient être radiés.

 

[41]            À l’audience, les parties ont convenu d’une modification mutuellement acceptable au paragraphe 201, qu’autorisera la Cour lorsque les parties déposeront les documents appropriés.

 

[42]           Le paragraphe 203 de la demande reconventionnelle déclare :

[traduction] AstraZeneca n’a eu ou n’a pu avoir connaissance de la conduite négligente du ministre que longtemps après la délivrance à Apotex de l’avis de conformité pour l’Apo‑Oméprazole en janvier 2004. Apotex a poursuivi le ministre devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, dans le dossier nº 07-CV-325077, le 3 janvier 2007, alléguant que le ministre avait été, notamment, négligent dans sa façon de traiter la présentation d’Apotex à l’égard de ses comprimés d’Apo-Oméprazole.

 

[43]           La Couronne prétend que la deuxième phrase n’a aucune pertinence à l’égard de toute demande présentée en l’espèce par AstraZeneca.

 

[44]           La Couronne déclare que la décision de la protonotaire de ne pas radier le paragraphe constituait une erreur flagrante parce qu’elle n’a donné aucun motif explicite pour refuser la radiation. La protonotaire a déclaré à la page 11 de l’ordonnance :

S’agissant des paragraphes 201 et 203, j’accepte les observations d’AstraZeneca et j’y souscris.

 

[45]           Je ne puis être d’accord avec la Couronne sur le fait que la protonotaire n’a pas explicitement motivé son refus de radier les paragraphes visés, ce qui aurait entaché sa décision d’une erreur flagrante, étant donné qu’elle a accepté les observations d’AstraZeneca et y a souscrit. AstraZeneca a soutenu que l’allégation relative au procès en Ontario était pertinente parce que la demande alléguait des faits détaillés reliés aux présentations réglementaires touchant l’Apo-Oméprazole et, en outre, que la Couronne n’avait pas établi que l’allégation contestée est préjudicielle et qu’elle ne devrait pas de ce fait être radiée, même si elle est de nature excédentaire. La protonotaire avait le loisir d’accepter ces observations et, compte tenu de la brièveté des observations de la Couronne sur ces paragraphes, il n’était pas nécessaire que la protonotaire donne de longs motifs pour justifier son acceptation.

 

Question n° 3 : Devrait‑on ordonner la production de précisions?

[46]           La protonotaire a déclaré aux pages 11 et 12 de l’ordonnance :

En outre, Sa Majesté n’a pas convaincu la Cour, à première vue, que ce soit par un témoignage par affidavit ou par la suffisance des actes de procédure, qu’elle a besoin de précisions pour plaider sa cause.

 

[47]           Selon la Couronne, le refus de la protonotaire reposait sur un mauvais principe et Sa Majesté ne peut être correctement informée des questions en litige ou des prétentions à réfuter sans avoir des précisions sur les faits importants. La Couronne fait valoir qu’il faut obtenir des précisions sur les faits importants sous-tendant l’alinéa 170(c) et les paragraphes 196, 200, 203 et 204.

 

[48]           AstraZeneca soutient que les détails ne sont pas exigés à l’étape de la procédure écrite à moins que la partie qui les demande : i) établisse par affidavit que les détails demandés sont nécessaires aux fins de la procédure écrite et qu’elle n’en a pas encore connaissance ou ii) qu’elle établisse que l’acte de procédure est absolument inadéquat au vu même du dossier : Huzar et al. c. Canada et al. (1997), 139 F.T.R. 81, aux paragraphes 32 et 33; Flexi-coil Ltd. c. F.P. Bourgault Industries Air Seeder Division Ltd. (1988), 19 C.P.R. (3d) 125 à la page 127 (C.F. 1re inst.).

 

[49]           La Couronne n’a pas déposé d’affidavit établissant que les précisions exigées sont nécessaires et qu’elle n’en a pas connaissance. AstraZeneca fait valoir que la Couronne doit être complètement renseignée sur les actions et les omissions spécifiques du ministre reliées aux présentations de drogue d’Apotex à l’égard des comprimés d’Apo‑Oméprazole et que les paragraphes contestés ne sont pas inadéquats à première vue quand on les lit ensemble dans leur contexte. Par exemple, AstraZeneca souligne que les détails du paragraphe 196 se trouvent au paragraphe 197, qui allègue que le ministre a manqué à l’obligation de diligence envers AstraZeneca en n’avisant pas Apotex que le Règlement sur les avis de conformité ne s’appliquait pas à sa PDN.

 

[50]           La conclusion de la protonotaire que la Couronne n’avait pas suffisamment établi par affidavit ou autrement que les précisions sont nécessaires à l’étape visée ne repose par sur un mauvais principe et ne sera pas rejetée. Il ne convient pas que la Cour substitue son opinion sur cette question à celle de la protonotaire.

 

Conclusion

[51]           Pour ces motifs, je conclus que la Couronne n’a pas établi que la décision de la protonotaire était entachée d’une erreur flagrante en ce qu’elle reposait sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits. L’appel de la Couronne est rejeté.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  L’appel interjeté par la Couronne à l’encontre de l’ordonnance de la protonotaire en date du 19 août 2008 est rejeté.

2.                  Les dépens de la présente requête sont adjugés à AstraZeneca, à suivre.

 

 

 

 

« Michael A. Kelen »

juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-2300-05

 

INTITULÉ :                                       APOTEX INC.

demanderesse

                                                            et

 

                                                            ASTRAZENECA CANADA INC.

défenderesse

 

                                                            ASTRAZENECA CANADA INC. AKTIEBOLAGET HASSLE et ASTRAZENECA AB

demanderesses reconventionnelles

                                                            et

 

APOTEX INC., SA MAJESTÉ LA REINE et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs reconventionnels

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 22 janvier 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             Le 4 février 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Nancy Pei

 

POUR LA DÉFENDERESSE/

LES DEMANDERESSES RECONVENTIONNELLES

 

F.B. (Rick) Woyiwada

 

POUR LA DEMANDERESSE/

LES DÉFENDEURS RECONVENTIONNELS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John R. Morrissey

Gunars A. Gaikis

Nancy Pei

Smart & Biggar

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE/

LES DEMANDERESSES RECONVENTIONNELLES

F.B. (Rick) Woyiwada

David Cowie

Ministère de la Justice du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE/

LES DÉFENDEURS RECONVENTIONNELS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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