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Date : 20081211

Dossier : T‑1430‑07

Référence : 2008 CF 1367

 

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 décembre 2008

En présence de monsieur le juge Hughes

 

ENTRE :

LE RÉVÉREND EDWIN PEARSON, LE RÉVÉREND MICHEL ÉTHIER,

et JAMES ROSCOE HOAD

demandeurs

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, représentée par LE MINISTRE DE LA JUSTICE DU CANADA, LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, et

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La Cour est saisie d’une requête présentée par les demandeurs par voie d’appel interjeté contre une ordonnance d’un protonotaire de la Cour en date du 15 octobre 2008, par laquelle l’action des demandeurs a été radiée sans autorisation de la modifier avec dépens en faveur des défendeurs. Pour les motifs qui suivent, je vais rejeter l’appel et maintenir la radiation de l’action.

 

[2]               Une ordonnance d’un protonotaire radiant une action est de toute évidence une ordonnance déterminante pour l’issue de la procédure. L’affaire doit être considérée de novo dans le cadre du présent appel. Un examen de novo n’exige pas que toutes les erreurs commises dans la décision visée par l’appel soient relevées (City Centre Aviation Ltd c Jazz Air SEC, 2007 CAF 304, au paragraphe 13). La Cour doit examiner la question à nouveau à partir du dossier présenté au protonotaire.

 

[3]               En l’espèce, l’action, suivant les allégations de la déclaration modifiée datée du 6 septembre 2007, se veut un recours collectif en dommages‑intérêts, intenté au nom des demandeurs nommés en leur propre nom et [traduction] « au nom de tous les ministres et les pratiquants de l’Assemblée de l’Église de l’Univers au Canada qui ont été et seront touchés par les actions, le comportement et les actions et comportements futurs possibles des défendeurs ». Des montants sont demandés pour des atteintes alléguées à la Charte des droits et libertés, pour faute dans l’exercice d’une charge publique, à titre de dommages‑intérêts punitifs et exemplaires, et de dommages‑intérêts spéciaux, ainsi qu’au titre des intérêts, des dépens et d’autres mesures de redressement.

 

[4]               L’action ne vise pas à contester la validité constitutionnelle de la Charte ou de toute loi ou règlement.

 

[5]               Les défendeurs ont demandé que la déclaration modifiée soit radiée sans autorisation de modification au motif qu’elle ne révèle pas une cause d’action valable, qu’elle est frivole et vexatoire et que la Cour fédérale n’avait pas compétence pour statuer sur un recours en responsabilité civile délictuelle de common law intentée contre des individus. La requête a été présentée avant toute requête en certification de l’action en tant que recours collectif, de sorte que l’action n’a pas à ce jour été certifiée. Aucune défense n’a été présentée.

 

[6]               Le protonotaire, dans une décision publiée sous 2008 CF 1161, a conclu que l’action était fondée sur une prémisse fondamentalement erronée, à savoir, que l’article 4 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19 (LRCDAS) est inconstitutionnel. De l’avis du protonotaire, cette prémisse était fondamentalement viciée. Il a conclu que la demande ne révélait aucune cause d’action raisonnable et était dénuée de toute chance de succès. La déclaration modifiée a été radiée, sans autorisation de modification. Le protonotaire a écrit ce qui suit aux paragraphes 26 à 28 :

26     Dans la présente affaire, la déclaration modifiée des demandeurs repose sur une prémisse fondamentalement erronée selon laquelle l’article 4 de la Loi est nul et sans effet sur le plan constitutionnel. Cependant, aucune des décisions citées par les demandeurs n’appuie leur point de vue idyllique sur les dispositions législatives régissant la possession de marihuana pour consommation personnelle au Canada. Peut‑être bien que, dans le domaine éthéré, la possession pour consommation personnelle de marihuana est une expérience divine. Par contre, actuellement, les lois promulguées par le Parlement du Canada interdisent aux demandeurs l’usage sacramentel qu’il recherche.

 

27     Compte tenu de ce vice fondamental, je dois conclure que les actes de procédure des demandeurs ne révèlent aucune cause d’action valable (voir de façon générale Canada c. Roitman, [2006] F.C.J. no 1177, 2006 CAF 266) et que leur action est dépourvue de toute chance de succès.

 

28     Pour arriver à la conclusion que la présente action devrait être radiée, j’ai examiné toutes les allégations contenues dans la déclaration modifiée à la lumière des enseignements de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959. En appliquant le critère formulé dans cet arrêt, il est évident et manifeste que l’action ne saurait aboutir. L’action doit donc être radiée.

 

[7]                     Les demandeurs invoquent plusieurs motifs pour demander l’annulation de l’ordonnance du protonotaire, consistant essentiellement à dire qu’il a mal interprété ou mal appliqué la loi. Les défendeurs affirment pour leur part que la décision du protonotaire est bien fondée et, subsidiairement, que d’autres motifs justifiant la radiation de l’action, mais sur lesquels il n’a pas statué, ont été soulevés devant le protonotaire, à savoir, que l’action ne précise pas suffisamment de faits substantiels pour soutenir une action fondée sur un délit de faute dans l’exercice d’une charge publique ou toute autre cause d’action, et que l’action est de toute évidence une contestation indirecte des déclarations de culpabilité prononcées contre les demandeurs par les tribunaux de l’Ontario, de sorte qu’elle constitue un abus de procédure.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[8]               J’ai eu quelque difficulté lors de mes discussions à l’audience avec les avocats des demandeurs à déterminer quelles sont les véritables questions dont a été saisi le protonotaire et dont je suis maintenant saisi.

