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Date : 20090120

Dossier : T‑1554‑05

Référence : 2009 CF 50

Toronto (Ontario), le 20 janvier 2009

En présence de monsieur le juge Campbell

 

 

ENTRE :

BRIDGEVIEW MANUFACTURING INC. et

HIGHLINE MANUFACTURING LTD.

demanderesses

et

 

931409 ALBERTA LTD. faisant affaire sous la raison sociale CENTRAL ALBERTA HAY CENTRE,

 DENNILL’S AGRICENTER LTD. et

DURATECH INDUSTRIES INTERNATIONAL, INC.

défenderesses

 

ET ENTRE :

 

931409 ALBERTA LTD. faisant affaire sous la raison sociale CENTRAL ALBERTA HAY CENTRE,

 DENNILL’S AGRICENTER LTD. et

DURATECH INDUSTRIES INTERNATIONAL, INC.

 

demanderesses reconventionnelles

 

et

 

BRIDGEVIEW MANUFACTURING INC. et

HIGHLINE MANUFACTURING LTD.

 

défenderesses reconventionnelles


Motifs du jugement et jugement

 

 

[1]               La société saskatchewanaise Bridgeview Manufacturing et la société DuraTech Industries, du Dakota du Nord, fabriquent toutes deux leur propre version d’une machine qui sert à désintégrer les balles de récolte, respectivement appelée Bale King et Balebuster 2650. Le « transformateur de balle » prend une balle de foin, la désintègre et la répartit sur le sol. Il est important de regarder l’opération de répartition, car il faut agir vite si le transformateur bourre. Une caractéristique importante du transformateur est qu’à mesure que le tracteur avance, le contenu de la balle désintégrée est déversé à droite du conducteur quand il regarde devant lui. Les commandes des tracteurs sont situées à droite et puisque le déversement se fait à sa droite, le conducteur peut facilement l’observer par‑dessus son épaule droite. On considère que le déversement à droite est un avantage, car s’il se fait à gauche, le conducteur doit se tourner davantage à droite, ce qui est peu commode, pour voir le déversement qui se fait à gauche. La documentation de commercialisation de chaque machine est conçue de façon à attirer l’attention sur cet avantage.

 

[2]               Le présent litige porte sur le fait que DuraTech a mis au point le Balebuster en s’inspirant du Bale King de Bridgeview. Celui‑ci était déjà sur le marché quand DuraTech a commencé à produire le Balebuster, et DuraTech savait que Bridgeview détenait un brevet pour son système de déversement vers la droite. La principale question consiste donc à trancher si le système de déversement à droite du Balebuster est une contrefaçon du brevet canadien nº 2,282,334 (le brevet ou le brevet 334), dont Bridgeview est propriétaire.

 

[3]               À propos du monopole que revendique Bridgeview au bénéfice du transformateur de balle avec déversement à droite, le principal argument avancé par DuraTech est que son Balebuster n’est pas une contrefaçon, car son système de déversement est différent de celui revendiqué dans le brevet. DuraTech allègue également que le brevet est invalide parce que l’utilisation d’un système de déversement à droite dans un transformateur de balle n’est pas une invention.

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, je souscris aux arguments de DuraTech que le Balebuster ne constitue pas une contrefaçon du brevet et que le brevet est invalide.

 

[5]               Les règles applicables à l’interprétation des brevets, à la contrefaçon et à l’invalidité ne sont généralement pas contestées et sont donc exposées sous forme de résumé à l’annexe A. Des citations précises du sommaire sont au besoin reprises dans les présents motifs. La démarche qui y est suivie est de définir en premier lieu sous forme de question les points qu’il faut trancher, puis d’exposer les motifs de la conclusion à laquelle je suis arrivé sur chaque point.

 

I. Le litige

[6]               La codemanderesse de Bridgeview, Highline Manufacturing, fabrique un transformateur de balle avec déversement à droite, qu’elle vend sous le nom de Bale Pro en tant que titulaire de licence en vertu du brevet. Les codéfenderesses de DuraTech vendent le Balebuster au Canada.

 

[7]               La déclaration modifiée de Bridgeview énonce ce qui suit à propos des « activités répréhensibles » des défenderesses :

[traduction] 9. Les défenderesses Central Alberta Hay et Dennill’s ont vendu, vendent et proposent à la vente au Canada un transformateur de récolte connu sous le nom de « Haybuster 2650 Balebuster » (le 2650), que DuraTech fabrique aux États‑Unis. DuraTech, en étudiant notamment les produits, brochures et autres produits de Bridgeview qu’elle connaissait avant 2004, a eu connaissance d’avant‑projets fabriqués et vendus par Bridgeview, notamment le transformateur de balle avec déversement à droite « Bale King ». DuraTech a ensuite copié, d’après les avant‑projets avec déversement à droite dont elle a eu connaissance, cet aspect des transformateurs de balle de Bridgeview pour fabriquer le 2650.

 

[…]

 

11. En l’absence d’autorisation appropriée, les ventes du 2650 par les défenderesses Central Alberta Hay et Dennill’s constituent donc une contrefaçon du brevet 334. Les défenderesses connaissent tous les détails de ces ventes non autorisées qui se font au Canada depuis au moins juin 2004, mais non les demanderesses. Celles‑ci demandent toutefois réparation à l’égard de tous les actes de contrefaçon.

 

12. La défenderesse DuraTech fabrique également un transformateur de récolte qui porte le nom de « Haybuster 2800 Balebuster » (le 2800).

 

[…]

 

14. Le 2800 a été utilisé et vendu au Canada sans autorisation appropriée, ce qui constitue une contrefaçon du brevet 334. La défenderesse DuraTech connaît tous les détails de l’utilisation et de la vente du 2800 au Canada, mais non les demanderesses. Celles‑ci demandent toutefois réparation à l’égard de tous les actes de contrefaçon.

 

15. La défenderesse DuraTech a incité ou amené à commettre la contrefaçon à l’égard du 2650 et du 2800. Il n’y aurait pas eu contrefaçon si DuraTech n’avait pas fabriqué le 2650 et le 2800 afin de les utiliser et de les vendre au Canada, si elle n’avait pas exercé d’influence sur Central Alberta Hay, sur Dennill’s, sur tous ses distributeurs du 2650 et du 2800 au Canada et sur d’autres sociétés qu’elle connaissait pour que toutes ces sociétés commettent au Canada des actes de contrefaçon à l’égard du 2650 et du 2800. Cette incitation à la contrefaçon a été encouragée par les activités de commercialisation et de publicité de DuraTech au Canada pour le 2650 et pour le 2800, lesquelles visaient tous les distributeurs de ces deux transformateurs au Canada. L’incitation de la part de DuraTech dure depuis au moins septembre 2003 pour le 2650 et depuis au moins février 2005 pour le 2800; elle en connaît tous les détails, mais non les demanderesses. Celles‑ci demandent toutefois réparation à l’égard de toutes les actions d’incitation.

 

 

[8]               DuraTech présente, dans sa défense et demande reconventionnelle modifiée, une défense pleine et entière de tous les aspects de ses actions et répond ce qui suit au paragraphe 9 de la déclaration modifiée :

[traduction] 10. Quant au paragraphe 9, les défenderesses Central Alberta Hay et Dennill’s reconnaissent seulement avoir vendu, vendre et proposer à la vente le transformateur de balle qui porte le nom de « Haybuster 2650 Balebuster ». DuraTech reconnaît seulement qu’elle savait que Bridgeview avait commencé à commercialiser le « Bale King », transformateur de balle avec déversement à droite, avant qu’elle‑même n’ait conçu le « Haybuster 2650 Balebuster ».

 

Les avocats de DuraTech ont déclaré au procès que si la contrefaçon est établie, ils ne contesteraient pas les allégations d’incitation présentées par Bridgeview et qu’ils ne présenteraient pas d’argument sur la question de l’antériorité.

 

[9]               Il n’est pas contesté que le Balebuster 2650 et sa version plus grande, le Balebuster 2800, ont la même conception de base, et donc que la question de la contrefaçon porte seulement sur le Balebuster 2650. Il n’est pas contesté non plus que la date de la revendication pour décider l’état antérieur de la technique est le 30 avril 1999; le brevet est intitulé « transformateur de récoltes » et a été délivré le 20 novembre 2001, après que la demande a été déposée le 17 septembre 1999 et publiée le 13 avril 2000, mais revendique la priorité par rapport à la demande de brevets n09/303,263, déposée aux États‑Unis le 30 avril 1999.

 

II. La preuve des experts

[10]           Chaque partie a présenté un expert pour proposer un avis sur la bonne interprétation des revendications relatives au brevet et sur la réponse qu’il convenait de donner aux questions de savoir si la machine de DuraTech est une contrefaçon du brevet et si celui‑ci est invalide.

 

A. Les experts

[11]           L’expert de DuraTech est M. Richard L. Parish, et celui de Bridgeview est M. Craig Hanson. Les rapports suivants ont été préparés : rapport de M. Parish en date du 28 août 2008 (rapport Parish), rapport de M. Hanson en date du 2 septembre 2008 (rapport Hanson), réponse de M. Parish au rapport Hanson en date du 1er octobre 2008 (deuxième rapport Parish), réponse de M. Hanson au rapport Parish en date du 1er octobre 2008 (deuxième rapport Hanson).

 

[12]           M. Parish expose ses compétences comme suit :

[traduction] Je suis ingénieur et professeur de génie agricole à l’Université de l’État de Louisiane. J’ai obtenu mon baccalauréat ès sciences en génie agricole en 1967, ma maîtrise ès sciences en génie agricole en 1968 et mon doctorat en génie agricole en 1970 à l’Université du Missouri.

 

Entre 1969 et 1974, j’ai enseigné à l’Université de l’Arkansas en qualité de professeur adjoint, puis de professeur agrégé de génie agricole. Pendant cette période, j’ai mené des recherches sur le matériel agricole et donné des cours sur le matériel et la conception technique agricoles.

Ma principale expérience du secteur privé a été de 1974 à 1983 quand j’ai travaillé en qualité de gestionnaire de la recherche et du développement mécanique chez O.M. Scott and Sons Company (Scott); j’avais la responsabilité de tous les produits mécaniques de cette société de semences et d’engrais. J’ai mis au point au cours de cette période du nouveau matériel d’épandage des engrais et des semences.

Depuis 1983, j’ai été professeur agrégé, puis professeur titulaire à l’Université de l’État de Louisiane. J’ai mis au point et enseigné des cours sur le matériel agricole et la conception. Quelques‑uns de mes étudiants sont ingénieurs et conçoivent du matériel agricole, notamment du matériel pour le foin et le fourrage. J’ai aussi mené des recherches sur le matériel agricole et je suis spécialiste de l’État en vulgarisation dans le domaine du matériel agricole. Outre mes responsabilités de recherche et de vulgarisation, je gère actuellement la station de recherche de la zone côtière.

J’ai écrit ou coécrit plus de 350 articles dans les domaines du génie et de l’agriculture.

 

Je suis intervenu à titre de conseil pour fournir des services de génie judiciaire et d’aide aux litiges dans plus de quarante (40) affaires portant sur du matériel agricole. Dans trois (3) de ces affaires, il s’agissait de brevets.

 

(Rapport Parish, aux paragraphes 1 à 6.)

 

[13]           L’expert de Bridgeview est M. Craig Hanson, qui expose ses compétences comme suit :

[traduction] Je suis actuellement propriétaire‑exploitant d’une ferme céréalière moyenne, d’environ 4 000 acres. Je suis également inscrit en Saskatchewan en tant qu’ingénieur et ingénieur‑conseil.

 

J’ai obtenu en 1984 un baccalauréat en génie agricole de l’Université de la Saskatchewan. J’ai étudié pendant mes cours de premier cycle la conception des machines et les méthodes de transformation agricole. Je suis ingénieur depuis 1987.

 

J’ai obtenu en 1993 un diplôme d’études supérieures en génie agricole et en génie de ressources biologiques de l’Université de la Saskatchewan. Mon programme comportait des cours de conception des systèmes de contrôle, d’analyse technique et de reconnaissance des formes.

 

J’ai obtenu en 1998 une maîtrise ès sciences en génie mécanique de l’Université de la Saskatchewan. Ma thèse de maîtrise s’intitulait « Analyse des formes des opérateurs dans le fonctionnement des machines pour le guidage automatique du matériel agricole ».

 

Après avoir obtenu mon baccalauréat en 1984, j’ai travaillé chez John Deere Limited en tant que gestionnaire de secteur pour les services. Je devais étudier sur le terrain les problèmes de matériel agricole, et rendre compte des problèmes et des solutions techniques.

 

De 1987 à 1997, j’ai ensuite travaillé à la station du Prairie Agricultural Machinery Institute (PAMI) à Humboldt (Saskatchewan) en tant que gestionnaire de projet, ingénieur de projet et surveillant des essais sur site pour plusieurs machines agricoles. J’y ai dirigé des projets d’évaluation, de recherche et de développement touchant des systèmes mécaniques agricoles et de transformation.

 

Ce qui est particulièrement pertinent en l’espèce, c’est que dans le cadre de mes responsabilités professionnelles au PAMI, j’ai manié et essayé le transformateur de balle « Top Gun » de Highline Manufacturing Ltd. de 1995 à 1997. Essentiellement, ce transformateur avait un souffleur de grande puissance. Je devais dans le cadre de mes fonctions touchant le Top Gun faire des analyses de transmission, mesurer la puissance et préciser les organes de transmission.

 

En 1997, j’ai en outre observé au Colorado le fonctionnement d’un ancien transformateur de balle Haybuster (DuraTech Industries International, Inc.).

