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Date :  20081223

Dossier :  IMM-5214-08

Référence :  2008 CF 1410

Ottawa (Ontario), le 23 décembre 2008

En présence de monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

JOZSEF KAKONYI

JOZSEFNE KAKONYI

KARMEN KAKONYI

CINTIA KAKONYI

DZENIFER KAKONYI

demandeurs

et

 

LE Ministre de la Sécurité publique

et de la Protection civile

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Introduction

[1]               Pour les fins d’un sursis en matière d’immigration, l’interprétation de l’esprit du test Toth, découle du fait que le test est tripartite et conjonctif. Il nécessite un ensemble des éléments intégralement liés pour répondre à ses trois critères d’une façon positive.

 

 

Un sursis en immigration donne ouverture à un privilège, autant qu’un droit, qui émane de l’ensemble des éléments intégralement liés, non uniquement à ce que la personne est, ou ce qu’elle représente à l’intérieur de sa situation, donc son vécu; mais également, ses agissements et sa façon de se comporter envers les valeurs canadiennes, comme décrit dans les objectives spécifiés dans l’introduction à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch 27 (LIPR).

 

L’exercice du test Toth est entrepris par l’entremise d’une évaluation préliminaire, d’ailleurs toute la démarche de l’évaluation du test Toth est une étape préliminaire, pour, ou avant de considérer à un stade postérieur, une révision potentielle des procédures mettant de côté des conclusions auxquelles les autorités des premières instances sont déjà arrivées.

 

Dans chaque cas, l’évaluation aux réponses données au test Toth trace, en résumé, une carte de route antérieure de l’historique de la personne et, également, dans la mesure du possible, un aperçu judiciaire sommaire et potentiel pesant les chances futures de la personne aux étapes postérieures, compte tenu de ses circonstances, face aux critères du test Toth.

 

(Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302, 11 A.C.W.S. (3d) 440 (C.A.F.)).

 

II.  Procédure judiciaire

[2]               Il s’agit d’une requête demandant le sursis de l’exécution du renvoi des demandeurs, prévu le 29 janvier 2009, vers la Hongrie. Cette requête en sursis est greffée à une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire (DACJ) attaquant la décision de l’agente refusant leur demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) en date du 24 juillet 2008.

III. Amendement de l’intitulé

[3]               Les défendeurs remarquent que les demandeurs ont entrepris leur recours qu’à l’encontre du « Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ». Comme le « Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile », est le Ministre responsable de l’exécution des mesures de renvoi, il devrait aussi être désigné à titre de défendeur (Loi sur le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, L.C. 2005, ch. 10 et au décret émis le 4 avril 2005 (C.P. 2005-0482).

 

[4]               En conséquence, l’intitulé du présent dossier est amendé afin d’ajouter comme défendeur le Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, en plus du Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

 

IV.  Faits

 

[5]               Le demandeur principal, monsieur Jozsef Kakonyi, son épouse, madame Jozsefne Kakonyi, et leurs trois filles, Cintia, Karmen et Dzenifer, sont citoyens de la Hongrie.

 

[6]               Les demandeurs sont arrivés au Canada, le 6 novembre 2001, et ont revendiqué le statut de réfugié.

 

[7]               Le 20 juin 2003, la Section de la protection des réfugiés (SPR) a refusé le statut de réfugié aux demandeurs.

 

[8]               Ils alléguaient avoir une crainte bien fondée de persécution et d’être des personnes à protéger du fait que le demandeur principal est Rom et que les personnes de cette minorité en Hongrie sont victimes de violence et de crime racial. En ce qui concerne l’épouse et les filles, elles alléguaient avoir une crainte bien fondée de persécution en fonction de leur appartenance au groupe social de la famille.

 

[9]               La SPR a conclu que les demandeurs ne sont pas crédibles et qu’ils n’ont pas réussi à démontrer par une preuve claire et convaincante l’incapacité de l’État hongrois de les protéger. Ainsi, ils n’avaient pas une crainte bien fondée de persécution en cas de retour dans leur pays.

 

[10]           Le 12 novembre 2003, la Cour fédérale a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la SPR.

