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Date : 20090122

Dossier : IMM-2052-08

Référence : 2009 CF 63

Toronto (Ontario), le 22 janvier 2009

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

MARYAM ALI LATIF et NADIMA ALI,

SHAHIR AHMAD ALI et BAHIR ALI,

représentés par leur tuteur à l’instance MARYAM ALI LATIF

et L’ORGANISATION DES FEMMES AFGHANES

demandeurs

 

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Selon moi, la présente demande est particulière parce que, en rendant une décision en vertu de l’article 139 du Règlement sur l’immigration, l’agente des visas concernée n’a pas déterminé les questions de droit et de principe importantes qui étaient soulevées; l’omission est complète. La demande est également particulière parce que, malgré cette omission, le ministre a choisi de défendre l’indéfendable. Cette décision comporte une responsabilité.

 

I. La preuve

[2]               La demanderesse principale (la demanderesse) a présenté une demande d’asile parrainée conjointement avec une demande de résidence permanente, et ce, au titre de la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières et des personnes protégées à titre humanitaire outre‑frontières, à une agente des visas au Haut‑commissariat du Canada à Islamabad (Pakistan). La preuve non contestée présentée par la demanderesse étaye sa prétention de persécution fondée sur le sexe et le risque de traitements ou peines cruels et inusités de la part de sa belle‑famille. Cette preuve a été exposée en termes concis de la façon suivante par l’avocat de la demanderesse :

[traduction]

 

Maryam Ali Latif et ses enfants sont des citoyens de l’Afghanistan. Maryam Ali Latif est née le 15 mars 1978 et elle a actuellement 30 ans. Elle a une fille, Nadima Ali, née le 27 septembre 1998, et deux fils, Shahir Ahmad Ali, né le 29 mars 2000, et Bahir Ali, né le 28 mai 2002. Son mari a été tué en Afghanistan le 8 mai 2002 au cours de la campagne électorale. Le père de ce dernier (c’est‑à‑dire le beau‑père de Maryam Ali Latif) faisait campagne à titre de candidat pour la Loya Jirga à Mazar e Sharif (Afghanistan). Au cours de la campagne, le mari de Maryam Ali Latif a été tué par les adversaires politiques de son père.

 

Lorsque son mari a été assassiné, Maryam Ali Latif était enceinte de son troisième enfant, lequel est né quelques semaines après la mort de son mari. Après cela, conformément aux cultures traditionnelles, la famille de son mari lui a demandé de demeurer avec elle à Mazar e Sharif (Afghanistan). Elle y est demeurée pendant environ 9 mois. Pendant cette période, elle a été très maltraitée. Elle a été sauvagement battue à plusieurs occasions, parfois en présence de ses jeunes enfants. Ceux‑ci ont été profondément traumatisés par les évènements. Une des raisons pour laquelle Maryam Ali Latif a été maltraitée était le deuil que la famille vivait en raison de la perte de leur fils. Toutefois, celle‑ci a également été battue et maltraitée parce qu’elle ne voulait pas se conformer aux demandes de la famille. Celle‑ci voulait notamment l’obliger à épouser le frère cadet de son mari, lequel n’avait que 16 ans à l’époque. Elle a refusé.

 

Maryam Ali Latif a pu communiquer avec son père à Kaboul, lequel a tenté de prendre des dispositions pour qu’elle quitte Mazar e Sharif. Son beau‑père a été convaincu par les aînés de la collectivité de lui permettre de quitter Kaboul afin qu’elle puisse obtenir des soins médicaux. Après qu’elle se soit enfuie de Kaboul, son père l’a aidée à se rendre au Pakistan, où elle a continué de vivre.

 

Maryam Ali Latif a peur de retourner en Afghanistan en raison des dangers posés par son beau‑père et par les autres membres de sa belle‑famille. Le fait qu’elle se soit enfuie et qu’elle a quitté le pays complique davantage sa situation. Actuellement, sa vie serait en danger parce qu’elle a désobéi aux demandes de sa belle‑famille et qu’elle ne s’est pas conformée à ses exigences culturelles voulant qu’elle épouse le fils cadet. Cependant, l’Organisation des femmes afghanes lui a fourni de l’aide financière au Pakistan.

