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Date : 20081229
Dossier : T-425-08
Référence : 2008 CF 1414
Ottawa (Ontario), le 29 décembre 2008
En présence de monsieur le juge Barnes


ENTRE :
LARRY MITCHELL FANCY
demandeur
et

LE MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA (D.S.C.)
anciennement Développement des ressources humaines Canada

défendeur


MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1] Le tribunal de révision du Régime de pensions du Canada a rendu une décision défavorable à Larry Mitchell Fancy. M. Fancy a alors demandé l'autorisation d'interjeter appel de la décision auprès de la Commission d'appel des pensions (la Commission), mais sa demande fut rejetée par un membre désigné de la Commission. Il s'agit de la demande de contrôle judiciaire de cette décision de rejet.

I. Résumé des faits
[2] Le 7 juin 2006, Larry Fancy a présenté une demande de prestation d'invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (le RPC). Sa demande était basée sur une invalidité due à une blessure à l'épaule survenue au travail, le 13 mai 2004. Bien que M. Fancy ait subi une opération chirurgicale, son épaule droite a continué à être douloureuse, faible et handicapante, ce qui l'empêche d'occuper des emplois exigeant un grand effort. La Nova Scotia Worker's Compensation Board (la WCB), la Commission des accidents du travail de la Nouvelle-Écosse, a évalué qu'il avait une incapacité corporelle de 2,4 pour cent et il reçoit de la WCB des prestations de remplacement du revenu de 1 521,97 $ par mois. La WCB reconnaît clairement dans sa décision que M. Fancy a des limitations, mais elle fait aussi remarquer sa capacité à occuper des emplois relativement sédentaires.

[3] Le dossier révèle aussi que, depuis qu'il a demandé la prestation d'invalidité du RPC, malgré son handicap, M. Fancy a travaillé à temps partiel comme concierge d'école. Ses tâches étaient notamment de ramasser les ordures, de passer la serpillère sur les planchers et de les lustrer. Il a aussi travaillé comme peintre.

Les décisions antérieures
[4] Le ministre a rejeté la demande initiale de prestation d'invalidité au titre du RPC de M. Fancy parce que sa blessure n'était pas suffisamment invalidante pour satisfaire au critère légal d'invalidité grave et prolongée. L'extrait suivant de la lettre de décision du ministre du 23 août 2006 est particulièrement pertinent :
[TRADUCTION]
Pour être admissible, vous devez avoir moins de soixante-cinq ans et répondre à deux conditions :

1. Vous devez d'abord avoir des gains et des cotisations suffisants pour être admissible aux prestations d'invalidité du RPC. Cela signifie que vous devez avoir payé des cotisations au RPC pendant au moins quatre des six dernières années. Nous pouvons alors examiner vos renseignements médicaux pour déterminer si vous répondez à la deuxième condition.

2. Vous devez ensuite avoir une invalidité qui est à la fois grave et prolongée. Grave signifie que vous avez une invalidité mentale ou physique qui vous empêche régulièrement de faire un travail quelconque (à temps plein, à temps partiel ou saisonnier), et pas seulement le travail que vous faites habituellement. Prolongée signifie que votre invalidité risque d'être à long terme et d'une durée indéfinie, ou qu'elle risque de causer la mort.

Note : la définition d'invalidité prévue à la loi sur le RPC est fournie dans le feuillet de renseignements ci-joint Comment demander au Régime de pensions du Canada (RPC) de revoir sa décision?

Dans votre cas, vous avez payé des cotisations suffisantes jusqu'en décembre 2006. Toutefois, votre invalidité n'est pas à la fois grave et prolongée selon la définition de la loi sur le RPC.

Motifs de la décision
Nous avons examiné les renseignements contenus dans votre dossier, notamment tous les rapports que vous avez envoyés. Les rapports suivants sont dans votre dossier :

* votre demande et votre questionnaire

* le rapport de votre médecin de famille du 4 juin 2006

* les rapports de votre orthopédiste datés du 26 octobre 2004 au 24 mars 2005

* une copie de votre dossier de la WCB

Nous admettons que vous avez démontré des limitations résultant de problèmes à l'épaule. Toutefois, nous avons aussi tenu compte des facteurs suivants :

* Selon votre médecin de famille, bien qu'il appuie votre demande, cela ne correspond pas à la situation médicale objective du dossier.

* Selon les rapports de votre orthopédiste, il recommandait un travail sédentaire.

* Selon les renseignements reçus de la WCB, vous avez des limitations à l'épaule droite. Toutefois, la WCB a donné une liste d'emplois que vous pouvez occuper dans la zone géographique de votre domicile qui conviennent à votre situation et à vos limitations. Cela ne remplit pas la condition selon laquelle vous êtes invalide pour tout type de travail selon les critères du RPC.

