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Date : 20081215

Dossier : IMM-2804-08

Référence : 2008 CF 1377

Toronto (Ontario), le 15 décembre 2008

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

DIEGO ALEJANDRO GIRON

demandeur

 

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur est un citoyen adulte de la Colombie. Sa demande d’asile a été rejetée dans une décision écrite rendue par un commissaire de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié le 2 juin 2008. Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision. Pour les motifs ci-dessous, je conclus que la demande est rejetée.

 

[2]               Le demandeur fonde sa demande d’asile sur sa crainte envers les guérilleros des FARC en Colombie. Il soutient qu’il était entraîneur sportif et qu’il a été enlevé par les FARC lors d’un voyage entre deux villes en Colombie. Il affirme que les FARC n’étaient pas alors tout à fait claires quant à ce qu’elles lui voulaient, mais qu’elles semblaient vouloir qu’il collabore avec elles dans le cadre de son travail d’entraîneur. Il prétend que les FARC l’ont pris particulièrement pour cible à d’autres occasions. Le demandeur et trois enfants habitant avec lui auraient alors été menacés. Il maintient qu’il a signalé ces incidents à un ministère public, mais que cela n’a rien donné.

 

[3]               Le commissaire a rejeté la demande d’asile en fournissant de courts motifs dans lesquels il a affirmé que la question déterminante portait sur la crédibilité. Le commissaire a conclu, selon la prépondérance de la preuve, que le demandeur n’avait pas fourni d’éléments de preuve convaincants selon lesquels les incidents mettant en cause les FARC avaient eu lieu ou que les FARC s’intéressaient toujours à lui.

 

[4]               Le demandeur invoque deux moyens pour contester la décision du commissaire. Le premier concerne la conclusion quant à la crédibilité;  le second porte que le commissaire n’a pas accordé suffisamment d’importance à la preuve documentaire dont il disposait qui était favorable au demandeur.

 

[5]               Au début de l’audience, l’avocat du demandeur a affirmé qu’il voulait soulever un autre argument. Un jour ouvrable avant l’audience, l’avocat a avisé par lettre la Cour et l’avocate du défendeur qu’il souhaitait le faire.

 

[6]               Généralement, la Cour hésite à recevoir un argument qui n’a pas été mentionné dans le mémoire de la partie et dont avis n’a été donné qu’à la dernière minute (p. ex. Radha c. Canada (MCI), 2003 CF 1040, aux paragraphes 13 et suivants). Cependant, j’ai permis à l’avocat de présenter son argument, qui portait sur un manquement à la justice naturelle. L’avocat a cité, dans la transcription de l’audience, un bref échange entre le commissaire et la conseil du demandeur que le commissaire termine en disant : [traduction] « [...] [D]es questions, vous n’en avez aucune, Madame la Conseil. » La conseil n’a donné aucune réponse verbale.

 

[7]               Devant la Cour, l’avocat du demandeur (qui n’était pas le conseil à l’audience) soutient que si le commissaire avait des doutes relativement à la crédibilité du demandeur, il avait l’obligation positive d’en faire part au conseil à l’audience. L’avocat du demandeur a fait référence à la jurisprudence, notamment à la décision Sathasivam c. Canada (MCI), 23 mai 1997, IMM‑2549‑96, dans laquelle la Cour affirmait que le commissaire aurait dû aviser le demandeur de ses doutes quant à la crédibilité. Cependant, il semble que, dans cette affaire, la Commission ait dit au demandeur qu’elle se disait satisfaite de son histoire. Cette affaire comme d’autres qui ont été citées par l’avocat visaient une situation dans laquelle la Commission ou un commissaire n’affirme pas la même chose à l’audience et dans ses motifs. Je conclus que le bref échange invoqué en l’espèce ne peut être interprété comme étant une prise de position du commissaire qui aurait induit la conseil en erreur. Rien ne prouve que la conseil a été induite en erreur. Je conclus que l’avocat du demandeur en l’espèce exagère la portée de cet échange. À mon sens, aucune interprétation raisonnable ne permet de soulever des moyens de contrôle reposant sur la justice naturelle.