 

(Dossier de demande des demandeurs, aux pages 176 à 177)

 

II. Les déterminations des questions de droit eu égard à la preuve

[3]               Il n’est pas contesté que, lorsqu’elle a examiné la demande outre‑frontières de la demanderesse, l’agente des visas était tenue, en conformité avec l’article 139 et les articles 144 à 148 du Règlement sur l’immigration, de rendre une décision quant à toutes les catégories pertinentes, c’est‑à‑dire la catégorie des réfugiés au sens de la Convention outre-frontières ainsi que la catégorie des personnes protégées à titre humanitaire outre-frontières, laquelle comprend la catégorie de personnes de pays d’accueil.

 

III. Les déterminations des questions de principe eu égard à la preuve

[4]               Il n’est pas contesté que, en vertu de la rubrique « Sélection et traitement à l’étranger des cas de réfugiés au sens de la Convention outre‑frontières et de personnes protégées à titre humanitaire outre‑frontières » du chapitre OP5 du Guide de l’immigration, les agents des visas doivent déterminer deux éléments lorsqu’il y a des « indices de persécution fondée sur le sexe » : La personne est‑elle « vulnérable » au sens de l’article 6.58? La personne est‑elle une femme en péril (FEP) au sens de l’article 6.59? Ces dispositions sont ainsi libellées :

6.58 Vulnérable

« Vulnérable » se dit du réfugié au sens de la Convention ou de la personne dans une situation semblable qui a un plus grand besoin de protection que d’autres demandeurs de protection outre‑frontières, du fait que son intégrité physique est plus grandement menacée en raison de sa situation particulière.

 

La vulnérabilité peut découler de circonstances telles :

 

a)                  l’absence de protection normalement fournie par une unité familiale (p. ex. les femmes qui risquent l’enlèvement, le viol, les mauvais traitements sexuels, etc. à cause de l’absence de la protection normale que confère une unité familiale; les personnes âgées qui ne bénéficient pas de l’aide de la famille ou d’un réseau de soutien et qui courent, par conséquent, un risque plus grand, etc.

 

b)                  un état de santé (p. ex. personnes à risque sur le plan médical ou handicapées, victimes de torture ou d’autres traumatismes), donner un exemple puisqu’un état de santé en soi ne rend pas une personne vulnérable.

 

Les cas désignés comme vulnérables peuvent faire l’objet d’un traitement accéléré.

 

6.59  Femmes en péril (FEP)

L’acronyme FEP a été extrait du programme « d’aide aux femmes en péril » du HCR. Le programme « Femmes en péril » (FEP) a été mis sur pied en 1988 pour offrir aux femmes réfugiées un accès plus équitable aux possibilités de réétablissement que par le passé, en faisant en sorte que l’évaluation de leur capacité à s’établir avec succès tienne compte de tous les aspects de leur situation. Un programme spécial est nécessaire, à la fois pour attirer l’attention sur les problèmes particuliers auxquels doivent faire face les femmes réfugiées et pour garantir que ces femmes reçoivent une aide à l’établissement adéquate une fois qu’elles sont au Canada. Les femmes visées par le programme « Femmes en péril » voient habituellement leur demande obtenir un traitement prioritaire et, dans certaines circonstances, peuvent être admissibles au PAC.

 

Les femmes en péril sont des femmes qui, ne bénéficiant plus de la protection normale de l’unité familiale, se trouvent dans une situation précaire, et les autorités locales ne peuvent assurer leur sécurité. Cela comprend les femmes qui vivent des problèmes importants, comme le harcèlement par les autorités locales ou par les membres de leur propre communauté.

 

Certaines femmes ont besoin d’une protection immédiate tandis que d’autres vivent en permanence dans une situation instable qui ne leur laisse aucune autre issue. La persécution ou le harcèlement dont elles font l’objet peut être uniquement fondée sur le sexe. De plus, elles peuvent ne pas satisfaire pleinement à l’exigence de démontrer leur capacité à s’établir au Canada à court ou à moyen terme.

