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Date : 20081229

Dossier : T-1755-07

Référence : 2008 CF 1415

Ottawa (Ontario), le 29 décembre 2008

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

GLAXOSMITHKLINE INC.

demanderesse

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               La demanderesse, GlaxoSmithKline Inc. (GSK), est titulaire du brevet canadien n° 2,447,517 (le brevet 517), intitulé « Metered Dose Inhaler for Fluticasone Propionate ». Pour bénéficier des protections offertes par le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/98-166; DORS/93-133 en sa version modifiée (le Règlement sur les AC), GSK a présenté une demande en vue de l’adjonction du brevet 517 au registre des brevets à l’égard de ADVAIR salmeterol xinafoate/fluticasone propionate (ADVAIR) et de FLOVENT HFA (FLOVENT HFA). Par décision datée du 31 août 2007, le ministre de la Santé (le ministre), par l’intermédiaire de son représentant, a refusé d’ajouter le brevet au registre des brevets. GSK sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.


 

II.        Questions en litige

 

[2]               La question fondamentale en litige dans le cadre de la présente demande est de savoir si, selon le cas, la décision du ministre était correcte ou raisonnable.

 

[3]               Pour trancher cette question fondamentale, je devrai examiner les questions qui vont suivre.

 

1                    La Cour devrait-elle accueillir de nouveaux éléments de preuve sous forme d’affidavits d’experts, et à quelles fins le cas échéant?

 

2                    Quelle norme de contrôle est-elle applicable à la décision du ministre?

 

3                    En ce qui concerne la norme de contrôle,

 

a.                   comment y a-t-il lieu d’interpréter les revendications du brevet 517?

 

b.                  quelle est la forme posologique déjà approuvée dans les avis de conformité (AC) existants?

 

c.                   dans quelle mesure la revendication correspond-elle à la forme posologique approuvée par la délivrance de l’AC?

 

III.       Observations écrites complémentaires

 

[4]               Après l’instruction de la présente affaire, la Cour d’appel fédérale a rendu l’arrêt Laboratoires Abbott Limitée c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 354 (Abbott – appel), par lequel elle a confirmé la décision Laboratoires Abbott Limitée c. Canada (Procureur général), 2008 CF 700, 67 C.P.R. (4th) 51 du juge Hughes (Abbott – 1re inst.). La Cour d’appel s’est penchée sur deux questions que j’ai à trancher dans le cadre de la présente demande, soit celles a) de la norme de contrôle, et b) du recours à une preuve d’expert sous forme d’affidavit. J’ai demandé aux parties de présenter des observations écrites complémentaires sur ces deux questions. Les présents motifs ont été établis en tenant compte de l’arrêt Abbott – appel ainsi que des observations écrites complémentaires des parties.

 

IV.       Cadre législatif

 

[5]               Le Règlement sur les AC, dont la première version a été adoptée en 1993, constitue un régime permettant l’introduction sur le marché de produits pharmaceutiques. Le Règlement sur les AC traite, outre de questions touchant la santé et la sécurité, des droits des titulaires de brevets. Le ministre tient un « registre » des brevets (le registre). Aux termes du paragraphe 3(2) du Règlement sur les AC, « il [le ministre] peut refuser d’y ajouter, ou en supprimer, tout brevet […] qui n’est pas conforme aux exigences de [l’article 4] ».

 

[6]               Le registre constitue un élément important du Règlement. L’inscription au registre confère divers avantages au titulaire d’un brevet. Plutôt que d’énumérer ces avantages, je renverrai le lecteur à l’arrêt Hoffmann-La Roche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CAF 140, [2006] 1 R.C.F. 141, où la juge Sharlow, de la Cour d’appel fédérale, souligne certains d’entre eux (paragraphe 7). En bref, la décision du ministre de ne pas inscrire un brevet est gravement préjudiciable à son titulaire. Quoique le titulaire d’un brevet non inscrit puisse toujours fait valoir les droits que lui confère la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4, il ne peut tirer profit des avantages additionnels prévus au Règlement sur les AC.