 

[8]               La Cour suprême du Canada, dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, a établi que dans les cas qui ne portent pas sur des questions de droit, mais plutôt sur le pouvoir discrétionnaire et sur l’appréciation de la preuve, la norme de la décision raisonnable doit être appliquée et il faut faire preuve de déférence envers les tribunaux dont le domaine d’expertise permet de statuer sur la question qui fait l’objet du contrôle. C’est le cas de la présente affaire. 

 

[9]               La Cour ne devrait pas intervenir lorsque la Commission peut raisonnablement tirer les conclusions qu’elle a tirées pour rendre une décision comme celle en l’espèce (Aguebor c. Canada (MCI) (1993), 160 N.R 315 (C.A.F.)). C’est le cas dans la présente affaire. Le demandeur demande simplement à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve qu’il leur a fournie et d’arriver à une conclusion différente.

 

[10]           L’avocat du demandeur affirme que le commissaire n’a pas tenu compte de documents qui appuyaient la demande du demandeur. L’un de ces documents était une étude de la situation générale en Colombie. D’autres étaient des certificats établis par le maire d’une ville en Colombie et par un procureur municipal. Dans les deux certificats, les signataires ne font que répéter ce que le demandeur leur a demandé de dire. Bien qu’une preuve par ouï-dire puisse être acceptée en preuve, il appartient au commissaire de déterminer l’importance à lui accorder.

 

[11]           Le commissaire, lorsqu’il fournit des motifs, n’est pas obligé de mentionner tous les documents de la preuve. La situation générale d’un pays doit être reliée au préjudice précis que pourrait subir le demandeur (Waheed c. Canada (MCI), 2003 CFPI 329, au paragraphe 43). Les documents ne reflétant que des déclarations faites par le demandeur ne peuvent pas se voir accorder une grande valeur probante une fois qu’une conclusion défavorable quant à la crédibilité a été tirée. Au paragraphe 21 de Hamid c. Canada (MEI) (1995), 58 A.C.W.S. (3d) 469, le juge Nadon (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) a écrit :

20     Par conséquent, à mon avis, la prétention du requérant voulant que la Commission soit tenue d’analyser la preuve documentaire « indépendamment du témoignage du requérant » doit être examinée dans le contexte des procédures informelles qui s’appliquent devant la Commission. Lorsqu’une commission, comme vient de le faire la présente, conclut que le requérant n’est pas crédible, dans la plupart des cas, il s’ensuit nécessairement que la Commission ne donnera pas plus de valeur probante aux documents du requérant, à moins que le requérant ne puisse prouver de façon satisfaisante qu’ils sont véritablement authentiques. En l’espèce, la preuve du requérant n’a pas convaincu la Commission qui a refusé de donner aux documents en cause une valeur probante. Autrement dit, lorsque la Commission estime, comme ici, que le requérant n’est pas crédible, il ne suffit pas au requérant de déposer un document et d’affirmer qu’il est authentique et que son contenu est vrai. Une certaine forme de preuve corroborante et indépendante est nécessaire pour compenser les conclusions négatives de la Commission sur la crédibilité.

 

[12]           Je suis convaincu que, selon le dossier dont il disposait, le commissaire a rendu une décision raisonnable et qu’il n’a omis de tenir compte d’aucune question pertinente.

 

[13]           Les questions soulevées dans la demande sont purement factuelles. Aucun avocat n’a demandé qu’une question soit certifiée. Aucune question ne sera certifiée. Aucun motif spécial ne justifie l’allocation de dépens.


 

JUGEMENT

Pour les motifs exposés ci-dessus :

  1. La demande est rejetée.
  2. Il n’y a aucune question à certifier.
  3. Aucuns dépens ne sont alloués.

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2804-08

 

INTITULÉ :                                       DIEGO ALEJANDRO GIRON c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 décembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Hughes

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 15 décembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Richard Addinall

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Laoura Christodoulides

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Richard Addinall

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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