 

[9]               Le protonotaire, au paragraphe 9 de ses motifs, a relevé que les parties ont convenu de répondre à une seule question, à savoir :

« Compte tenu de l’état actuel de la jurisprudence, le paragraphe 4(1) de la Loi demeure‑t‑il une disposition applicable au Canada? »

 

 

[10]           L’avocat des demandeurs, qui a également plaidé devant le protonotaire, dit qu’il doit y avoir eu un malentendu. Il affirme qu’il s’agit maintenant, comme à l’époque, de déterminer si la déclaration modifiée devrait être radiée du fait :

1.      qu’au cours de la « période visée par le recours collectif » (soit, selon le paragraphe 6 de la déclaration modifiée à compter du 14 mai 1997, ou vers cette date, jusqu’à ce jour) il n’y avait pas de loi interdisant l’usage du cannabis;

2.      que la déclaration modifiée soulève une cause d’action fondée sur une atteinte à la liberté religieuse garantie par la Charte.

 

[11]           Par la suite, dans les plaidoiries, l’avocat des demandeurs a fait valoir qu’il y avait lieu, compte tenu des décisions de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. c Parker, (2000), 146 CCC (3d) 193, et Hitzig c Canada, (2003), 231 DLR (4th) 104, de réduire la période visée par le recours collectif, mentionné au paragraphe 6 de la déclaration de façon à ce qu’elle couvre la période entre le 31 juillet 2001 et le 7 octobre 2003.

 

[12]           L’avocat des défendeurs a soutenu pour sa part que la décision du protonotaire est bien fondée, et que les défendeurs invoquent un second motif global de radiation, à savoir l’abus de procédure, qui n’a pas été soulevé devant le protonotaire.

 

[13]           L’avocat des demandeurs a aussi soutenu que même si la déclaration modifiée dans sa forme actuelle est radiée, le protonotaire aurait dû donner l’autorisation de la modifier.

 

[14]           Les demandeurs, dans leur mémoire écrit, et non dans leur plaidoirie, ont soulevé la question de la compétence du protonotaire pour entendre l’affaire. Dans leur mémoire écrit, au paragraphe 26, les demandeurs indiquent toutefois qu’ils n’insisteront pas sur cette question. J’estime donc qu’il n’est pas nécessaire que je me prononce sur cette question, d’autant que j’examine l’affaire de novo.

 

[15]           Compte tenu des motifs changeants sur lesquels l’avocat des demandeurs a cherché à fonder les questions à trancher, je formule comme suit les questions que la Cour doit examiner de novo :

1.      L’action telle que présentée dans la déclaration modifiée devrait‑elle être radiée parce qu’elle constitue un abus de procédure?

2.      L’action telle que présentée dans la déclaration modifiée devrait‑elle être radiée parce qu’elle ne révèle pas une cause d’action raisonnable?

3.      Si l’action, telle que présentée, est radiée, faudrait‑il autoriser les demandeurs à la modifier?

 

Question 1 – Abus de procédure

[16]           Les alinéas 221(1)c) et f) du Règlement de la Cour portent que la Cour peut radier une action au motif qu’elle est scandaleuse, frivole ou vexatoire ou qu’elle constitue un abus de procédure.

 

[17]           La Cour suprême du Canada dans l’arrêt Toronto (Ville) c SCFP, section locale 79, [2003] 3 RCS 77, 2003 CSC 63, a déclaré que la doctrine de l’abus de procédure engage le pouvoir inhérent du tribunal d’empêcher que ses procédures soient utilisées abusivement, d’une manière qui serait manifestement injuste envers une partie au litige, ou qui aurait autrement pour effet de discréditer l’administration de la justice. La juge Arbour, s’exprimant au nom de la majorité, a écrit au paragraphe 37 :

 

37     Dans le contexte qui nous intéresse, la doctrine de l’abus de procédure fait intervenir [traduction] « le pouvoir inhérent du tribunal d’empêcher que ses procédures soient utilisées abusivement, d’une manière […] qui aurait […] pour effet de discréditer l’administration de la justice » (Canam Enterprises Inc. c. Coles (2000), 51 O.R. (3d) 481 (C.A.), paragraphe 55, le juge Goudge, dissident, (approuvé par [2002] 3 R.C.S. 307, 2002 CSC 63)). Le juge Goudge a développé la notion de la façon suivante aux par. 55‑56 :

 

[traduction] La doctrine de l’abus de procédure engage le pouvoir inhérent du tribunal d’empêcher que ses procédures soient utilisées abusivement, d’une manière qui serait manifestement injuste envers une partie au litige, ou qui aurait autrement pour effet de discréditer l’administration de la justice. C’est une doctrine souple qui ne s’encombre pas d’exigences particulières telles que la notion d’irrecevabilité (voir House of Spring Gardens Ltd. c. Waite, [1990] 3 W.L.R. 347, p. 358, [1990] 2 All E.R. 990 (C.A.).