 

[7]               Tout brevet relatif à une drogue approuvée n’est pas admissible à l’inscription au registre. Ainsi qu’il est énoncé dans le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR) joint aux plus récentes modifications (les modifications de 2006) apportées au Règlement sur les AC (Règlement modifiant le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/2006‑242) :

Il s'ensuit que ce ne sont pas tous les brevets protégeant une drogue approuvée qui peuvent se prévaloir du mécanisme d'application prévu par le règlement de liaison. Seuls les brevets respectant les exigences énoncées à l'article 4 du règlement relatives au délai, à l'objet et à la pertinence, peuvent être inscrits au registre des brevets de Santé Canada.

[. . .] not every patent pertaining to an approved drug qualifies for enforcement under the scheme. Only those patents which meet the current timing, subject matter and relevance requirements set out in section 4 of the regulations are entitled to be added to Health Canada’s patent register [. . .]

 

 


[8]               Certaines des modifications de 2006 qui se rapportent aux « brevets relatifs à une forme posologique » sont d’importance particulière en l’espèce. À la suite de l’adoption des modifications de 2006, on définit l’expression « revendication de la forme posologique » comme suit à l’article 2 du Règlement sur les AC :

« revendication de la forme posologique » Revendication à l’égard d’un mécanisme de libération permettant d’administrer l’ingrédient médicinal d’une drogue ou la formulation de celle-ci, dont la portée comprend cet ingrédient médicinal ou cette formulation.

“claim for the dosage form” means a claim for a delivery system for administering a medicinal ingredient in a drug or a formulation of a drug that includes within its scope that medicinal ingredient or formulation;

 

 

[9]               Les dispositions du Règlement sur les AC modifié qui sont principalement pertinentes pour nos fins sont les alinéas 4(2)c) et 4(3)b), où l’on prévoit les circonstances dans lesquelles l’adjonction d’une revendication au registre est admissible. Les dispositions soulignées sont d’intérêt tout particulier :

4. (2) Est admissible à l’adjonction au registre tout brevet, inscrit sur une liste de brevets, qui se rattache à la présentation de drogue nouvelle, s’il contient, selon le cas :

[. . .]

 

c) une revendication de la forme posologique, la forme posologique ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation;

 

(3)        Est admissible à l’adjonction au registre tout brevet, inscrit sur une liste de brevets, qui se rattache au supplément à une présentation de drogue nouvelle visant une modification de la formulation, une modification de la forme posologique ou une modification de l’utilisation de l’ingrédient médicinal, s’il contient, selon le cas :

 

[. . .]

 

b) dans le cas d’une modification de la forme posologique, une revendication de la forme posologique modifiée, la forme posologique ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard du supplément;

4. (2) A patent on a patent list in relation to a new drug submission is eligible to be added to the register if the patent contains

 

[. . .]

 

 

(c)        a claim for the dosage form and the dosage form has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission; or

 

(3)        A patent on a patent list in relation to a supplement to a new drug submission is eligible to be added to the register if the supplement is for a change in formulation, a change in dosage form or a change in use of the medicinal ingredient, and

 

[. . .]

 

 

 

 

 

(b)        in the case of a change in dosage form, the patent contains a claim for the changed dosage form that has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the supplement;

 

[10]           L’objectif visé par les modifications concernant cette question est décrit comme suit dans le REIR (pages 1517 et 1518) :

[. . .] la portée de l'objet admissible à la protection du règlement est élargie de façon à inclure les brevets relatifs aux formes posologiques approuvées.

 

Les tribunaux, lorsque saisis de la question, s'entendent pour dire que le libellé actuel de l'article 4, à savoir « revendication du médicament en soi » est insuffisant pour permettre l'inscription des brevets relatifs à des formes posologiques. Toutefois, à la lumière des observations reçues de l'industrie innovatrice au sujet des avantages thérapeutiques considérables qu'offrent de nouvelles formes posologiques, le gouvernement est d'avis que les inventions à ce titre méritent la protection spéciale prévue par le règlement de liaison. Ceci est d'autant plus vrai dans le cas des médicaments biologiques dont l'administration efficace de l'ingrédient médicinal est souvent tributaire du développement de mécanismes d'administration nouveaux et novateurs. L'article 4 modifié offre ainsi un nouveau libellé nécessaire à la mise en œuvre de ce changement, et une nouvelle définition du terme « revendication de la forme posologique » a été ajoutée à l'article 2 afin de préciser la portée de la protection que ce changement est censé conférer.

