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Date : 20081211

Dossier : T‑135‑07

Référence : 2008 CF 1359

 

ENTRE :

LABORATOIRES ABBOTT et

LABORATOIRES ABBOTT LIMITÉE

demanderesses

et

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

SANDOZ CANADA INC.

défendeurs

 

MOTIFS PUBLICS DE L’ORDONNANCE ET DU JUGEMENT

(Motifs confidentiels de l’ordonnance et du jugement rendus le 8 décembre 2008)

 

 

 

LE JUGE HUGHES

[1]               Il s’agit d’une demande présentée par Laboratoires Abbott et Laboratoires Abbott Limitée (collectivement, Abbott) en vertu des dispositions de l’article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS 93‑133, et ses modifications (le Règlement sur les MB (AC)), en vue d’empêcher le défendeur ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à la défenderesse Sandoz Canada Inc. avant l’expiration du brevet canadien portant le numéro 2,386,527 (le brevet 527). Pour les motifs qui suivent, je conclus que les allégations d’invalidité sont justifiées, mais pas les allégations de non‑contrefaçon. La demande est rejetée avec dépens en faveur de Sandoz.

 

LES PARTIES ET LES PROCÉDURES

[2]               La demanderesse Laboratoires Abbott détient le brevet 527 et peut être appelée la brevetée. La seconde demanderesse, Laboratoires Abbott Limitée, est une filiale canadienne de Laboratoires Abbott et elle a l’approbation réglementaire (AC) du ministre de la Santé de vendre au Canada un médicament contenant de la clarithromycine en tant qu’antibiotique, ce qu’elle fait sous le nom de BIAXIN XL. Dans le Règlement sur les MB (AC), les deux sociétés sont qualifiées de « premières personnes ».

 

[3]               Le défendeur ministre de la Santé est investi de certaines obligations en vertu du Règlement sur les MB (AC) ainsi que de la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. 1985, ch. F‑27, et ses modifications, et de son Règlement, dont la délivrance d’avis de conformité (AC) à ceux qui demandent au ministre l’autorisation de vendre certains médicaments au Canada. Le ministre n’était pas représenté à l’audition de la présente instance.

 

[4]               Le second défendeur (la défenderesse), Sandoz Canada Inc., est ce que l’on appelle habituellement un fabricant de médicaments « génériques » et elle est qualifié de « seconde personne » dans le Règlement sur les MB (AC). Sandoz a demandé au ministre d’obtenir un AC dans le but de vendre au Canada un produit médicamenteux contenant de la clarithromycine en recourant à une présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN), ce qui signifie qu’elle a simplement fait référence à l’AC accordé antérieurement à Abbott, limitant ainsi dans une large mesure la quantité d’essais et de données techniques qu’elle avait à produire. En revanche, Sandoz était tenue de se soumettre au Règlement sur les MB (AC), en vertu duquel Abbott avait inscrit un certain nombre de brevets, dont celui portant le no 527.

 

[5]               Conformément au Règlement sur les MB (AC), le ou vers le 8 décembre 2006, Sandoz a signifié à Abbott un avis d’allégation, alléguant, notamment, que la revendication 5 du brevet 527 était invalide pour un certain nombre de raisons et que Sandoz ne contreferait pas cette revendication. Abbott a engagé la présente instance en déposant le 22 janvier 2007 un avis de demande pour qu’il soit interdit au ministre de délivrer un AC à Sandoz avant l’expiration du brevet 527.

 

LA REQUÊTE EN RADIATION

[6]               Quelques jours à peine avant la date à laquelle l’audition de la présente instance était censée débuter, les demanderesses ont déposé une requête visant à faire radier certaines parties du mémoire des faits et du droit de Sandoz, ainsi qu’à obtenir une ordonnance interdisant à cette dernière de se fonder sur des références d’antériorité autres que celles désignées comme étant les documents 62 et 65, ou des [traduction] « preuves s’y rapportant », à l’appui de ses allégations selon lesquelles la revendication 5 du brevet 527 était invalide pour cause d’évidence et d’antériorité. La requête devait être entendue à l’ouverture de l’audience.

 

[7]               La requête des demanderesses est basée sur le fait que, dans son avis d’allégation, Sandoz s’est fondée expressément sur des documents portant les numéros 62 et 65 pour alléguer l’invalidité de la revendication 5 et, de ce fait, font valoir les demanderesses, Sandoz ne peut se fonder sur plus que ces deux documents‑là pour étayer son allégation dans sa preuve et dans son argumentation. Sont invoquées des décisions telles que AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé) (2000), 7 C.P.R. (4th) 272, [2000] A.C.F. no 855 (C.A.F.), au paragraphe 17, où la Cour d’appel fédérale a dit : « […] [L]’énoncé détaillé doit être tel que le titulaire du brevet est pleinement informé des motifs […] »

 

[8]               Sandoz est d’avis que les demanderesses étaient parfaitement au courant des motifs, qu’elles ont reçu la preuve de Sandoz sans se plaindre ou sans demander de radiation, qu’elles ont procédé à un contre‑interrogatoire sur cette preuve sans se plaindre et qu’elles ont produit des preuves qui leur étaient propres relativement aux questions évoquées par Sandoz dans sa preuve sans se plaindre. L’argumentation écrite des demanderesses porte sur la preuve et l’argumentation de Sandoz.

 

[9]               Lorsqu’on leur a demandé pourquoi les demanderesses avaient attendu si longtemps pour présenter cette requête et pourquoi elles n’avaient pas soulevé d’objection plus tôt, leurs avocats n’ont pu que faire ressortir les motifs de l’arrêt Mayne Pharma (Canada) Inc. c. Aventis Pharma Inc. (2005), 38 C.P.R. (4th) 1, 2005 CAF 50, au paragraphe 16, où la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il était préférable de soumettre de telles requêtes au juge présidant l’audience, mais en ajoutant que le juge des requêtes ne commettait pas d’erreur en tranchant l’affaire. La Cour a déclaré ce qui suit, au paragraphe 16 :

[16]      Bien que la présente Cour ait indiqué en termes non équivoques que ce genre de requête devrait de préférence être déféré au juge qui préside l’instance, elle n’a pas déclaré que, en principe, les juges des requêtes doivent déférer ces requêtes au juge qui préside l’instance. Donc, un juge des requêtes ne commettra pas une erreur de droit s’il décide de trancher la requête. Dans un cas d’espèce, la question de savoir si le juge des requêtes a commis une erreur susceptible de révision sera décidée en fonction de la norme de contrôle applicable. J’ajouterais que notre Cour a dit très clairement qu’elle interviendrait rarement dans la décision d’un juge des requêtes de déférer l’affaire au juge qui préside l’instance.

