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Date : 20090210

Dossier : T-230-08

Référence : 2009 CF 133

Toronto (Ontario), le 10 février 2009

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BARNES

 

 

ENTRE :

NAPOLEON JAMES SEYMOUR

demandeur

et

 

ANISHINAABEG DE NAONGASHIING

représentée par le CHEF WESLEY BIG GEORGE,

le CONSEILLER ROBERT HANDORGAN,

et la PRÉPOSÉE AUX ÉLECTIONS, VALERIE PIZEY

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Dans la présente demande, Napoleon James Seymour conteste la légitimité d’une décision de le destituer de son poste de conseiller de bande. Il prétend également que le processus par lequel les défendeurs l’ont destitué du conseil contrevenait à l’obligation d’agir équitablement. 

 

I.          Contexte factuel

[2]               À la suite d’allégations de mauvaise conduite formulées contre M. Seymour, la défenderesse, la bande Anishinaabeg de Naongashiing, a amorcé un processus en vertu de son Code électoral coutumier (le Code) pour le destituer de son poste de conseiller de bande. Ce processus a commencé par une assemblée générale de la bande tenue le 6 décembre 2007, au cours de laquelle a notamment été discutée la question de la destitution de M. Seymour. Il a été décidé qu’une assemblée spéciale de l’électorat de la bande serait convoquée pour examiner la destitution de M. Seymour du conseil, conformément à l’article 7 du Code. L’assemblée spéciale a été fixée au 12 janvier 2008. 

 

[3]               La preuve qui m’est soumise en ce qui concerne l’avis d’assemblée spéciale donné aux électeurs n’est pas très détaillée. Il ressort du dossier que la méthode de notification était conforme aux pratiques antérieures de la bande. Il est également clair qu’un avis écrit d’assemblée a été affiché au bureau du conseil de bande et qu’il a été publié dans plusieurs journaux locaux. La seule preuve qui m’a été fournie concernant la date de publication de l’avis dans la presse est une copie de l’annonce en date du 10 janvier 2008, où l’on pouvait lire ceci : 

                          [TRADUCTION]

À L’ATTENTION DE TOUS LES MEMBRES DE LA BANDE ANISHINAABEG DE NAONGASHIING

(PREMIÈRE NATION BIG ISLAND)

 

Une assemblée se tiendra au Centre de documentation,

à Saug-a-gaw-sing, R.I. no 1, le 12 janvier 2008, à 13 h.

 

Cette assemblée fait suite à l’assemblée tenue le 6 décembre 2007. 

 

Il s’agit d’une assemblée de première importance pour la communauté. Tous les membres sont priés de se présenter.

 

Pour de plus amples renseignements, veuillez appeler au bureau au numéro: 807-488-5602 ou au numéro sans frais 1-888-238-0102.

 

 

L’affidavit de la préposée aux élections Valerie Pizey explique que l’absence d’information dans l’avis au sujet du but de l’assemblée était intentionnelle et visait à protéger la réputation de M. Seymour. 

 

[4]               Les éléments de preuve fournis par Mme Pizey établissent également qu’à la date de l’assemblée spéciale il y avait 234 membres de la bande ayant qualité d’électeurs, dont 61 se sont présentés à l’assemblée. L’affidavit de M. Seymour atteste qu’environ 79 % des électeurs de la bande (soit 189) vivaient à l’extérieur de la réserve. Il est incontesté qu’environ 19 des 61 électeurs présents à l’assemblée spéciale vivaient à l’extérieur de la réserve. Après discussion, y compris la présentation des observations de M. Seymour et de son avocat, il y a eu un vote. Sur les 58 votes exprimés, 57 étaient en faveur du renvoi de M. Seymour et 1 vote était contre. Les résultats du scrutin ont été confirmés ensuite par une résolution du conseil de bande adoptée le 14 janvier 2008 déclarant vacant le poste de M. Seymour et autorisant l’organisation d’une élection partielle. Le 13 mars 2008, il y a eu une élection partielle en vue de remplir le poste vacant du conseil. M. Seymour a essayé sans succès d’obtenir une réélection. 