 

[11]           Le 27 mai 2005, le demandeur principal a plaidé coupable à vingt chefs d’accusations suite à son implication dans une fraude de cartes de crédit. Le 21 septembre 2007, une absolution conditionnelle avec probation de 18 mois lui a été accordée.

 

[12]           Le 6 décembre 2006, les demandeurs ont déposé une demande d’exemption de visa de résident permanent pour considérations humanitaires (CH).

 

[13]           Le 9 juin 2008, l’avis relatif à l’examen des risques de retour a été remis aux demandeurs.

[14]           Le 16 juin 2008, les demandeurs ont déposé leur demande d’ERAR accompagnée d’observations et d’éléments de preuve.

 

[15]           Le 24 juillet 2008, la demande d’ERAR a été refusée. Il s’agit de cette décision qui fait l’objet des présentes procédures. Les motifs de la décision auraient été communiqués aux demandeurs le 25 novembre 2008.

 

[16]           Le 27 juillet 2008, la demande CH a été refusée.

 

[17]           Le 4 novembre 2008, la Cour fédérale a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision CH.

 

[18]           Le 25 novembre 2008, les demandeurs ont demandé un sursis administratif du renvoi. Le 11 décembre 2008, l’agent de renvoi a refusé de reporter la date de départ et indique que les demandeurs devront partir à la date prévue, c’est-à-dire le 29 janvier 2009.

 

V.  Analyse

[19]           Les demandeurs ne satisfont à aucun des trois critères jurisprudentiels pour l’obtention d’un sursis judiciaire émis par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Toth :

a.       une question sérieuse à trancher;

b.      un préjudice irréparable; et

c.       une balance des inconvénients.

 

 

A.  Question sérieuse

[20]           Les demandeurs ne démontrent pas l’existence d’une question sérieuse à trancher par cette Cour.

 

[21]           Une simple lecture des motifs détaillés de l’agente d’ERAR démontre que sa conclusion s’infère raisonnablement de la preuve et qu’elle a tenu compte de l’ensemble de la preuve qui était devant elle.

 

[22]            Les demandeurs se limitent à plaider, de façon générale, que l’agente a erré dans sa conclusion concernant la situation prévalant en Hongrie. Ils cherchent ni plus ni moins à ce que cette Cour substitue sa propre opinion à celle de l’agente, quant à la suffisance des allégations et de la preuve qu’ils avaient soumises à l’appui de leur demande d’ERAR (Figurado c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 241, 129 A.C.W.S. (3d) 374 aux para. 6-7).

 

[23]           Or, l’agente d’ERAR a fait une analyse détaillée de la situation personnelle des demandeurs à la lumière de la preuve documentaire objective, récente et de sources fiables portant sur la situation prévalant en Hongrie. 

 

[24]           Il ressort des motifs de la décision d’ERAR que les demandeurs ont soumis de nombreux documents relatifs à leurs activités au Canada ainsi que des documents sur la situation des Roms en Hongrie. Ces documents ont été dûment considérés par l’agente.

[25]           L’agente a, de façon appropriée, évalué et déterminé quels étaient les éléments soumis par les demandeurs qui satisfaisaient aux exigences de l’alinéa 113a) de la LIPR. Seuls les documents portant sur la situation des Roms en Hongrie et le rapport « psychologique » de monsieur David L.B. Woodbury, membre de l’Ordre professionnel des conseillers et conseillères d'orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec, ont été retenus puisqu’ils avaient un lien avec les risques de retour. L’agente a procédé à une analyse détaillée et elle a conclu que ses nouveaux éléments de preuve n’étaient pas concluants quant aux risques allégués.

 

[26]           Tout en considérant la nouvelle preuve soumise, il était raisonnable et justifié que l’agente accorde une importance à la décision négative de la SPR concernant le risque de retour des demandeurs et la disponibilité de la protection de l’État puisque les faits et les risques invoqués étaient les mêmes.

 

[27]           Ainsi, l’agente a pris en considération tous les éléments de preuve soumis par les demandeurs et elle a procédé à sa propre analyse.