 

[10]           Il ne ressort pas de cet arrêt qu’une partie doit attendre au début de l’audience avant de déposer devant le juge qui préside l’audience une requête comme celle‑ci. En fait, en l’espèce, les parties savaient depuis plusieurs semaines que je présiderais l’audience, mais aucune n’a laissé entendre qu’une telle requête serait déposée.

 

[11]           Les demanderesses étaient parfaitement au courant des arguments auxquels elles devaient répondre et elles y ont effectivement répondu par contre‑interrogatoire, par leurs propres preuves ainsi que dans leur argumentation. Le bien‑fondé de la requête, si bien‑fondé il y a, ne repose que sur de minces motifs techniques. Sandoz ne s’est pas fondée sur des documents autres que ceux qui sont énumérés dans son avis d’allégation, où la nature des contestations relatives à la validité de la revendication 5 a été exposée. Même si elle s’est expressément fondée sur deux documents figurant dans l’avis d’allégation, les autres références d’antériorité y étaient également énumérées. Si les demanderesses s’étaient senties surprises ou désavantagées, le moment où s’objecter et présenter une requête aurait été celui de la réception de la preuve de Sandoz, plutôt que quelques jours avant le procès, alors qu’il était évident qu’elles étaient tout à fait prêtes, sur la foi de la preuve et dans leur argumentation, à faire face à la contestation.

 

[12]           La requête a été rejetée à l’audience.

 

LES TÉMOINS ET LES ÉLÉMENTS DE PREUVE

[13]           Dans la présente instance, les éléments de preuve ont été, comme à l’accoutumée, fournis par voie d’affidavits et de transcriptions de contre‑interrogatoires. Étant donné que l’étendue de l’instance, qui consistait au départ à examiner plusieurs revendications de plusieurs brevets, a été réduite à l’examen d’une seule revendication d’un seul brevet, soit la revendication 5 du brevet 527, les parties, répondant à une demande de la Cour, ont déposé un dossier modifié contenant uniquement les éléments de preuve considérés comme pertinents à l’égard de ladite revendication dudit brevet. De ce fait, la preuve au dossier inclut les éléments provenant de ce qui suit :

  1. Pour les demanderesses Abbott :
    1. Un affidavit de Sonia Atwell, auxiliaire juridique au service des avocats d’Abbott, qui faisait état, notamment, du brevet en litige, de l’avis d’allégation, de certaines ordonnances et de certaines lettres. Mme Atwell a également déclaré qu’Abbott fabrique des comprimés connus sous le nom de BIAXIN XL et contenant de la clarithromycine en tant que principe actif, en vertu d’un avis de conformité délivré par le ministre. Cet avis n’a pas été produit comme preuve, mais il est reconnu par les parties que l’avis ne précise aucune forme cristalline particulière de la clarithromycine.

Mme Atwell n’a pas été contre‑interrogée.

    1. Un affidavit de M. Jerry Atwood, professeur de chimie à l’Université de Missouri‑Columbia. Il affirme être expert dans les domaines de la croissance des cristaux, de la fabrication des cristaux, de la radiocristallographie et de la chimie des polymères. Son expertise n’a fait l’objet d’aucune contestation sérieuse.

M. Atwood a été contre‑interrogé.

    1. M. Stephen R. Byrn, professeur de chimie médicinale à l’Université Purdue (Indiana). Il se dit expert dans le domaine de la chimie de l’état solide, dont le polymorphisme. Son expertise n’a pas été contestée sérieusement.

M. Byrn a été contre‑interrogé.

    1. Mme Loretta Del Bosco, qui est au service d’Abbott Canada à titre de directrice des Affaires réglementaires et de l’Assurance de la qualité. Elle ne prétend pas être une experte.

Elle a été contre‑interrogée.

  1. Pour la défenderesse Sandoz :
    1. M. Craig Eckhardt est professeur de chimie à l’Université du Nebraska, à Lincoln. Il se dit expert dans les domaines des cristaux et des polymorphes. Son expertise n’a pas été contestée sérieusement.

M. Eckhardt a été contre‑interrogé.

    1. M. Edward Lee‑Ruff est professeur de chimie à l’Université York, à Toronto. Il se dit expert dans le domaine de la chimie organique synthétique et mécaniste. Son expertise n’a pas été contestée sérieusement.

M. Lee‑Ruff a été contre‑interrogé.

    1. M. Sohrab Rohani est professeur de génie chimique et biochimique à l’Université Western Ontario, à London. Il se dit expert dans les domaines de la cristallisation, des procédés de cristallisation, de la chimie de l’état solide ainsi que du polymorphisme. Son expertise n’a pas été contestée sérieusement.

M. Rohani a été contre‑interrogé.

    1. M. Martyn Brown est titulaire d’un doctorat en chimie et dit avoir une expérience de la cristallisation. Son expertise n’a pas été contestée sérieusement. Il a réalisé des expériences censément conçues pour reproduire certaines antériorités.

M. Brown a été contre‑interrogé.

    1. M. Srebai Petrov, attaché de recherche au Département de chimie de l’Université de Toronto, dit posséder une vaste expérience des méthodes d’analyse utilisées dans le cadre de l’étude des substances cristallines. Son expérience n’a pas été contestée sérieusement. Il a analysé des échantillons préparés par M. Brown.

M. Petrov a été contre‑interrogé.

f.        Mme Pamela Christoforakis, auxiliaire juridique au service du cabinet d’avocats de Sandoz. Elle joint en tant que pièces des copies de l’avis d’allégation et des antériorités auxquelles il est fait référence dans cet avis. Elle n’a pas été contre‑interrogée. Aucune des copies des documents relatifs aux antériorités ou de l’avis n’a été contestée.

