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Date : 20081222

Dossier : IMM-2333-08

Référence : 2008 CF 1407

ENTRE :

JUAN CARLOS VELAZQUEZ ORTEGA

NORMA ANGELICA PECH BARRERA

JOSE CARLOS VELAZQUEZ PECH

JUAN ANGEL VELAZQUEZ PECH

AXEL ALEJANDRO VELAZQUEZ PECH

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PHELAN

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Il s’agit des motifs d’une ordonnance rendue à l’audience, le 15 décembre 2008, par laquelle j’ai accueilli une demande de contrôle judiciaire présentée à l’encontre d’une décision défavorable aux demandeurs en matière d’examen des risques avant renvoi (ERAR).

 

[2]               En l’espèce, la question en litige concerne l’omission, par l’agent d’ERAR, de tenir compte de preuves déposées par les demandeurs. La juge Hansen avait rendu une ordonnance sursoyant à l’exécution de la mesure de renvoi prise contre les demandeurs.

 

II.        LE CONTEXTE

[3]               Le demandeur principal est un citoyen du Mexique. Les codemandeurs sont l’épouse et les trois enfants mineurs du demandeur principal, tous également citoyens mexicains.

 

[4]               M. Velázquez affirme qu’il occupait le poste d’organisateur politique pour le Partido de la Revolución Democrática (PRD) et qu’il a participé à des manifestations dans sa ville natale de Cancún. Le demandeur prétend aussi que sa photographie a été publiée dans des articles de journaux portant sur ces manifestations. Toutefois, le demandeur y apparaissait portant un masque de l’ancien président Fox.

 

[5]               M. Velázquez a fondé sa demande d’asile sur la crainte qu’il éprouverait pour sa vie advenant son retour au Mexique. En effet, il affirme avoir été enlevé, détenu, menacé et contraint par la force de prononcer de faux aveux selon lesquels il était toxicomane.

 

[6]               Lors de l’audition de sa demande d’asile, M. Velázquez, a soutenu que des membres de son parti politique, désireux de se débarrasser de lui, avaient agi de connivence avec les policiers pour faire en sorte qu’il soit arrêté et intimidé par des menaces. D’autre part, le demandeur a aussi produit des lettres attestant de sa bonne moralité rédigées par d’autres membres du même parti.

 

[7]               Dans sa décision défavorable à M. Velázquez, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié accorde peu de poids aux articles de journaux portant sur les manifestations parce que le nom de demandeur n’y est pas mentionné et que son visage n’y apparaît pas non plus.

 

[8]               Après que la Commission eut rendu sa décision, le demandeur a appris l’existence d’autres articles qui citaient son nom et qui corroboraient ses allégations au sujet de sa prétendue toxicomanie.

 

[9]               Lors du dépôt de sa demande d’ERAR, le demandeur a inclus, de son propre chef, une liste des articles de journaux qu’il comptait invoquer pour étayer ses observations. La demande a été envoyée au bureau du défendeur au moyen du service de messagerie UPS.

 

[10]           Avant l’échéance du délai fixé pour le dépôt de preuves documentaires, le demandeur a envoyé les articles qui figuraient sur sa liste en utilisant à nouveau les services d’UPS, mais sans conserver cette fois une copie des éléments de preuve.

 

[11]           La demande d’ERAR présentée par M. Velázquez a été rejetée. La décision ne comporte aucune mention des articles de journaux. En outre, un examen du dossier, effectué au bureau d’ERAR, a révélé qu’il ne contenait ni les articles, ni quelque référence que ce soit à ces éléments de preuve.

 

[12]           Par la suite, le demandeur a obtenu des documents qui semblent être des copies des articles ainsi que les traductions de ces textes.

 

III.       ANALYSE

[13]           La question en litige consiste à savoir si, compte tenu de ces circonstances, les demandeurs ont été privés de l’application des principes d’équité ou de justice naturelle à laquelle ils avaient droit. Il est de jurisprudence constante que la norme de contrôle applicable à de telles questions est la décision correcte (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9).

 

[14]           Selon la prépondérance de la preuve, le demandeur avait l’intention de recourir à ces articles de journaux, l’agent d’ERAR a été avisé de cette intention dans le formulaire de demande, le demandeur a retenu les services d’une entreprise digne de confiance pour envoyer les articles et, enfin, une fois arrivés à destination, les articles n’ont pas été classés dans le bon dossier et n’ont pas été considérés par l’agent d’ERAR.

 

[15]           En l’absence de preuve contraire, il semble que les articles de journaux aient été perdus et que cette perte ne soit nullement imputable au demandeur.

 

[16]           Les articles constituent des éléments de preuve qui intéressent directement l’une des conclusions déterminantes de la Commission. Il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur la véracité de ces preuves, ni sur le poids qu’il convient de leur accorder. La Cour doit seulement décider si les éléments manquants sont susceptibles d’avoir une incidence sur la décision ultime. En d’autres termes, la Cour doit s’assurer que ces éléments ne sont ni frivoles, ni accessoires.

 

[17]           Dès lors que ces preuves sont considérées comme susceptibles d’être pertinentes, il est aisé de conclure qu’elles sont recevables par l’agent d’ERAR même si elles sont antérieures à la décision de la Commission.

 

[18]           L’arrêt Raza  c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 385, énonce que des preuves peuvent être jugées nouvelles pour les besoins d’un examen des risques avant renvoi si elles sont aptes à réfuter une conclusion de fait tirée par la Section de la protection des réfugiés. En l’espèce, les éléments de preuve manquants satisfont à ce critère.

 

[19]           Le droit qu’avaient les demandeurs de voir leur demande tranchée à la lumière de la preuve a été enfreint, bien qu’aucune faute de la part des demandeurs n’en soit responsable. La raison d’être de l’examen des risques avant renvoi, soit d’éviter de renvoyer des personnes dans des pays où leur vie ou leur sécurité risqueraient d’être mises en péril, est bafouée lorsqu’une décision est fondée sur un dossier dont certains éléments substantiels sont absents.

 

[20]           En l’espèce, la Cour n’est pas en mesure de conclure que la cause des demandeurs est sans espoir ou encore qu’une issue défavorable aux demandeurs est inéluctable de telle sorte qu’un nouvel examen serait inutile (Voir Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada-Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202).

 

IV.       CONCLUSION

[21]           Par conséquent la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision relative à l’ERAR sera annulée et l’affaire sera renvoyée à un autre agent pour qu’il procède à un nouvel examen sur la base d’un dossier mis à jour. Aucune question ne sera certifiée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 22 décembre 2008

 

 

Traduction certifiée conforme

Emmanuelle Dubois

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2333-08

 

INTITULÉ :                                       JUAN CARLOS VELAZQUEZ ORTEGA

                                                            NORMA ANGELICA PECH BARRERA

                                                            JOSE CARLOS VELAZQUEZ PECH

                                                            JUAN ANGEL VELAZQUEZ PECH

                                                            AXEL ALEJANDRO VELAZQUEZ PECH

 

                                                            c.

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 décembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 22 décembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alyssa Manning

 

Pour les demandeurs

David Knapp

 

Pour les défendeurs

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

VANDERVENNEN LEHRER

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour les défendeurs

s

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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