 

Un cas d’application de l’abus de procédure est lorsque le tribunal est convaincu que le litige a essentiellement pour but de rouvrir une question qu’il a déjà tranchée.

[Je souligne.]

 

Ainsi qu’il ressort du commentaire du juge Goudge, les tribunaux canadiens ont appliqué la doctrine de l’abus de procédure pour empêcher la réouverture de litiges dans des circonstances où les exigences strictes de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée (généralement les exigences de lien de droit et de réciprocité) n’étaient pas remplies, mais où la réouverture aurait néanmoins porté atteinte aux principes d’économie, de cohérence, de caractère définitif des instances et d’intégrité de l’administration de la justice. (Voir par exemple, Franco c. White (2001), 53 O.R. (3d) 391 (C.A.); Bomac Construction Ltd. c. Stevenson, [1986] 5 W.W.R. 21 (C.A. Sask.); et Bjarnarson c. Government of Manitoba (1987), 38 D.L.R. (4th) 32 (B.R. Man.), conf. par (1987), 21 C.P.C. (2d) 302 (C.A. Man.). Cette application a suscité des critiques, certains disant que la doctrine de l’abus de procédure pour remise en cause n’est ni plus ni moins que la doctrine générale de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée, sans exigence de réciprocité, à laquelle il manque les importantes conditions que les tribunaux américains ont reconnues comme parties intégrantes de la doctrine (Watson, loc. cit., p. 624‑625).

 

[18]           La règle complémentaire à la doctrine de l’abus de procédure est celle interdisant une attaque indirecte contre une autre décision d’un tribunal compétent. Dans Danyluk c Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 RCS 460, le juge Binnie de la Cour suprême du Canada a écrit ce qui suit au paragraphe 20 :

20   Le droit s’est doté d’un certain nombre de moyens visant à prévenir les recours abusifs. L’un des plus anciens est la doctrine de la préclusion per rem judicatem, qui tire son origine du droit romain et selon laquelle, une fois le différend tranché définitivement, il ne peut être soumis à nouveau aux tribunaux : Farwell c. La Reine (1894), 22 R.C.S. 553, p. 558, et Angle c. Ministre du Revenu national, [1975] 2 R.C.S. 248, p. 267‑268. La doctrine est opposable tant à l’égard de la cause d’action ainsi décidée (on parle de préclusion fondée sur la demande, sur la cause d’action ou sur l’action) que des divers éléments constitutifs ou faits substantiels s’y rapportant nécessairement (on parle alors généralement de préclusion découlant d’une question déjà tranchée) : G. S. Holmested et G. D. Watson, Ontario Civil Procedure (feuilles mobiles), vol. 3 suppl., 21§17 et suiv. Un autre aspect de la politique établie par les tribunaux en vue d’assurer le caractère définitif des instances est la règle qui prohibe les contestations indirectes, c’est‑à‑dire la règle selon laquelle l’ordonnance rendue par un tribunal compétent ne doit pas être remise en cause dans des procédures subséquentes, sauf celles prévues par la loi dans le but exprès de contester l’ordonnance : Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594; R. c. Litchfield, [1993] 4 R.C.S. 333; R. c. Sarson, [1996] 2 R.C.S. 223.

 

[19]           Par ailleurs, la déclaration modifiée est présentée comme un recours collectif proposé; elle n’a pas encore été autorisée comme telle. La requête en radiation a été présentée avant qu’une requête en autorisation ait été entendue. La demande vise à obtenir des dommages‑intérêts; elle ne compte aucune attaque constitutionnelle. Les demandeurs disent être des membres d’une église Ethier et Pearson allèguent être des ministres ordonnés, et Hoad prétend être un paroissien (paragraphe 2). Le groupe que les demandeurs affirment représenter, tel que défini (paragraphes 19 à 22), est constitué de tous les ministres du culte, des paroissiens et des membres de l’Église qui possèdent du cannabis à des fins sacramentelles; le nombre des personnes faisant partie de ce groupe indéterminé. Le paragraphe 6 précise la durée de la période visée par le recours collectif, à savoir à compter du 14 mai 1997, ou vers cette date, jusqu’à ce jour. La question de droit commune (paragraphes 23 à 23.4) serait le droit à l’égalité de traitement et le droit de bénéficier des avantages de la loi quant à l’utilisation du cannabis à des fins sacramentelles. Les questions de fait (paragraphes 24 à 26) sont énoncées au paragraphe 24.4 et concernent la question de savoir si chaque membre du groupe a bénéficié des droits garantis par la Charte et si l’on a porté atteinte à ces droits. Aucune période de temps, que ce soit la « période visée par le recours collectif » ou une autre, n’est spécifiée. Aucun droit particulier ou atteinte particulière n’est mentionné. Les paragraphes 30 et 31 indiquent généralement que certains membres du groupe proposé ont été arrêtés, poursuivis et détenus pour possession de cannabis, et les demandeurs s’y engagent à fournir le détail des pertes et des dommages subis avant le procès.