 

[28]           Les motifs de l’agente sont clairs : les demandeurs n’ont pas rencontré leur fardeau de preuve, soit de démontrer qu’ils seraient personnellement à risque en Hongrie (Cupid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 176, 155 A.C.W.S. (3d) 396 au par. 16).

 

[29]           La jurisprudence de cette Cour et de la Cour d’appel fédérale est constante. Les demandeurs doivent démontrer un risque personnalisé en cas de retour :

[28]      Ceci étant dit, l'appréciation du risque que pourrait courir le demandeur d'être persécuté s'il devait être retourné dans son pays doit être personnalisé. Ce n'est pas parce que la preuve documentaire démontre que la situation dans un pays est problématique du point de vue du respect des droits de la personne que l'on doit nécessairement en déduire un risque pour un individu donné (Ahmad c. M.C.I., [2004] A.C.F. no. 995 (C.F.); Gonulcan c. M.C.I., [2004] A.C.F. no. 486 (C.F.); Rahim c. M.C.I., [2005] A.C.F. no. 18 (C.F.) [...]

 

(Jarada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 409, [2005] A.C.F. no 506 (QL); également, Rizkallah c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 156 N.R. 1, 33 A.C.W.S. (3d) 940 (C.A.F.); Pillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1312, [2008] A.C.F. no 506 (QL); Toure c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 479, 160 A.C.W.S. (3d) 333).

 

[30]           Bien que la situation en Hongrie pour certains Roms soit difficile, cette situation en elle-même était insuffisante pour faire une détermination favorable.

 

[31]           Les demandeurs devaient établir un lien entre la situation actuelle dans leur pays et leur situation personnelle, ce qu’ils n’ont pas fait. Les motifs de l’agente sont clairs et détaillés à ce sujet.

 

[32]           L'agente a donc rejeté la demande d’ERAR, concluant qu’il n’existait aucun élément de preuve permettant de conclure qu’il y aurait plus qu’une simple possibilité que les demandeurs soient persécuté, et qu’il n’y avait pas de motifs sérieux de croire qu’ils seraient exposé à la torture, à une menace à leur vie ou à des traitements ou peines cruels et inusités (Cupid, ci-dessus).

 

[33]           La décision de l’agente d’ERAR est bien fondée en faits et en droit compte tenu du but et des objectifs recherchés par la procédure d’évaluation des risques avant renvoi.

 

      Intérêt supérieur des enfants

[34]           Dans l’argumentation sous la rubrique « questions sérieuses », les demandeurs reprochent à l’agente d’avoir été « insensible à l’intérêt supérieur des trois enfants éduqués au Canada ». Au soutien, ils allèguent essentiellement qu’elle a été insensible aux faits que les filles ont été éduquées au Canada, qu’elles ne savent pas lire et écrire en hongrois et qu’elles seront discriminées et mises dans des écoles spéciales.

 

[35]            Dans le cadre de son analyse de la demande d’ERAR, l’agente devait certes considérer et analyser les risques de retour autant des adultes que des trois enfants puisqu’ils sont tous visés par une mesure de renvoi vers la Hongrie.

 

[36]           L’article 112 de la LIPR, à la « Section 3 » traitant de l’ERAR, prévoit que, sauf exception, une personne se trouvant au Canada peut, conformément aux règlements, demander la protection du Ministre si elle est visée par une mesure de renvoi. Les demandeurs ont le fardeau de démontrer qu’ils ont besoin de protection. 

 

[37]           Les raisons d’ordre humanitaires telles que l’interruption scolaire et les perspectives futures meilleures d’éducation pour les enfants, n’entrent pas dans cette définition. La jurisprudence de cette Cour et des tribunaux supérieurs est claire et constante :

[13]      Ni la Charte ni la Convention relative aux droits de l’enfant n’exigent que l’intérêt des enfants touchés soit examiné dans le cadre de toutes les dispositions de la LIPR : De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2006] 3 R.C.F. 655, 2005 CAF 436, au paragraphe 105. Si une loi fournit une possibilité réelle d’examiner l’intérêt des enfants touchés, y compris ceux nés au Canada, comme le fait la LIPR en son paragraphe 25(1), cet intérêt n’a pas à être pris en compte dans chaque décision qui peut les toucher défavorablement. Par conséquent, le juge qui a entendu la demande a commis une erreur en interprétant trop largement les dispositions définissant la portée de la tâche incombant à l’agent d’ERAR de manière à y inclure l’obligation de prendre également en compte l’intérêt des enfants nés au Canada des intimés adultes. (La Cour souligne.)