 

(Dossier de demande des demandeurs, aux pages 158 et 159)

 

[5]               En ce qui concerne la compétence des agents des visas à faire des déterminations en vertu des articles 6.58 et 6.59, l’annexe B du chapitre OP5 du Guide de l’immigration intitulée « Déclaration de CIC sur la protection des femmes réfugiées » énonce la norme suivante :

Sélection des réfugiés outre-frontières

Citoyenneté et Immigration Canada est déterminé à respecter l’interprétation inclusive de l’approche sensible à la spécificité des sexes des lignes directrices de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié dans l’évaluation des demandes de réétablissement logées à l’étranger par des femmes réfugiées. Citoyenneté et Immigration Canada reconnaît le besoin de dépasser les vues conventionnelles et favorables aux hommes du potentiel des réfugiés de « réussir leur installation » au Canada. Bien que de nombreuses réfugiées n’aient eu qu’un accès restreint aux études et aux emplois rémunérés et qu’elles aient souvent la charge de jeunes enfants, plusieurs d’entre elles font montre de beaucoup de débrouillardise, d’autonomie fonctionnelle et d’adaptabilité, des qualités utiles dans l’établissement d’une nouvelle vie au Canada.

 

La reconnaissance de la spécificité des sexes au Canada

L’aptitude à interroger avec délicatesse, la conscience des indices de persécution fondée sur le sexe et la reconnaissance des conditions influant sur les femmes dans les pays sources sont exigées des personnes qui s’occupent des réfugiées. Citoyenneté et Immigration Canada est déterminé à élaborer une formation et une orientation, pour tous les agents d’immigration, au Canada et à l’étranger, pour les autres membres de son personnel et pour ses interprètes, qui soit apte à promouvoir cette délicatesse, cette conscience et ce savoir. Citoyenneté et Immigration Canada est également déterminé à atteindre un équilibre équitable entre les sexes dans la sélection de son personnel de tous les ordres. Citoyenneté et Immigration Canada reconnaît que les revendications du statut de réfugié faites par des femmes peuvent être menacées parce qu’elles ne parlent pas de leur expérience de la violence sexuelle, parce qu’elles sont réticentes à faire état de telles expériences devant leur mari ou parce qu’elles peuvent être intimidées par la présence d’interprètes ou de représentants masculins. Partout où la pratique le permet, Citoyenneté et Immigration Canada s’assure que les femmes qui demandent à obtenir le statut de réfugiée sont interrogées par des agentes avec l’aide d’interprètes féminines formées.

 

(Jurisprudence pertinente des demandeurs, 21 janvier 2009, onglet 1)

 

IV. La décision de l’agente des visas

[6]               Il n’est pas contesté que l’agente des visas n’a pas satisfait aux exigences prévues par la loi parce qu’elle n’a rendu une décision défavorable qu’en ce qui concerne la demande présentée par la demanderesse à titre de membre de la catégorie de personnes de pays d’accueil et elle n’a pas satisfait à l’exigence de rendre une décision en vertu de la Convention outre‑frontières. L’avocat de la demanderesse prétend que, outre le fait qu’il s’agit d’une erreur de droit, cette omission a occasionné un rejet profondément injuste de la demande fondée sur la persécution fondée sur le sexe présentée par la demanderesse; il en est ainsi parce que les questions liées au sexe entrent directement en ligne de compte dans les décisions rendues au titre de la Convention outre‑frontières. En réponse, l’avocat du ministre prétend que, néanmoins, les motifs de la décision démontrent que l’agente des visas a bien saisi la nature de la demande fondée sur le sexe présentée par la demanderesse :

[traduction]

 

J’ai examiné tous les renseignements figurant dans votre demande ainsi que les renseignements que vous avez fournis lors de l’entrevue. Je ne suis pas convaincue que vous êtes toujours touchée sérieusement et personnellement par une guerre civile, par un conflit armé ou par une violation à grande échelle des droits de la personne en Afghanistan.

 

Les motifs que vous invoquez pour ne pas vouloir retourner vivre en Afghanistan semblent être principalement liés à un conflit entre les dispositions traditionnelles à l’égard des veuves prises par votre belle‑famille et votre propre désir de ne pas vous marier. Je ne suis pas convaincue que vous ne pouvez pas retourner vivre à Kaboul où vos parents, vos frères, vos sœurs et votre famille élargie vivent ou que votre père ne serait pas capable de vous protéger contre le désir manifeste de votre belle‑famille que vous épousiez le frère de votre défunt mari.