 

Bien que l'article 2 modifié définisse le terme « revendication de la forme posologique » en termes très généraux pour tenir compte des progrès qui seront réalisés dans ce domaine, l'objectif consiste à conférer une protection au nouveau système par lequel l'ingrédient médicinal approuvé ou une formulation contenant cet ingrédient est administré au patient. Parmi ces modes, mentionnons les comprimés et les capsules à libération contrôlée, les implants et les timbres transdermiques. Comme dans le cas d'autres contenus, un brevet relatif à une forme posologique doit contenir une revendication pour la forme posologique précise décrite dans la PDN [(généralement telle qu'identifiée dans l'avis émis par le ministre, conformément à l'alinéa C08.004(1)a)]. En outre, le brevet doit également contenir une revendication incluant dans sa portée l'ingrédient médicinal approuvé. Cette dernière exigence vise à faire en sorte qu'un brevet portant uniquement sur du matériel médical, par exemple un pied à perfusion ou une seringue, ne corresponde pas à la définition du terme « revendication de la forme posologique » et demeure inadmissible à l'inscription au registre. [Non souligné dans l’original].

[. . .] the scope of eligible subject matter is being broadened to include patents for approved dosage forms.

 

 

 

When seized of the question, courts have consistently held that the current language “claim for the medicine itself” in section 4 is insufficient to support the listing of dosage form patents. However, in light of representations from the innovative industry regarding the significant therapeutic advantages afforded by novel dosage forms, the Government has come to the view that inventions in this area merit special protection of the PM(NOC) Regulations. This is particularly true where biologic drugs are concerned, as effective administration of the medicinal ingredient is often dependent on the development of new and innovative delivery mechanisms. Amended section 4 thus contains new language necessary to implement this change, and a new definition for the phrase “claim for the dosage form” has been added to section 2 in order to clarify the scope of protection this change is intended to effect.

 

 

 

 

 

 

 

Although amended section 2 defines the phrase "claim for the dosage form" in very general terms, in order to accommodate future advancements in this field, the intent is to provide protection for the novel delivery system by which the approved medicinal ingredient, or a formulation containing that ingredient, is administered to the patient. Examples include controlled-release tablets and capsules, implants and transdermal patches. As with other eligible subject matter, a dosage form patent must include a claim to the specific dosage form described in the NDS (typically as identified in the notification issued by the Minister pursuant to paragraph C08.004(1)(a)). In addition, it must contain a claim that includes within its scope the approved medicinal ingredient. This latter requirement is meant to ensure that a patent directed solely to a device, such as an intravenous stand or a syringe, does not meet the definition of "dosage form" and remains ineligible for listing. [Emphasis added]

 

 

[11]           Comme les parties l’ont laissé entendre, le REIR peut s’avérer utile pour interpréter la portée d’une « revendication de la forme posologique ». La Cour suprême du Canada s’est d’ailleurs fondée sur le REIR pour discerner l’intention qu’avait le législateur en adoptant le Règlement sur les AC (se reporter, par exemple, à l’arrêt Bristol‑Myers Squibb Co. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 26, [2005] 1 R.C.S. 533, paragraphes 46 et 155 à 159).

 

V.        Analyse

A.        Les affidavits devraient-ils être admis en preuve?

 

[12]           Dans le dossier que GSK a présenté dans le cadre du présent contrôle judiciaire, figuraient trois affidavits dont le ministre n’avait pas été saisi. Dans sa plaidoirie, GSK ne s’est fondée que sur l’un de ces affidavits, celui du Dr Louis Cartilier. GSK a demandé à ce dernier de donner son opinion quant à savoir si le brevet 517 comportait une revendication de la forme posologique des produits désignés sous les noms de ADVAIR et FLOVENT HFA. Le défendeur a pour sa part soulevé la question de l’opportunité de la prise en considération par la Cour de cet affidavit.