 

(Varga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 394, [2007] 4 R.C.F. 3).

[19]      L’arrêt Varga, précité, indique clairement que l’ERAR n’est pas la procédure adéquate pour examiner les intérêts d’enfants touchés par l’expulsion de leurs parents. Le fait que l’agent d’ERAR semble s’être engagé dans cet exercice ne donne pas ouverture à l’argument que la décision est attaquable parce que l’exercice est vicié. S’il en était autrement, l’affaire devrait être renvoyée pour qu’on effectue un nouvel examen sur une question qui ne devrait pas être examinée dans le cadre d’un ERAR, ce qui entraînerait une conséquence inutile : on procéderait à un nouvel examen de l’affaire sans tenir compte des intérêts des enfants. Quoi qu’il en soit, il semble que la discussion de l’agent sur les enfants était principalement et à bon droit axée sur les conséquences et les préjudices associés aux risques auxquels seraient exposés les demandeurs s’ils retournaient dans leur pays avec deux jeunes enfants nés à l’étranger.

 

(Zhou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1129, 161 A.C.W.S. (3d) 626).

 

[38]           En l’espèce, l’agente d’ERAR a dûment considéré la situation des enfants conformément aux dispositions de la LIPR relatives aux demandes d’ERAR. L’agente a même pris soin de procéder à une analyse détaillée des risques de retour des trois filles sous la rubrique « Risques particuliers pour les enfants » de ses motifs (DD à la p. 17).

 

[39]           Pour ce qui est du rapport « psychologique », l’agente l’a considéré mais n’a accordé que faible valeur probante, parce qu’il s’agit d’une opinion personnelle et parce que ceci ne représente pas nécessairement des connaissances requises pour tirer des conclusions sur la Hongrie et sur la situation des enfants Roms dans ce pays. Elle a préféré accorder plus de poids aux sources documentaires indépendantes, récentes et de sources fiables. Elle a analysé la situation personnelle des filles à la lumière de cette preuve objective.

 

[40]           Cette conclusion, de l’agente d’ERAR, est fondée sur la preuve soumise et elle est raisonnable.

 

[41]           Essentiellement, les demandeurs contestent le poids que l’agente a donné au rapport, soumis au soutien de leur demande d’ERAR.

 

[42]           Aussi, une demande CH a été faite par les demandeurs; une décision négative en date du 27 juillet 2008 a été rendue par laquelle le meilleur intérêt des enfants a été analysé en profondeur et que cette décision a été confirmée par la Cour le 4 novembre 2008. Les demandeurs avaient également soumis ce rapport au soutien de cette demande CH.

 

[43]           Les demandeurs ne démontrent pas l’existence d’une question sérieuse à débattre dans le cadre de la DACJ présentée à l’encontre de la décision d’ERAR.

 

B.  Préjudice irréparable

[44]           Au niveau du préjudice irréparable, les demandeurs allèguent de façon générale, et en s’appuyant sur la preuve documentaire peu récente, qu’ils subiraient un préjudice irréparable du fait qu’ils craignent pour leur vie advenant leur retour en Hongrie en raison de l’origine Rom du demandeur principal.

 

[45]           Ce préjudice allégué par les demandeurs est constitué des mêmes faits et risques présentés devant la SPR et dans la demande CH, lesquels n’étaient pas considérés comme crédibles ou suffisants pour que leur revendication ou l’exemption soient acceptées. Ces mêmes faits ont également été révisés par la Cour fédérale à deux reprises, lorsqu’elle a rejeté la DACJ à l’encontre de la décision de la SPR et la DACJ à l’encontre de la décision CH.

 

[46]           L'agente d’ERAR a aussi conclu, après avoir procédé à sa propre analyse de la preuve soumise devant elle, que les demandeurs n'avaient pas démontré qu'ils seraient personnellement à risque en Hongrie.

