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Date : 20090202

Dossier : IMM-4272-07

Référence : 2009 CF 108

Ottawa (Ontario), le 2 février 2009

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

KOLAWOLE IKPONMWOSA INNEH

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Le présent contrôle judiciaire vise le rejet de la demande fondée sur des considérations humanitaires (CH) présentée par le demandeur. La question centrale en l’espèce est de savoir si le défendeur, en rendant sa décision, a dûment tenu compte de l’intérêt supérieur des enfants.

 

II.         FAITS

[2]               Le demandeur est un citoyen nigérian qui a épousé sa femme actuelle, une résidente permanente du Canada, le 25 novembre 2006. Dans le passé, il avait été marié avec une citoyenne canadienne, mais le mariage aurait apparemment été dissout.

 

[3]               Le demandeur est le père d’un garçon de deux ans, qui est aussi un citoyen canadien. La femme du demandeur a deux enfants âgés de six et huit ans, qui acceptent apparemment le demandeur comme leur père.

 

[4]               La mère, la fille et l’autre fils du demandeur vivent tous au Nigeria.

 

[5]               Le demandeur a présenté une demande d’asile le 7 octobre 2001 dans laquelle il affirmait qu’il serait persécuté en raison de sa religion chrétienne et de son refus de participer aux cultes. La demande d’asile a été rejetée en raison des contradictions dans son récit et de l’invraisemblance de celui-ci. L’autorisation d’interjeter appel a été rejetée le 1er octobre 2002.

 

[6]               Le demandeur a présenté une demande CH le 18 novembre 2002 et une demande d’ERAR le 15 avril 2003. La demande d’ERAR a fait l’objet d’une décision défavorable et un mandat a été décerné contre le demandeur parce qu’il n’a pas comparu à l’audience relative à son renvoi.

 

[7]               Au moment du dépôt de sa demande CH en 2002, le demandeur a allégué le risque de persécution et l’interdépendance du couple, autant sur le plan financier qu’affectif, comme base de sa demande. Le demandeur a mis à jour sa demande en 2004 et a allégué les mêmes motifs.

 

[8]               En 2007, la demande CH a été mise à jour de nouveau. Cette fois-ci, le demandeur a invoqué, à l’appui de sa demande, le même risque que celui invoqué précédemment, l’existence de son mariage, la naissance de son dernier enfant et ses responsabilités envers les deux enfants issus de la première relation de son épouse. Il a aussi soutenu que la séparation causerait des difficultés à la famille. De plus, le demandeur a affirmé que sa femme travaillait en ce moment et qu’il était disposé à travailler aussi dès qu’il le pourrait.

 

[9]               Dans la décision rejetant la demande CH du demandeur, l’agent a noté que le risque allégué était le même que celui qu’avait rejeté la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR). L’agent a conclu qu’il n’y avait aucun motif valable pour rendre une décision différente de celle rendue par la CISR.

 

[10]           L’agent a ensuite traité de la question des difficultés. Il a noté que le mariage n’est qu’un des facteurs dont il faut tenir compte dans l’analyse d’une demande CH, que les difficultés causées par la séparation constituent aussi un facteur à prendre en considération, que le demandeur était conscient de l’incertitude de son statut d’immigrant quand il s’est marié et a eu un enfant, et que sa situation était semblable à celle de beaucoup de personnes. Par conséquent, rien n’est inhabituel, injustifié ou excessif dans les difficultés soulevées par la séparation.

 

[11]           L’agent a tenu compte de l’intérêt supérieur des enfants vivant au Canada et de ceux vivant au Nigeria. L’agent a noté que l’intérêt supérieur des enfants ne l’emporte pas nécessairement sur tous les autres facteurs dans une analyse fondée sur des considérations humanitaires. L’agent a répété que la séparation causerait les mêmes difficultés et était assujettie aux mêmes considérations que celles décrites précédemment.