 

J’ai quitté le PAMI en 1997 pour me consacrer à l’exploitation de ma ferme (Kinhop Farms Ltd.) et offrir des services de conseils en génie. J’ai servi d’expert en cour à quatre occasions : une fois à propos du comportement de matériel à commande hydraulique, puis pour des convoyeurs mobiles, ensuite pour des mélangeurs verticaux d’aliment pour animaux, et enfin pour un dégorgeoir à moteur et des facteurs de sécurité connexes. Deux de ces quatre affaires traitaient d’allégation de contrefaçon de brevet.

 

En plus d’avoir étudié le matériel agricole pendant mes cours de génie, j’ai plus de 25 ans d’expérience pratique de l’utilisation de matériel agricole fort divers.

 

(Rapport Hanson, aux paragraphes 2 à 11.)

 

[14]           Aucune objection n’a été soulevée quant à la compétence de M. Parish ou à celle de M. Hanson pour qu’ils puissent témoigner à titre d’expert sur les questions en l’espèce.

 

III. Qui est la personne ordinaire versée dans l’art?

[15]           Le brevet porte sur la conception et le fonctionnement d’un transformateur de balle. La personne versée dans l’art est donc tenue de posséder les connaissances générales courantes de ce sujet, ainsi que les exposent la divulgation et les revendications du brevet.

 

A. La divulgation

[16]           La section Domaine de l’invention précise que [traduction] « la présente invention a de façon générale trait à un transformateur de récolte, et plus particulièrement à un transformateur de récolte pour désintégrer les balles ». La section Contexte de l’invention précise que l’exemple typique d’une telle machine [traduction] « comporte un contenant pour recevoir les balles, un désintégrateur ayant souvent la forme d’un rouleau qui coupe avec des têtes de coupe ou des fléaux pour hacher ou déchiqueter le contenu de la balle, un mécanisme qui comporte des rouleaux manipulateurs pour diriger la balle vers le désintégrateur, et une fente d’évacuation de sorte que la récolte est évacuée du transformateur de récolte ». On y précise que [traduction« l’un des problèmes majeurs qui semble arriver avec les transformateurs de récolte en balle est qu’ils bourrent souvent ». Après qu’ont été exposés les facteurs qui causent le bourrage de la machine courante, on exprime l’avis [traduction] « qu’il faut présenter un transformateur de récolte pour désintégrer les balles dans lequel la quantité de récolte en vrac susceptible de causer le bourrage y demeure minimale ».

 

[17]           La première ligne de la section Résumé de l’invention est conforme à cet avis qu’il faut améliorer la machine afin de réduire le bourrage et précise que [traduction] « la présente invention a donc pour objet de présenter un transformateur de récolte en balle qui minimise le bourrage ». Les paragraphes suivants décrivent la machine qui va accomplir un tel résultat :

[traduction] Ces objets ainsi que d’autres sont réalisés par le transformateur de récolte pour désintégrer les balles. Le transformateur comporte un contenant ayant un fond, une paroi antérieure, une paroi postérieure, une paroi latérale gauche et une paroi latérale droite pour recevoir et contenir la récolte. Un désintégrateur équipé d’un rouleau à fléau pouvant pivoter sur son axe longitudinal est monté de façon à sortir entre l’avant et l’arrière du contenant. Des fléaux sont fixés avec des charnières sur le rouleau et sortent ainsi selon un mouvement radial à mesure que celui‑ci pivote. Le transformateur comporte aussi une ouverture d’évacuation dans le bas de la paroi latérale gauche ou de la paroi latérale droite afin de déverser les balles de récolte désintégrées, et un mécanisme pour soutenir et manipuler les balles de sorte qu’elles sont acheminées vers le désintégrateur d’une façon telle que c’est surtout celui‑ci qui désintègre la récolte.

Selon un aspect de la présente invention, le transformateur peut être unidirectionnel et déverser la récolte désintégrée soit à sa gauche, soit à sa droite, ou bien bidirectionnel et être doté d’un mécanisme permettant au conducteur de déverser à partir de la gauche ou de la droite. Le sens de rotation du rouleau à fléau dépend du côté où l’on souhaite que le déversement se fasse. Le rouleau à fléau pivote dans le sens contraire des aiguilles d’une montre pour déverser à gauche et dans le sens des aiguilles d’une montre pour déverser à droite.

Selon un autre aspect de l’invention, le mécanisme de soutien et de manipulation comporte au moins deux rouleaux manipulateurs montés de façon à pivoter à l’intérieur du contenant, presque parallèles au rouleau à fléau; au moins un rouleau est situé de chaque côté du rouleau à fléau afin de marquer une ouverture pour la désintégration, par laquelle le désintégrateur reçoit la récolte […] [Non souligné dans l’original.]

(Brevet, aux pages 3 et 4.)

 

Quelques éléments de la machine sont également détaillés : forme souhaitée des rouleaux, nombre, forme et sens des « pales » montées sur les rouleaux, nécessité qu’un [traduction] « mécanisme connecte la prise de force et le rouleau à fléau afin que celui‑ci pivote dans le sens souhaité », forme souhaitée des parois latérales du contenant eu égard à la proximité des pales des rouleaux manipulateurs, nécessité que [traduction] « plusieurs cerceaux » soient montées dans une certaine position sur la longueur du contenant, description des « fléaux » montés sur le rouleau à fléau.

 

[18]           La section Brève description des dessins expose les réalisations de l’invention, et la section Description détaillée expose [traduction] « la structure du transformateur de récolte, son fonctionnement et, enfin, ses avantages selon la présente invention ». L’exposé des « avantages » détaille les caractéristiques de l’invention portant sur le problème du bourrage, notamment la configuration des pales, les rouleaux, la forme des parois latérales, la bidirectionnalité de l’invention et le fait que le conducteur du transformateur n’a pas à couper la corde qui attache la balle de récolte avant de charger, mais doit seulement la retirer du rouleau à fléau. L’avantage suivant y est de surcroît revendiqué :

[traduction] Un transformateur [montré aux figures 11 et 12] qui déverse la balle désintégrée sur sa droite [montré aux figures 11 et 12] présente un avantage particulier, car il permet au conducteur de mieux contrôler le fonctionnement et avec plus de confort. Les commandes dans la plupart des tracteurs sont situées à droite; il est donc plus naturel et plus fréquent pour le conducteur d’observer le fonctionnement du matériel agricole derrière lui en se tournant sur sa droite. Le transformateur bidirectionnel 1 (figures 11 et 12) donne au conducteur une polyvalence totale puisqu’elle lui permet d’évacuer la balle désintégrée dans le sens qu’il souhaite.

 

(Brevet, à la page 17.)

 

[19]           La dernière déclaration de la divulgation est la suivante :

[traduction] Nombre des modifications des réalisations de l’invention susmentionnées peuvent s’effectuer tout en respectant la portée de celle‑ci, qui est donc destinée à n’être limitée que par les revendications annexées.

(Brevet, à la page 17.)

 

B. Les revendications

[20]           Les revendications sont les suivantes :

[traduction] 1. Le transformateur de récolte pour désintégrer les balles comporte :

un contenant ayant un fond, une paroi antérieure, une paroi postérieure, une paroi latérale gauche et une paroi latérale droite pour recevoir et contenir la récolte;

un désintégrateur équipé d’un rouleau situé sur la longueur du contenant et monté de façon à pivoter sur son axe longitudinal;

un manipulateur monté à l’intérieur du contenant, presque parallèle au désintégrateur;

une fente d’évacuation dans le bas de la paroi latérale droite pour évacuer la récole à droite du transformateur;

un dispositif de transformation du mouvement de rotation, ayant une entrée pour se connecter à une prise de force et une sortie connectée au rouleau désintégrateur pour faire tourner celui‑ci dans le sens inverse de la rotation à l’entrée.

2. Le transformateur de récolte revendiqué à la revendication 1, dans lequel le rouleau désintégrateur est adapté de façon à tourner dans le sens des aiguilles d’une montre.

3. Le transformateur de récolte revendiqué à la revendication 1, dans lequel le dispositif de transformation du mouvement de rotation comporte deux vitesses situées de façon à s’entraîner l’une l’autre, la première étant montée sur un premier arbre rotatif et dont l’embout forme l’entrée du dispositif, et la deuxième vitesse étant montée sur un deuxième arbre rotatif et dont l’embout se connecte au rouleau à fléau.

4. Le transformateur de récolte revendiqué à la revendication 1, dans lequel le rouleau est à fléau.

5. Le transformateur de récolte revendiqué à la revendication 1, dans lequel le manipulateur comporte au moins deux rouleaux manipulateurs montés de façon à pivoter à l’intérieur du contenant, presque parallèles au rouleau désintégrateur et dans lequel au moins un rouleau est situé de chaque côté du rouleau désintégrateur afin de marquer une ouverture pour la désintégration, par laquelle le désintégrateur reçoit la récolte.

(Brevet, aux pages 18 et 19.)

 

C. Les avis des experts

[21]           M. Parish et M. Hanson expriment des avis divergents sur les qualités de la personne ordinaire versée dans l’art de la conception et du fonctionnement des transformateurs de récolte en balle.

 

[22]           Selon M. Parish, la personne versée dans l’art aurait des titres universitaires précis :

[traduction] Selon moi, la personne ordinaire versée dans l’art à qui est destiné le brevet 334 (ci‑après la personne versée dans l’art) est un ingénieur titulaire d’un baccalauréat en génie agricole ou mécanique, ayant au moins une année d’expérience dans la conception du matériel pour le foin et le fourrage. Cette personne est au fait du matériel de transformation des balles disponible sur le marché. Selon l’avocat, elle est aussi censée connaître la documentation sur l’état antérieur de la technique disponible à la date de la revendication avec une recherche raisonnablement diligente.

 

(Rapport Parish, au paragraphe 15.)

 

En revanche, M. Hanson insiste sur l’expérience pratique :

[traduction] Le brevet 334 est destiné selon moi à quelqu’un ayant une solide expérience pratique du matériel agricole en général et qui en comprend bien les aspects mécaniques et structurels. Autrement dit, le brevet 334 est destiné à une grande variété de personnes ayant des expériences pratiques fort diverses ou ayant fait des études de niveau divers.

Le destinataire compétent est aussi quelqu’un qui travaille à faire des recherches sur du matériel agricole en général ou à mettre au point, produire, essayer, entretenir ou réparer du matériel agricole en général, un soudeur, un mécanicien ou un ingénieur notamment. S’agissant de cette personne‑ci, elle peut avoir soit 1) une formation officielle dans des domaines pertinents, par exemple un diplôme collégial ou universitaire dans un programme de mécanique et au moins un minimum d’expérience pratique (soit deux ans), soit 2) un ensemble de connaissances sur l’équipement, grâce à de nombreuses années d’expérience pratique.

En résumé, la personne versée dans l’art comprend en général le fonctionnement d’un transformateur de balle et celui de ses divers composants; elle comprend aussi que ce transformateur hache ou déchiquette avec force et efficacité du foin en balle, puis le déverse rapidement assez loin.

 

(Rapport Hanson, aux paragraphes 35 à 37.)

 

M. Parish apporte la réponse suivante :

[traduction] Selon M. Hanson, aux paragraphes 35 à 37 de son rapport, la personne versée dans l’art désigne un mécanicien ou un soudeur, susceptible d’entretenir ou de réparer un transformateur de balle. Je pense que c’est mettre la barre trop bas. Ce brevet est destiné à quelqu’un qui va concevoir et construire un transformateur de balle amélioré ou reconfigurer un modèle existant. Cela ne correspondrait pas aux obligations du soudeur ou du mécanicien ordinaire. Ils seraient sans aucun doute associés à la mise en œuvre des instructions, mais on s’attendrait à ce qu’un ingénieur surveille le travail et l’approuve.

 

(Deuxième rapport Parish, au paragraphe 7.)

 

1. Conclusion : la personne versée dans l’art est celle que décrit M. Hanson

[23]           À mon avis, les connaissances générales courantes exigées de la personne versée dans l’art à l’égard du brevet correspondent le plus fidèlement à celles exposées par M. Hanson. Même si M. Parish et M. Hanson conviennent tous deux que la personne versée dans l’art doit posséder une expertise de la conception et du fonctionnement du matériel agricole, expertise acquise grâce à une combinaison de formation universitaire et pratique, je suis d’accord avec M. Hanson qui insiste sur la connaissance des aspects pratiques et ordinaires de la mise en œuvre de la conception et du fonctionnement du matériel. Le brevet est destiné à une personne versée dans l’art qui connaît les antécédents techniques de la mise au point du matériel agricole en général et des transformateurs de balle en particulier, mais surtout, qui a une connaissance pratique des problèmes auxquels sont généralement confrontés les conducteurs de matériel agricole en général, et de transformateur de balle en particulier.

 

V. Quelle est l’interprétation téléologique du brevet?

[24]           En l’espèce, c’est l’interprétation des revendications 1, 2 et 4 qui est en cause. La comparaison de la divulgation du brevet avec les revendications a donné lieu à une divergence entre les avis des experts quant à l’interprétation qu’en ferait la personne versée dans l’art.

 

[25]           La divulgation expose précisément les composantes mécaniques d’une certaine conception de transformateur de balle et définit les caractéristiques qui auront pour effet de réduire le bourrage quand le transformateur fonctionnera. L’une des caractéristiques exposées est l’avantage de l’évacuation à droite de la balle désintégrée. La revendication 1 toutefois revendique un monopole pour une invention par combinaison comprenant des composants mécaniques définis uniquement en termes généraux d’un transformateur de balle défini en termes généraux. Pour décider de l’interprétation téléologique du brevet, il faut donc se demander si le brevet respecte la norme établie par le juge Binnie au paragraphe 42 de l’arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067 :

Le contenu du mémoire descriptif d’un brevet est régi par l’art. 34 de la Loi sur les brevets.  La première partie est une « divulgation » dans laquelle le breveté doit fournir une description de l’invention « comportant des détails assez complets et précis pour qu’un ouvrier, versé dans l’art auquel l’invention appartient, puisse construire ou exploiter l’invention après la fin du monopole » : Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504, à la p. 517.  La divulgation est ce que l’inventeur fournit en contrepartie d’un monopole de 17 ans (maintenant 20 ans) sur l’exploitation de l’invention.  On peut faire respecter le monopole au moyen de toute une gamme de recours en droit et en equity, de sorte qu’il importe que le public sache ce qui est interdit et ce qu’il peut faire sans risque lorsque le brevet est encore en vigueur.  Les revendications qui concluent le mémoire descriptif servent d’avis public et doivent énoncer « distinctement et en termes explicites les choses ou combinaisons que le demandeur considère comme nouvelles et dont il revendique la propriété ou le privilège exclusif » (par. 34(2)).  L’inventeur n’est pas tenu de revendiquer un monopole sur tout élément nouveau, ingénieux et utile qui est divulgué dans le mémoire descriptif. La règle habituelle veut que ce qui n’est pas revendiqué soit considéré comme ayant fait l’objet d’une renonciation.