 

[20]           Il est allégué en termes généraux, aux paragraphes 32 à 45 de la déclaration modifiée, que les défendeurs ont commis des actes de façon délibérée, qui consisteraient en des arrestations et des accusations relatives au cannabis.

 

[21]           Au paragraphe 43, les demandeurs allèguent qu’à partir du 31 juillet 2001, et par la suite, les défendeurs ont conspiré entre eux. Au paragraphe 46, ils énumèrent des dispositions de la Charte, de la Loi sur la Cour fédérale et du règlement s’y rapportant, ainsi que de la Loi sur la responsabilité de la Couronne, et de la LRCDAS.

 

[22]           En ce qui concerne le demandeur Pearson, les paragraphes 48 à 52 contiennent des allégations générales à l’égard desquelles il n’est donné aucune précision. Pearson affirme croire sincèrement que le cannabis peut être consommé à des fins sacramentelles, et il allègue que pendant la « période visée par le recours collectif » les policiers ont fait subir à « sa congrégation », qu’il désigne aussi comme « les paroissiens », des perquisitions et des saisies, et qu’il a dû se présenter devant les tribunaux criminels pour « aider les paroissiens ».

 

[23]           Les paragraphes 53 à 63 concernent les faits relatifs au demandeur Ethier. Il allègue que depuis 1998, les défendeurs ou leurs mandataires l’ont arrêté et l’ont détenu à huit reprises, dans tous les cas pour des infractions liées au cannabis. Ce dernier affirme qu’il craint en conséquence de prendre part à des rassemblements auxquels participent d’autres membres de l’Église à des fins religieuses, y compris posséder du cannabis.

 

[24]           Les paragraphes 64 à 75 concernent le demandeur Hoad. Il affirme que, depuis 1998, il a été arrêté quatre fois pour des infractions liées au cannabis, de sorte qu’il craint de prendre part à des rassemblements auxquels participent d’autres membres de l’Église à des fins religieuses.

 

[25]           Ceci est un bref résumé de la déclaration modifiée. Je n’ai pas l’intention de me référer à toutes les parties de la déclaration; je me suis plutôt efforcé d’en exposer les grandes lignes aux fins des présents motifs.

 

[26]           Les demandeurs individuels sont familiers avec le système judiciaire. Ethier et Hoad admettent dans la déclaration modifiée avoir été arrêtés à plusieurs reprises pour des infractions liées au cannabis. Il ressort de la preuve produite devant la Cour dans le cadre de la présente requête qu’Ethier seul ou Ethier avec Hoad ont à de nombreuses reprises été appelés à comparaître devant les tribunaux en ce qui concerne des accusations criminelles liées au cannabis, et que plusieurs procédures ont été déposées et plusieurs appels interjetés dans le cadre de ces poursuites. Ethier a saisi la Cour de l’Ontario de diverses questions portant notamment sur la violation de « principes fondamentaux de la justice » et sur le caractère « inconstitutionnel et inopérant » d’« éléments essentiels » de la LRCDAS. Il n’a pas eu gain de cause en première instance. La Cour d’appel de l’Ontario, par une ordonnance datée du 18 novembre 2003, a rejeté son appel. Le demandeur Hoad a également été inculpé dans l’affaire, mais ne semble pas avoir pris part à l’appel, le juge de première instance ayant suspendu sa cause jusqu’à ce qu’une décision soit rendue relativement à l’appel interjeté par Ethier (juge Karom, 22 mai 2003, dossier de la Cour 030313, transcription, page 16).

 

[27]           Le demandeur Pearson s’est par le passé retrouvé devant les tribunaux du Québec, les tribunaux fédéraux, ainsi que devant la Cour suprême du Canada. La Cour suprême du Canada a rejeté son pourvoi formé à l’égard de questions liées à sa déclaration de culpabilité de trafic de stupéfiants soulevées devant les tribunaux du Québec ([1998] 3 RCS 320). À la Cour fédérale, Pearson a intenté une action pour abus de procédure commis sciemment et délibérément et atteinte malveillante à ses droits en vertu de la Charte. Le juge Richard, alors juge en chef adjoint de la Cour, a suspendu la procédure en attendant qu’un jugement définitif soit rendu dans l’instance devant les tribunaux du Québec ([1999] ACF no 1298). Lorsque ces instances furent terminées, le sursis a été levé par le juge Teitlebaum ([1994] ACF no 1991). Le juge de Montigny de la Cour a finalement été saisi de l’affaire et il a rejeté la demande dans une décision publiée sous 2006 CF 931. Un arrêt unanime de la Cour d’appel fédérale, publié sous 2007 CAF 380, a confirmé cette décision.