[47]           Il est bien établi que les risques allégués tant devant la SPR que devant l’agente d’ERAR, tous jugés insatisfaisants, ne peuvent constituer un préjudice irréparable. À cet égard, la Cour se réfère aux arrêts suivants : Bou Jaoudeh c. M.C.I et M.S.P.P.S., IMM-4129-08, IMM-4130-08, IMM-4269-08, (8 octobre 2008, juge Yvon Pinard; Malagon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 1068, [2008] A.C.F. no 1586 (QL); Doumbouya c. M.C.I. et M.S.P.P.S., IMM-928-08 (20 février 2008); Bizi-Bandoki c. M.C.I., IMM-4261-07 (juge Yves de Montigny).

 

[48]           Quant aux enfants, les demandeurs allèguent qu’ils subiront un préjudice irréparable du fait que (1) l’année scolaire sera interrompue; et (2) la période de préparation au retour en Hongrie serait trop courte.

 

[49]           Au soutien de cette allégation, les demandeurs ont déposé un document intitulé « rapport psychologique », qui est fondé à la fois sur les faits rapportés par les demandeurs et aussi sur des observations cliniques, préparé par monsieur Woodbury.

 

[50]           Monsieur Woodbury est un conseiller en orientation et n’est pas un psychologue. Il ne peut donc pas faire de diagnostic psychologique Rai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 FC 133; Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1376, 110 A.C.W.S. (3d) 1113).

 

[51]           Néanmoins, même si la Cour donnerait signification à ce rapport de monsieur Woodbury, ce rapport ne fait que souligner qu’à son avis, les filles ont un comportement normal et ne présentent pas de problèmes psychologiques.

 

[52]           Le seul élément significatif qui découle de ce rapport est le suivant :

The children came to Canada at such an early age that their identity is Canadian and have little (if anything) in common with young people in Hungary.  In my ten years of seeing families in similar circumstances, I have never seen young people of this age group so ill-prepared for removal.  (They are more often terrified by stories of the homeland than “protected,” and kept in ignorance of the realities. (La Cour souligne.) (DD à la p. 40).

 

[53]           Or, les parents, demandeurs en l’espèce, sont les seuls responsables pour ce manque de préparation de leurs filles, d’autant plus qu’ils connaissaient leurs statuts précaires au Canada. Les filles sont arrivées au Canada à l’âge de 5 et 6 ans et, néanmoins, elles parlent l’hongrois. Même si elles sont restées ici durant quelques années, elles seront, lors de leur retour en Hongrie, accompagnées de leurs deux parents et de leur grand-mère. De plus, elles ont plusieurs membres de leurs familles maternelles et paternelles qui habitent en Hongrie. Elles auront certes une période d’adaptation mais elles sont jeunes et elles seront entourées de leur famille :

La cour n’est pas insensible au fait que l’épouse du demandeur vient tout juste de donner naissance à leur enfant. Dans ces circonstances, la séparation est certainement une épreuve difficile. La jurisprudence est cependant à l’effet qu’il s’agit néanmoins d’une conséquence normale d’un renvoi. Le demandeur savait que son statut au Canada était précaire, et il ne peut maintenant prétendre que le défendeur a créé des attentes légitimes du seul fait qu’il n’a pas procédé à son renvoi plus tôt. La demande de parrainage de son épouse devra donc suivre son cours normal, comme c’était le cas avant que cette Politique soit mise en œuvre. » (La Cour souligne.)

 

(Hazim c. M.C.I., IMM-4390-07, 29 octobre 2007).

[54]           Contrairement à ce que plaident les demandeurs, l’état émotionnel dans lequel se trouveraient les demandeurs en raison de leur départ du Canada ne saurait établir l’existence d’un préjudice irréparable. Le stress, la dépression ou l’anxiété n’est pas considéré par cette Cour comme un motif suffisant pour accorder un sursis (Kandiah c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 322, 129 A.C.W.S. (3d) 568).