 

[14]           Certains éléments de la preuve, essentiellement ceux qui étaient axés sur les procédés employés pour fabriquer les produits de Sandoz et d’Abbott, ont été qualifiés de confidentiels et, conformément à une ordonnance datée du 8 mars 2007 de la Cour, les documents en question, de même que les preuves s’y rapportant, ont été déposés auprès de la Cour sous le sceau de la confidentialité. Les avocats des parties se sont efforcés de limiter leurs prétentions de confidentialité aux seuls documents et aux seules pièces portant sur les procédés employés pour fabriquer leurs versions de la clarithromycine.

 

[15]           Le 25 avril 2007, la Cour a rendu une ordonnance sur consentement, obligeant Sandoz à communiquer à Abbott certains renseignements, dont ceux que Sandoz avait fournis au ministre à l’égard de son produit. Étaient inclus les documents qui seraient contenus dans ce que l’on appelle une « fiche maîtresse de médicament » (FMM) ainsi que des échantillons de tout produit fourni au ministre. Sandoz s’est conformée à cette ordonnance, mais aucun échantillon n’a été fourni puisque aucun n’avait été fourni au ministre.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[16]           Les parties se sont limitées aux questions concernant la revendication 5 du brevet 527. Ces questions sont les suivantes :

  1. L’interprétation de la revendication.
  2. Les allégations d’invalidité suivantes sont‑elles justifiées :
    1. l’anticipation;
    2. l’évidence?
  3. Les allégations de non‑contrefaçon sont‑elles justifiées?

 

[17]           Avant de traiter de ces questions, il est utile de présenter un bref contexte scientifique, tiré des éléments de preuve non controversés des experts et des pièces que ceux‑ci ont fournies.

 

LE CONTEXTE SCIENTIFIQUE

[18]           Le contexte scientifique a trait à la chimie de l’état solide et, comme l’indique le brevet 527 dans sa partie introductive, à la page 1, aux formes cristallines de composés chimiques.

 

[19]           Les composés chimiques que l’on utilise comme produits pharmaceutiques doivent généralement se trouver dans une solution, c’est‑à‑dire dissous dans un liquide quelconque en vue d’être administrés sous forme liquide ou par voie intraveineuse, ou alors liquéfiés, comme ce qui se produit lorsqu’un comprimé ou un pellet présent dans une capsule se dissout dans les liquides de l’estomac ou de l’intestin. Une fois dissous, le produit chimique n’a aucune structure particulière; il s’agit d’une molécule, combinée à d’autres dans le milieu liquide.

 

[20]           Sous forme solide, comme dans un comprimé ou un pellet, et avant d’être avalé, le produit pharmaceutique peut, suivant divers facteurs, revêtir des formes diverses, ou aucune forme du tout. Une forme amorphe signifie que la matière ne revêt aucune forme régulière particulière. Une forme cristalline signifie que les molécules se trouvent dans une disposition ordonnée régulière, en réseau ou dans une structure tridimensionnelle. La même molécule peut revêtir diverses formes cristallines en fonction de divers facteurs, tels que la nature de la molécule, la façon dont la substance a été préparée, stockée ou manipulée et, si elle a été préparée par séchage, la chaleur, la pression et la durée du séchage, entre autres facteurs. Un polymorphe est une matière moléculaire qui peut se cristalliser sous diverses formes différentes.

 

[21]           En ce qui concerne les cristaux en particulier, on sait qu’une même molécule peut manifester des propriétés différentes lorsqu’elle revêt des structures cristallines différentes; le charbon, le graphite et le diamant, qui sont tous des cristaux de carbone, sont des exemples ordinaires de ces propriétés différentes.

 

[22]           L’identification d’une structure cristalline particulière se fait rarement à l’œil ou au toucher. On recourt habituellement à diverses techniques d’analyse. Trois techniques courantes sont la diffraction de rayons X sur poudres (DRXP), la spectrométrie infrarouge (spectrométrie IR) et l’analyse calorimétrique différentielle (ACD). Chaque technique produit des données graphiques qui peuvent être lues et analysées par des personnes versées dans l’art. D’importantes caractéristiques identificatrices présentes dans le graphique sont relevées pour les échantillons ayant servi aux analyses et comparées aux caractéristiques graphiques connues de formes cristallines connues de la molécule. Si les caractéristiques correspondent, les personnes versées dans l’art reconnaissent alors que l’échantillon est une forme cristalline connue. Si les caractéristiques ne correspondent pas, cela signifie que l’on est peut‑être en présence d’une forme jusque‑là inconnue ou non identifiée. Il n’existe aucun protocole standard pour désigner les formes connues d’une structure cristalline ou les nouvelles formes que l’on identifie. Souvent la première forme d’une molécule particulière que l’on identifie est simplement baptisée « forme I » la suivante « forme II », et ainsi de suite. Les formes sont liées aux caractéristiques identificatrices que l’on relève dans les graphiques produits à l’aide de techniques d’analyse telles que la DRXP, la spectrométrie IR ou l’ACD.

 

[23]           Dans le cas de la DRXP, l’échantillon à analyser est préparé sous forme de poudre et étalé sur une surface plane. Les rayons X sont imprégnés dans l’échantillon sous la forme d’un cône émanant de la sortie des rayons X, qui constitue essentiellement un point. L’angle de l’extérieur de ce cône, mesuré par rapport à la direction dans laquelle les rayons X sont diffusés, est appelé 2‑thêta (2 θ). Un graphique illustrant la diffusion des faisceaux de rayons X rebondissant sur l’échantillon est produit, et il présente divers pics qui correspondent aux façons particulières dont les rayons X sont diffusés. Ces pics varient en intensité, suivant la quantité de la matière étudiée qui est présente dans l’échantillon. Parfois, l’échantillon analysé comporte diverses matières, auquel cas les pics créés par l’une de ces matières peuvent être masqués par les pics créés par une autre. Une personne versée dans l’art lira le graphique – de nos jours, on peut utiliser un ordinateur – et les pics importants seront identifiés. Une forme cristalline particulière d’une matière peut être identifiée par les pics créés à l’aide de la technique DRXP. Il n’est donc pas rare que les scientifiques disent quelque chose comme ceci : la forme III d’une substance chimique X est identifiée par DRXP avec des valeurs de 2 θ de (par exemple) 2,2, 4,3, 7,8, 9,2 et 15,7. Un autre échantillon analysé de la même manière et présentant les mêmes pics serait de forme III lui aussi.