[Non souligné dans l’original.]

 

La question principale est la suivante : la revendication 1 énonce‑t‑elle « distinctement et en termes explicites les choses ou combinaisons que l’[inventeur] considère comme nouvelles »? Il en découle la question accessoire de savoir si, pour décider de l’interprétation téléologique du brevet, et afin de satisfaire à la norme exposée par le juge Binnie dans Whirlpool, la personne ordinaire versée dans l’art se servirait de la divulgation pour élargir l’interprétation de la revendication 1 et répondre aux questions suivantes : quelle description distincte et explicite du « transformateur de récolte en balle pour désintégrer les balles » est nouvelle, et quelle description distincte et explicite de ses composants qui sont nommés est nouvelle? La preuve des experts est en contradiction flagrante dans les réponses à ces questions.

 

            A. L’avis de M. Parish sur l’interprétation

[26]           L’avocat de DuraTech soutient que « le transformateur de récolte pour désintégrer les balles » désigné à la revendication 1 est le même que celui qui est décrit aux sections Contexte et Résumé de l’invention de la divulgation. M. Parish présente un avis d’expert à l’appui de cet argument en reprenant la divulgation :

[traduction] La personne versée dans l’art savait à ce moment qu’il existait sur le marché différents types de transformateurs de récolte en balle et que la documentation et les brevets en parlaient. Il s’agissait de transformateurs utilisant des rouleaux pour soutenir et tourner les balles, le Bale King par exemple, de transformateurs utilisant un sorte de dispositif avec convoyeur à chaîne, le Balebuster par exemple, et de transformateurs utilisant une cuve rotative, ceux de Hesston BP notamment. À première vue, l’expression « transformateur de récolte » peut s’appliquer à l’un ou l’autre de ces transformateurs, mais cela n’aurait aucun sens de lui donner cette signification dans le contexte de ce brevet.

Ce brevet concerne sans ambiguïté un « transformateur de récolte » du type utilisant des rouleaux pour soutenir et tourner les balles. L’inventeur a maintes fois affirmé que le transformateur qui est l’objet du brevet a des « rouleaux manipulateurs », et plus précisément que le désintégrateur est situé entre deux de ces rouleaux. Rien ne laisse entendre qu’il voulait que ce brevet s’applique à d’autres types de transformateur de balle.

Le lecteur averti comprendrait que l’expression « transformateur de récolte pour désintégrer les balles » employée dans la revendication 1 désigne le type de « transformateur de récolte en balle » dont fait état la divulgation, par exemple à la page 1, aux lignes 17 à 23. [Un transformateur de récolte en balle comporte un contenant pour recevoir les balles, un désintégrateur ayant souvent la forme d’un rouleau qui coupe avec des têtes de coupe ou des fléaux pour hacher ou déchiqueter le contenu de la balle, un mécanisme qui comporte des rouleaux manipulateurs pour diriger la balle vers le désintégrateur, et une fente d’évacuation de sorte que la récolte est évacuée du transformateur de récolte. Le nombre de rouleaux manipulateurs peut varier, mais le désintégrateur est situé entre deux d’entre eux et en dessous.] [Non souligné dans l’original.]

(Rapport Parish, aux paragraphes 63 à 65.)

 

[27]           Se fondant sur cet avis, M. Parish se prononce ensuite en ces termes sur l’interprétation des autres termes utilisées dans la revendication 1 :

[traduction] un contenant ayant un fond, une paroi antérieure, une paroi postérieure, une paroi latérale gauche et une paroi latérale droite pour recevoir et contenir la récolte

 

On comprend de cet élément de la revendication qu’un réceptacle muni de quatre (4) parois et d’un fond est monté sur le cadre du transformateur de balle. Le contenant reçoit la balle et la contient pendant qu’elle est désintégrée en fragments. Les quatre parois sont assez grandes pour contenir la balle et assez hautes pour la restreindre et l’empêcher de tomber ou de rebondir et de sortir de la machine pendant sa transformation, mais la hauteur des parois ne doit pas nécessairement être plus élevée que celle des balles. Le fond est une surface du contenant, en dessous du désintégrateur qui reçoit et guide la récolte déchiquetée vers l’ouverture d’évacuation.

un désintégrateur équipé d’un rouleau situé sur la longueur du contenant et monté de façon à pivoter sur son axe longitudinal 

On comprend que cet élément de la revendication renvoie à un rotor de désintégration monté de sorte que son axe de rotation est parallèle au sens du déplacement de la machine pour que la récolte désintégrée se déverse sur le côté de la machine.

un manipulateur monté à l’intérieur du contenant, presque parallèle au

désintégrateur

 

Pour qui connaît le matériel agricole, et n’a pas lu ce brevet, le terme « manipulateur » veut probablement dire un bras manipulateur ou une liaison mécanique de même nature destinée à se déplacer de façon discrète selon un ou des trajets précis en réponse à la stimulation du conducteur [note de bas de page omise]. Si on lui mentionne le « manipulateur » d’un transformateur de balle, la personne versée dans l’art penserait probablement aux fourches hydrauliques dont on se sert pour ramasser les balles sur le sol et les placer dans le contenant.

Lu dans le contexte de ce brevet cependant, il est clair pour la personne versée dans l’art que l’inventeur a voulu que le terme « manipulateur » désigne les éléments qu’il a appelés « rouleaux manipulateurs », lesquels soutiennent et acheminent les balles vers le désintégrateur. Ces rouleaux sont les éléments à l’origine du « problème majeur » du bourrage, auquel l’inventeur a consacré beaucoup d’attention.

Le fait que la revendication énonce que le « manipulateur est monté à l’intérieur du contenant, presque parallèle au désintégrateur » suppose également que la revendication parle d’un élément long du type rouleau, aligné avec le rouleau à fléau du désintégrateur, de sorte qu’ils soient équidistants l’un de l’autre sur leur longueur respective.

Lorsque j’ai interprété le sens de « manipulateur » dans la revendication 1, j’ai pris en considération le fait que la revendication 5, qui est dépendante de la revendication 1, revendique un transformateur de balle comportant « au moins deux rouleaux manipulateurs montés de façon à pivoter à l’intérieur du contenant, presque parallèles au rouleau désintégrateur, et dans lequel au moins un rouleau est situé de chaque côté du rouleau désintégrateur afin de marquer une ouverture pour la désintégration, par laquelle le désintégrateur reçoit la récolte ». Les avocats m’ont informé que la revendication dépendante restreint en général la portée de la revendication dont elle relève.

Lorsque j’ai comparé la revendication 5 et le terme « manipulateur »

de la revendication 1, j’ai observé les différences suivantes.

 

a) S’il n’y avait le contexte du brevet, le terme « manipulateur » de la revendication 1 pourrait désigner un rouleau unique, alors que la revendication 5 fait état d’au moins deux rouleaux.

b) La revendication 1 ne précise pas que le manipulateur est monté « de façon à pivoter » dans le contenant, ce que précise en revanche la revendication 5. Ceci pourrait signifier que la revendication 1 s’applique à un manipulateur qui ne pivote pas.

c) La revendication 1 ne précise pas que le « manipulateur » « marqu[e] une ouverture pour la désintégration », ce que précise en revanche la revendication 5.

À mon avis, il n’est pas plausible cependant que la personne versée dans l’art penserait, après avoir lu le brevet, que l’inventeur a voulu que la revendication 1 s’applique à un rouleau unique ou à un rouleau qui ne pivoterait pas. La seule interprétation plausible de la revendication 1 est que l’inventeur a voulu revendiquer au moins deux rouleaux : un de chaque côté du désintégrateur. La seule différence plausible entre la revendication 1 et la revendication 5 est donc la précision supplémentaire dans cette dernière que les rouleaux « marque[nt] une ouverture pour la désintégration ». J’imagine que même s’il y a un rouleau de chaque côté du désintégrateur, l’ouverture de celui‑ci pourrait être marquée par d’autres moyens. Les parois du contenant et les cerceaux par exemple pourraient être façonnées pour former un conduit ou une goulotte qui, plutôt que les rouleaux, marqueraient l’ouverture pour la désintégration. La revendication 5 serait donc plus restreinte que la revendication 1.

À mon avis, si le terme « manipulateur » ne qualifiait pas uniquement les rouleaux, avec au moins un rouleau de chaque côté du désintégrateur, la revendication 1 et ses revendications dépendantes auraient alors une portée plus large que celle qui est communiquée dans le brevet.

une fente d’évacuation dans le bas de la paroi latérale droite pour évacuer

la récolte à droite du transformateur

 

À mon avis, le sens de cette phrase est qu’il y a une ouverture dans le bas de la paroi latérale droite du contenant pour permettre au désintégrateur de souffler la récolte désintégrée à l’extérieur de la machine, à la droite du conducteur quand il regarde devant lui.

un dispositif de transformation du mouvement de rotation, ayant une entrée pour se connecter à une prise de force et une sortie connectée au rouleau désintégrateur pour faire tourner celui‑ci dans le sens inverse de la rotation à l’entrée

Le sens de cette phrase est qu’il s’agit d’une boîte de vitesses ou d’un autre mécanisme conventionnel de changement de marche pour changer le sens de la rotation du rouleau de désintégration, par rapport à la prise de force (ou autre source de force de rotation) qui se trouve dans le train de transmission du transformateur de balle, afin que la récolte désintégrée se déverse à la droite du conducteur quand il regarde devant lui. [Soulignements et italiques dans l’original.]

(Rapport Parish, aux paragraphes 66 à 76.)

 

                        B. L’avis de M. Hanson sur l’interprétation

[28]           À l’instar de M. Parish, M. Hanson aborde la question de l’interprétation en examinant la divulgation, mais au contraire de M. Parish, M. Hanson adopte une vue très étroite, ainsi qu’en témoigne le passage suivant, extrait de son avis :

[traduction] Le brevet 334 examine plusieurs caractéristiques et avantages à propos du transformateur de récolte qu’il révèle. À titre d’exemple, la divulgation aborde notamment le problème du bourrage dans les transformateurs de récolte et la nécessité de le maintenir à un niveau minimal. Cependant, en dépit de l’analyse sur le bourrage dans la divulgation, il y a lieu d’examiner précisément les revendications du brevet 334 afin de décider ce que pour l’inventeur, l’invention qu’il a revendiquée entendait être.

 

À cet égard, les problèmes que l’invention documente et résout dans le brevet 334 sont ceux qui sont liés à l’évacuation à gauche des transformateurs de balle […]

 

[…]

 

L’invention revendiquée dans le brevet 334 s’adresse donc au confort du conducteur, à l’absence de gêne et à la facilité d’utilisation

[…] [Non souligné dans l’original.]

 

(Rapport Hanson, aux paragraphes 40, 41 et 44.)

 

Il s’ensuit que M. Hanson présente l’avis suivant à propos du « transformateur de récolte pour désintégrer les balles » dont il est question à la revendication 1 :

[traduction] La personne versée dans l’art, selon la définition ci‑dessus, sait ce qu’est un transformateur de récolte. Elle sait qu’il s’agit d’un dispositif généralement destiné à transformer les balles de récoltes de structure fibreuse.

 

En particulier, on comprend que ce transformateur est agencé de façon à déchiqueter ou à hacher ces récoltes et à les répartir de quelconque façon, ainsi que le suggère la proposition « pour désintégrer les balles ».

 

Cette interprétation de l’expression « transformateur de balle » est étayée par la divulgation du brevet 334, laquelle affirme :

 

La machine à désintégrer les balles de récolte est parfois appelée « transformateur de récolte en balle » […] Ce transformateur comporte un contenant pour recevoir les balles, un désintégrateur ayant souvent la forme d’un rouleau qui coupe avec des têtes de coupe ou des fléaux pour hacher ou déchiqueter le contenu de la balle, un mécanisme qui comporte des rouleaux manipulateurs pour diriger la balle vers le désintégrateur, et une fente d’évacuation de sorte que la récolte est évacuée du transformateur de récolte. [Brevet, page 1, aux lignes 15 à 21.] […]

 

Lorsqu’on parle de récoltes 12, il peut s’agir de foin, de paille ou d’autres types de fourrage pouvant nourrir les animaux ou leur servir de litière. [Brevet, page 7, aux lignes 13 à 14.]

 

 

La personne versée dans l’art comprend qu’un élément essentiel de l’invention à la revendication 1 du brevet 334 est que le transformateur puisse désintégrer les balles de foin ou de toute autre récolte.

 

(Rapport Hanson, aux paragraphes 51 à 54.)

 

                        1. Conclusion : il faut donner un sens élargi aux termes de la revendication 1

[29]           À propos des preuves des experts, j’accorde du poids à l’avis de M. Parish, car il aboutit à un résultat qui satisfait de façon équitable et honnête à la norme établie par le juge Binnie dans

Whirlpool et satisfait à l’exigence que dans la décision sur l’interprétation des brevets, il faut prendre en compte l’ensemble de leur contexte. En revanche, l’avis de M. Hanson ne se fondant pas sur un examen de l’ensemble de la divulgation, je n’y accorde pas d’importance.