 

[5]               Par la présente procédure, M. Seymour conteste le processus qui a mené à sa destitution en faisant valoir que les défendeurs n’ont pas respecté les exigences du Code et que la procédure suivie contrevenait à l’obligation d’agir équitablement. 

 

II.        Questions en litige

[6]               a)         Le processus suivi par les défendeurs dans le but de destituer M. Seymour du conseil de bande respecte-t-il les exigences du Code?

b)         Le processus suivi par les défendeurs pour destituer M. Seymour du conseil de bande contrevient-il à l’obligation d’agir équitablement ?

c)         La Cour devrait-elle accorder la mesure de redressement demandée?

 

III.       Analyse

Compétence et norme de contrôle judiciaire

[7]               Les parties conviennent, tout comme moi, que la Cour a compétence sur les questions soulevées dans la présente instance :  voir Sparvier c. Cowessess Indian Band, [1993] 3 C.F. 142, [1993] A.C.F. no 446, au par. 13. La question de la légitimité du processus de destitution de M. Seymour de son poste soulève une question d’interprétation juridique pour laquelle la norme de contrôle judiciaire est celle de la décision correcte. La question de l’équité procédurale doit être tranchée suivant cette norme et conformément aux principes énoncés dans la décision Sparvier, au par. 47 :

Bien que j’accepte l’importance d’un processus autonome pour l’élection des gouvernements de bandes, j’estime que des normes minimales de justice naturelle ou d’équité procédurale doivent être respectées. Je reconnais pleinement que les tribunaux doivent éviter de s’immiscer dans le mouvement politique des peuples autochtones en vue d’acquérir plus d’autonomie. Cependant, les membres des bandes sont des individus qui, à mon sens, ont le droit à ce que les tribunaux suivent une procédure équitable dans les instances qui les concernent. Dans la mesure où cette Cour a compétence, les principes de la justice naturelle et de l’équité procédurale doivent être appliqués.

 

Pour décider quels « principes » doivent s’appliquer en l’espèce, j’ai tenu compte de l’arrêt de Cour suprême du Canada dans l’affaire Lakeside Colony of Hutterian Brethren c. Hofer,

C.S.C., dossier no 22382, le 29 octobre 1992, où, à la page 33 de l’arrêt, le juge Gonthier a affirmé ce qui suit pour la majorité :

 

Le contenu des principes de justice naturelle est souple et dépend des circonstances dans lesquelles la question se pose. Toutefois, les exigences les plus fondamentales sont la nécessité d’un avis, la possibilité de répondre et l’impartialité du tribunal.

 

 

Le processus suivi par les défendeurs dans le but de destituer M. Seymour du conseil de bande respecte-t-il les exigences du Code?

 

[8]               M. Seymour fait valoir que la destitution de son poste résulte d’un processus invalide, contraire aux exigences de l’article 6 du Code. L’article 6 porte sur les vacances au sein du conseil de bande. En cas de vacance au poste de conseiller ou de chef, l’article 7 prévoit la tenue d’une élection partielle. Ces dispositions prévoient ce qui suit :

                         [TRADUCTION]

6.         Vacance, démission, révocation et destitution

 

a.                   Le poste de chef ou de conseiller d’une bande devient vacant si le titulaire, selon le cas :

 

i.                     meurt, démissionne ou n’est plus disposé de  demeurer en fonctions;

 

ii.                   est déclaré être frappé d’incapacité mentale  par une cour compétente;

 

iii.                  est un failli non libéré;

 

iv.                 est renvoyé de ses fonctions à la suite d’un scrutin qui a comme résultat cinquante et un (51 %) pour cent de voix favorables lorsque les électeurs se présentent au vote en proportion d’au moins vingt-cinq (25 %) pour cent;

 

v.                   abandonne le poste conformément aux paragraphes 6.b. ou 6.c.