 

[55]           De plus, le préjudice irréparable qui doit être démontré par une preuve claire et convaincante et il doit aller au-delà de ce qui est inhérent à un renvoi (Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261, 132 A.C.W.S. (3d) au par. 13; Radji c. Canada (Ministre de Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 100, 308 F.T.R. 175 aux par. 39-40).

 

[56]           En l’espèce, les demandeurs n’ont clairement pas démontré par une preuve claire et convaincante que les enfants subiraient un préjudice irréparable, tel que définit par la jurisprudence.

 

[57]           L’interruption de l’année scolaire ne constitue pas un préjudice irréparable :

[4]        Le deuxième moyen qu'a fait valoir l'avocat des demandeurs est que ses clients subiront un préjudice irréparable du fait de l'interruption de leurs études étant donné que la mesure de renvoi sera exécutée avant la fin de l'année scolaire. Des difficultés personnelles de cette nature, bien qu'elles causent des désagréments, ne constituent pas à mon avis un préjudice irréparable. Dans l'arrêt Chatterjee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (16 août 1996), [C.F. 1re inst.) (Ottawa : IMM-2454-96)], le juge Richard, maintenant juge en chef adjoint, a déclaré que les difficultés personnelles ne constituent pas un préjudice irréparable [...] (La Cour souligne.)

(Mahadeo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 166 F.T.R. 315, 86 A.C.W.S. (3d) 773;également, Radji, ci-dessus).

 

[58]           Plus récemment, la Cour s’est exprimée ainsi dans l’affaire Chu c. MPSEP, IMM-4124-08, 23 septembre 2004, par le juge de Montigny :

The inherent consequences of removal, including a child’s separation from school and friends, do not constitute irreparable harm. Neither unpleasant conditions in the country to which the applicant is scheduled to be removed, nor the fact that Canada is a preferable place to live, constitutes irreparable harm. (La Cour souligne.)

 

[59]           Également, dans le cadre de la demande CH l’agente a effectué, en juillet dernier, une évaluation poussée et satisfaisante des répercussions scolaires que subiraient les filles advenant leur retour en Hongrie. En effet, elle a conclu ainsi :

Sans vouloir minimiser les difficultés qu’auront les jeunes filles à quitter leurs amis (es) et professeurs et tout en reconnaissant qu’elles devront faire face à une période d’adaptation lors de leur retour dans leur pays de nationalité, après avoir pris en considération la situation des enfants Roms en Hongrie eu égard à leurs circonstances personnelles familiales tel qu’établi ci-haut, je suis d’avis que leur situation diffère de façon importante d’une grande majorité d’enfants Rom et considère que l’intérêt supérieur de Cintia, Karmen et Dzenifer ne sera pas compromis advenant un retour en Hongrie.

 

En l’occurrence, la langue maternelle des trois jeunes filles est le hongrois et si l’on se fit aux informations fournies, leur mère est hongroise et leurs grands-parents maternels ainsi qu’une tante habiteraient en Hongrie.  Je note également qu’elles parlent et écrivent le français et qu’elles ont aussi des connaissances de l’anglais.  Bien qu’elles sont au Canada depuis un peu plus de six ans, Karmen, Cintia et Dzenifer ne sont âgées que de 13 et 11 ans et ont terminés que la 6e année primaire pour les jumelles et la 4e année primaire pour la cadette. Advenant un retour dans leur pays, je note que toutes trois seront accompagnées de leurs parents et après avoir regardé la documentation objective et actuelle, je suis d’avis qu’elles pourront bénéficier d’un système d’éducation et de santé adéquat.

 

[60]           Ainsi, les demandeurs ont eu l’occasion de présenter leurs soumissions quant au meilleur intérêt des enfants dans le cadre de la demande CH. Cette demande a été refusée le 29 juillet 2008. La DACJ attaquant cette décision a également été refusée par cette Cour le 4 novembre 2008.

 

[61]           Tel que plaidé précédemment, l’allégation des demandeurs à l’effet que le manque de préparation des filles pour leur départ éventuel constituerait un préjudice irréparable, n’a aucun mérite.

 

[62]           À cet égard, les demandeurs ont reçus la décision d’ERAR négative en date du 25 novembre et ils connaissent, depuis le 11 décembre, que leur date de renvoi est fixée au 29 janvier 2009. Il s’écoulera donc environ 50 jours pour préparer les filles à leur départ.