 

[30]           Il y a lieu de commenter le propos de la différenciation des revendications. L’avocat de Bridgeview prétend que la présomption contre la redondance des revendications, soit que le breveté ne songerait pas à formuler la même revendication deux fois, aboutit à la conclusion que l’intention du breveté telle que la communique le brevet est que la revendication 1 ait une portée large et la revendication 5, une portée plus restreinte. Cet argument est présenté pour appuyer l’interprétation de M. Hanson et contrer celle de M. Parish. Je conclus que l’avis de ce dernier respecte la présomption en interprétant de façon juste et raisonnable les revendications prises dans leur ensemble. Je n’accorde donc pas de poids à cet argument.

 

[31]           Je conclus par conséquent que la personne versée dans l’art se servirait de la divulgation pour interpréter la revendication 1 de façon élargie. Ainsi, compte tenu de la divulgation et de la preuve d’expert de M. Parish, je conclus que l’invention comporte six éléments essentiels qui sont revendiqués dans le brevet. L’exposé ci‑après de ces éléments reprend la terminologie de la revendication 1, qui est soulignée, ainsi que s’il y a lieu, des références à la divulgation et au témoignage de M. Parish :

[traduction] 1. Le transformateur de récolte pour désintégrer les balles comporte un contenant pour recevoir les balles, un désintégrateur ayant souvent la forme d’un rouleau qui coupe avec des têtes de coupe ou des fléaux pour hacher ou déchiqueter le contenu de la balle, un mécanisme qui comporte des rouleaux manipulateurs pour diriger la balle vers le désintégrateur, et une fente d’évacuation de sorte que la récolte est évacuée du transformateur de récolte. Le nombre de rouleaux manipulateurs peut varier, mais le désintégrateur est situé entre deux d’entre eux et en dessous (divulgation, page 1, aux lignes 17 à 23) et comporte :

un contenant ayant un fond, une paroi antérieure, une paroi postérieure, une paroi latérale gauche et une paroi latérale droite pour recevoir et contenir la récolte. Le fond est une surface du contenant, en dessous du désintégrateur qui reçoit et guide la récolte déchiquetée vers l’ouverture d’évacuation (rapport Parish, au paragraphe 66, divulgation, figure 1, 108);

un désintégrateur monté à l’intérieur du contenant (divulgation, page 7, à la ligne 20) équipé d’un rouleau situé normalement (brevet, page 7, à la ligne 22) sur la longueur du transformateur et monté de façon à pivoter sur son axe longitudinal avec le rotor de désintégration monté de sorte que son axe de rotation est parallèle au sens du déplacement de la machine pour que la récolte désintégrée se déverse sur le côté de la machine (rapport Parish, au paragraphe 66);

un manipulateur monté à l’intérieur du contenant, presque parallèle au désintégrateur comportant au moins deux rouleaux (divulgation, page 1, aux lignes 21 à 23) montés de façon à pivoter (rapport Parish, au paragraphe 73) l’un et l’autre de chaque côté du désintégrateur (rapport Parish, au paragraphe 73) et situés au‑dessus du désintégrateur (divulgation, page 1, aux lignes 22 et 23);

une fente d’évacuation dans le bas de la paroi latérale droite du contenant (Parish vol. 1, au paragraphe 75) pour évacuer la récolte à droite du transformateur quand on regarde devant (rapport Parish, au paragraphe 75), le long de la base du contenant (divulgation, page 8, à la ligne 15, figure 1, 108, et deuxième rapport Parish, aux paragraphes 19 et 32);

un dispositif de transformation du mouvement de rotation, ayant une entrée pour se connecter à une prise de force et une sortie connectée au rouleau désintégrateur pour faire tourner celui‑ci dans le sens inverse de la rotation à l’entrée.

 

VI. L’allégation de contrefaçon

[32]           Il s’agit en l’espèce de décider si le Balebuster de DuraTech contrevient au brevet. L’avocat de DuraTech soutient que la machine utilise deux composants différents de ceux protégés par la revendication 1 du brevet. L’argument oblige à comparer ces composants avec le brevet ainsi qu’il a été interprété ci‑dessus.

 

[33]           Un diagramme schématique du Balebuster a été utilisé au cours du procès pour en exposer les composants et pour les comparer aux revendications du brevet. Le diagramme était la pièce 6, mais il est reproduit à l’annexe B des présents motifs, avec le consentement des avocats.

 

            A. Le manipulateur du Balebuster contrefait‑il le brevet?

[34]           Plus précisément, la question est la suivante :

Le Balebuster utilise‑t‑il un manipulateur monté à l’intérieur du contenant, presque parallèle au désintégrateur, comportant au moins deux rouleaux montés de façon à pivoter l’un et l’autre de chaque côté du désintégrateur et situés au‑dessus du désintégrateur?

 

[35]           DuraTech prétend que le manipulateur du Balebuster étant un convoyeur, soit un dispositif complètement différent du manipulateur revendiqué, il n’en est pas une variante et ne contrefait donc pas le brevet.

 

[36]           M. Parish décrit dans son rapport trois types de manipulateur : à rouleaux de support, à cuve rotative et à table mobile. Ce troisième type est selon lui celui qui est dans le Balebuster :

[traduction] Un type de mécanisme s’appelle la table mobile. Un convoyeur à chaîne incliné soutient la balle et l’achemine vers le rotor à fléau, situé en dessous d’une série de barres de réglage d’un côté du convoyeur. Selon ce concept, l’axe de la balle est en général horizontal et celle‑ci tourne sur son axe. Ce type de mécanisme figure dans le brevet canadien no 1,186,598 (le brevet 598) délivré le 7 mai 1985 et dans le brevet des États‑Unis n4,449,672 (le brevet 672) délivré le 22 mai 1984. Ces brevets (les brevets Haybuster) ont tous deux été délivrés au prédécesseur de DuraTech, Haybuster Manufacturing, Inc.

[…]

DuraTech emploie la conception de la table mobile dans le Balebuster 2650 et le Balebuster 2800, que vise l’allégation de contrefaçon.

(Rapport Parish, aux paragraphes 26 et 28.)

Selon M. Parish, le manipulateur à rouleaux de support est celui que présente le brevet (voir le rapport Parish, aux paragraphes 31 à 35).

 

[37]           Selon M. Hanson néanmoins, la différence n’importe pas :

[traduction] La personne versée dans l’art comprend ce qu’est le « manipulateur » dont il est question dans la revendication 1. Elle remarque immédiatement l’intention délibérée de l’inventeur de revendiquer de façon générale tout dispositif réalisant l’objet de cet élément de l’invention – manipuler les balles de récolte. On comprend que le manipulateur réoriente la balle (la fait tourner et la remet en bonne position) vers le désintégrateur pour y accrocher toutes ses parties et les désintégrer. Il y a interaction des parties rotatives, c’est‑à‑dire entre le rouleau désintégrateur qui est en rotation et la balle que fait tourner le manipulateur. [Non souligné dans l’original.]

 

L’intention de l’inventeur dans la revendication 1 n’est pas de revendiquer un dispositif de manipulation précis ayant des caractéristiques structurelles précises. Au 20 avril 2000, la personne versée dans l’art est au fait des nombreux moyens et configurations visant à manipuler les balles de foin dans les transformateurs de balle, chacun exécutant essentiellement la même fonction, essentiellement de la même façon et obtenant essentiellement le même résultat. L’intention large de la revendication 1 est à différencier de l’intention précise de l’inventeur dans la revendication 5, soit de revendiquer une structure de manipulateur propre, lequel « comporte au moins deux rouleaux manipulateurs montés de façon à pivoter à l’intérieur du contenant, presque parallèles au rouleau désintégrateur, et dans lequel au moins un rouleau est situé de chaque côté du rouleau désintégrateur afin de marquer une ouverture pour la désintégration, par laquelle le désintégrateur reçoit la récolte. [Non souligné dans l’original.]

(Rapport Hanson, aux paragraphes 73 et 74.)

 

 

[38]           M. Parish, dont l’avis repose sur l’ensemble du contexte du brevet, ajoute ce qui suit dans sa réponse :

[traduction] Je ne suis pas d’accord avec l’avis de M. Hanson au paragraphe 73 que la personne versée dans l’art

remarque immédiatement l’intention délibérée de l’inventeur de revendiquer de façon générale tout dispositif réalisant l’objet de cet élément de l’invention […] réoriente la balle (la fait tourner et la remet en bonne position) vers le désintégrateur pour y accrocher toutes ses parties et les désintégrer. [Non souligné dans l’original.]

La personne versée dans l’art ne pourrait discerner l’intention de l’inventeur de faire tourner la balle, comme l’affirme M. Hanson, qu’à partir de la description des rouleaux manipulateurs et de leur fonctionnement. M. Hanson semble l’admettre, puisqu’il poursuit ainsi :

Il y a interaction des parties rotatives, c’est‑à‑dire entre le rouleau désintégrateur qui est en rotation et la balle que fait tourner le manipulateur.

La personne compétente qui a lu le brevet ne voit pas à la revendication 1 une intention de revendiquer « tout dispositif »; elle comprend plutôt que l’inventeur parle d’un mécanisme « de manipulation » à rouleaux semblable à celui qu’il décrit. Il ne parle jamais d’autre chose. [Non souligné dans l’original.]

Je suis d’accord avec le paragraphe 74 de M. Hanson que l’inventeur n’avait pas l’intention de revendiquer « un dispositif de manipulation précis ayant des caractéristiques structurelles précises ». L’inventeur déclare à la page 1 : « Le nombre de rouleaux manipulateurs peut varier […] », indiquant que le nombre et la configuration des rouleaux est une variable intentionnelle. Cependant, M. Hanson poursuit et affirme à propos du « manipulateur » de la revendication 1 qu’il peut s’agir de « tout dispositif ». Rien dans la divulgation du brevet ne suggère une telle ampleur et ainsi que je l’ai discuté dans mon rapport antérieur, les termes « transformateur de récolte » et « parallèle » à la revendication 1 sont également constitutifs du sens de « manipulateur ». [Non souligné dans l’original.]

(Deuxième rapport Parish, aux paragraphes 22 à 24.)

 

M. Parish estime en outre que le « manipulateur » utilisé dans le Balebuster n’est pas une variante de celui que revendique le brevet :

[traduction] M. Hanson estime au paragraphe 74 que :

 

la personne versée dans l’art est au fait des nombreux moyens et configurations visant à manipuler les balles de foin dans les transformateurs de balle, chacun exécutant essentiellement la même fonction, essentiellement de la même façon et obtenant essentiellement le même résultat.

 

Je suis d’accord que la personne versée dans l’art serait au courant des transformateurs de balle existants, vendus pour être utilisés dans les champs ou de ceux divulgués dans les publications sur les brevets. Je suis d’accord qu’elle comprendrait que le transformateur de balle possède un dispositif visant à soutenir et à pousser la balle vers le désintégrateur. Mais, contrairement à ce que pense M. Hanson, la personne versée dans l’art serait au fait de dispositifs différents, fonctionnant de façon radicalement différente et ayant souvent une efficacité radicalement différente pour obtenir le résultat escompté. Parmi les transformateurs de balle connus, il y a le type avec cuve à bascule, le type avec transporteur à palettes, le type avec appui oscillant et plusieurs types avec des mécanismes à rouleaux. Chacun fonctionne en vue de soutenir et de pousser la balle vers le désintégrateur, mais le fait de façon radicalement différente, avec une efficacité différente.

 

Même pour un type de mécanisme propre, celui des rouleaux par exemple, il existe de nombreux brevets qui présentent de nombreuses façons dont les rouleaux peuvent être utilisés, selon diverses configurations entre les rouleaux eux‑mêmes, par rapport au désintégrateur ou aux parois du contenant. Le brevet par exemple promet un résultat radicalement meilleur que les mécanismes à rouleaux existants car il résout le problème majeur du bourrage autour des rouleaux.

 

La déclaration de M. Hanson que les différents moyens connus en vue d’acheminer les balles vers le désintégrateur « exécut[ent] essentiellement la même fonction, essentiellement de la même façon et obtienn[ent] essentiellement le même résultat » ne repose sur aucun fait. À partir de ce postulat, M. Hanson conclut que la personne versée dans l’art déduirait immédiatement une intention « […] de revendiquer de façon générale tout dispositif réalisant l’objet de cet élément […] ». Je ne suis pas d’accord avec le postulat de M. Hanson ni avec sa conclusion. À mon avis, comme elle connaît les différences entre les dispositifs existants, la personne versée dans l’art conclurait à la lecture du brevet que l’inventeur avait l’intention de revendiquer une amélioration du transformateur de balle qu’il présente à la page 1 [du brevet]. [Italiques dans l’original; non souligné dans l’original.]

 

(Deuxième rapport Parish, aux paragraphes 25 à 28.)

 

[39]           Il semble que lorsqu’il a témoigné au procès, M. Hanson a changé d’avis pour se conformer à celui de M. Parish. Voici l’argumentation de l’avocat de DuraTech sur ce point :

[traduction] M. Hanson a reconnu en contre‑interrogatoire l’erreur du paragraphe 74 de son premier rapport, selon laquelle la personne versée dans l’art jugerait que tous les dispositifs de manipulation exécutent essentiellement la même fonction, essentiellement de la même façon et obtiennent essentiellement le même résultat […] :

 

         Q      Êtes‑vous d’accord avec moi pour affirmer que cette

11              partie du domaine nous apprend qu’il existe différents

12              types de mécanisme de manipulation, chacun ayant

13              ses attributs et

14              et ses problèmes?

15     R       Je ne saurais être en désaccord.

16     Q      Ils n’ont pas essentiellement la même fonction, si ce n’est

17              dans le sens le plus général, ils ne fonctionnent pas

18              essentiellement de la même façon et ils n’obtiennent pas

19              essentiellement le même résultat?