 

[24]           En l’espèce, nous avons affaire aux formes cristallines d’une substance chimique pharmaceutique, une molécule appelée clarithromycine. Le brevet 527 porte sur les formes cristallines qu’Abbott a décidé d’appeler forme I et forme II. Ailleurs dans la preuve, il est question d’une autre forme, appelée forme 0. Le brevet 527 comporte des graphiques illustrant le résultat d’analyses de la forme I et de la forme II à l’aide des trois techniques susmentionnées : DRXP, spectrométrie IR et ACD. Toutefois, les revendications du brevet 527 ne traitent que de la forme I et de la clarithromycine de forme I essentiellement exempte de forme II, et, en identifiant la forme I, les revendications ne traitent que de l’identification obtenue par l’une de ces techniques – la DRXP – et les valeurs 2 θ suivantes décelées à huit pics, en utilisant les chiffres enregistrés : 5,2, 6,7 10,2, 12,3, 14,2, 15,4, 15,7 et 16,4 (chiffres arrondis).

 

LE BREVET 527 – LA REVENDICATION 5
a) Généralités

[25]           Le brevet 527 est le seul brevet qui est maintenant en litige. Au départ, la demande en visait plusieurs autres. Les parties ont réduit le nombre de ces derniers à un, et la revendication 5 est la seule de ce brevet qui est en litige.

 

[26]           La demande relative au brevet 527 a été déposée auprès du Bureau des brevets le 25 juillet 1997, ce qui veut dire que ce brevet est régi par la version postérieure au 1er octobre 1989 et, en particulier, au 1er octobre 1996, de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4.

 

[27]           La demande revendique la priorité sur une demande semblable, déposée auprès du Patent Office des États‑Unis le 29 juillet 1996. La demande canadienne est devenue accessible à une inspection publique le 5 février 1998. Le brevet 527 a finalement été délivré à Laboratoires Abbott le 27 mai 2003. Il subsistera pendant une période de 20 ans à compter de la date de son dépôt au Canada, c’est‑à‑dire jusqu’au 25 juillet 2017, sauf s’il est jugé plus tôt invalide dans le cadre d’une action (il ne s’agit pas de la présente instance) engagée à cette fin devant la Cour.

 

b) La description du brevet

[28]           La partie descriptive du brevet 527 comporte les 17 premières pages (les deux dernières sont numérotées 15a et 15b), de pair avec six graphiques à la fin, désignés comme suit : figures 1a, b et c et 2 a, b et c. La figure 1a illustre un graphique DRXP de la clarithromycine de forme I, la figure 1b est un graphique IR et la figure 1c est un graphique ACD. Les figures 2 a, b et c sont des graphiques semblables, pour la clarithromycine de forme II. La situation descriptive du brevet 527 est semblable à bien des égards à celle d’un autre brevet canadien – 2,258,606 (le brevet 606) – qui a été examiné dans d’autres instances relatives à un AC par la Cour et la Cour d’appel fédérale. Le brevet 606 comporte des revendications visant la clarithromycine de forme II, tandis que les revendications du brevet 527 sont axées sur la clarithromycine de forme I. Les deux brevets revendiquent la priorité sur la même demande de brevet aux États‑Unis – 08/681, 723 – déposée le 29 juillet 1996. La demande relative au brevet 527 a été déposée directement auprès du Bureau des brevets le 25 juillet 1997, tandis que la demande relative au brevet 606 a été déposée en vertu des dispositions du Traité de coopération en matière de brevets (PCT) le 25 juillet 1997 et est entrée en « phase nationale » au Canada le 16 décembre 1998. Pour les besoins de leur interprétation, les deux brevets ont été accessibles au public pour inspection le 5 février 1998 et, pour ce qui est de l’antériorité et de l’évidence, les deux ont pour « date de revendication » la date de dépôt prioritaire revendiquée de la demande présentée aux États‑Unis, soit le 29 juillet 1996. Si j’indique cette identité c’est parce que d’autres cours ont analysé le brevet 606.

 

[29]           Le brevet 527 en litige commence par une description du domaine technique, et cette description inclut à la fois la forme I et la forme II :

[traduction]

Domaine technique

 

Cette invention concerne des composés ayant une utilité thérapeutique, ainsi que les méthodes liées à leur préparation. Plus précisément, la présente invention a trait aux nouveaux composés 6‑O‑méthylérythromycine A sous les formes cristallines I et II, un procédé de préparation de ces composés, les compositions pharmaceutiques comprenant ces composés et les méthodes d’utilisation en tant qu’agent thérapeutique.

 

 

[30]           Ensuite, le brevet 527 reconnaît que la clarithromycine et son usage en tant qu’antibiotique chez les humains constituent le fondement de ce qui est plus tard analysé comme étant l’invention. Autrement dit, la clarithromycine et son usage constituent une antériorité. Le brevet indique ceci (sans reproduire l’image de la molécule) :

[traduction]

Le composé 6‑O‑méthylérythromycine A (clarithromycine) est un antibiotique semi‑synthétique de la classe des microlides dont la formule est la suivante

 

[…]

 

et qui présente une excellente activité antibactérienne contre les bactéries à gram positif, certaines bactéries à gram négatif, certaines bactéries anaérobies, Mycoplasma et Chlamydia. Il est stable dans des conditions acides et est efficace lorsqu’il est administré par voie orale. La clarithromycine est utile contre les infections des voies respiratoires supérieures chez les enfants et les adultes.