 

[13]           Dans l’arrêt Abbott – appel, précité, la Cour d’appel a confirmé, au paragraphe 37, la règle générale selon laquelle, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, le dossier soumis à la Cour ne devait contenir aucune preuve documentaire dont n’était pas saisi l’auteur de la décision à l’examen. La Cour d’appel a ensuite reconnu qu’il y avait exception à la règle générale lorsqu’une demande de contrôle judiciaire requérait une décision sur un point d’interprétation d’un brevet. La Cour d’appel a fait remarquer que, dans pareil cas, une opinion d’expert sous forme d’affidavit pouvait s’avérer utile à la Cour, et elle a confirmé qu’un juge devrait avoir le pouvoir discrétionnaire d’admettre un tel affidavit. La Cour d’appel a toutefois souligné qu’en vue d’établir s’il devait ou non exercer ce pouvoir discrétionnaire, le juge devrait se demander si l’interprétation du brevet proposée dans l’affidavit avait ou non été soumise au ministre pour examen au moment où il a pris sa décision (Abbott – appel, paragraphe 39).

 

[14]           GSK aurait pu en l’espèce, lorsqu’elle a répliqué à l’avis du 21 décembre 2006 du ministre, présenter une preuve d’expert concernant l’inadmissibilité à l’inscription du brevet 517; or, elle ne l’a pas fait. La preuve relative à l’interprétation du brevet présentée à la Cour au moyen de l’affidavit du Dr Cartilier n’avait pas été soumise au ministre. En outre, il était demandé au Dr Cartilier de donner son opinion sur une question plus que de simple interprétation de brevet. Ainsi, par exemple, le Dr Cartilier a exprimé dans son affidavit son opinion sur l’interprétation à donner à l’expression « revendication de la forme posologique » figurant au Règlement sur les AC. Cette question en était une d’interprétation législative, un domaine qui échappe à son champ de compétence.

 

[15]           Par conséquent et compte tenu des faits d’espèce, je n’exercerai pas mon pouvoir discrétionnaire en vue d’admettre le témoignage par affidavit du Dr Cartilier.

 

B.         Processus d’analyse pour l’application de l’alinéa 4(2)c)

 

[16]           Dans la décision, le représentant du ministre a décrit comme suit les conditions d’admissibilité à l’inscription :

[traduction]

[…] afin d’établir l’admissibilité à l’inscription d’un brevet au registre des brevets à l’égard d’une présentation de drogue nouvelle, le Bureau des médicaments brevetés et de liaison doit, en application du paragraphe 4(2) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement), évaluer si le brevet comporte une revendication de l’ingrédient médicinal qui a été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité relativement à la présentation d’une drogue nouvelle. Afin, par ailleurs, d’établir l’admissibilité à l’inscription d’un brevet au registre des brevets relativement au complément d’un nouvel ingrédient médicinal, le Bureau doit, en application du paragraphe 4(3) du Règlement, évaluer si le brevet comporte, respectivement, une revendication de la formulation modifiée, une revendication de la formule posologique modifiée ou une revendication de l’utilisation modifiée de l’ingrédient médicinal qui a été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité.

 

[17]           J’estime que le représentant a décrit avec exactitude la tâche qui lui incombe. Je reformulerais toutefois le processus à suivre en recourant à l’énoncé des étapes fait par le juge Hughes dans la décision Abbott – 1re instance, précitée. Bien que le juge Hughes ait traité des étapes à suivre pour décider si la revendication de l’utilisation d’un ingrédient médicinal satisfait aux conditions d’inscription prévues à l’alinéa 4(2)d) du Règlement sur les AC (Abbott – 1re instance, précitée, paragraphes 4 et 24), j’adapte son raisonnement à l’alinéa 4(2)c) du Règlement sur les AC et à la décision que j’ai à trancher et, selon moi, la décision de procéder ou non à une inscription nécessite de répondre à trois questions :

 

1                    Que revendique-t-on avec le brevet 517?

 

2                    Quelle est la forme posologique approuvée?

 

3                    Les revendications du brevet 517 correspondent-elles à la forme posologique approuvée?

 

C.        Quelle est la norme de contrôle applicable?

 

[18]           GSK soutient que la question en litige concerne l’interprétation par le ministre du Règlement sur les AC, de sorte que la norme de contrôle applicable serait celle de la décision correcte (Apotex Inc. c. AstraZeneca Canada Inc. et. al., 2006 CSC 49, [2006] 2 R.C.S. 560, paragraphe 25).