20     R       Ils ne sont pas forcément des variantes les uns des autres

21              en ce sens. [Non souligné dans l’original.]

Cette admission est d’importance. Dans l’interprétation des revendications, il faut décider si une forme de variante est visée par la revendication (Free World Trust). Puisque les rouleaux manipulateurs entrent dans la portée de la revendication 1 et que d’autres mécanismes comme le convoyeur du Balebuster ne sont pas des variantes essentiellement semblables des rouleaux, il n’y a pas lieu de considérer qu’ils sont visés par la revendication, en l’absence de termes précis démontrant l’intention de l’inventeur à cet effet. Le breveté a la charge de la preuve. [Non souligné dans l’original.]

 

(Conclusions finales des défenderesses, aux paragraphes 36 et 37, citant la transcription du contre‑interrogatoire Hanson, 3 décembre 2008, à la page 690.)

1.      Conclusion : le « manipulateur » du Balebuster ne contrefait pas le brevet

[40]           Je n’accorde pas de poids à l’avis de M. Hanson sur le manipulateur, car il se fonde sur son point de vue étroit de la divulgation. J’accorde du poids à l’avis de M. Parish, car ses éléments de preuve sont cohérents et indiquent qu’il a pris en compte l’ensemble du contexte du brevet.

 

[41]           J’admets par conséquent l’argument de DuraTech que le convoyeur du Balebuster n’est pas une variante du manipulateur revendiquée, et puisqu’il s’agit d’un type différent de manipulateur que celui que revendique le brevet, je conclus qu’il ne contrefait pas le brevet.

 

C. Le système de déversement du Balebuster contrefait‑il le brevet?

[42]           Plus précisément, la question est la suivante :

Le Balebuster utilise‑t‑il une ouverture dans le bas de la paroi latérale droite du contenant pour évacuer la récolte à droite du transformateur quand on regarde devant, le long de la base du contenant?

 

[43]           Deux caractéristiques permettent de repérer l’ouverture d’évacuation revendiquée dans le brevet : elle est située au bas de la paroi latérale droite du contenant, et la récolte déversée est le long de la base du contenant. Il faut donc en premier lieu définir la base du contenant du Balebuster, puis décider si la récolte est déversée le long de cette caractéristique de la machine.

 

[44]           Selon M. Hanson, la base du contenant du Balebuster est l’élément circulaire qui entoure le rouleau à fléau, figurant en vert à la pièce 6 (rapport Hanson, au paragraphe 108), ce qu’il explique comme suit :

[traduction] D’après la [pièce 6], la base du Balebuster 2650 est située en bas du transformateur de balle, en dessous du rouleau désintégrateur, ce qui lui permet d’attraper et de guider la récolte qui circule pour être évacuée.

 

(Rapport Hanson, au paragraphe 109.)

 

Contrastant vivement avec cette manière de voir, M. Parish indique dans la description suivante de la machine que la base du Balebuster est la plaque violette, située directement en dessous du convoyeur :

[traduction] Le châssis supporte les éléments suivants :

a. une paroi antérieure pleine à hauteur partielle, avec au‑dessus un tamis métallique élargi (non montré);

b. une paroi latérale droite concave;

c. une paroi latérale gauche concave;

d. une paroi postérieure basse à hauteur partielle, avec une fourche hydraulique montée juste derrière pour lever les balles vers la machine (quand la fourche est relevée, elle bloque l’arrière au‑dessus de la paroi partielle);

e. un transporteur à palettes, monté sur une plaque faisant presque toute la largeur entre les parois latérales droite et gauche, de façon à circuler sur la plaque (de droite à gauche) et en dessous (de gauche à droite) par entraînement hydraulique grâce à des pignons sur des arbres à droite et à gauche de la plaque;

f. située sous le transporteur à palettes, une plaque à la base du contenant ferme le fond du contenant : elle réunit le fond des parois antérieures et postérieures partielles ainsi que la paroi latérale droite, mais s’arrête juste avant la paroi latérale gauche afin de marquer une ouverture pour le désintégrateur;

g. un rouleau désintégrateur à fléau déporté et installé de façon à tourner sous la paroi latérale gauche juste à l’extérieur du contenant, assez près pour que les fléaux puissent osciller dans l’ouverture entre la base du contenant et la paroi latérale gauche pour entrer en contact avec la balle dans le contenant;

h. des barres de réglage en oblique, entre la plaque à la base du contenant et la paroi latérale gauche par‑dessus l’ouverture du rouleau désintégrateur à fléau;

i. une plaque métallique concave, ou carénage, à l’extérieur du contenant, sous la paroi gauche, recourbée autour du rouleau désintégrateur à fléau;

j. une ouverture d’évacuation (dans le carénage) afin d’évacuer la récolte déchiquetée sous la plaque du fond et à l’extérieur droit du transformateur;

k. un carter de chaîne, et un mécanisme de transmission qui relie la prise de force du tracteur au rouleau désintégrateur à fléau déporté et accélère la rotation du rouleau par rapport à la prise de force, puis l’inverse (non montré). [Non souligné dans l’original.]

 

(Deuxième rapport Parish, au paragraphe 45.)

 

 

[45]           M. Parish commente ainsi l’avis de M. Hanson :

[traduction] Les machines 2650 et 2800 sont différentes de la revendication en l’espèce. Lus dans le contexte du brevet, les mots « […] dans le bas de la paroi latérale droite […] » désignent la base du contenant lui‑même. M. Hanson fait référence au brevet à ce propos au paragraphe 82 [l’ouverture d’évacuation 40 est formée par la paroi 104, par la base 108 et par les parois postérieures 100 et 102 de sorte que les fléaux 18 du rouleau à fléau 16 entraînent la récolte déchiquetée le long de la base 108 pour l’évacuer du transformateur (divulgation, page 8, aux lignes 24 à 27)] — le déversement est censé traverser en glissant sur la base à l’intérieur du contenant vers l’ouverture de la paroi droite. Dans les transformateurs 2650 et 2800, le déversement ne sort pas de l’intérieur du contenant par une ouverture à la base de la paroi latérale droite, mais par une ouverture d’évacuation dans le carénage qui couvre le fléau sous la paroi latérale gauche et sous la base du contenant. La récolte déversée ne glisse pas dans le fond à l’intérieur du contenant vers une ouverture de la paroi droite, mais se déverse par le carénage des fléaux sous la paroi gauche, puis passe par‑dessus le châssis sous la paroi de la base du contenant et sort à droite du transformateur.

 

À mon avis, la personne versée dans l’art comprend qu’il existe une différence fondamentale entre la façon dont les Balebuster 2650 et 2800 déversent la récolte déchiquetée et la façon qui est revendiquée.

 

(Deuxième rapport Parish, aux paragraphes 60 et 61.)

 

1. Conclusion : le système de déversement du Balebuster ne contrefait pas le brevet

[46]           Je pense que l’avis de M. Hanson est artificiel, car il ne prend pas en compte les caractéristiques évidentes du Balebuster. Le contenant revendiqué dans le brevet est destiné à recevoir et à contenir la balle qui y est placée pour être désintégrée. La pièce 6 établit à mon avis que le désintégrateur du Balebuster et le carénage qui l’entoure ne participent pas à la réception de la balle et ne la contiennent pas. Il en est ainsi parce que les barres de réglage, qui selon M. Parish sont la caractéristique (h), se trouvent par‑dessus l’ouverture vers le désintégrateur et son carénage, auxquels il est donc impossible de participer de quelque façon à la réception de la balle et de la contenir. On peut donc affirmer que ni l’un ni l’autre ne font pas partie du contenant. Sur ce fondement, j’admets l’avis de M. Parish que la base du contenant est la plaque au‑dessous du convoyeur qui apparaît en violet à la pièce 6, et que le vide dans lequel déverse le Balebuster est sous la plaque de la base.

 

[47]           En conséquence, je suis également d’accord avec M. Parish qu’il existe une différence fondamentale entre la façon dont le Balebuster déverse la récolte déchiquetée et la façon qui est revendiquée dans le brevet.

 

VIII. Le brevet est‑il invalide pour cause d’évidence?

[48]           Le critère classique de la validité des brevets est celui que le juge Hugessen de la Cour d’appel fédérale a formulé dans Beloit, ainsi que l’expose l’annexe A. Le juge Rothstein de la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Sanofi, a récemment précisé Beloit et a fourni une méthode pour décider de l’évidence, qui consiste à définir « l’idée originale » de l’invention revendiquée et à étudier les étapes de la mise au point de l’invention qui seraient « allées de soi » selon l’état de la technique.

 

[49]           Je souscris à l’argument de l’avocat de Bridgeview que la notion de l’ « essai allant de soi » n’intervient pas en l’espèce, car elle concerne des situations où les avancées ont été obtenues par expérimentation; or l’idée originale de l’invention revendiquée dans le brevet n’a pas été mise au point de cette façon.

 

 

A. Quelle est l’idée originale en l’espèce?

[50]           Les traits essentiels du critère suggéré par le juge Rothstein sont de définir l’idée originale de l’invention revendiquée dans le brevet, puis de la comparer à l’état de la technique. Se fondant sur l’avis de M. Hanson, l’avocat de Bridgeview allègue que l’idée originale du brevet est la [traduction] « reconnaissance que le déversement à droite est la plupart du temps avantageux dans un transformateur de balle, de facture moderne, avec boîte de vitesses » (conclusions finales des demanderesses, au paragraphe 217). [Non souligné dans l’original.] Au vu de la preuve, je suis disposé à admettre cet argument, avec une réserve toutefois.

 

[51]           J’ai souligné au paragraphe précédent la restriction que l’avocat de Bridgeview propose à l’égard de l’idée originale car, comme on le verra ci‑dessous, en 1985, le Hesston BP20 a été mis sur le marché des transformateurs de balle; il est du type « cuve à bascule », avec déversement à droite et boîte à deux vitesses pour inverser le sens de l’arbre de la prise de force avant que ne soit entraîné le rotor du désintégrateur. C’est le transformateur de balle que M. Parish définit comme une antériorité (rapport Parish, aux paragraphes 80 à 86). Cette restriction proposée indique que même si le BP20 a été fabriqué selon les deux critères précisés dans l’idée originale proposée, il ne peut être considéré comme une antériorité pour les motifs ci‑après :

[traduction] Les demanderesses soulignent tout d’abord que l’invention par combinaison n’a pas été analysée dans l’arrêt Sanofi. L’analyse qui fractionne les composants d’une combinaison [d’]éléments pour en dissocier les parties individuelles qui sont fondamentalement connues n’est pas équitable pour le breveté ou pour le procédé. Dans Shell Oil [Shell Oil Co. c. Commissaire des brevets (1982), 67 C.P.R. (2d) 1, aux pages 9 à 11 (C.S.C.)], la Cour suprême a affirmé ce qui suit :

 

[traduction] Est brevetable une combinaison nouvelle d’éléments, qu’ils soient anciens ou nouveaux. Dans les brevets de combinaison, c’est dans la combinaison elle‑même qu’est l’esprit inventif, pas nécessairement dans ses éléments constitutifs. Il faut en conséquence envisager l’ensemble de la combinaison quand on analyse l’esprit inventif; il ne convient pas, dans l’analyse de l’évidence, de fractionner l’invention pour en dissocier les éléments qui la constituent.

[Citation non textuelle des motifs de la Cour suprême.]

 

L’invention du brevet 334 est donc à analyser dans son ensemble. L’idée originale, comme on l’a précisé ci‑dessus, est la reconnaissance que le déversement à droite est la plupart du temps avantageux dans un transformateur de balle, de facture moderne, avec boîte de vitesses (pièce 62 (déclaration d’expert de Craig Hanson), aux paragraphes 39 à 44; transcription du procès 7e jour (contre‑interrogatoire de M. Hanson), aux pages 1303 à 1304.)

 

Le BP20 en revanche comportait un déversement à droite avec boîte de vitesses, dans un bâti différent. [Non souligné dans l’original.]

 

(Conclusions finales des demanderesses, aux paragraphes 216 à 218.)

 

[52]           Je rejette la restriction imposée à l’idée originale car d’après les éléments de preuve, cette restriction n’a pas de fondement raisonné. Certes le brevet revendique la protection d’une invention par combinaison, mais je conclus que l’essentiel de l’idée originale revendiquée pour la combinaison, qu’il faut comparer aux antériorités, est la « reconnaissance que le déversement à droite est la plupart du temps avantageux dans un transformateur de balle, […] avec boîte de vitesses ». Autrement dit, que le bâti soit « moderne » ou pas, la recherche de l’état de la technique des transformateurs de balle est, de par son essence, l’idée originale dans leur bâti, quel qu’il soit.

1. Conclusion : L’idée originale est la reconnaissance que le déversement à droite est la plupart du temps avantageux dans un transformateur de balle avec boîte de vitesses

[53]           Je conclus en conséquence que la question est la suivante : au jour de la revendication, étant donné l’état de la technique et les connaissances générales courantes des systèmes de déversement du matériel agricole en général, et des transformateurs de balle en particulier, la personne versée dans l’art aurait‑elle estimé que c’est une idée originale que de reconnaître que le déversement à droite est la plupart du temps avantageux dans un transformateur de balle avec boîte de vitesses?

 

B. Les connaissances générales courantes et l’état de la technique

[54]           Les transformateurs avec déversement à gauche tirés par un tracteur sont entraînés directement par la prise de force de celui‑ci. Sur la plupart des tracteurs, la prise de force tourne dans le sens contraire des aiguilles d’une montre et de ce fait, le désintégrateur du transformateur tourne dans le même sens, la balle désintégrée étant par conséquent déversée à gauche du transformateur, pour le conducteur qui regarde devant lui. Il n’est pas contesté que la personne versée dans l’art saurait qu’il faut une boîte de mécanisme de changement de marche pour que la rotation passe dans le sens des aiguilles d’une montre, et pour qu’ainsi le déversement passe de gauche à droite (rapport Parish, au paragraphe 85). Il n’y a aucune contestation non plus que la personne versée dans l’art saurait que les tracteurs ont évolué, qu’ils n’ont plus de siège ouvert et des commandes centrales et qu’ils ont à présent des cabines fermées et des commandes à droite, et qu’il est donc plus naturel et plus courant que le conducteur regarde par‑dessus son épaule droite le fonctionnement des nombreuses sortes de matériel tiré (rapport Parish, au paragraphe 60). Enfin, nul ne conteste qu’il est malaisé pour le conducteur de transformateur de balle de regarder le déversement si celui‑ci se fait à gauche, car cela l’oblige à se tourner beaucoup sur sa droite ou sur sa gauche.