 

 

[31]           La page 2 du brevet 527 présente un sommaire de l’invention alléguée; en bref, il y est indiqué que les inventeurs ont découvert que la clarithromycine peut exister sous au moins deux formes cristallines, qu’ils appellent la forme I et la forme II, que ces formes possèdent un [traduction] « spectre d’activité antibactérienne identique » mais que la forme I se dissout plus rapidement. Il y est indiqué aussi que l’on peut obtenir la forme I exclusivement quand la clarithromycine est recristallisée à partir d’une solution contenant certains solvants. Autrement dit, la forme I et la forme II ont les mêmes propriétés antibactériennes, mais la forme I se dissout plus rapidement :

[traduction]

Sommaire de l’invention

 

Nous avons découvert que le composé 6‑O‑méthylérythromycine A peut exister dans au moins deux formes de cristaux distinctes qui, pour faciliter leur identification, sont désignées comme « forme I » et « forme II ». Les formes de cristaux sont identifiées par leur spectre infrarouge, une analyse calorimétrique à compensation de puissance par thermogramme et son mode de diffraction de rayons X sur poudres. Les formes I et II ont un spectre d’activité antibactérienne identique, mais les cristaux de forme I ont un taux intrinsèque de dissolution inattendu d’environ trois fois celui des cristaux de forme II. Nos recherches en laboratoire ont révélé que le composé 6‑O‑méthylérythromycine A, lorsqu’on le recristallise à partir d’éthanol, de tétrahydrofurane, d’acétate d’isopropyle et d’isopropanol ou de mélanges d’éthanol, de tétrahydrofurane, d’acétate d’isopropyle ou d’isopropanol et d’autres solvants organiques courants, donne lieu à la formation exclusive de cristaux de forme I, non identifiés jusqu’ici.

 

 

[32]           À la page 2 du brevet 527 le sommaire indique par ailleurs que [traduction] « les médicaments actuellement commercialisés » utilisent les cristaux de forme II. Abbott soutient – et Sandoz ne conteste pas – que cela fait référence au produit BIAXIN d’Abbott (et non au produit ultérieur, appelé BIAXIN XL) et que même si le BIAXIN ne contenait essentiellement que la forme II comme principe actif, le public ne savait pas quelle était la forme cristalline. Comme l’indique le sommaire :

[traduction]

Les produits pharmaceutiques actuellement vendus sur le marché ont été formulés à partir du produit cristallin de forme II qui est thermodynamiquement plus stable. Il faut donc, pour préparer le produit commercial actuel, transformer le produit cristallin de forme I en produit de forme II. Normalement, pour ce faire, on chauffe sous vide le produit cristallin de forme I jusqu’à une température supérieure à 80o C. La découverte d’une nouvelle forme de 6‑O‑méthylérythromycine A pouvant être préparée sans traitement à haute température permet donc de réaliser d’importantes économies quant au procédé de traitement. De plus, les caractéristiques favorables de dissolution que présente le produit de forme I par rapport au produit de forme II se traduisent par une biodisponibilité accrue de l’antibiotique et d’importants avantages sur le plan de la formulation.

 

 

[33]           Ce que dit le sommaire c’est que la forme I est plus économique à produire et que, comme elle se dissout plus rapidement, elle peut être formulée plus avantageusement en un médicament.

 

[34]           À la page 2 du brevet 527, le sommaire décrit les caractéristiques des cristaux de forme I, en se reportant aux valeurs 2 θ obtenues par la technique DRXP :

[traduction]

En conséquence, dans sa principale réalisation, la présente invention permet d’obtenir un nouvel antibiotique cristallin appelé 6‑O‑méthylérythromycine A de forme I. Ce nouvel antibiotique cristallin peut être caractérisé par des pics dans le diffractogramme de rayons X sur poudres présentant les valeurs 2 θ suivantes : (ces valeurs ne sont pas répétées ici; il s’agit des mêmes que celles qui sont mentionnées dans la revendication 1, laquelle est reprise intégralement plus loin dans ces motifs).

 

 

[35]           Le sommaire fait une distinction entre la forme I [traduction] « essentiellement exempte » de forme II.

[traduction]

Dans une autre réalisation, la présente invention permet d’obtenir un nouvel antibiotique cristallin appelé 6‑O‑méthylérythromycine A de forme I essentiellement exempte de 6‑O‑méthylérythromycine A de forme II. Ce nouvel antibiotique cristallin peut être caractérisé par des pics dans le diffractogramme de rayons X sur poudres présentant les valeurs 2 θ suivantes : (les valeurs sont les mêmes que dans la revendication 1).

 

 

[36]           Le sommaire du brevet 527, aux pages 2 et 3, indique que l’invention alléguée englobe aussi des compositions pharmaceutiques incluant la forme I, et il décrit une méthode de traitement des mammifères par administration de la forme I ainsi qu’un procédé de fabrication de la forme I.

[traduction]

La présente invention permet également d’obtenir des compositions pharmaceutiques contenant une dose thérapeutique de 6‑O‑méthylérythromycine A de forme I en combinaison à un excipient acceptable du point de vue pharmaceutique, ces compositions étant destinées au traitement d’infections bactériennes ou à la préparation d’un médicament antibiotique.

 

De plus, l’invention décrit une méthode de traitement des infections bactériennes chez un mammifère‑hôte ayant besoin d’un tel traitement, ledit traitement comportant l’administration à un mammifère d’une dose thérapeutique de 6‑O‑méthylérythromycine A de forme I.

 

Dans une autre réalisation, la présente invention décrit aussi un procédé permettant de préparer le 6‑O‑méthylérythromycine A de forme I, comportant […]

 

 

[37]           Dans le procédé décrit à la page 3, les étapes du séchage des cristaux pour qu’ils se déposent hors de la solution employée sont décrites comme étant exécutées à une température comprise entre la température ambiante (décrite plus loin à la page 8 comme se situant entre 20 oC et environ 25 oC) et environ 70 oC. Aux lignes 19 et 20, à la page 3, le brevet indique ce qui suit:

[traduction]

d) le séchage du composé 6‑O‑méthylérythromycine A est séparé à l’étape c) à une température comprise entre la température ambiante et environ 70 oC afin d’obtenir le 6‑O‑méthylérythromycine A de forme I.

 

 

[38]           Dans ce qui est décrit comme la [traduction] « meilleure option », aux pages 7 à 9 du brevet, l’étape du séchage est décrite plus précisément :

[traduction]

Pour les besoins du présent mémoire descriptif, la température ambiante varie d’environ 20 oC à environ 25 oC. Le 6‑O‑méthylérythromycine A cristallin est ensuite isolé, de préférence par filtration, et le solide humide est converti en 6‑O‑méthylérythromycine A de forme I par séchage dans un four à vide à une température se situant entre la température ambiante et environ 70 cC, de préférence entre environ 40 oC et environ 50 oC et à une pression se situant entre deux pouces de mercure et la pression atmosphérique pour que soit supprimé tout solvant restant.