 

[28]           Dans ses motifs, le juge de Montigny décrit d’abord la nature de l’action de Pearson, dans laquelle il demandait différents types de dommages‑intérêts en invoquant « l’abus de procédure et les atteintes malveillantes aux droits que lui garantit la Charte qui ont été commis sciemment et délibérément par l’État et par ses fonctionnaires ». Le juge a traité de l’historique procédural en dents de scie de l’affaire, qu’il a qualifié de complexe et exceptionnel. Voici ce qu’il dit aux paragraphes 1, 2 et 3 de sa décision :

1     Le 24 février 1999, le demandeur a intenté devant la Cour une action contre la défenderesse à cause des actes commis par les préposés de celle‑ci. M. Pearson réclame des dommages‑intérêts compensatoires, des dommagesintérêts généraux, des dommages‑intérêts exemplaires et des dommages‑intérêts punitifs totalisant 13 000 000 $. Sa réclamation est fondée sur l’abus de procédure et les atteintes malveillantes aux droits que lui garantit la Charte qui ont été commis sciemment et délibérément par l’État et par ses fonctionnaires, préposés et mandataires dans le cadre de la poursuite criminelle engagée contre lui devant les tribunaux du Québec.

 

2     L’historique de la présente affaire devant les tribunaux criminels et devant la Cour est très complexe. Plusieurs de mes collègues, des juges et des protonotaires, ont été appelés à statuer sur différentes requêtes présentées par le demandeur et la défenderesse à divers[es] étapes de l’instance. La juge Hansen a d’ailleurs dit, dans les motifs de l’ordonnance rejetant une requête déposée par le demandeur, que le dossier était devenu très complexe sur le plan de la procédure, « fait qui est illustré par les cinquante‑six pages d’inscriptions enregistrées ». C’était le 21 juin 2001!

 

3     Non seulement l’affaire est complexe et exceptionnelle en raison de son historique procédural en dents de scie, mais elle soulève des questions de fond qui [ne] sont pas encore tout à fait réglées d’un point de vue strictement juridique. Ces questions concernent l’enchevêtrement du droit civil et du droit pénal, les concepts, difficiles à saisir, que sont les réparations offertes par le droit civil et les délais de prescription applicables aux atteintes aux droits garantis par la Charte et, dans une certaine mesure, la compétence même de la Cour.

 

[29]           À la fin des motifs qu’il a rédigés à l’appui du rejet de l’action, le juge de Montigny écrit ce qui suit (au paragraphe 88) :

88     En conséquence, je dois rejeter la demande de M. Pearson, même si je considérais qu’elle n’est pas prescrite et que les diverses décisions rendues par les tribunaux criminels ne m’empêchent pas de l’examiner. Malgré la force et la sincérité avec [lesquelles] il croit avoir subi un préjudice à cause de la façon dont le ministère public a mené son procès criminel, M. Pearson n’a pas démontré qu’il a droit à des dommagesintérêts. Je ne peux conclure que ses droits constitutionnels ont été violés et que la conduite des représentants de l’État qui ont participé à l’enquête ou à la conduite de son procès était répréhensible, à tout le moins suffisamment pour justifier des dommagesintérêts. Si M. Pearson n’a pas pu présenter une défense pleine et entière sans que la faute en revienne au ministère public, la Cour d’appel du Québec lui a accordé une réparation convenable et juste lorsqu’elle a ordonné un nouveau procès limité à la question de la provocation policière. La Cour d’appel du Québec n’a pas jugé approprié de lui accorder des dommages‑intérêts, et M. Pearson ne peut pas maintenant se présenter devant la Cour et demander ce que lui ont refusé les tribunaux compétents. Si le demandeur croit fermement que sa défense a été compromise parce qu’il n’a pas eu accès à des documents importants, il doit essayer d’obtenir la réouverture de son procès, et non contester (quoique indirectement) devant la Cour les décisions de la Cour supérieure et de la Cour d’appel du Québec.

 

[30]           La Cour d’appel fédérale, sous la plume du juge Linden, a rejeté à l’unanimité l’appel. Le juge Linden a écrit ce qui suit au paragraphe 6 :

6     Bien qu’il soit clair qu’une violation de la Charte puisse parfois constituer le fondement d’une adjudication de dommages‑intérêts dans une action civile en vertu de l’article 24, cela n’est pas automatique. La jurisprudence indique clairement que, pour recouvrer des dommages‑intérêts, il faut plus qu’une violation technique de la Charte. Il est nécessaire de prouver l’existence d’un comportement clairement fautif, de mauvaise foi ou d’abus de pouvoir. Simplement agir de manière inconstitutionnelle, si les gestes sont posés de bonne foi et sans abus de pouvoir, n’entraîne pas la responsabilité civile (voir Mackin c. Nouveau‑Brunswick; Rice c. Nouveau‑Brunswick, 2002 CSC 13 (CanLII), [2002] 1 R.C.S. 405, le juge Gonthier, aux paragraphes 78 et 79), même s’il peut y avoir d’autres répercussions juridiques (R. c. Carosella, [1997] 1 R.C.S. 80).