 

[55]           Pour prouver que l’idée originale soutenue par Bridgeview n’est pas originale, M. Parish avance l’hypothèse qu’il existait une évolution des connaissances générales courantes pour que le fonctionnement de certains types de matériel agricole passe de gauche à droite, notamment dans les moissonneuses‑batteuses tractées, les cueilleuses‑dépanouilleuses d’épis de maïs, les récolteuses‑hacheuses, les botteleuses mécaniques, et que la personne versée dans l’art saurait qu’il existait une motivation d’inciter à concevoir et construire un transformateur de balle avec déversement à droite (rapport Parish, aux paragraphes 87 à 97). Par voie de conséquence, ceci étaie la conclusion, dans l’avis de M. Parish, que la personne versée dans l’art aurait reconnu l’avantage du déversement à droite. M. Hanson conteste toutefois l’hypothèse de M. Parish sur la tendance et la motivation, et allègue qu’à la date de la revendication, il n’existait pas de tendance vers le déversement à droite ou un fonctionnement universel dans tous les types de matériel agricole (deuxième rapport Hanson, au paragraphe 55), car la construction de nombreuses machines se fonde sur la fonction et la nécessité (deuxième rapport Hanson, au paragraphe 58), et vu le sens de la rotation de la prise de force des tracteurs, la personne versée dans l’art aurait jugé contraire au sens commun de construire un transformateur de balle avec déversement à droite (deuxième rapport Hanson, au paragraphe 59).

 

[56]           L’objection de M. Hanson me paraît ignorer ce que je considère comme l’idée essentielle défendue par M. Parish : le fait que le fonctionnement vers la droite a été un choix progressivement plus accepté pour décider de quel côté va fonctionner le matériel agricole orienterait l’esprit de la personne versée dans l’art vers ce fonctionnement si on lui demandait de résoudre le problème de l’incommodité du fonctionnement des transformateurs de balle déversant à gauche. Étant donné cette situation de changement du sens du fonctionnement du matériel agricole, de gauche à droite, la personne versée dans l’art reconnaîtrait facilement que la solution du problème présenté est de changer le sens du déversement de gauche à droite. En fait, M. Parish s’attache, pour établir le bien‑fondé de son point de vue, à un transformateur de balle construit avec déversement à droite 14 ans environ avant la date de revendication du brevet : le Hesston BP20.

 

C. Le Hesston BP20 est‑il une antériorité à la date de la revendication?

[57]           Le Hesston BP20 est un transformateur de balle de type cuve à bascule, qui a été fabriqué et vendu par Hesston Corporation en 1985 et 1986; il était également commercialisé sous le nom de John Deere 840. Le BP20 a un déversement à droite, et une boîte à deux vitesses pour inverser le sens de l’arbre de la prise de force du tracteur avant que ne soit entraîné le rotor du désintégrateur. À propos de la mise au point du Hesston BP20, M. Davis, gestionnaire des produits de construction mécanique chez AGCO Corporation (Hesston, Kansas), société à présent propriétaire de Hesston Corporation, a présenté en témoignage une description détaillée pour DuraTech. Il est entré chez Hesston en 1975 à titre d’ingénieur agricole et a participé à la mise au point du BP20 et à celle de son successeur, le BP25, avec déversement à gauche.

 

[58]           Hesston a commencé à mettre au point le BP20 en concluant une entente avec un inventeur du Colorado, M. Deway Marcy, qui avait un concept et un prototype brevetés de transformateur de balle ronde de type cuve à bascule avec déversement à gauche. Hesston a jugé que pour que le prototype fonctionne mieux, il fallait augmenter la vitesse du rotor pour que le foin de la balle soit retiré avec plus d’efficacité et amené à la goulotte de déversement. Puisque le rotor tournait seulement à 540 T/M sur la prise de force du tracteur, une boîte de vitesses a donc été ajoutée à la machine. Puisque l’arbre d’entrée de la boîte tourne en sens inverse de son arbre de sortie, non seulement la vitesse du rotor se trouve augmentée, mais aussi le déversement se trouve converti vers la droite.

 

[59]           À propos de la conversion, M. Davis a témoigné en ces termes :

[traduction] Il était souhaitable, à notre avis, de déverser vers la droite parce que dans les tracteurs, les commandes, notamment les commandes hydrauliques, étaient à droite, et que le matériel agricole fonctionnait en grande majorité vers la droite; il était donc naturel pour le fermier, pour le conducteur, de regarder par‑dessus son épaule droite pour regarder ce qui se passait dans la machine, plutôt que de travailler avec sa main droite et de devoir regarder par‑dessus son épaule gauche.

 

(Transcription Davis, à la page 23.)

 

[60]           Des dépositaires vendaient le BP20 à des détaillants : en 1985, 456 machines ont été vendues sous la marque Hesston et 52, sous la marque John Deere; en 1986, 350 ont été fabriquées sous la marque Hesston et environ 82, sous la marque John Deere (transcription Davis, aux pages 37 à 39).

 

[61]           Le BP20 a été abandonné en 1987. M. Davis a témoigné en ces termes à propos du remplacement du BP20 avec déversement à droite par le BP25 avec déversement à gauche :

[traduction] Q.   Bon. Passons au remplacement du BP20 par le BP25. Êtes‑vous au courant des facteurs à l’origine de ce remplacement?

 

R.         Oui. La – même si nous avions accéléré le rotor, la machine avait besoin de plus d’énergie que prévu. Comme je l’ai déjà déclaré, la machine avait été conçue pour être utilisée avec un tracteur, à 540 T/M. Les normes chez les fabricants de tracteur et de matériel agricole sont de 540 T/M et de 1000 T/M. Et nous voulions, nous avons pensé que la machine fonctionnerait encore mieux à une vitesse supérieure. On a donc décidé plutôt que de travailler sur un tracteur à 540 T/M, d’augmenter la vitesse du rotor à 810 T/M, que nous allions faire simplement fonctionner sur des prises de force à 1000 T/M, des tracteurs, et entraîner le rotor à une vitesse de 1000 T/M. En même temps, on voulait réduire le coût de la machine. À l’époque, les éleveurs de bétail éprouvaient des difficultés, les prix du bœuf étaient bas. Il était donc souhaitable de réduire aussi le coût de la machine.

 

Q.   Comment avez‑vous réduit le coût?

 

R.         En concevant la machine pour utilisation sur un tracteur à 1000 T/M, nous pouvions supprimer la boîte de vitesses, mais bien sûr, on a dû de ce fait déverser à gauche et non plus à droite, car la rotation était dans le sens des aiguilles d’une montre quand on est placé à l’arrière.

 

(Transcription Davis, aux pages 40 à 41.)

 

[62]           En 2002, le BP25 a été abandonné pour les raisons suivantes :

[traduction] À l’époque, d’autres machines avaient été commercialisées, qui avait une fonction semblable et à l’époque, plusieurs de ces machines, quelques‑unes de ces machines avaient la capacité de prendre plusieurs balles en même temps. Ce qui a rendu alors le BP25 plutôt désuet. Il aurait fallu un programme technique très coûteux pour donner une nouvelle conception à la machine et la rendre plus concurrentielle avec les autres machines sur le marché. Il a donc été décidé de ne pas y consacrer ces ressources techniques, d’abandonner la machine et de sortir de ce segment du marché.

 

(Transcription Davis, à la page 49.)

 

[63]           M. Davis a déclaré ce qui suit quand l’avocat de Bridgeview l’a contre‑interrogé :

[traduction] Q.   Et d’après ce que vous dites, l’origine de la boîte de vitesses était l’augmentation de la vitesse, exact?

R.   Oui.

Q.   Et il est juste d’affirmer que le déversement à droite n’était qu’un aspect accessoire à l’objet de la boîte de vitesses, exact?

R.   Le déversement à droite était considéré comme une amélioration de la machine, je l’ai expliqué, parce qu’il était plus courant et nous avons estimé qu’il était plus facile pour le conducteur de regarder par‑dessus son épaule droite, et moins commode de regarder par‑dessus son épaule gauche.

Q.  C’est ce que vous avez déjà expliqué, Monsieur, mais vous avez affirmé ensuite que vous avez arrêté la production de la machine avec déversement à droite, exact?

R.   Oui.

Q.   Après seulement deux ans de production, exact?

R.   C’est exact.

Q.   En fait, vous avez estimé et Hesston a estimé que la boîte de vitesses était un inconvénient pour Hesston du fait du coût plus élevé, exact?

R.   C’était un facteur parmi d’autres.

Q.   Alors il est juste d’affirmer que le déversement à droite n’était qu’un aspect accessoire à l’objet de la boîte de vitesses, lequel était surtout d’accélérer la rotation?

R.   C’est exact.

Q.   Et vous avez arrêté la production. Je pense que vous avez déclaré en – vous avez arrêté de produire le BP20 avec déversement à droite en 1987?

R.  En 1986.

Q.   1986, exact. Après seulement deux ans de production?

R.   Exact.

Q.   Et je crois que vous avez dit qu’aussitôt que Hesston a amélioré la conception pour travailler avec une prise de force de 1000 T/M, vous avez arrêté de produire la boîte de vitesses et le déversement à droite, exact?

R.   Exact.

Q.   Puis vous vous êtes consacrés au BP25 avec déversement à gauche?

R.   Oui.

Q.   Bon. D’après ce que vous dites, Hesston aurait pu continuer de vendre les machines avec déversement à droite?

R.   On aurait pu.

Q.   D’accord. Mais vous avez décidé de ne pas le faire?

R.   Oui.

(Transcription Davis, aux pages 52 à 55.)

 

[64]           Il ressort donc de la preuve que le BP20 était juste un peu en avance sur son temps pour un transformateur de balle avec déversement à droite. Certes la machine répondait au besoin d’une force de rotation plus rapide et du déversement à droite grâce à l’utilisation d’un moyen d’inversement de la rotation de la prise de force, mais elle n’a pas suscité de demandes, car à l’époque, elle s’est avérée trop chère à l’achat. Le BP20 a donc été abandonné et remplacé par le BP25, dans lequel le déversement est encore à gauche.

 

[65]           Bridgeview soutient qu’il existe plusieurs raisons de minimiser l’existence du BP20, au point qu’elle soit sans pertinence. Son avocat soutient, à propos de la preuve apportée par M. Davis, que le BP20, avec son déversement à droite et sa boîte de vitesses, a un bâti différent de celui des transformateurs de balle modernes. Qui plus est, selon cet argument, les faits objectifs relatifs au BP20 n’auraient pas fait comprendre à la personne versée dans l’art que le déversement à droite procure un avantage, et qu’au contraire, ils lui auraient permis de saisir que la machine était sans efficacité et que la caractéristique du déversement à droite était à abandonner, si tant est qu’on la considérait comme une « caractéristique » (conclusions finales de Bridgeview, au paragraphe 218). L’argumentation suivante est en outre avancée d’après la preuve présentée par M. Hanson :

[traduction] M. Hanson fait de plus état de différences techniques qui ont rendu le BP20 obsolète, surtout par comparaison avec le Haybuster et les autres machines de type Bridgeview, connues depuis avril 1999, du fait desquelles la personne versée dans l’art ignorerait le BP20. En voici ci‑après quelques exemples :

a.       dans le BP20, la balle est tournée par l’ensemble du contenant rond de la cuve rotative, ce qui est très différent de la rotation par un mécanisme ou une structure de soutien (c’est‑à‑dire un manipulateur distinct), situés en dessous de la balle;

b.      dans le BP20, l’axe de rotation de la balle est vertical, pas horizontal;

c.       le BP20 peut désintégrer uniquement de grandes balles de foin rondes, pas des balles gelées, mal formées ou carrées;

d.      le BP20 peut contenir une seule balle à la fois;

e.       le rotor du désintégrateur du BP20 est court et n’accroche qu’une petite partie du pourtour de la balle à la fois, par un petit trou à la base. Ce désintégrateur est très différent des rotors beaucoup plus grands des transformateurs de balle bien connus en avril 1999, lesquels accrochaient les balles sur tout leur pourtour et avaient des barres de réglage dont l’efficacité assurait que de gros morceaux de balle ne s’accrochent pas dans le rotor du désintégrateur;

f.        le rotor du désintégrateur du BP20 absorbait les balles lentement, sans force, ce qui était intentionnel, et de ce fait, l’opération durait longtemps. Ceci contraste avec la rapidité et la force de l’accrochage des balles dans les transformateurs de balle bien connus en avril 1999;

g.       avec le BP20, des tunnels, des fentes ou des sillons se forment dans la balle à cause de la mise en prise inférieure entre le rotor et la balle. De ce fait, le rotor du désintégrateur a encore plus de difficulté à accrocher la surface de la balle;

h.       le BP20 éjectait généralement le foin bien moins loin que les transformateurs de balle bien connus en avril 1999. Du fait de cette insuffisance, la personne versée dans l’art savait que le BP20 ne pouvait servir dans des situations où l’on se sert couramment des transformateurs de balle, par exemple pour contrôler l’érosion des bords de chaussée;

i.         la vitesse requise de la prise de force du BP20 est de 540 T/M. Au 1er avril 1999, il s’agissait là d’une vitesse désuète pour les prises de force de transformateur de balle ainsi que pour beaucoup de matériel agricole. Une prise de force qui tourne à 1000 T/M est beaucoup plus efficace que celle qui tourne à 540 T/M, et c’est ce que la personne versée dans l’art aurait exigé dans un transformateur de balle au 1er avril 1999, étant donné la vitesse et la puissance de rotation supérieures qu’il faut pour exécuter les fonctions voulues. La personne versée dans l’art ne prêterait aucune attention à un transformateur de balle conçu pour fonctionner avec une vitesse de prise de force de 540 T/M.