 

Compte tenu du temps écoulé et de la solution qui consiste à retourner vivre avec votre famille et compte tenu du poste important détenu par votre père au sein du gouvernement, je ne suis pas convaincue que votre prétention selon laquelle vous êtes exposée à des dangers de la part de votre belle‑famille est crédible. Même si je comprends votre désir sincère de commencer une nouvelle vie au Canada, selon moi, vous ne répondez pas aux exigences requises pour être réinstallée au Canada à titre de membre de la catégorie de personnes de pays d’accueil.

 

Compte tenu du mouvement de rapatriement volontaire, lequel jouit d’un appui international, du manque de circonstances précises démontrant l’existence de conséquences graves et personnelles, je ne suis pas convaincue que vous satisfaites à la définition de la catégorie de personnes de pays d’accueil.

 

(Décision, aux pages 1 et 2)

 

 

[7]               Selon moi, les motifs de l’agente des visas ne révèlent aucune compréhension crédible de la réalité de la persécution et des risques auxquelles la demanderesse est confrontée. Le défaut de l’agente des visas de faire les bonnes déterminations juridiques, de satisfaire aux exigences de principe du chapitre OP5 du Guide de l’immigration et le défaut de fournir des justifications quant aux opinions personnelles lourdes de conséquences exprimées dans sa décision n’ont pas seulement entraîné une décision entachée d’une erreur justifiant un contrôle judiciaire, mais ont également occasionné une décision irréfléchie et très injuste quant à la demande de la demanderesse.

 

[8]               Il est important de souligner que, après que la décision fut rendue, l’agente des visas a eu l’occasion de réexaminer l’affaire en se fondant sur une opinion claire de la réalité de la vie de la demanderesse. Les notes du STIDI de l’agente des visas comprennent le passage suivant concernant l’opinion envoyée à son gestionnaire qu’elle a en fin de compte examinée :

[traduction]

 

Demande de réexamen reçue de Adeena Niazi, directrice exécutive de l’Organisation des femmes afghanes. La demande a été reçue après l’entrevue. L’auteure confirme avoir été en rapport avec la demanderesse pendant de nombreuses années et confirme que, à sa connaissance, la demanderesse vivait au Pakistan comme elle l’a déclaré. Une copie complète de la demande de réexamen est reproduite ci‑dessous :

 

Cher […] gestionnaire du programme d’immigration.

 

Je vous écris à propos de Mary Ali. Maryam a été parrainée par notre organisation et elle m’a appelée après sa récente entrevue. La description qu’elle m’a faite de l’entrevue me préoccupe beaucoup, et j’ai décidé de vous écrire en son nom parce que je la connais personnellement et parce qu’elle dispose d’arguments très convaincants.

 

En raison du fait qu’elle ne dispose pas d’une preuve d’enregistrement pakistanais, elle a rencontré de nombreux obstacles au cours de son entrevue et j’espère clarifier les malentendus qui se sont produits. Elle déclare que l’agente des visas qu’elle a rencontrée à Islamabad (Pakistan) n’a pas cru les motifs qu’elle a invoqués pour ne pas être capable de s’enregistrer pour le document. Elle déclare également que l’agente des visas l’a encouragée à retourner en Afghanistan et à vivre avec un parent et à « se cacher de sa belle‑famille ». Il ne s’agit manifestement pas d’une solution sécuritaire ou d’une solution à long terme pour elle et ses enfants et elle souhaite s’établir au Canada dans le but d’être enfin protégée.

 

Mme Ali vivait au Pakistan avant que sa demande de parrainage fut soumise. Son mari a été tué en Afghanistan afin d’empêcher son père de faire campagne pour la Loya jirga d’urgence (grande assemblée) en Afghanistan. J’étais déléguée élue par la communauté afghane canadienne à la même Loya jirga et c’est là que j’ai entendu la nouvelle. À la suite de l’assassinat de son mari, Mme Ali a été contrainte de vivre avec sa belle‑famille et de se soumettre à son contrôle austère. Elle a été tenue recluse à la maison et on l’empêchait de sortir et de communiquer avec sa famille et ses amis. En conformité avec la tradition familiale, sa belle‑famille a insisté pour qu’elle épouse son beau‑frère. Elle a refusé et sa propre famille l’a aidée à se rendre chez elle, puis elle s’est enfuie au Pakistan où elle vit depuis.