Bien que vous ne soyez pas en mesure de faire votre travail habituel, nous avons conclu que vous devriez néanmoins être en mesure de faire certains types de travaux.


[5] Le 18 septembre 2006, M. Fancy a demandé au ministre de réexaminer la décision de refus de prestation, mais la décision initiale a été maintenue.

[6] M. Fancy a interjeté appel de la décision du ministre auprès d'un tribunal de révision en application du paragraphe 82(1) du RPC. À la suite d'une audience tenue à Bridgewater, en Nouvelle-Écosse, le 17 juillet 2007, le tribunal de révision a rejeté l'appel de M. Fancy pour les motifs suivants :

[TRADUCTION]
[19] Si d'une part le Tribunal admet que certains mouvements effectués par l'appelant entraînent une douleur vive à l'épaule blessée, d'autre part, le demandeur a déclaré qu'il avait besoin de médicaments contre la douleur en moyenne au plus trois fois par semaine et il s'agit seulement du Tylenol en vente libre.

[20] Le Tribunal a conclu que M. Fancy est un témoin digne de foi qui a toute sa vie travaillé très dur. Sa volonté d'être productif en tenant compte de ses limitations est incontestable; c'est ainsi qu'il a commencé une nouvelle carrière comme concierge d'école. Le tribunal a été particulièrement impressionné qu'il ait pu travailler à temps plein en remplacement d'un employé absent en 2006. Ce travail a augmenté son revenu de concierge d'école à 11 245 $ au lieu du salaire à temps partiel estimé à 6 692 $. Aussi, M. Fancy a accepté un emploi de peintre à temps plein pour cet été.

[21] En réponse aux critères de l'occupation " véritablement rémunératrice ", le Tribunal a conclu que son salaire de 11,50 $ de l'heure pour l'emploi avec Eisener's Transport était comparable à son salaire de peintre à l'école pour l'été à temps plein pendant six à huit semaines pour 12 $ de l'heure.

[22] Bien que la blessure initiale, suivie d'une opération, d'une réadaptation compliquée et d'une thérapie subséquente qui était temporairement invalidante, M. Fancy s'est suffisamment remis pour être en mesure d'effectuer un travail rémunérateur différent à temps plein. Le travail à temps plein est contraire à l'objet du programme d'invalidité du RPC. Selon le Tribunal, il est en mesure d'occuper de façon satisfaisante un emploi à temps plein; son invalidité ne peut pas être considérée comme grave et prolongée au sens du RPC.

CONCLUSION :

[23] Le Tribunal admet l'allégation de M. Fancy selon laquelle il est atteint d'une certaine invalidité en raison de son accident du 13 mai 2004 et des traitements compliqués qui ont suivi, mais cette invalidité ne répond pas aux critères de l'alinéa 42(2)a) du RPC selon lequel l'invalidité doit être grave et prolongée.

[24] Le tribunal a donc rejeté l'appel de l'appelant.


[7] M. Fancy n'était pas satisfait de la décision du tribunal de révision et il a demandé l'autorisation d'interjeter appel à la Commission d'appel des pensions, en application du paragraphe 83(1) du RPC. Sa demande d'autorisation d'interjeter appel soulevait les points suivants comme motifs d'appel :

[TRADUCTION]
* le tribunal de révision a commis une erreur de droit lorsqu'il a conclu que M. Fancy ne souffrait pas d'invalidité grave au point de le rendre régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice;

* le tribunal de révision a commis une erreur de droit lorsqu'il a conclu que M. Fancy ne souffrait pas d'une invalidité qui est prolongée et d'une durée indéfinie;

* le tribunal de révision a commis une erreur de droit lorsqu'il n'a pas tenu compte de l'âge de M. Fancy, de son expérience professionnelle et de sa formation dans la décision portant sur sa capacité à travailler, en contradiction avec la décision Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248;

* le tribunal de révision a commis une erreur de droit lorsqu'il n'a pas tenu compte de la preuve médicale qui confirme que l'invalidité de M. Fancy entre dans le cadre de la définition du paragraphe 42(2) du RPC;

* d'autres motifs qui pourraient surgir.

Aucun renseignement médical supplémentaire n'a été joint à sa demande d'autorisation d'interjeter appel, en plus de ceux que M. Fancy avait présentés auparavant. Ces renseignements médicaux confirmaient qu'il était en mesure de travailler, bien que ce fût dans un emploi qui ne nécessite que des [TRADUCTION] " tâches légères ". Le rapport du spécialiste traitant, le Dr Gregory Clarke, donnait à entendre que M. Fancy devait trouver [TRADUCTION] " un travail plus sédentaire ".