 

[19]           Le défendeur soutient pour sa part que la présente affaire soulève une question de fait et de droit, le ministre devant tirer des conclusions de fait relativement au brevet afin d’établir s’il satisfait aux exigences de l’article 4 du Règlement sur les AC. Donc, la norme de contrôle appropriée est celle de la raisonnabilité (Ferring Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CAF 276, 370 N.R. 63; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190). Le défendeur invoque également l’analyse et les conclusions du juge Hughes dans la décision Abbott – 1re instance.

 

[20]           À mon avis, l’arrêt Abbott – appel, précité, de la Cour d’appel tranche la question de la norme de contrôle appropriée. La Cour d’appel a reconnu l’opportunité de l’analyse en trois questions proposée par le juge Hughes relativement à la décision du ministre, puis elle a examiné quelle norme de contrôle il convenait d’appliquer pour chacune des questions. La juge Sharlow a conclu comme suit à cet égard au paragraphe 34 :

En résumé, la décision du ministre de ne pas inscrire le brevet 620 doit être maintenue, à moins qu’elle ne soit fondée sur une interprétation erronée de la revendication 6 du brevet 620, sur une interprétation erronée de l’alinéa 4(2)d) du Règlement AC, sur une conclusion déraisonnable relativement à l’utilisation approuvée de Meridia, ou sur une conclusion déraisonnable quant à savoir si l’utilisation du sibutramine revendiquée par le brevet 620 constitue une utilisation approuvée de Meridia

 

[21]           Or, selon moi, il n’y a aucun motif pour qu’une décision du ministre en application de l’alinéa 4(2)c) appelle une différente norme de contrôle. Quoi qu’il en soit et comme le fait voir l’analyse qui va suivre, j’en viens à la conclusion que, même en fonction de la norme de la décision correcte, il convient de confirmer la décision du ministre de ne pas inscrire le brevet au registre.

 


D.        Que revendique-t-on avec le brevet 517?

 

[22]           La première étape de l’analyse consiste à interpréter les revendications du brevet 517. Dans sa décision, le représentant du ministre a déclaré ce qui suit : [traduction] « le brevet 517 comprend les revendications visant un contenant en aluminium dont la surface interne est tapissée d’une substance, lequel se présente sous la forme d’un aérosol‑doseur ».

 

[23]           La revendication 1 du brevet 517 renvoie à ce qui suit :

[traduction]

Un aérosol‑doseur comprenant un contenant appelé aérosol‑doseur dont une partie de la surface interne est tapissée d’un mélange de polymères constitué d’un ou de plusieurs polymères fluorocarbonés combinés à un ou plusieurs polymènes non fluorocarbonés, le contenant étant composé d’aluminium renforcé et ayant une base essentiellement ellipsoïde, et étant destiné à l’administration par inhalation d’une formulation pharmaceutique constituée de propionate de fluticasone ou d’un solvate physiologiquement acceptable correspondant et d’un agent propulseur fluorocarboné.

 

[24]           Les revendications 2 à 25 ont trait pour leur part à l’aérosol-doseur et renvoient à la revendication 1.

 

[25]           Tel qu’il est énoncé à la revendication 1 du brevet 517, l’aérosol-doseur doit être utilisé pour la fin suivante : [traduction] « l’administration par inhalation d’une formulation pharmaceutique constituée de propionate de fluticasone ou d’un solvate physiologiquement acceptable correspondant et d’un agent propulseur fluorocarboné ».

 

[26]           Le brevet 517 vise manifestement un aérosol-doseur conçu pour rendre plus efficace pour le patient la libération du propionate de fluticasone. Cette interprétation des revendications est conforme à la description figurant dans le brevet. Dans la section intitulée [traduction] « Contexte de l’invention » les inventeurs ont déclaré ce qui suit :

[traduction]

Certains médicaments en aérosol ont tendance à adhérer aux surfaces internes, par exemple les parois du contenant, les valves et les embouts de l’aérosol‑doseur. Cet effet peut entraîner une réduction considérable de la quantité de médicament administrée par rapport à la quantité prescrite pour le patient à chaque vaporisation de l’aérosol‑doseur. Le problème est particulièrement grave avec les agents propulseurs à base d’hydrofluoroalcane (aussi appelé « fluorocarbone »). . .

 

Nous avons découvert que le fait de tapisser la surface interne du contenant de l’aérosol‑doseur avec un polymère fluorocarboné diminue considérablement ou élimine pratiquement le problème d’adhésion ou de dépôt de propionate de fluticasone sur la paroi du contenant, ce qui garantit que l’aérosol‑doseur administre de façon uniforme le médicament en aérosol.  