 

[31]           À la lumière de cet historique, le recours intenté par les demandeurs Pearson, Ethier et Hoad peut être considéré comme une autre tentative de faire ce qu’ils n’ont pas réussi à faire dans les procédures pénales et civiles antérieures, à savoir convaincre un tribunal que la possession et l’utilisation, par eux et par leurs collègues, de cannabis pour ce qu’ils qualifient de « fins sacramentelles » sont des actes légalement permis et qu’à cet égard ils jouissent de la protection de la Charte. En qualifiant leur recours de recours collectif proposé et en alléguant que d’autres, « paroissiens » ont subi des abus similaires, les demandeurs tentent simplement de rouvrir des questions à l’égard desquelles ils n’ont pas, et ce, à de nombreuses reprises, obtenu gain de cause, ou, en d’autres termes, d’attaquer de façon indirecte les décisions de notre Cour, ainsi que d’autres cours supérieures et d’appel du pays. Les mêmes questions sont tout simplement présentées différemment. Le fait de permettre qu’une telle demande soit présentée déconsidérerait l’administration de la justice. L’action sera radiée au motif qu’elle constitue un abus de procédure.

 

Question numéro 2 – Présentation d’une cause d’action valable

[32]           Le protonotaire Aalto a rejeté le recours au motif que l’action se fondait sur une prémisse erronée, c’est‑à‑dire celle de savoir si le paragraphe 4(1) de la LRCDAS demeure une loi applicable au Canada. Je suis d’accord avec la décision du protonotaire sur cette question et je souscris à ses motifs. Je comprends des discussions que j’ai eues avec chacun des avocats des parties à l’audience qu’ils acceptent eux aussi cette décision, sauf pour ce qui est des observations de l’avocat des demandeurs exposées ci‑dessous.

 

[33]           À l’audience, l’avocat des demandeurs a demandé l’autorisation de modifier la demande de manière à ce qu’elle se limite à une période de temps au cours de laquelle les défendeurs auraient commis les actes fautifs, définie comme étant la période visée par le recours collectif, à savoir du 31 juillet 2001 au 7 octobre 2003. Pour établir cette période, l’avocat des demandeurs se fonde sur l’interprétation qu’il donne aux arrêts de la Cour d’appel de l’Ontario, Parker et Hitzig, précités, et sur la décision du juge Lederman de la Cour supérieure de l’Ontario, Hitzig (2003), 171 CCC (3d) 18, qui a précédé la décision de la Cour d’appel.

 

[34]           Essentiellement, la période de temps est établie par l’avocat des demandeurs de façon à tenir compte de la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Parker, dans laquelle cette dernière a déclaré que l’interdiction de posséder de la marihuana prévue à la LRCDAS était inopérante, mais a suspendu cette déclaration d’invalidité pendant un an, de sorte que la loi est restée en vigueur au cours de cette période. Le juge Rosenberg, qui s’exprimait au nom de la Cour, dit ce qui suit au paragraphe 11 :

[traduction] [11]    En conséquence, je confirmerais la décision du juge de première instance d’ordonner un arrêt des accusations portées contre Parker et je rejetterais cette partie de l’appel de la Couronne. Cependant, je suis en désaccord avec la mesure accordée par le juge Sheppard fondée sur sa conclusion que la Loi comporte une exemption pour usage à des fins médicales. Comme l’a fait valoir la Couronne, j’estime que cette question relève du législateur. En conséquence, je déclare l’interdiction de posséder de la marijuana prévue par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances inopérante. Cependant, comme cela laisserait une lacune dans le système de réglementation jusqu’à ce que le législateur soit en mesure de modifier la loi pour se conformer à la Charte, il y a lieu de suspendre la déclaration d’invalidité pour une année. Pendant cette période, la loi sur la marijuana demeurera en vigueur. Parker, cependant, ne peut pas être privé de ses droits pendant cette année et il est donc exonéré à titre personnel de l’infraction de possession prévue à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, pour possession de marijuana pour ses besoins médicaux. Puisque la Loi sur les stupéfiants a déjà été abrogée par le Parlement, il n’est pas nécessaire de la déclarer inconstitutionnelle. Si cela s’était avéré nécessaire, j’aurais aussi conclu que Parker est exonéré à titre personnel de l’infraction de culture pour ses besoins médicaux.

 

[35]           Cette décision a été rendue le 31 juillet 2001.

 

[36]           Un jour avant l’expiration de la période d’un an, le gouvernement fédéral a adopté les dispositions du Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales, DORS/2001‑227 (le RAMFM), qui étaient censées combler les lacunes relevées par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Parker.

 

[37]           La validité de la LRCDAS et des nouvelles dispositions du RAMFM a à nouveau été contestée dans l’affaire Hitzig. Le juge Lederman de la Cour supérieure de l’Ontario, dans sa décision datée du 9 janvier 2003, a déclaré que les parties pertinentes de la LRCDAS et du RAMFM étaient inconstitutionnelles, mais a suspendu l’application de sa décision pour une période de six mois. Cette décision a fait l’objet d’un appel; la période de six mois s’est toutefois écoulée sans que des modifications soient apportées au RAMFM. La Couronne a demandé une prolongation de cette période de six mois, mais cette demande a été refusée. Après l’expiration de la période de six mois, le 7 octobre 2003, la Cour d’appel de l’Ontario, a confirmé dans l’affaire Hitzig la décision du juge Lederman, mais a par ailleurs sauvegardé la constitutionnalité de l’article 4 de la LRCDAS. Au paragraphe 2 de sa décision unanime, la Cour a écrit :