(Conclusions finales de Bridgeview, au paragraphe 220, citant le deuxième rapport Hanson, au paragraphe 49.)

 

1. Conclusion : le Hesston BP20 était une antériorité à la date de la revendication

[66]           Je n’accorde pas de poids aux arguments de minimisation de Bridgeview. Quelles que soient les insuffisances signalées du BP20 et bien qu’il ait été abandonné et que son déversement à droite ait été mis au point parallèlement en vue d’augmenter la vitesse du rotor avec une boîte de vitesses, il demeure que Hesston a été la première à reconnaître l’avantage du déversement à droite dans un transformateur de balle avec boîte de vitesses. Rien ne me porte à croire qu’à la date de la revendication, la personne versée dans l’art, avec les connaissances universitaires et l’expérience pratique dont elle disposait, n’aurait pas été au fait de cette réalisation unique de matériel agricole. De surcroît, il ne fait aucun doute que le BP20 était connu généralement; il était en effet commercialisé depuis deux ans et accepté des consommateurs, puisque quelque 940 exemplaires ont été fabriqués. En fait, lors de la mise au point leur avis d’expert, M. Parish et M. Hanson le connaissaient tous les deux. Je conclus en conséquence que le Hesston BP20 était une antériorité à la date de la revendication.

 

D. L’omission de revendiquer le tracteur

[67]           DuraTech a fait valoir un autre argument relatif à la validité du brevet qui exige un bref commentaire. La société soutient que le tracteur tirant le transformateur de balle revendiqué aurait dû être ajouté à la revendication 1, car il est une partie nécessaire de l’avantage promis de la combinaison revendiquée. Autrement dit, pour obtenir l’avantage promis que le conducteur puisse commodément regarder par‑dessus son épaule droite pour voir le déversement à droite, il faut qu’il y ait un tracteur avec une prise de force pour faire tourner le désintégrateur du transformateur de balle dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, quand on est placé à l’arrière. Je n’accorde pas de poids à cet argument, car à mon avis, le transformateur de balle étant de type tracté, le tracteur est implicitement inclus dans les revendications.

 

E. Conclusion : Le brevet est invalide pour cause d’évidence

[68]           Je conclus que l’idée originale est présente dans le Hesston BP20. Étant donné qu’il est une antériorité, je conclus donc qu’à la date de la revendication, étant donné l’état de la technique et les connaissances générales courantes des systèmes de déversement du matériel agricole en général, et des transformateurs de balle en particulier, la personne versée dans l’art n’aurait pas estimé que c’était une idée originale que de reconnaître que le déversement à droite est la plupart du temps avantageux dans un transformateur de balle avec boîte de vitesses.


 

ANNEXE A

I. Interprétation des brevets

 

A. Règles générales

Aux paragraphes 29 à 53 de Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 46 C.P.R. (4th) 244, le juge Hughes fait un résumé commode du droit en matière d’interprétation des brevets d’après les arrêts de la Cour suprême du Canada dans Whirlpool Corp. c. Camco Inc. (2000), 9 C.P.R. (4th) 129 (Whirlpool), et Free World Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024 (Free World).

 

En voici ci‑après un bref exposé, adapté à l’espèce.

 

Principes dégagés dans les arrêts Whirlpool et Free World

 

La Cour suprême du Canada a, dans les affaires Whirlpool et Free World, […], rendu des arrêts de principe sur le droit canadien des brevets. Bien qu’elles précèdent l’arrêt Kirin‑Amgen de presque quatre ans, ces décisions vont tout à fait dans le même sens. La Cour suprême a souscrit à la méthode de « l’interprétation téléologique » et a écarté la démarche à deux volets (Free World paragraphes 45 à 50, Whirlpool paragraphes 42 à 50). La Cour a expressément rejeté toute méthode « grammaticale » ou « analyse terminologique méticuleuse » (Whirlpool, aux paragraphes 48 et 53).

 

Le paragraphe 34(2) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P.4 exige que le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications exposant « distinctement et en termes explicites » la portée du monopole revendiqué. Ainsi que la Cour suprême l’a expliqué, dans l’arrêt Whirlpool, au paragraphe 42 :

Le contenu du mémoire descriptif d’un brevet est régi par l’art. 34 de la Loi sur les brevets. La première partie est une « divulgation » dans laquelle le breveté doit fournir une description de l’invention « comportant des détails assez complets et précis pour qu’un ouvrier, versé dans l’art auquel l’invention appartient, puisse construire ou exploiter l’invention après la fin du monopole » : Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504, à la p. 517. La divulgation est ce que l’inventeur fournit en contrepartie d’un monopole de 17 ans (maintenant 20 ans) sur l’exploitation de l’invention. On peut faire respecter le monopole au moyen de toute une gamme de recours en droit et en equity, de sorte qu’il importe que le public sache ce qui est interdit et ce qu’il peut faire sans risque lorsque le brevet est encore en vigueur. Les revendications qui concluent le mémoire descriptif servent d’avis public et doivent énoncer « distinctement et en termes explicites les choses ou combinaisons que le demandeur considère comme nouvelles et dont il revendique la propriété ou le privilège exclusif » (par. 34(2)). L’inventeur n’est pas tenu de revendiquer un monopole sur tout élément nouveau, ingénieux et utile qui est divulgué dans le mémoire descriptif. La règle habituelle veut que ce qui n’est pas revendiqué soit considéré comme ayant fait l’objet d’une renonciation.

 

1.      Qui interprète les revendications?

C’est au tribunal qu’il incombe d’interpréter les revendications (arrêt Whirlpool, aux paragraphes 43 et 45). Il n’appartient pas aux témoins experts d’interpréter les revendications.

 

Au paragraphe 57 de l’arrêt Whirlpool :

 

[L]e rôle [des experts] consistait non pas à interpréter les revendications du brevet, mais à faire en sorte que le juge de première instance soit en mesure de le faire de façon éclairée.

 

 

2.      Quand les revendications sont‑elles interprétées?

Le tribunal commence par interpréter les revendications avant d’aborder toute question de validité ou de contrefaçon. L’interprétation des revendications ne doit pas être « axée sur des résultats »; elle doit plutôt être effectuée en faisant abstraction tant de ce qui serait contrefait que de l’antériorité, (arrêt Whirlpool, aux paragraphes 43 et 49a)).

 

 

3.      À quelle date doit‑on interpréter les revendications?

Note : L’article 28.1 de la Loi sur les brevets prévoit ce qui suit, applicable en l’espèce à l’égard de la demande de brevets no 09/303,263, déposée aux États‑Unis le 30 avril 1999 :

(1) La date de la revendication d’une demande de brevet est la date de dépôt de celle‑ci, sauf si :

a) la demande est déposée, selon le cas :

(i) par une personne qui a antérieurement déposé de façon régulière, au Canada ou pour le Canada, ou dont l’agent, le représentant légal ou le prédécesseur en droit l’a fait, une demande de brevet divulguant l’objet que définit la revendication,

(ii) par une personne qui a antérieurement déposé de façon régulière, dans un autre pays ou pour un autre pays, ou dont l’agent, le représentant légal ou le prédécesseur en droit l’a fait, une demande de brevet divulguant l’objet que définit la revendication, dans le cas où ce pays protège les droits de cette personne par traité ou convention, relatif aux brevets, auquel le Canada est partie, et accorde par traité, convention ou loi une protection similaire aux citoyens du Canada;

b) elle est déposée dans les douze mois de la date de dépôt de la demande déposée antérieurement;

c) le demandeur a présenté, à l’égard de sa demande, une demande de priorité fondée sur la demande déposée antérieurement.

(2) Dans le cas où les alinéas (1)a) à c) s’appliquent, la date de la revendication est la date de dépôt de la demande antérieurement déposée de façon régulière. 1993, ch. 15, art. 33.

 

4.      Quels sont les critères régissant l’interprétation?

Whirlpool, au paragraphe 45 :

L’interprétation téléologique repose donc sur l’identification par la cour, avec l’aide du lecteur versé dans l’art, des mots ou expressions particuliers qui sont utilisés dans les revendications pour décrire ce qui, selon l’inventeur, constituait les éléments « essentiels » de son invention.

 

Free World, au paragraphe 51 :

 

Les mots choisis par l’inventeur seront interprétés selon le sens que l’inventeur est présumé avoir voulu leur donner […]

 

Il ne faut pas en conclure pour autant que le tribunal doit s’engager dans un examen subjectif de ce que l’inventeur avait en tête. Le tribunal doit plutôt procéder à une analyse objective de ce que le lecteur versé dans l’art aurait compris de ce que l’inventeur voulait dire.

 

5.      Quelles ressources peut‑on utiliser pour interpréter les revendications?

La revendication doit être interprétée en fonction de l’ensemble du mémoire descriptif.

Whirlpool, au paragraphe 52, citant l’arrêt Metalliflex Ltd. c. Rodi & Wienenberger Aktiengesellschaft, [1961] R.C.S. 117, à la page 122 :

[traduction] On doit naturellement interpréter les revendications en se reportant à l’ensemble du mémoire descriptif, qui peut donc être consulté pour faciliter la compréhension et l’interprétation d’une revendication, mais on ne peut pas permettre que le breveté élargisse la portée de son monopole décrit expressément dans les revendications « en empruntant tel ou tel élément à d’autres parties du mémoire descriptif ».

 

 

Whirlpool, au paragraphe 52, citant Hayhurst, William L., « The Art of Claiming and Reading a Claim », dans G. F. Henderson, (ed.), Patent Law of Canada (Scarborough, Ont., Carswell, 1994) :

 

Plus récemment, Hayhurst, loc. cit., à la p. 190, a prévenu que [traduction] « [l]es mots doivent être interprétés dans leur contexte, de sorte qu’il est risqué, dans bien des cas, de conclure que le sens d’un mot est clair et net sans avoir examiné attentivement le mémoire descriptif ». J’estime que le juge de première instance pouvait parfaitement examiner le reste du mémoire descriptif, y compris le dessin, pour comprendre le sens du mot « ailette » utilisé dans les revendications, mais non pour élargir ou restreindre la portée de la revendication telle qu’elle était écrite et, ainsi, interprétée.

 

Le tribunal peut recourir aux lumières des témoins experts pour comprendre le contexte dans lequel se situe l’invention décrite, ainsi que le sens précis des mots employés dans le brevet. L’expert ne doit cependant pas se substituer au tribunal, à qui il appartient exclusivement d’interpréter les revendications.

Whirlpool, au paragraphe 45 :

 

L’interprétation téléologique repose donc sur l’identification par la cour, avec l’aide du lecteur versé dans l’art, des mots ou expressions particuliers qui sont utilisés dans les revendications pour décrire ce qui, selon l’inventeur, constituait les éléments « essentiels » de son invention.

 

 

6.      Du point de vue de qui le brevet doit‑il être interprété?

Le brevet s’adresse à la « personne moyennement versée dans le domaine » à laquelle le brevet a trait.

Whirlpool, au paragraphe 53 :

Toutefois, le mémoire descriptif du brevet s’adresse non pas aux grammairiens, aux étymologistes ou au public en général, mais plutôt aux personnes suffisamment versées dans l’art dont relève le brevet pour être en mesure, techniquement parlant, de comprendre la nature et la description de l’invention.

 

[…]

 

L’arrêt Burton Parsons [Burton Parsons Chemicals, Inc. c. Hewlett‑Packard (Canada) Ltd., [1976] 1 R.C.S. 555, 17 C.P.R. (2d) 97, 54 D.L.R. (3d) 711] fournit un exemple d’interprétation téléologique antérieur à l’arrêt Catnic, dans lequel, comme dans l’arrêt Catnic même, la personne versée dans l’art à qui on s’adressait s’était servie de ses connaissances usuelles pour donner un sens et un but aux mots utilisés dans la revendication. C’est du point de vue d’une telle personne, et non pas de celui d’un étymologiste ou d’un grammairien, que le contenu du mémoire descriptif, y compris les revendications, doit être interprété.

Free World, au paragraphe 44 :

Traditionnellement, les tribunaux ont protégé le breveté contre les effets d’une interprétation trop textuelle. Le brevet ne s’adresse pas au citoyen ordinaire, mais au travailleur versé dans l’art, que le Dr Fox [Fox, Harold G., The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions (4e éd., 1969), à la page 184] a décrit comme

[traduction] un être fictif ayant des compétences et des connaissances usuelles dans l’art dont relève l’invention et un esprit désireux de comprendre la description qui lui est destinée. Cette notion de la personne fictive a parfois été assimilée à celle de l’ « homme raisonnable » retenue en matière de négligence. On suppose que cette personne va tenter de réussir, et non rechercher les difficultés ou viser l’échec.

 

Whirlpool, au paragraphe 74 :

 

Même s’il n’est pas considéré comme une personne à l’esprit inventif, le « travailleur moyen » hypothétique est tenu pour raisonnablement diligent lorsqu’il s’agit de tenir à jour sa connaissance des progrès réalisés dans le domaine dont relève le brevet. Les « connaissances usuelles » des travailleurs versés dans un art évoluent et augmentent constamment.

 

 

7.      Que doit‑on faire de l’interprétation ainsi obtenue?

L’interprétation téléologique est susceptible d’élargir ou de limiter la portée du libellé de la revendication.