 

 

[39]           Comme il est indiqué aux pages 9 à 12, la clarithromycine de forme I est capable d’être formulée en une composition pharmaceutique sous forme solide ou liquide :

[traduction]

La présente invention permet également d’obtenir des compositions pharmaceutiques contenant le 6‑O‑méthylérythromycine A de forme I en combinaison à un ou plusieurs excipients acceptables du point de vue pharmaceutique et non toxiques. Les compositions pharmaceutiques peuvent être spécialement formulées en vue d’une administration par voie orale sous forme solide ou liquide, en vue d’une injection par voie parentérale ou en vue d’une administration par voie rectale.

 

[…]

 

Les formes posologiques solides destinées à une administration par voie orale comprennent les capsules, les comprimés, les pilules, la poudre et les granules.

 

[…]

 

Les formes posologiques liquides destinées à une administration par voie orale comprennent les émulsions, les solutions, les suspensions, les sirops et les solutions buvables pharmaceutiquement acceptables.

 

 

[40]           La mention qui est faite des formes liquides est particulière, car un cristal comme la forme I n’est plus un cristal une fois qu’il se trouve dans une solution; il perd son identité cristalline. Il ne peut y avoir aucune forme posologique liquide qui inclue des cristaux de forme I. À l’audience, lorsqu’on lui a posé la question sur ce sujet, l’avocat d’Abbott n’a pu donner aucune explication. Peut‑être que cela était dû à un rédacteur de brevet exagérément zélé ou insouciant.

 

[41]           Aux pages 12 et 13, on décrit les doses prévues pour fins d’administration comme des doses qui [traduction] « peuvent être modifiées » suivant plusieurs conditions et on ajoute qu’il est [traduction] « dans les règles de l’art » de débuter par des doses inférieures pour ensuite les augmenter :

[traduction]

Dans les compositions pharmaceutiques de la présente invention, les doses réelles de principes actif peuvent être modifiées de façon à obtenir une quantité de composé(s) actif(s) qui est efficace pour obtenir la réponse thérapeutique souhaitée pour un patient, une composition et un mode d’administration particuliers. La dose choisie dépendra de l’activité du composé particulier, de la voie d’administration, de la gravité de l’affection traitée ainsi que de l’état et des antécédents médicaux du patient traité. Cependant, il est dans les règles de l’art de commencer par des concentrations du composé à des niveaux inférieurs à ceux qui sont requis pour obtenir l’effet thérapeutique souhaité et d’augmenter progressivement la dose jusqu’à ce que l’on obtienne l’effet souhaité.

 

En général, des doses d’environ 1 sur environ 1000, de préférence d’environ 5 sur environ 200 mg, de 6‑O‑méthylérythromycine A de forme I par kilogramme de poids corporel par jour, sont administrées à un patient mammifère. Si on le souhaite, la dose quotidienne efficace peut‑être divisée en plusieurs doses pour faciliter son administration, comme de 2 à 4 doses distinctes par jour.

 

 

[42]           Nulle part est‑il indiqué que le fait que la forme I soit la forme cristalline utilisée pour préparer les formulations de la composition pharmaceutique change quelque chose ou non, ou si elle diffère de quelque manière de, par exemple, les formulations de forme II. Les [traduction] « avantages importants sur le plan de la formulation » qui sont promis à la page 2 ne sont pas décrits ou illustrés ailleurs.

 

[43]           L’exemple 4, présenté à la page 19 du brevet 527, montre toutefois le taux de dissolution intrinsèque qui s’applique, tel que promis à la page 2, à la forme I, comparativement à la forme II :

[traduction]

Exemple 4

 

Taux de dissolution du 6‑O‑méthylérythromycine A de formes I et II

 

Des études de dissolution ont été réalisées à 60 tr/min dans 300 ml d’un tampon de phosphate d’une molarité de 0,05 M, à 37 oC, en utilisant un comprimé à aire de surface constante (diamètre de 13/32 po). Des aliquots ont été prélevés périodiquement et analysés directement par CLHP (colonne « Little Champ » (Regis)) ODS‑2 5cm x 4,6mm 3μ; phase mobile : acétonitrile – tampon phosphate 0,05 M PH 4,0; taux d’écoulement de 1,0 ml/min). Comme l’illustre le tableau 1, le 6‑O‑méthylérythromycine A de forme I a un taux de dissolution intrinsèque environ trois fois supérieur à celui de la forme II.

 

 

Tableau 1

Taux de dissolution intrinsèque du 6‑O‑méthylérythromycine A de formes I et II

 

Forme cristalline

Taux de dissolution ± écarts types

(µg/min/cm2)

I

636 ± 2,5

II

203 ± 14

 

 

[44]           Cependant, nulle part le brevet montre‑t‑il quel avantage, si avantage il y a, procure cette augmentation du taux. La forme I et la forme II se dissolvent toutes les deux. Il est reconnu à la page 2 du brevet que la forme II est le principe actif présent dans un produit commercial. Il est donc raisonnable d’inférer que la forme II est suffisamment soluble pour un usage commercial. Quel est alors l’avantage d’une solubilité accrue? Cela n’est pas indiqué.

 

c) La revendication 5

[45]           La revendication 5 est formulée comme suit :

[traduction]

5. L’utilisation du 6‑O‑méthylérythromycine A de forme I selon la revendication 1 ou 2 dans le traitement des infections bactériennes chez un mammifère‑hôte.

 

 

[46]           Les revendications 1 et 2 dont il est question dans la revendication 5 sont les suivantes :

[traduction]

1.                  Le 6‑O‑méthylérythromycine A de forme I, caractérisé par des pics dans le diffractogramme de rayons X sur poudres présentant les valeurs 2 θ suivantes : 5,2o±0,2, 6,7o±0,2, 10,2o±0,2, 12,3o±0,2, 14,2o±0,2, 15,4o±0,2, 15,7o±0,2, et 16,4o±0,2.

 

2.                  Le 6‑O‑méthylérythromycine A de forme I, caractérisé par des pics dans le diffractogramme de rayons X sur poudres présentant les valeurs 2 θ suivantes : 5,16o±0,2, 6,68o±0,2, 10,20o±0,2, 12,28o±0,2, 14,20o±0,2, 15,40o±0,2, 15,72o±0,2, et 16,36o±0,2.

 

 

[47]           Comme on peut le voir, la revendication 1 diffère de la revendication 2 en ce sens que les valeurs relatives à 2 θ sont arrondies au dixième (une décimale) le plus proche dans la revendication 1, tandis qu’elles sont exprimées au centième (deux décimales) le plus proche dans la revendication 2.