 

b.                  Le chef ou un conseiller qui est déclaré coupable d’un acte criminel lors de son mandat, sauf dans la poursuite ou la défense, ou dans l’exercice des droits des peuples autochtones et/ou des droits issus des traités, abandonne automatiquement son poste.

 

c.                   Le chef ou un conseiller qui est déclaré coupable lors de son mandat devant tout tribunal de méfaits impliquant une mauvaise conduite qui nuit à la dignité et à l’intégrité de la bande Anishinaabeg de Naongashiing, de malversation, ou de faute lourde dans l’exercice de son obligation, pourra être destitué de ses fonctions par un vote majoritaire de l’électorat lors d’une assemblée tenue dans ce but, au moins vingt-cinq (25 %) pour cent des électeurs étant présents à l’assemblée. Avant que tout scrutin soit organisé par le conseil en vertu du présent paragraphe, une déclaration écrite des accusations sera remise au conseiller visé qui aura l’occasion de répondre devant les électeurs lors de l’assemblée tenue par le conseil à ces fins. La décision des électeurs sera définitive.

 

d.                  Un conseiller ou le chef peut démissionner de ses fonctions en remettant au conseil de bande une démission par écrit qui prend effet à sa réception.

 

7.                  Élection partielle

 

a.                   Si le poste de chef ou de conseiller devient vacant, et à condition qu’il reste une période minimale de six (6) mois du mandat visé, les autres membres du conseil  chargent le préposé aux élections de déclencher une élection partielle aux fins de remplir cette vacance pour le reste de la durée du mandat dans les trente (30) jours qui suivent la prise d’effet de la vacance. [...]

                          [Non souligné dans l’original.]

[9]               Il ressort clairement du dossier que la décision de destituer M. Seymour a été prise en vertu de l’alinéa 6a)(iv) du Code, au cours de l’assemblée spéciale des électeurs tenue le 12 janvier 2008.  M. Seymour soutient, toutefois, que les seuls motifs de destitution d’un conseiller sont ceux énoncés aux paragraphes 6b) et 6c). Il affirme que l’alinéa 6a)(iv) admet tout simplement, parmi les formes de vacance énumérées, la destitution d’un conseiller en vertu du paragraphe 6c). Il affirme que, si l’alinéa 6a)(iv) visait à établir un pouvoir autonome de destitution d’un conseiller, le paragraphe 6c) qui prévoit la destitution pour mauvaise conduite n’aurait aucun intérêt pratique.

 

[10]           L’article 6 du Code n’est pas très bien rédigé, mais je partage effectivement l’opinion de l’avocat des défendeurs selon laquelle cet article prévoit deux méthodes différentes de destituer un conseiller de ses fonctions. L’alinéa 6a)(iv) établit une forme de révocation politique par les électeurs, qui n’exige aucune preuve de mauvaise conduite. Le paragraphe 6c), en revanche, prévoit la destitution motivée d’un conseiller et, dans ce cas, il prévoit la procédure à suivre. Bien que l’on puisse se demander pourquoi la bande recourrait à la destitution motivée d’un conseiller en vertu du paragraphe 6c), alors qu’un processus plus simple est prévu à l’alinéa 6a)(iv), il s’agit d’un jugement qui relève du domaine politique et non des tribunaux. Mon opinion à cet égard est renforcée par l’alinéa 6a)(v), qui fait une distinction entre la vacance par suite d’une révocation politique en vertu de l’alinéa 6a)(iv) et celle résultant de l’abandon du poste pour mauvaise conduite en vertu des paragraphes 6b) et 6c). Sauf si ces dispositions avaient pour objectif d’établir des processus différents de destitution, l’alinéa 6a)(v) est dénué de sens.