 

[12]           Dans le présent contrôle judiciaire, le demandeur a présenté une preuve par affidavit qui indique que sa femme a continué à travailler et que son rôle à lui consistait maintenant à s’occuper des enfants. L’agent ne disposait pas de cette preuve lorsqu’il a rendu sa décision. Il faut noter que le rôle du demandeur comme parent s’occupant des enfants est incompatible avec les renseignements, mis à jour pas plus tard qu’en 2007, selon lesquels le demandeur avait l’intention de travailler à l’extérieur du foyer.

 

III.       ANALYSE

[13]           On a généralement conclu que la norme de contrôle applicable aux décisions pour CH est la décision raisonnable (Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 646). La Cour a aussi accepté dans cette décision, dont j’adopte le raisonnement, que les décisions pour CH sont de nature discrétionnaire et qu’il y a donc une gamme plus vaste d’issues possibles acceptables.

 

[14]           La décision de l’agent et l’importance qu’il a accordée à l’intérêt supérieur des enfants sont quelque peu sommaires; toutefois, comme la Cour l’a conclu dans Ahmad, précitée, on peut difficilement le lui reprocher si des questions ne sont pas soulevées dans le cadre de la demande. Un examen de l’information fournie dans les observations mises à jour indique que l’agent a reçu peu ou pas de preuve en ce qui concerne les circonstances particulières de l’intérêt supérieur des enfants.

 

[15]           De plus, l’agent a noté que l’intérêt supérieur des enfants n’est qu’un facteur dans l’analyse fondée sur des considérations humanitaires. Comme l’a conclu la Cour d’appel fédérale dans Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, bien que l’agent doive sérieusement tenir compte de l’intérêt supérieur des enfants et bien que la simple mention de l’existence des enfants ne soit pas suffisante, l’intérêt supérieur des enfants n’est pas supérieur à d’autres intérêts et n’entraîne pas une présomption prima facie selon laquelle l’intérêt supérieur des enfants devrait toujours prévaloir. À cet égard, la Cour d’appel a noté qu’il serait mieux de décrire ce facteur comme « l’intérêt des enfants » plutôt que comme « l’intérêt supérieur des enfants » (Legault, précité, au paragraphe 13).

 

[16]           Dans la présente affaire, l’agent a traité de l’intérêt des enfants résidant au Canada et à l’extérieur du Canada. Le seul élément présenté par le demandeur concernait les difficultés qui seraient causées en raison de la séparation. Il n’a fourni aucun détail en ce qui concerne les difficultés bel et bien occasionnées. La supposition du demandeur voulant que la séparation d’un parent et d’un enfant compte, en soi, parmi les difficultés justifiant une dispense fondée sur des considérations humanitaires ne peut être admise.

 

[17]           L’agent a ensuite traité d’autres facteurs dans l’analyse fondée sur des considérations humanitaires, dont « l’établissement » et le « risque ». L’agent a conclu que le degré d’établissement du demandeur ne justifiait aucunement une demande de dispense pour considérations humanitaires, d’autant plus que le demandeur n’avait pas d’emploi en ce moment.

 

[18]           En ce qui concerne le risque, l’agent a noté que la situation au Nigeria n’est pas favorable, mais a accepté la conclusion de la CISR concernant l’absence de risque et a conclu qu’aucune difficulté injustifiée et excessive ne seraient occasionnée si l’on exigeait que le demandeur présente sa demande de résidence permanente à l’extérieur du Canada.

 

[19]           La décision de l’agent, examinée dans son ensemble, montre que l’agent a été réceptif, attentif et sensible à l’intérêt des enfants, mais qu’on avait fourni si peu d’éléments de preuve de fond et d’observations relativement à la demande que rien ne pouvait rendre ce facteur déterminant. L’agent a tenu compte de l’intérêt des enfants eu égard aux autres facteurs de l’établissement et du risque et a tiré une conclusion raisonnable selon laquelle les circonstances en l’espèce ne justifiaient pas une dispense des règles habituelles applicables aux demandes de résidence permanente.

 

IV.       CONCLUSION

[20]           La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4272-07

 

INTITULÉ :                                       KOLAWOLE IKPONMWOSA INNEH

 

                                                            c.

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 27 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 2 février 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Simeon A. Oyelade

 

POUR LE DEMANDEUR

Nina Chandy

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Simeon A. Oyelade

Avocat

North York (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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