 

Pendant qu’elle se trouvait au Pakistan, elle a été incapable d’obtenir sa carte de preuve d’enregistrement car le processus n’était pas bien organisé et n’était pas systématique et était donc très difficile, particulièrement pour les femmes. Elle attend une autre occasion de demander la carte d’identité mais a été incapable de s’en procurer une jusqu’à maintenant. Je connais beaucoup d’autres réfugiés afghans qui ont été incapables d’obtenir ce document même s’ils ont tenté de s’enregistrer et même s’ils étaient admissibles.

 

Faut‑il le rappeler, les dernières années ont été très difficiles et très pénibles pour Mme Ali. Elle a vécu privée de tout droit et privée de sa dignité au cours de cette période et aucune solution ne s’offrait à elle. Ses droits en tant que personne et en tant que femme ont été violés de part et d’autre. Elle ne devrait pas être contrainte d’épouser une autre personne ou de vivre avec d’autres personnes. Elle ne devrait pas être obligée de vivre en cachette. L’agente des visas devrait tenir compte de la complexité de sa situation occasionnée par des motifs d’ordre culturelle et de tenter de la comprendre.

 

La présente lettre confirme que Mme Maryam Ali réside au Pakistan depuis un certain nombre d’années. Nous avons été en communication avec elle au cours de cette période et nous sommes donc en mesure de confirmer la véracité de cette information. Nous vous recommandons fortement d’examiner son dossier eu égard à sa vulnérabilité et à son besoin de protection à titre de femme réfugiée célibataire et non pas eu égard à la disponibilité de documents. Je confirme qu’elle a vécu au Pakistan avec ses enfants, notre organisation s’occupe de ses enfants dans le cadre de son programme d’aide aux orphelins et nous leur avons fourni de l’aide financière.

 

Veuillez tenir compte de ces détails dans le cadre de votre examen du dossier de Mme Ali.

 

Merci pour votre compréhension quant à cette affaire très délicate et très urgente.

 

Veuillez agréer mes salutations distinguées.

 

Adeena Niazi

Directrice exécutive

Organisation des femmes afghanes

789, chemin Don Mills, bureau 312

Toronto (ON)  M3C 1T5

Tél : 416-588-3585 poste 222

Téléc. :  416-588-4552

 

(Dossier du tribunal, aux pages 6 et 7)

 

Dans les notes du STIDI, l’agente a écrit ce qui suit en réponse à la lettre de Mme Niazi :

[traduction]

 

J’ai examiné attentivement la présente demande ainsi que la demande de réexamen susmentionnée.

 

Après avoir tenu compte de tous les renseignements, je ne suis pas convaincue que la demanderesse répond à la définition de réfugiée au sens de la Convention outre-frontières car elle n’a pas été personnellement et sérieusement touchée par la guerre civile, un conflit armé ou une violation massive des droits de la personne. Les motifs invoqués par la demanderesse pour avoir quitté l’Afghanistan sont liés à un conflit familial mettant en cause son ancienne belle‑famille. Je suis convaincue que le père de la demanderesse, qui est un fonctionnaire de haut rang résidant à Kaboul et qui a réussi à libérer la demanderesse du domicile familial de sa belle‑famille à Mazar E Sharif, serait capable de fournir un foyer sécuritaire ainsi que de la protection, au besoin, à la demanderesse et à sa famille. La demanderesse a des parents, des frères et des sœurs ainsi que des membres de la famille étendue qui vivent à Kaboul et, compte tenu du poste occupé par son père dans le gouvernement actuel, et, compte tenu que celui‑ci a réussi à la libérer de la famille de son ancien époux, je suis convaincue que la demanderesse a le choix d’aller vivre au Pakistan. Compte tenu du temps qui s’est écoulé et compte tenu de l’absence soutenue de la demanderesse de la résidence de l’ancienne belle‑famille et compte tenu de la protection fournie par le père de la demanderesse, je suis convaincue que la demanderesse peut retourner en Afghanistan. Malgré ses prétendues craintes à l’égard de représailles ou de contrainte au mariage de la part de son ancienne belle‑famille, la demanderesse a vécu sans être ennuyée ou sans incident à Peshawar, dans une solide communauté afghane, où, à ma connaissance, ses allées et venues et celles de sa famille pourraient facilement être vérifiées par la belle‑famille si elle désirait continuer à exercer de la contrainte. J’ai également examiné la taille et la population relatives de la ville et de la province de Kaboul ainsi que l’influence et le pouvoir relatifs exercés par le père de la demanderesse dans la ville et sa capacité d’empêcher le prétendu mariage forcé de sa fille, la demanderesse. Pour rendre ma décision, j’ai également examiné si la demanderesse répondait à la définition de refugiée au sens de la Convention, mais je n’ai pas été convaincue que la demanderesse, eu égard au bien‑fondé de sa crainte fondée sur l’un des motifs prévus par la Convention, est incapable ou refuse de retourner en Afghanistan.