[8] Dans une décision du 14 février 2008, la Commission a rejeté la demande d'autorisation d'interjeter appel de M. Fancy. Elle a fait l'annotation manuscrite suivante :
[TRADUCTION]
La décision du tribunal de révision montre une prise en compte exacte et complète de la preuve.

 

Le fait est que l'appelant a travaillé jusqu'à même l'été 2007 pour une rémunération qui peut être considérée " véritablement rémunératrice ". La documentation jointe à la demande d'autorisation d'interjeter appel ne change pas ce fait. L'appel n'a aucune chance raisonnable de succès.

L'autorisation d'interjeter appel est refusée.


[9] M. Fancy demande le contrôle judiciaire de cette décision.

II. La question en litige
[10] La Commission a-t-elle commis une erreur lorsqu'elle a rejeté la demande d'autorisation d'interjeter appel de M. Fancy?

III. Analyse
[11] M. Fancy invoque l'arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, [2002] 1 C.F. 130, pour appuyer son allégation selon laquelle la norme de contrôle du présent contrôle judiciaire est la décision correcte. Toutefois, Villani portait sur le contrôle judiciaire d'une décision rendue par la Commission sur le fond concernant un aspect d'interprétation de la loi. La question résolue dans cette affaire concernait le sens du terme " grave ". Parce qu'il s'agissait d'une question qui avait été effectivement séparée des faits entourant l'affaire, elle avait été contrôlée de façon appropriée selon la décision correcte.

[12] La question qui se pose en l'espèce est une question mixte de fait et de droit. Lorsqu'elle a examiné si elle pouvait accorder l'autorisation d'interjeter appel, la Commission devait évaluer la preuve factuelle (essentiellement médicale) au regard du critère légal d'invalidité au sens du RPC et décider s'il existait une cause défendable. Je fais mien le raisonnement suivant de la juge Elizabeth Heneghan dans Pannu c. Canada (Développement des ressources humaines), 2007 CF 1348, [2007] A.C.F. no 1738, selon lequel la norme de contrôle appropriée est la décision raisonnable :

[18] La Commission avait à déterminer si le demandeur avait invoqué des arguments défendables dans sa demande d'autorisation d'interjeter appel. Cela supposait la prise en considération des éléments de preuve présentés au tribunal de révision, ainsi que de tout nouvel élément de preuve soumis avec la demande d'autorisation, de même que des dispositions applicables du Régime de pensions du Canada. À mon avis, la demande d'autorisation d'interjeter appel du demandeur soulève une question mixte de fait et de droit. En général, une telle question est contrôlée selon la norme de la décision raisonnable.


[13] J'admets l'argument de Me Power selon lequel on devait répondre à la question de savoir si M. Fancy satisfaisait à la définition d'invalidité au sens du RPC, dans le contexte de sa situation personnelle, c'est-à-dire son éducation limitée, son âge et les réalités économiques du moment : voir Villani, précité, au paragraphe 45. Néanmoins, le fondement de la non-admissibilité d'une personne à des prestations au titre du RPC est l'employabilité dans une occupation quelconque véritablement rémunératrice. Je ne suis pas d'accord que cela inclut une analyse comparative du revenu actuel d'une personne par rapport à son revenu passé, et la jurisprudence ne penche pas en faveur d'une telle thèse. Il se peut bien que M. Fancy ne soit pas en mesure maintenant de gagner autant d'argent qu'il le faisait avant sa blessure, mais la preuve médicale et les emplois qu'il a effectivement occupés contredisent toute allégation selon laquelle il n'est pas en mesure de conserver une occupation rémunératrice. La preuve médicale et l'information relative aux emplois ont été présentées à la Commission lorsque M. Fancy lui a demandé d'examiner sa demande d'autorisation d'interjeter appel. La conclusion de la Commission selon laquelle, vu le dossier qui avait été présenté au tribunal de révision et vu ses conclusions, il n'y avait pas de cause défendable était non seulement raisonnable, elle était incontestable.

[14] La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée sans dépens.



JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée sans dépens.



" R. L. Barnes "
Juge


Traduction certifiée conforme
Laurence Endale, LL.M., M.A.Trad.jur.






COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER : T-425-08

INTITULÉ : FANCY
c.
MDSC



LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE : LE 9 DÉCEMBRE 2008

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE BARNES

DATE DES MOTIFS : LE 29 DÉCEMBRE 2008


COMPARUTIONS :

Michael Power
(Power, Dempsey, Leefe & Reddy)
902-543-7815

POUR LE DEMANDEUR
Patricia Harewood
(Ministère de la Justice-RHDSC)
613-946-9630

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Power, Dempsey, Leefe & Reddy
Halifax (Nouvelle-Écosse)

POUR LE DEMANDEUR
John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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