[traduction] 2     Ces demandes concernent la constitutionnalité du Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales, DORS/2001‑227, pris par le gouverneur en conseil le 14 juin 2001, en vertu du paragraphe 55(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19. Elles visent plus particulièrement la question de savoir si ce règlement, en conjonction avec des interdictions prévues par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances [LRCDAS], violent tout ou partie des droits des demandeurs à la liberté et à la sécurité de la personne garantis par l’art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, c 11 [Charte]. Ces demandes suivent largement la voie tracée par la décision du 31 juillet 2000 de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c Parker (2000), 49 OR (3d) 481[Parker]. D’ailleurs, l’accusé dans l’affaire Parker est l’un des demandeurs actuellement devant la Cour.

 

[38]            Au paragraphe 170 de l’arrêt Hitzig, la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé la validité de l’article 4 de la LRCDAS :

[traduction] 170     Cet article fait en sorte que des dispositions législatives, qui autrement constitueraient une atteinte aux droits garantis par la Charte, soient considérées comme étant constitutionnelles. Comme lors de l’examen des principes de justice fondamentale, la question de savoir si la « loi établit un juste équilibre entre les droits de l’accusé et les intérêts de la société » entre en jeu à ce stade de l’enquête (Cunningham c. Canada, [1993] 2 S.C.R. 143 à 152). Toutefois, l’analyse de la justification visée à l’article premier, comme indiqué ci‑dessus, va au‑delà des limites internes proscrites par les principes de justice fondamentale et intègre des valeurs plus larges, à savoir, celles d’une société libre et démocratique. (Voir Mills, précité). L’analyse relative à l’article premier comporte donc deux volets.

 

[39]            Dans une affaire connexe entendue en même temps que l’affaire Hitzig, R. c JP (2003), 67 OR (3d) 321, la Cour d’appel de l’Ontario, dans une décision unanime, a confirmé que l’article 4 était en vigueur. Elle a écrit aux paragraphes 31 à 33 :

[traduction [31] Dans la décision Parker, précitée, la Cour a déclaré que l’interdiction relative à la marijuana, prévue à l’art. 4, était incompatible avec la Charte et, par conséquent inopérante faute d’exemption à des fins médicales adéquate. En faisant cette déclaration, la Cour n’a pas et ne pouvait pas abroger ou modifier la Loi. La Cour ne pouvait que déclarer inopérante la partie de la Loi qui allait à l’encontre de la Constitution.

 

  [32] En adoptant le RAMFM, le gouvernement a modifié la portée de l’interdiction de possession imposée par l’art. 4 de la LRCDAS. Après l’entrée en vigueur du RAMFM, la question qui se pose est donc celle de savoir si l’interdiction de posséder de la marijuana, modifiée par le RAMFM était constitutionnelle. Si elle l’était, alors l’interdiction de possession était en vigueur. Si le RAMFM ne résolvait pas le problème constitutionnel, l’interdiction de la possession, même modifiée par le RAMFM, était sans effet.

 

  [33] Il n’est pas nécessaire de modifier ou d’adopter de nouveau l’art. 4 de la LRCDAS pour résoudre le problème constitutionnel soulevé dans l’affaire Parker. Ce problème découle de l’absence d’une exemption à des fins médicales adéquate sur le plan constitutionnel. Comme l’ordonnance que notre Cour a rendue dans l’arrêt Hitzig le démontre, l’interdiction de posséder de la marihuana, prévue à l’art. 4, est en vigueur du moment qu’une exemption à des fins médicales acceptable sur le plan constitutionnel l’est aussi.

 

[40]           Compte tenu de cet historique législatif, les demandeurs soutiennent que dans les circonstances de l’espèce, la présente déclaration modifiée pourrait être modifiée de façon à limiter la « période visée par le recours collectif » à la période entre les décisions de la Cour d’appel de l’Ontario dans les affaires Parker et Hitzig, soit la période du 31 juillet 2001 au 7 octobre 2003. Ils font valoir que, durant cette période, le « statut » des dispositions pertinentes de la LRCDAS n’était pas clair. Cette période pourrait même être réduite davantage, en fonction du délai de six mois fixé par le juge Lederman arrivant à échéance le 7 octobre 2003, et donc s’échelonner du 9 juillet 2003 au 7 octobre 2003.

 

[41]           L’avocat des défendeurs fait valoir qu’il ne suffit pas de limiter ainsi la durée de la période visée par le recours. Il soutient que toute loi est présumée valide et qu’ultimement la Cour d’appel de l’Ontario dans les affaires Hitzig et J.P. a estimé que la loi en cause l’était effectivement. Il soutient en outre que les actes du gouvernement qui repose sur une loi, même déclarée inconstitutionnelle par la suite, ne peuvent justifier une action en dommages‑intérêts; sur ce point il invoque l’arrêt Guimond c Québec (Procureur général), [1996] 3 RCS 347.