 

Le refus est confirmé.

Comme aucune autorisation signée ne figure au dossier pour permettre une correspondance directe entre l’auteur de la demande de la lettre de nouvel examen et la présente mission, aucune réponse directe ne peut être envoyée au détenteur de l’entente de parrainage.

 

(Dossier du tribunal, aux pages 7 à 8)

 

[9]               Je souscris à l’affirmation de l’avocat de la demanderesse selon laquelle la demande de nouvel examen n’a rien donné. Il m’apparaît clair que l’esprit de l’agente des visas était complètement fermé à toute tentative de Mme Niazi de l’informer et de la convaincre.

 

V. Le redressement approprié

[10]           L’avocat de la demanderesse prétend que la décision de l’agente des visas devrait être annulée et que l’affaire devrait être décidée à nouveau par un autre agent des visas, mais selon des directives précises qui permettront qu’une décision appropriée soit rendue rapidement. Compte tenu de la décision inéquitable que la demanderesse a reçue, je souscris à cette prétention et, par conséquent, j’inclus les directives proposées par l’avocat de la demanderesse dans l’ordonnance qui figure ci‑dessous.

 

[11]           L’avocat de la demanderesse demande l’adjudication de dépens. Compte tenu de la nature particulière de la présente demande, comme je l’ai déjà mentionné au tout début, je n’hésite aucunement à adjuger des dépens. Il ne s’agit pas d’une erreur décisionnelle susceptible de contrôle ordinaire défendue en invoquant un espoir de succès. Il s’agit d’un cas d’erreur susceptible de contrôle qui serait évidente à un décideur sensible aux problèmes des femmes qui a acquis la compréhension et les connaissances auxquelles on est en droit de s’attendre en vertu de la norme professionnelle figurant à l’annexe B du chapitre OP5 du Guide de l’immigration susmentionné. Comme c’est le ministre qui a fixé cette attente, je conclus que le ministre doit la comprendre et doit y satisfaire. Je conclus que la décision du ministre de contester la présente demande jusqu’à l’étape de l’audience, malgré les erreurs susceptibles de contrôle évidentes dans la décision rendue, exige que le ministre assume les dépens occasionnés à la demanderesse alors qu’elle a dû avoir recours sans raison valable au difficile et couteux processus de contrôle judiciaire.

 

[12]           Dans l’ordonnance qui suit, j’adjuge des dépens en fonction du montant maximum des dépens que j’estime avoir été gaspillés.

 


ORDONNANCE

 

Pour les motifs exposés ci‑dessus, j’annule la décision de l’agente des visas et je renvois l’affaire à un autre agent pour que celui‑ci rende une nouvelle décision en tenant compte des directives suivantes :

Le nouvel examen de la demande de l’agent des visas et les entrevues avec les demandeurs seront effectués et une décision sera rendue quant à l’admissibilité des demandeurs dans les 60 jours de la réception de la demande mise à jour des demandeurs;

L’agent des visas tiendra particulièrement compte des dispositions des Réfugiés vulnérables et des Femmes en péril lorsqu’il examinera la demande des demandeurs ainsi que les directives de la CISR concernant les revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe;

Et, si les demandeurs sont déclarés admissibles, le ministre rendra une décision définitive et délivrera les visas dès que cela sera raisonnablement possible.

 

J’adjuge aux demandeurs des dépens fixés au montant de 7 000 $ payables sans délai.

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2052-08

 

INTITULÉ :                                       MARYAM ALI LATIF et NADIMA ALI, SHAHIR AHMAD ALI et BAHIR ALI

représentés par leur tuteur à l’instance MARYAM ALI LATIF, et L’ORGANISATION DES FEMMES AFGHANES c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 21 janvier 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             Le 22 janvier 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Timothy Wichert

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Michael Butterfield

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackamand & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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