 

[27]           Bien que les revendications visent le nouvel aérosol‑doseur amélioré, les inventeurs revendiquent uniquement l’un des usages de l’aérosol‑doseur, à savoir que les revendications 2 à 25 comprennent l’aérosol‑doseur décrit dans le brevet 517 seulement lorsqu’il est utilisé pour administrer le propionate de fluticasone ou un solvate physiologiquement acceptable correspondant et un agent propulseur fluorocarboné.

 

[28]           La revendication 26 a trait à l’utilisation de l’aérosol-doseur pour le traitement de troubles respiratoires.

 

[29]           Comme l’a reconnu GSK dans sa plaidoirie, il pourrait y avoir d’autres manières d’administrer le propionate de fluticasone; le brevet 517 ne concerne qu’un mode d’administration de ce médicament utile.

 

[30]           Quant à la question de l’interprétation du brevet, en résumé, j’en viens à la conclusion qu’il convient d’interpréter les revendications du brevet 517 comme visant l’amélioration d’un dispositif. En d’autres termes, je suis d’accord avec la conclusion du ministre selon laquelle « le brevet 517 comprend des revendications visant un contenant en aluminium dont la surface interne est tapissée d’une substance, et qui se présente sous la forme d’un aérosol‑doseur ».

 

E.         Quelle est la forme posologique approuvée?

 

[31]           Un avis de conformité (AC) est requis pour la commercialisation d’un médicament par une société. Le libellé modifié de l’article 4 du Règlement sur les AC montre l’existence d’un lien entre l’objet d’un brevet faisant partie d’une liste de brevets et la teneur des présentations sous-jacentes à la délivrance de l’AC relatif au médicament. La question à trancher est donc la suivante : qu’est-ce qui sous-tend les AC en cause?

 

[32]           En l’espèce, le 18 décembre 2000 et le 11 novembre 2006, GSK a déposé diverses présentations à l’égard d’ADVAIR et, entre le 10 avril et le 3 mai 2005, de FLOVENT HFA. GSK s’est vu délivrer un AC le 18 juillet 2001 relativement à FLOVENT HFA et, le 3 septembre 1999, relativement à ADVAIR, par suite de présentations de drogue nouvelle (PDN) qu’elle avait faites. Depuis la délivrance de ces AC, plusieurs suppléments à la présentation d’une drogue nouvelle (SPDN) ont été déposés. Le représentant du ministre a passé en revue ces présentations et ces AC, pour ensuite conclure comme suit :

[traduction]

La forme posologique approuvée selon les avis de conformité délivrés par suite des présentations susmentionnées [pour ADVAIR et FLOVENT HFA] et qui sert à étayer l’inscription au registre […] n’a pas trait à un dispositif, à savoir un « aérosol-doseur » tel que précisé dans la revendication 1 du brevet 517, mais bien plutôt à un aérosol pour inhalation dosée.

 

 

[33]           Après examen des présentations de drogue de GSK ainsi que des monographies de produits pour ADVAIR et FLOVENT HFA, je souscris à la conclusion du ministre selon laquelle la forme posologique approuvée, d’après les présentations, est bien un aérosol. De nombreuses mentions dans les AC permettent d’étayer cette conclusion, notamment celles qui suivent :

 

·                    L’AC émis le 18 juillet 2001 autorise la commercialisation de « FLOVENT HFA, aérosol pour inhalation, 50 mcg, 125 mcg et 250 mcg/vaporisation ».

 

·                    Dans le RENSEIGNEMENTS SOMMAIRES SUR LE PRODUIT de la monographie de produit de FLOVENT HFA, la forme posologique/la concentration est décrite comme étant « Aérosol pour inhalation /50, 125 et 250 mcg/vaporisation ».

 

·                    L’AC relatif à ADVAIR, daté du 21 décembre 2001, mentionne explicitement « Nouvelle forme posologique : aérosol pour inhalation ».

 

·                    La monographie de produit d’ADVAIR, dans la section intitulée « FORMES POSOLOGIQUES, COMPOSITION ET CONDITIONNEMENT » [AR 485] décrit ADVAIR comme étant un « aérosol pour inhalation ».