 

[11]           Je suis également convaincu que les conditions du scrutin prévues à l’article 7 du Code ont été remplies. Le quorum était suffisant et le scrutin a confirmé à une écrasante majorité la destitution de M. Seymour de ses fonctions. La preuve concernant l’incapacité alléguée de trois électeurs présents à l’assemblée spéciale n’est pas convaincante et je ne la retiens pas.

 

Le processus suivi par les défendeurs pour destituer M. Seymour du conseil de bande contrevient‑il à l’obligation d’agir équitablement?

 

[12]           M. Seymour souligne que sa réputation et son droit continu d’exercer ses fonctions étaient en jeu dans le processus de révocation. Il n’y a aucun doute qu’il s’agit d’intérêts importants de nature à créer une obligation d’agir équitablement :  voir Sparvier, précité. Bien que l’alinéa 6a)(iv) ne prévoie aucune garantie procédurale en ce qui concerne l’assemblée spéciale des électeurs, l’article 9 traite de l’importance de l’équité et de l’impartialité électorales. Il ressort également, du moins implicitement, du paragraphe 9i) que les avis électoraux doivent être efficaces. Les défendeurs ne contestent pas que ces principe fondamentaux de procédure équitable s’appliquent à la destitution d’un conseiller.

 

[13]           En ce qui a trait à l’avis efficace je souscris à l’opinion exprimée dans le passage suivant, extrait de l’arrêt Lakeside Colony of Hutterian Brethren c. Hofer, [1992] 3 R.C.S. 165, aux par. 81 et 82 :

81     De même dans l’affaire Young c. Ladies' Imperial Club,

[1920] 2 K.B. 523 (C.A.), l’avis se bornait à indiquer que la conduite d’un certain membre serait dénoncée et examinée. La cour a jugé que cet avis était insuffisant pour permettre une décision d’expulser. Le lord juge Sterndale a convenu que l’avis aurait été suffisant s’il avait indiqué très clairement à tous ce qui se passerait à la réunion, mais il a conclu que l’avis en cause ne communiquait même pas l’essentiel de ce qui se produirai (à la p. 531) :

 

[TRADUCTION] Je souscris entièrement à l’argument voulant qu’on ne devrait pas examiner cet ordre du jour et ces avis de réunion trop méticuleusement et avec trop de soin; s’ils communiquent aux membres du comité l’essentiel de ce qui va être fait, cela est suffisant même si d’aucuns auraient pu penser qu’on aurait pu mieux s’y prendre. 

 

82     Comme il ressort de l’arrêt Young, l’avis suffisant donné en temps voulu est important pour deux raisons. En premier lieu, il donne à la personne qui risque l’expulsion l’occasion d’examiner sa situation et soit de reconnaître son erreur et de chercher la réconciliation, soit de préparer sa défense. En second lieu, l’avis suffisant donné en temps voulu permet aux membres du groupe appelés à prendre la décision de s’assurer qu’ils pourront assister à la réunion et participer à la discussion, ou encore de demander un ajournement s’ils ne peuvent y assister.

 

Voir également McLeod Lake Indian Band c. Chingee, [1998] A.C.F. no 1185, 165 D.L.R. (4th) 358. 

 

[14]           M. Seymour se plaint de ce que les avis annonçant l’assemblée spéciale des électeurs

du 12 janvier 2008 étaient gravement déficients à la fois quant au contenu et à la diffusion.

 

[15]           Les défendeurs affirment qu’une certaine latitude ou discrétion doit être permise en ce qui concerne la communication de l’avis aux électeurs et que les moyens dont la préposée aux élections s’est servie étaient conformes aux pratiques antérieures et, à toutes fins pratiques, efficaces. Les défendeurs soutiennent que c’est au fruit que l’on juge l’arbre et qu’environ 26 % des électeurs étaient présents lors de l’assemblée spéciale dont 19 membres hors-réserve.