 

[63]           Un sursis ne peut être accordé que pour la période qui précède la décision sur la demande sous‑jacente, en l’espèce, la DACJ à l’encontre de la décision d’ERAR. Par conséquent, la Cour ne peut pas suspendre le renvoi pour une période excédentaire (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Forde (1997), 210 N.R. 194, 70 A.C.W.S. (3d) 134 (C.A.F.) aux par. 9 et 10).

 

[64]           Les demandeurs n’ont pas démontré, par une preuve claire et convaincante, qu’il existe un préjudice irréparable.

C.  Balance des inconvénients

[65]           La balance des inconvénients penche en faveur des défendeurs dans la mesure où les demandeurs n’ont pas établi ni l’existence d’une question sérieuse, ni d’un préjudice irréparable.

 

[66]           En outre, le paragraphe 48(2) de la LIPR impose aux défendeurs l’obligation d’exécuter une mesure de renvoi dès que les circonstances le permettent.

 

[67]           La Cour d’appel fédérale a confirmé que lors de l’étude de la balance des inconvénients, la notion d’intérêt public doit être prise en considération. Plus encore, elle a confirmé que le fait qu’un demandeur ait pu bénéficier de plusieurs recours qui lui sont tous défavorables depuis son arrivée au Canada pouvait être pris en considération dans l’appréciation de la balance des inconvénients :

(iii) Équilibre des inconvénients

 

[21]      L'avocate des appelants dit que, puisque les appelants n'ont aucun casier judiciaire, qu'ils ne sont pas une menace pour la sécurité et qu'ils sont financièrement établis et socialement intégrés au Canada, l'équilibre des inconvénients milite en faveur du maintien du statu quo jusqu'à l'issue de leur appel.

 

[22]      Je ne partage pas ce point de vue. Ils ont reçu trois décisions administratives défavorables, qui ont toutes été confirmées par la Cour fédérale. Il y a bientôt quatre ans qu'ils sont arrivés ici. À mon avis, l'équilibre des inconvénients ne milite pas en faveur d'un nouveau report de l'accomplissement de leur obligation, en tant que personnes visées par une mesure de renvoi exécutoire, de quitter le Canada immédiatement, ni en faveur d'un nouveau report de l'accomplissement de l'obligation du ministre de les renvoyer dès que les circonstances le permettront : voir le paragraphe 48(2) de la LIPR. Il ne s'agit pas simplement d'une question de commodité administrative, il s'agit plutôt de l'intégrité et de l'équité du système canadien de contrôle de l'immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système. (La Cour souligne.)

 

(Selliah, ci-dessus; également, Atwal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 427, 136 A.C.W.S. (3d) 109).

 

[68]           Dans le cas présent, les demandeurs ont épuisé tous les recours qui leur sont permis par la LIPR. La Cour n’est pas un forum d’appel, tel que nous le rappelait récemment le juge Simon Noël dans l’affaire Aghourian-Namagerdy c. M.S.P.P.C., IMM-4742-07, IMM-4743-07, IMM-17-08, 18 janvier 08.

 

[69]           La balance des inconvénients est donc en faveur des défendeurs.

 

VI.  Conclusion

[70]           Compte tenu de tout ce qui précède, les demandeurs n’ont pas satisfait les critères de la jurisprudence pour l’obtention d’un sursis judiciaire.

 

[71]           La requête en sursis de l’exécution de la mesure de renvoi des demandeurs est rejetée.

 


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la requête en sursis de l’exécution de la mesure de renvoi déposée par les demandeurs soit rejetée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5214-08

 

INTITULÉ :                                       JOZSEF KAKONYI

JOZSEFNE KAKONYI

KARMEN KAKONYI

CINTIA KAKONYI

DZENIFER KAKONYI

c. LE Ministre de la Sécurité publique

et de la Protection civile et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa, Ontario

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 22 décembre 2008 par Téléconférence

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 23 décembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Serban Mihai Tismanariu

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Isabelle Brochu

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

SERBAN MIHAI TISMANARIU

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE)

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

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