 

[48]           Pour analyser les questions qui sont en litige en l’espèce, il est possible de simplifier la revendication 5 en disant du composé 6‑O‑méthylérythromycine A qu’il s’agit simplement de clarithromycine et de dire simplement « forme I » sans énumérer les huit valeurs 2 θ.

 

[49]           Il est donc possible de formuler de manière plus simple la revendication 5 comme suit :

[traduction]

5. L’utilisation de la clarithromycine de forme I dans le traitement des infections bactériennes chez un mammifère‑hôte.

 

 

[50]           Les parties conviennent que la revendication 5 est axée sur une utilisation particulière de la clarithromycine, soit : [traduction] « […] le traitement des infections bactériennes chez un mammifère‑hôte ». Elles conviennent également que la revendication 5 porte sur l’utilisation de la clarithromycine de forme I, même dans les cas où cette forme peut être combinée à d’autres formes de clarithromycine, comme les formes 0 et II.

 

[51]           Il est à noter que les revendications 1 et 2 sont axées uniquement sur la forme I et qu’elles ne précisent aucun usage particulier. Ces deux revendications ne sont pas en litige en l’espèce.

 

[52]           Il est à noter aussi que d’autres revendications, comme les revendications 7 et 8, précisent que la clarithromycine de forme I est « essentiellement exempte » de forme II. Là encore, ces revendications ne sont pas en litige.

 

[53]           Il convient en outre de signaler que la revendication 5, au sujet de la forme I, indique que cette forme est conforme aux revendications 1 ou 2 et que les revendications 1 et 2 indiquent que la forme I est celle qui est identifiée par huit valeurs précisées, déterminées par la technique DRXP à 2 θ.

 

[54]           Lorsqu’on analyse les points entrant dans l’interprétation de la revendication 5 qui sont pertinents pour la présente analyse, il convient de prendre en considération ce que feu le juge Pumfrey, de la English Chancery Court (Patent Division), a déclaré dans la décision Nokia c. Interdigital Technology Corporation, [2007] E.W.H.C. 3077 (Pat.), au paragraphe 25, qu’il faut tenir compte de l’endroit où [traduction] « le bât blesse ».

 

[55]           Pour les besoins de la présente analyse, on peut donc considérer que la revendication 5 indique ce qui suit :

[traduction]

5. L’utilisation de la clarithromycine, dont au moins une partie est de forme I, dans le traitement des infections bactériennes chez un mammifère‑hôte.

 

 

LA PERSONNE VERSÉE DANS L’ART

[56]           Les parties conviennent essentiellement que lorsqu’il est nécessaire de déterminer qui est une personne versée dans l’art à laquelle s’adresse le brevet 527, il s’agit d’un chimiste ou d’un ingénieur chimiste ayant au moins un baccalauréat et trois à cinq années d’expérience dans l’industrie pharmaceutique, y compris une vaste expérience des procédés de cristallisation.

 

LA VALIDITÉ

a) Généralités

[57]           La présente instance est engagée en vertu des dispositions de l’article 6 du Règlement sur les MB (AC) dans le but de faire trancher plusieurs questions en litige, dont celle de savoir si les allégations de Sandoz selon lesquelles la revendication 5 du brevet 527 [traduction] « n’est pas valide », sont [traduction] « justifiées ». Les mots « n’est pas valide » figurent au sous‑alinéa 5b)(iii) du Règlement sur les MB (AC) et, comme l’a écrit la Cour suprême du Canada (sous la plume du juge Rothstein) dans l’arrêt Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 (Sanofi), au paragraphe 17, l’enquête doit être mise en parallèle avec ce qui constitue par ailleurs un moyen de défense dans une action en contrefaçon suivant l’article 59 de la Loi sur les brevets.

 

[58]           La Loi sur les brevets – le paragraphe 43(2), dans le cas d’un brevet datant d’après le 1er octobre 1996, comme le brevet 527 dont il est question en l’espèce – prévoit qu’un brevet, sauf preuve contraire, est valide. Dans la décision Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2008 CF 11, j’ai passé en revue les décisions récentes, dont deux arrêts de la Cour d’appel fédérale, portant sur la question de savoir qui supportait le fardeau de la preuve quant à la validité d’un brevet, notamment dans une action relative à un AC comme celle dont il est question en l’espèce, et j’ai conclu qu’un titulaire de brevet comme Abbott peut toutefois se fonder sur la présomption de validité; cependant, si la partie qui conteste cette validité, Sandoz en l’occurrence, a présenté une preuve digne de foi, la Cour doit alors apprécier la totalité de la preuve selon la norme de preuve civile habituelle; s’il est alors considéré que la preuve de l’une et l’autre partie est équivalente, l’attaque relative à la validité échoue. Au paragraphe 33 de cette décision, j’ai écrit ce qui suit :

[33]     S’il s’agissait d’une action ordinaire, par exemple une action en contrefaçon de brevet où est soulevée la question de la validité, c’est à la personne contestant la validité qu’incomberait le fardeau et elle devrait alors présenter une preuve pour étayer l’allégation d’invalidité. Le breveté peut s’appuyer sur la présomption, mais uniquement dans la mesure où la partie qui conteste n’a pas présenté une preuve digne de foi pour étayer son allégation. La Cour, en fin de compte, doit apprécier la preuve selon la norme de preuve civile habituelle (Tye‑Sil Corp. Ltd. c. Diversified Products Corp. (1991), 35 C.P.R. (3d) 350, pages 357 à 359 (C.A.F.)). Ainsi, c’est seulement dans le (rare) cas où la Cour conclut à l’équivalence de la preuve de l’une et l’autre partie que la question de la présomption se poserait dans une affaire ordinaire, et la personne qui conteste la validité, comme c’est à elle qu’incombe le fardeau de la preuve, serait déboutée.