Whirlpool, au paragraphe 49h) :

 

L’interprétation téléologique est susceptible d’élargir ou de limiter la portée d’un texte, comme Hayhurst, loc. cit., le souligne, à la p. 194, dans des mots qui laissent présager le jugement de première instance rendu en l’espèce : [traduction] « L’interprétation téléologique est susceptible de démontrer qu’on n’a pas voulu qu’une chose qui pourrait littéralement être visée par la revendication le soit, de sorte qu’il ne peut y avoir de contrefaçon . . . » De même, deux autres praticiens expérimentés, Carol V. E. Hitchman et Donald H. MacOdrum ont conclu qu’une [traduction] « interprétation téléologique n’est pas nécessairement plus large qu’une interprétation purement littérale, même s’il se peut qu’elle le soit » (Hitchman et MacOdrum, « Don’t Fence Me In: Infringement in Substance in Patent Actions » (1990), 7 R.C.P.I. 167, à la p. 202).

Free World, au paragraphe 50 :

 

L’« interprétation téléologique » supprime le premier volet correspondant à une interprétation purement textuelle, mais elle resserre l’interprétation de ce qui constitue l’ « essentiel » ou la « substance » de l’invention et ce, afin qu’un traitement équitable soit accordé à la fois au breveté et au public.

Free World, au paragraphe 51 :

 

Cet aspect est plus particulièrement examiné dans les arrêts Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, 2000 CSC 67, et Whirlpool Corp. c. Maytag Corp., [2000] 2 R.C.S. 1116, 2000 CSC 68, rendus concurremment. L’interprétation des revendications avec le concours d’un destinataire versé dans l’art donne au breveté l’assurance que certains termes et concepts seront considérés par le tribunal à la lumière du témoignage d’un expert concernant leur sens technique. Les mots choisis par l’inventeur seront interprétés selon le sens que l’inventeur est présumé avoir voulu leur donner et d’une manière qui est favorable à l’accomplissement de l’objet, exprès ou tacite, des revendications. Cependant, l’inventeur qui s’exprime mal ou qui crée par ailleurs une restriction inutile ou complexe ne peut s’en prendre qu’à lui‑même. Le public doit pouvoir s’en remettre aux termes employés à condition qu’ils soient interprétés de manière équitable et éclairée.

 

Après avoir interprété la revendication, le tribunal peut passer à l’examen des questions de la validité et de contrefaçon en se fondant sur cette interprétation (voir Whirlpool, au paragraphe 43).

Whirlpool, au paragraphe 76 :

 

La question de la contrefaçon est une question mixte de droit et de fait. L’interprétation des revendications est une question de droit.  La question de savoir si les activités de la défenderesse relèvent du monopole ainsi défini est une question de fait : Western Electric, précité. [Western Electric Co. c. Baldwin International Radio of Canada (1934), 4 D.L.R. 129, [1934] R.C.S. 570.]

 

8.      Abandonner la partie - Ambiguïté

On peut être tenté, surtout dans les litiges les plus âprement contestés, d’abandonner la partie en disant que la revendication ne se prête à aucune interprétation, autrement dit, qu’elle est ambiguë et, partant, invalide.

En pratique, les tribunaux canadiens ont résisté à la tentation de conclure que des revendications ne se prêtent à aucune interprétation parce qu’elles sont dépourvues de sens. Le juge Mosley donne une illustration de la démarche moderne dans Letourneau c. Clearbrook Iron Works Ltd., 26 septembre 2005, [2005] A.C.F. no 1589, 2005 CF 1229, aux paragraphes 37 et 38 :

 

Une revendication n’est pas invalide du simple fait qu’elle n’est pas un modèle de concision et de netteté. Bien peu de revendications de brevet possèdent ces qualités. Les revendications sont rédigées de manière à être comprises par des personnes ayant des connaissances et une expérience pratiques dans le domaine précis de l’invention (Risi Stone Ltd., [[1995] A.C.F. no 1316], au paragraphe 20). On ne saurait qualifier d’ambigu le terme que l’on peut interpréter en recourant aux règles de grammaire et à la logique (Mobil Oil Corp. c. Hercules Canada Inc. (1995), 63 C.P.R (3d) 473, à la page 484, 188 N.R. 382 (C.A.F.)).

 

La Cour doit interpréter la revendication de façon téléologique sans être trop tatillonne ou formaliste. Si plusieurs interprétations sont raisonnablement possibles, la Cour doit favoriser celle qui permet de confirmer la validité du brevet. Si le libellé du mémoire descriptif peut raisonnablement être interprété de manière à reconnaître à l’inventeur la protection de ce qu’il a effectivement inventé de bonne foi, le tribunal doit, en principe, s’efforcer de donner effet à cette interprétation (Lubrizol Corp. c. Imperial Oil Ltd. (1992), 45 CPR (3d) 449, 98 D.L.R. (4th) 1 (C.A.F.); Western Electric Co. Inc. and Northern Electric Co. c. Baldwin International Radio of Canada Ltd., [1934] R.C.S. 570, [1934] 4 D.L.R. 129; Unilever PLC. c. Proctor & Gamble Inc., [1995] A.C.F. no 1005, au paragraphe 23, 61 C.P.R. (3d) 499 (C.A.F.).

 

En résumé, l’ambiguïté n’est véritablement invoquée qu’en dernier recours, sinon jamais.

 

B. Préoccupations particulières

 

1. Lorsque les revendications diffèrent

Whirlpool, au paragraphe 79 :

 

Si les deux revendications sont identiques à d’autres égards, l’interprétation téléologique amène à déduire que les revendications visaient à décrire deux mécanismes possibles d’entraînement.  Il est reconnu que [traduction] « [l]orsque deux revendications diffèrent l’une de l’autre à un seul égard, il est difficile de prétendre que l’on n’a pas fait de la caractéristique différente un élément essentiel de la revendication » : Hayhurst, loc. cit., à la p. 198 [Hayhurst, William L., « The Art of Claiming and Reading a Claim », dans G. F. Henderson, ed., Patent Law of Canada (Scarborough, Ont. : Carswell, 1994)].

 

2. Différenciation des revendications

Article 87 des Règles sur les brevets, DORS/96‑423 :

87. (1) Sous réserve du paragraphe (2), la revendication qui inclut toutes les caractéristiques d’une ou de plusieurs autres revendications (appelée « revendication dépendante » au présent article) renvoie au numéro de ces autres revendications et précise les caractéristiques additionnelles revendiquées.

(2) La revendication dépendante peut seulement renvoyer à une ou plusieurs revendications antérieures.

(3) La revendication dépendante comporte toutes les restrictions contenues dans la revendication à laquelle elle renvoie ou, si elle renvoie à plusieurs revendications, toutes les restrictions figurant dans la revendication ou les revendications avec lesquelles elle est prise en considération.

 

Halford c. Seed Hawk Inc. (2004), 31 C.P.R. (4th) 434 (Halford), au paragraphe 91 :

 

Il est clair, à la lecture de l’article 87 des Règles sur les brevets, qu’une revendication dépendante comprend toutes les caractéristiques et toutes les restrictions de la revendication à laquelle elle renvoie. C’est pourquoi l’interprétation d’une revendication indépendante ne doit pas être en contradiction avec les revendications qui en dépendent.

 

Halford, au paragraphe 93 :

 

Dans sa forme la plus simple, la différenciation des revendications exige uniquement que [traduction] « les restrictions d’une revendication ne soient pas considérées comme faisant partie d’une revendication générale » (Wolens c. F. W. Woolworth Co., 703 F. 2d, 983, à la page 988 (Fed. Cir. 1983)).

 

3. La différenciation des revendications est une présomption réfutable

Halford, au paragraphe 94 :

 

Le principe de différenciation des revendications est traité comme une présomption réfutable :

 

[traduction] Cette présomption est particulièrement forte lorsque la restriction en litige est la seule différence importante entre une revendication indépendante et une revendication dépendante, et qu’une des parties soutient que la restriction dans la revendication dépendante devrait être considérée comme faisant partie de la revendication indépendante. [Sunrace Roots Enterprise Co. Ltd. c. SRAM Corporation 336 F. 3d 1298, à la page 1303 (U.S.C.A. Fed. Cir. 2003).]

 

 

II. Contrefaçon

Dans l’arrêt Free World Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024 (C.S.C.), le juge Binnie expose aux paragraphes 14 et 15 la nécessité de définir clairement les éléments essentiels de la revendication d’un brevet :

Les revendications d’un brevet sont souvent comparées à des « clôtures » et à des « frontières » qui délimiteraient clairement les « champs » faisant l’objet du monopole. Ainsi, dans la décision Minerals Separation North American Corp. c. Noranda Mines, Ltd., [1947] R.C. de l’É. 306, le président Thorson s’exprime dans les termes suivants, à la p. 352 :

 

[traduction] En formulant ses revendications, l’inventeur érige une clôture autour des champs de son monopole et met le public en garde contre toute violation de sa propriété. La délimitation doit être claire afin de donner l’avertissement nécessaire, et seule la propriété de l’inventeur doit être clôturée. La teneur d’une revendication doit être exempte de toute ambiguïté ou obscurité pouvant être évitée, et sa portée ne doit pas être flexible; elle doit être claire et précise de façon que le public puisse savoir non seulement où il lui est interdit de passer, mais aussi où il peut passer sans risque.

 

En réalité, les « clôtures » sont souvent constituées d’une superposition complexe de définitions de différents éléments (ou « composants » ou « caractéristiques » ou « parties intégrantes ») dont la complexité, l’interchangeabilité et l’ingéniosité sont variables. Un ensemble de mots et d’expressions définit le monopole, met le public en garde et piège le contrefacteur. Dans certains cas, les éléments précis de la « clôture » peuvent être cruciaux ou « essentiels » au fonctionnement de l’invention revendiquée; dans d’autres, l’inventeur peut envisager que des variantes puissent aisément être employées ou substituées sans que cela ne modifie substantiellement le fonctionnement de l’invention, et la personne versée dans l’art qui prend connaissance de la teneur de la revendication peut le constater. Il incombe au tribunal appelé à interpréter des revendications de distinguer les cas les uns des autres, de départager l’essentiel et le non‑essentiel et d’accorder au « champ » délimité dans un cas appartenant à la première catégorie la protection juridique à laquelle a droit le titulaire d’un brevet valide.

 

III. Validité

 

A. Présomption de validité

Le paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4, prévoit ce qui suit :

 

Validité

(2) Une fois délivré, le brevet est, sauf preuve contraire, valide et acquis au breveté ou à ses représentants légaux pour la période mentionnée aux articles 44 ou 45.

 

B. Charge de prouver l’invalidité

Ainsi que l’expose le paragraphe 24 de Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser (2004), 31 C.P.R. (4th) 161, à la page 174 (C.S.C.), la charge de la preuve n’incombe pas au breveté :

 

Le brevet de Monsanto a déjà été délivré, et il incombe à M. Schmeiser de démontrer que le commissaire a commis une erreur en accueillant la demande de brevet : Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., [2002] 4 R.C.S. 153, 2002 CSC 77, par. 42‑44.

 

C.  Définition de l’évidence dans la Loi sur les brevets

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

D. Définition de l’évidence dans la jurisprudence

Le critère classique admis de l’évidence a été formulé par le juge Hugessen à la page 294 de l’arrêt Beloit Canada Ltd. et al. c. Valmet Oy (1986), 8 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.) :

 

Un inventeur est par définition inventif. La pierre de touche classique de l’évidence de l’invention est le technicien versé dans son art mais qui ne possède aucune étincelle d’esprit inventif ou d’imagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu d’intuition; un triomphe de l’hémisphère gauche sur le droit. Il s’agit de se demander si, compte tenu de l’état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l’invention aurait été faite, cette créature mythique (monsieur tout‑le‑monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet. C’est un critère auquel il est très difficile de satisfaire.

 

Le critère classique a été précisé par le juge Rothstein au paragraphe 67 de l’arrêt Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 :

 

(1)     a)   Identifier la « personne versée dans l’art ».

         b)   Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne.

(2)     Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation.

(3)     Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

(4)     Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité? 

 

Au paragraphe 70 de Sanofi, le juge Rothstein souligne ce qui suit :

 

[L]’évidence tient en grande partie à la manière dont l’homme du métier aurait agi à la lumière de l’antériorité.

 

E. Évidence en matière d’invention par combinaison

Dans Shell Oil Co. c. Commissaire des brevets (1982), 67 C.P.R. (2d) 1, aux pages 9 à 11, la Cour suprême a affirmé ce qui suit :

[traduction] Est brevetable une combinaison nouvelle d’éléments, qu’ils soient anciens ou nouveaux. Dans les brevets de combinaison, c’est dans la combinaison elle‑même qu’est l’esprit inventif, pas nécessairement dans ses éléments constitutifs. Il faut en conséquence envisager l’ensemble de la combinaison quand on analyse l’esprit inventif; il ne convient pas, dans l’analyse de l’évidence, de fractionner l’invention pour en dissocier les éléments qui la constituent. [Citation non textuelle des motifs de la Cour suprême.]

 

 


ANNEXE B

Pièce 6

           

 

 

 

 


JUGEMENT

 

La demande des demanderesses est rejetée et la demande reconventionnelle des défenderesses est accueillie. J’adjuge les dépens de l’action aux défenderesses, puisqu’elles ont totalement gain de cause.

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


Cour fédérale

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

DOSSIER :                                        T-1554-05

 

INTITULÉ :                                       BRIDGEVIEW MANUFACTURING INC. et al.

                                                            c. 931409 ALBERTA LTD. faisant affaire sous la raison sociale CENTRAL ALBERTA HAY CENTRE et al.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 SASKATOON (SASKATCHEWAN)

 

DATES DE L’AUDIENCE :             1er au 12 DÉCEMBRE 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 20 JANVIER 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Christopher C. Van Barr

Michael Crichton

 

 

POUR LES DEMANDERESSES

Robert MacFarlane

Adam Bobker

 

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L.

Ottawa (Ontario)

 

 

POUR LES DEMANDERESSES

Bereskin & Parr

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES

 

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