 

[16]           La preuve dont je suis saisi montre qu’il y avait 189 membres votants de la bande qui vivaient hors-réserve. Bien que l’on s’attende à un niveau d’absentéisme plus élevé lorsqu’il s’agit des membres vivant hors-réserve, le fait que seulement 10 % étaient présents à l’assemblée spéciale permet de croire que l’avis à l’intention des membres hors-réserve était peut-être insuffisant.  Il est également raisonnable de penser qu’au cours de la brève période écoulée entre la publication des avis en question et la date de l’assemblée (soit 2 jours), les méthodes familières caractéristiques pour répandre les nouvelles parmi les membres hors-réserve n’ont pas pu faire leur effet.

 

[17]           À mon avis, la diffusion efficace d’un avis au sujet d’une assemblée d’une telle importance exige davantage que l’unique publication dans une poignée de journaux locaux, deux jours avant la tenue de l’assemblée. Avec un total de seulement 234 membres votants, un avis efficace aux électeurs pouvait être communiqué à peu de frais par courriel ou par téléphone. Je n’ai aucune preuve que la bande ne dispose pas des coordonnées courantes de ses membres et il serait à la fois surprenant et inquiétant si ce n’était pas le cas. En fait, l’article 13 du Code prescrit la procédure de vote par correspondance aux fins des élections de la bande. Cette disposition exige que le préposé aux élections tienne un registre des adresses de tous les électeurs auxquels il a été envoyé par la poste ou par un autre moyen un bulletin de vote par correspondance et qu’il fournisse les bulletins aux électeurs au plus tard 37 jours avant le scrutin. L’envoi d’un avis en temps opportun au sujet d’une assemblée spéciale des électeurs aurait pu être fait par courrier direct, ce qui aurait également atténué tout préoccupation quant à la possibilité qu’une publication plus large des allégations dans les journaux locaux porte préjudice à la réputation de M. Seymour.

[18]           En l’espèce,  les lacunes dans la diffusion de l’avis à l’attention des membres hors-réserve ont été aggravées par le manque de contenu significatif de celui-ci. Il n’y avait rien qui indiquait l’objet de l’assemblée spéciale, sauf l’affirmation selon laquelle il s’agissait d’une assemblée [TRADUCTION] « de première importance pour la communauté » et qu’elle faisait suite à une assemblée générale antérieure de la bande. Je comprends la préoccupation de la préposée aux élections, à savoir que ce manque de précision visait à protéger la réputation de

M. Seymour à l’extérieur de la bande, mais je suis d’avis que cet objectif aurait pu être toujours réalisé si l’on avait fourni quelques détails significatifs. Par exemple, l’avis aurait pu mentionner que l’objectif de l’assemblée était d’examiner la destitution d’un membre du conseil de bande.

 

[19]           Il n’y a rien de plus important dans une procédure de révocation électorale que la notification effective de l’électorat. Les droits de participation de la personne visée et des électeurs découlent de la notification suffisante. Le souci d’équité est d’autant plus crucial dans le contexte d’une révocation comme celle dont il est question en l’espèce. L’alinéa 6a)(iv) renferme des exigences peu élevées tant à l’égard du quorum qu’à celui du vote de révocation. La distribution d’une forme d’avis sélective ou inefficace à un électorat significatif peut donner lieu à un résultat absolument non démocratique en portant atteinte à la volonté de la majorité manifestée lors d’un scrutin antérieur. En l’espèce, les avis publiés dans la presse étaient gravement déficients en ce qui touche l’objet de l’assemblée et ne donnaient pas suffisamment de temps aux membres hors-réserve pour s’y présenter. Ces lacunes constituent manifestement un manquement à l’obligation d’agir équitablement envers M. Seymour. 

 

La Cour devrait-elle accorder la mesure de redressement demandée?