 

[42]           Enfin, l’avocat des défendeurs fait valoir que deux éléments doivent être allégués et ensuite établis dans le cadre d’une action pour faute dans l’exercice d’une charge publique : premièrement, l’existence d’une conduite illégitime et délibérée et, deuxièmement, la connaissance du caractère illégitime de la conduite et de la probabilité de préjudice. Le juge Iacobucci de la Cour suprême du Canada dans Odhavji Estate c Woodhouse, [2003] 3 RCS 263, a écrit au paragraphe 32 :

32     Pour résumer, j’estime que la faute commise dans l’exercice d’une charge publique constitue un délit intentionnel comportant les deux éléments distinctifs suivants : (i) une conduite illégitime et délibérée dans l’exercice de fonctions publiques; et (ii) la connaissance du caractère illégitime de la conduite et de la probabilité de préjudice à l’égard du demandeur. À cela s’ajoute l’exigence pour le demandeur d’établir l’existence des autres conditions communes à tous les délits. Plus précisément [page 287], le demandeur doit démontrer que les préjudices qu’il a subis ont pour cause juridique la conduite délictuelle, et que ces préjudices sont indemnisables suivant les règles de droit en matière délictuelle.

 

[43]           L’alinéa 181(1)b) des Règles régissant la Cour exige que des précisions soient apportées sur toute allégation portant sur une intention malicieuse.

 

[44]           Aucune allégation, et encore moins d’allégation détaillée, susceptible de satisfaire aux critères établis dans l’arrêt Odhavji Estate, précité, ne figure dans la déclaration modifiée.

 

[45]           Je conclus donc que la déclaration modifiée, dans sa forme actuelle, ne révèle aucune cause d’action raisonnable, et qu’elle doit être radiée.

 

Question numéro 3 – Autorisation de modifier

[46]           L’article 221 des Règles régissant la Cour dispose que la Cour peut radier un acte de procédure « avec ou sans l’autorisation de le modifier ». Le protonotaire a refusé l’autorisation de modification.

 

[47]           En règle générale, si une modification peut combler une lacune dans un acte de procédure, la Cour est disposée à l’autoriser, sous réserve de l’examen de questions telles que le préjudice qui en découlerait et les dépens. Si la radiation de l’action était fondée sur la question numéro 2 ci‑dessus, relative à la cause d’action raisonnable, je permettrais des modifications limitant la période visée par le recours et pour que soit énoncé de façon détaillée, si cela se justifie, que le comportement des défendeurs est visé par l’arrêt Odhavji Estate.

 

[48]           Cependant, j’ai déjà radié l’action sur le fondement du premier motif invoqué, soit le caractère abusif. Ce n’est pas une question qui peut être résolue par des modifications.

 

[49]           Par conséquent, je n’autoriserai pas la demande de modification.

 

DÉPENS

[50]           Normalement des dépens suivraient, c’est‑à‑dire que si les défendeurs avaient gain de cause, la Cour leur adjugerait les dépens. C’est ce que le protonotaire a fait.

 

[51]           Les demandeurs affirment, cependant, que la présente procédure doit être considérée comme un recours collectif et, qu’à ce titre, aucuns dépens ne devraient être adjugés contre les demandeurs. Selon l’avocat des demandeurs, une règle à sens unique s’applique, selon laquelle il est possible d’adjuger des dépens aux demandeurs, mais pas contre eux. Je ne souscris pas à ce point de vue.

 

[52]           La présente requête a été soumise avant que l’action ne soit autorisée comme recours collectif et elle règle le sort de l’action. Les règles et les concepts propres aux recours collectifs, comme l’adjudication des dépens en faveur d’une seule partie, même s’ils s’appliquent à une étape ultérieure, n’entrent pas encore en jeu.

 

[53]           Les défendeurs ont donc droit aux dépens de la requête.

 


ORDONNANCE

 

Pour les motifs exposés ci‑dessus :

LA COUR ORDONNE que :

1.                  La requête présentée par voie d’appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance du protonotaire en date du 15 octobre 2008, soit rejetée;

2.                  La déclaration modifiée datée du 6 septembre 2007 soit radiée, sans autorisation de modification;

3.                  Les dépens soient adjugés aux défendeurs.

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


 

 

 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑1430‑07

 

INTITULÉ :                                      RÉVÉREND EDWIN PEARSON et al. c. SA MAJESTÉ LA REINE et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 8 décembre 2008  

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      Le juge Hughes

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 11 décembre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Charles C. Roach

POUR LES DEMANDEURS

 

 

James Gorham

Susan Keenan

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Roach Schwartz et Associés

Avocat‑procureur

688, avenue St. Clair Ouest,

Toronto (Ontario)                                      

M6C 1B1

Téléc. : 416-657‑1465

 

POUR LES DEMANDEURS

REVEREND EDWIN PEARSON et al.

 

 

 

 

Ministère de la justice

Bureau régional de l’Ontario

La Tour Exchange

130, rue King, Ouest

Bureau 3400, Boîte 36

Toronto (Ontario)  

M5X 1K6

Téléc. : 416-352‑4518

POUR LES DÉFENDEURS

SA MAJESTÉ LA REINE et al.

 

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