 

[34]           GSK signale diverses mentions faites dans les documents en cause de l’aérosol-doseur. GSK renvoie par exemple au Document certifié d’information sur le produit – Entités chimiques (DCIP‑EC) soumis à titre de SPDN relativement à ADVAIR. À la page 1 de ce document, GSK décrit la forme posologique comme un « aérosol-doseur ». Bien que je reconnaisse l’existence de cette description, je relève que GSK décrit plutôt de manière distincte le système de conditionnement ailleurs dans le SCIP-EC. Au mieux, ainsi, le DCIP-EC manque de clarté, et ce, malgré la mention faite de l’« aérosol-doseur » en tant que forme posologique.

 

[35]           Pour résumer sur cette question, je conclus que ce qu’il est le plus exact de dire, c’est que la « forme posologique approuvée » concerne un aérosol pour inhalation. La conclusion du ministre à ce sujet n’était pas déraisonnable.

 

F.         Les revendications du brevet 517 correspondent-elles à la « forme posologique approuvée »?

 

[36]           Comme je l’ai dit, l’article 4 du Règlement sur les AC établit les conditions d’admissibilité à l’adjonction d’un brevet au registre des brevets. En vertu des modifications apportées le 5 octobre 2006 au Règlement, celui-ci permet désormais l’inscription au registre de brevets comportant la revendication d’une « forme posologique », mais seulement si la forme revendiquée correspond à la forme posologique visée par la présentation de drogue nouvelle à laquelle se rattache le brevet à inscrire.

 

[37]           J’ai conclu précédemment que le brevet 517 a trait à un dispositif – soit un aérosol-doseur dont les propriétés sont décrites dans les revendications du brevet. Deuxièmement, j’ai conclu que la « forme posologique approuvée » pour ADVAIR et FLOVENT HFA en était une d’aérosol pour inhalation. En l’absence de correspondance, ainsi, les conditions d’inscription prévues à l’alinéa 4(2)c) ne sont pas réunies. La décision du ministre de refuser l’inscription au registre du brevet 517 était correcte.

 

[38]           Le juge Russell était saisi d’une question très semblable dans la décision Bayer Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2008 CF 857, 68 C.P.R. (4th) 1, qui concernait l’admissibilité de la forme posologique prétendue d’un dispositif d’emballage conçu de manière à éviter les problèmes survenant lorsque le médicament est exposé à l’humidité. Rejetant la prétention de la société pharmaceutique concernée, le juge a déclaré ce qui suit au paragraphe 56 :

Autrement dit, l’invention exposée dans le brevet 970 vise à améliorer l’ingrédient administré au patient et non pas la forme posologique. Il me semble ressortir des preuves produites en l’espèce que l’exposition de l’œstradiol à l’humidité entraîne la formation d’hydrates, et que cela entraîne une modification du taux de libération de la drogue. Mais le fait d’empêcher la formation d’hydrates a tout de même pour but d’améliorer ce qui est administré au patient au moyen d’un timbre transdermique et non pas d’améliorer la forme posologique.

 

[39]           En fait, la même question est soulevée en l’espèce. L’aérosol-doseur est conçu pour assurer la distribution uniforme de l’ingrédient médicinal. Il s’agit essentiellement d’un mode amélioré de l’administration du médicament par aérosol. Ce n’est pas là la forme posologique approuvée dans les AC délivrés pour FLOVENT HFA et ADVAIR. Par conséquent, L’aérosol-doseur, tel qu’il est revendiqué dans le brevet 517, ressemble davantage à un dispositif qu’à un nouveau mécanisme de libération. C’est donc à juste titre que le ministre a refusé d’ajouter le brevet 517 au registre au motif qu’il ne comportait pas une revendication de la forme posologique qui avait été approuvée par la délivrance d’un AC à l’égard des présentations de drogue nouvelle à l’égard de FLOVENT HFA et ADVAIR.

 

VI.       Conclusion

 

[40]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée, avec dépens en faveur du défendeur.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

2.                  Les dépens sont attribués au défendeur.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1755-07

 

INTITULÉ :                                       GLAXOSMITHKLINE INC. c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 21 OCTOBRE 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 29 DÉCEMBRE 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Beverley Moore

James E. Mills

 

POUR LA DEMANDERESSE

David Cowie

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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