[20]           Bien que j’éprouve beaucoup de sympathie pour M. Seymour, il s’agit de l’un des rares cas où la pondération des intérêts ne favorise pas une mesure de redressement discrétionnaire :  voir Ominayak  c. Lubicon Lake Indian Nation, 2003 CFPI 596, [2003] C.A.F. no 780, au par. 56, et Jackson c. Première Nation de Piikani, 2008 CF 130, [2008] C.A.F. no 162, aux par. 29 à 36. Même si la procédure suivie était insuffisante, je suis conscient que M. Seymour a obtenu seulement une voix favorable sur les 58 voix exprimées à l’assemblée des électeurs. Si la moitié des électeurs de la bande avaient été présents à l’assemblée, il lui aurait probablement fallu recueillir toutes les voix des membres additionnels pour éviter la révocation. Ce n’est pas un facteur déterminant, mais un élément à prendre en considération. En outre, au lieu de chercher à obtenir une injonction provisoire devant la Cour en vue d’arrêter l’élection partielle en attendant l’issue de la présente demande de contrôle judiciaire, M. Seymour s’est porté candidat à la réélection au cours de l’élection partielle, 2 mois après sa révocation et a perdu au bénéfice d’un autre candidat. Il prétend maintenant, bien entendu, qu’il aurait pu être élu si sa réputation n’avait pas été entachée par le vote de révocation;  mais en réalité il a joué plutôt sur les deux tableaux en contestant la révocation tout en essayant de regagner son poste par des moyens politiques. Ce qu’il demande maintenant à la Cour c’est d’annuler les résultats de l’élection partielle à laquelle il a volontairement participé et de le réinstaller au conseil de bande. La Cour a certainement ce pouvoir, mais il ne faut pas perdre de vue que les électeurs ont exprimé leur volonté lors de l’élection partielle et que le candidat qu’ils ont élu a pris part aux travaux du conseil au cours des 12 derniers mois. On ne peut ignorer la perturbation et l’incertitude que pourrait entraîner une telle intervention inopportune dans les affaires antérieures de la bande. Bien que l’avocat de M. Seymour m’ait demandé de confirmer la validité temporaire des activités menées entre-temps par le conseil, je ne suis pas convaincu qu’une telle approche est aussi simple que cela puisse paraître, notamment lorsque les intérêts de tierces parties peuvent entrer en jeu. J’ajouterais que la prochaine élection générale aura lieu plus tard cette année et que M. Seymour aura alors l’occasion de défendre ses réalisations s’il décide de se présenter comme candidat. Ce sont toutes des questions d’intérêt public et qui militent contre l’octroi du redressement demandé. Vu les circonstances, je ne suis pas disposé à rendre un jugement déclaratoire qui annulerait effectivement les résultats de l’élection partielle antérieure.

 

IV.       Conclusion

[21]           La présente demande doit être rejetée, mais vu le manquement à l’obligation d’agir équitablement que j’ai décelé, j’adjuge au demandeur des dépens au montant de 2 500,00 $, incluant les débours.

 


 

JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée avec dépens adjugés au demandeur au montant de 2 500,00 $, incluant les débours. 

 

 

« R.L. Barnes »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T-230-08

 

INTITULÉ :                                       Seymour

                                                            c.

                                                            Anishinaabeg de Naongashiing, représentée par

                                                               le Chef Wesley Big George, le Conseiller Robert                

                                                               Handorgan, et la Préposée aux élections Valerie Pizey

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Winnipeg (MB)

 

DATE DE L’AUDINECE :               Le 13 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le Juge Barnes

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 10 février 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Jeff Roberts

Tél. : 807-468-3073

Télécopieur : 807-468-4893

 

                         POUR LE DEMANDEUR

Paul D. Edwards

Tél. : 204-942-3361

Télécopieur : 204-942-3362

 

   POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Keshen & Major

Avocats

Kenora (ON)

 

                           POUR LE DEMANDEUR

Duboff Edwards Haight & Schachter Cabinet d’avocats

Avocats

Winnipeg (MB)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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