 

 

[59]           Les contestations relatives à la validité de la revendication 5 du brevet 527 ont trait à l’antériorité (absence de nouveauté) et à l’évidence (absence d’invention). J’ai analysé en détail ces concepts dans la décision Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2008 CF 142, aux paragraphes 127 à 129, en citant l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Imperial Tobacco Ltd./Ltée c. Rothmans Benson & Hedges Inc. (1993), 47 C.P.R. (3d) 188, le professeur Carl Moy ainsi que lord Hoffman dans l’arrêt Synthon BV c. SmithKlineBeechman plc, [2005] UKHL 59 (Synthon), un arrêt sur lequel s’est appuyé dans une large mesure le juge Rothstein dans l’arrêt Sanofi, précité. En bref, l’antériorité et l’évidence sont toutes deux des questions de fait; l’antériorité peut être prise en considération à l’égard des deux, mais les critères doivent être appliqués de manière différente. Pour ce qui est de l’antériorité, c’est un document unique – ou, dans le cas des brevets datant d’après octobre 1989, une divulgation unique – qui doit être pris en considération, car il serait examiné par une personne versée dans l’art à la date pertinente afin de déterminer si l’invention revendiquée aurait été divulguée et aurait permis à cette personne de mettre à exécution ce qui avait été divulgué à ce moment‑là. Si oui, l’invention revendiquée est antériorisée. Pour ce qui est de l’évidence, s’il y a des différences entre ce qui a été divulgué, restait‑il de la place pour qu’une personne réalise une contribution inventive? Si ce qui n’a pas été divulgué était une chose qu’une personne versée dans l’art, à la date pertinente, aurait censément réalisée sans exercer une ingéniosité inventive, cela signifie que l’invention revendiquée est évidente.

 

[60]           Dans le cas d’un brevet postérieur au 1er octobre 1996, comme l’est le brevet 527, la date pertinente pour examiner la nouveauté, lorsqu’une divulgation a été faite par une personne autre que l’inventeur ou une personne ayant acquis des connaissances de l’inventeur, est la « date de revendication » qui, dans le cas du brevet 527 qui porte revendication de priorité sur la demande de brevet déposée aux États‑Unis le 29 juillet 1996, est la date du dépôt de cette demande aux États‑Unis (articles 28, 28.1 et 28.2 de la version postérieure au 1er octobre 1996 de la Loi sur les brevets). Quant à l’évidence, dans le cas présent, étant donné qu’aucune divulgation n’a été faite par les inventeurs ou d’autres personnes ayant acquis des connaissances des inventeurs, la date pertinente est, là aussi, la « date de revendication », soit le 29 juillet 1996 (article 28.3 de la Loi sur les brevets, précitée).

 

[61]           Les brevets chimiques, y compris ceux qui visent des produits pharmaceutiques, présentent des problèmes particuliers. Ils concernent souvent des molécules complexes. Il est possible qu’une divulgation d’antériorité, comme un brevet antérieur, fasse état d’une structure moléculaire particulière assortie d’instructions selon lesquelles, à certains endroits, d’autres molécules peuvent être ajoutées, remplacées ou écartées. Souvent le lecteur doit faire une sélection parmi des classes ou des groupes de molécules à partir desquels ces choix peuvent être faits. Souvent il peut y avoir des milliers ou des centaines de milliers de choix possibles, voire plus. Quand des choix différents sont faits, les molécules résultantes sont parfois qualifiées d’analogues les unes des autres. Un brevet ultérieur peut revendiquer un tel analogue ou un groupe d’entre eux, et il peut être demandé à la Cour si cette revendication est antériorisée ou évidente.

 

[62]           Une autre situation peut se présenter lorsque la structure moléculaire, considérée tridimensionnellement, peut être enroulée d’une manière ou d’une autre. Une molécule peut être enroulée autour de ce que l’on appelle des centres chiraux au sein de la structure, et, suivant le nombre de ces centres que comporte une molécule, il peut y avoir plusieurs versions, enroulées de façon différente, de la molécule. Une combinaison de ces molécules et de quantités égales de chaque version enroulée porte le nom de mélange racémique, et chaque version enroulée est souvent appelée énantiomère. Dans l’arrêt Sanofi, les cours avaient à déterminer si le choix de l’un de ces énantiomères était antériorisé ou évident.

 

[63]           Il y a une troisième situation, celle dont il est question en l’espèce. Dans une solution, une molécule flotte simplement en compagnie d’autres molécules. Quand on assèche les molécules présentes dans la solution, celles‑ci peuvent revêtir une forme cristalline ou une autre. Cependant, les molécules demeurent chimiquement les mêmes. La forme solidifiée des cristaux peut varier. La question qui se pose dans le cas présent consiste à savoir si le choix de l’une de ces formes cristallines était antériorisé ou évident.

 

b) Les connaissances antérieures

[64]           Il n’est pas contesté qu’il existait de vastes connaissances antérieures qu’une personne versée dans l’art aurait eues avant la « date de revendication », soit le 29 juillet 1996. D’après les mémoires et les observations écrites qui ont été déposés ainsi que les déclarations qui ont été faites par les avocats des parties à l’audience, et aussi d’après ce qui est indiqué aux pages 1 et 2 de la description du brevet 527 que nous avons déjà vue, on peut admettre au moins que les éléments suivants constituent des connaissances antérieures :

a.       La clarithromycine et sa structure moléculaire étaient connues.

b.      L’usage de la clarithromycine dans le traitement des infections bactériennes chez un mammifère‑hôte tel qu’un humain était connu. Il s’agissait du seul usage connu de cette substance.

c.       La clarithromycine existait sous une forme cristalline. Cette forme n’était pas décrite publiquement; par exemple, aucune donnée DRXP 2 θ n’était connue. On ignorait aussi s’il existait une ou plusieurs formes cristallines.

d.      Les techniques standards d’identification des formes cristallines, comme la DRXP, la spectrométrie IR et l’ACD, étaient connues et appliquées.

e.       Les techniques standards de mesure de la solubilité et des taux de solubilité étaient connues et appliquées.

f.        Abbott vendait un produit commercial appelé BIAXIN. Un principe actif de ce produit était la clarithromycine. Cependant, il n’était pas connu du public si cette substance était cristalline ou, dans l’affirmative, quelle(s) forme(s) elle revêtait.

Par ailleurs, un certain nombre d’autres faits ne sont pas contestés :

g.       Abbott vend actuellement un produit commercial connu sous le nom de BIAXIN XL, qui renferme une combinaison de clarithromycine de forme I et de forme II.

h.       Abbott détient un AC du ministre pour vendre le BIAXIN XL au Canada. Cet AC indique simplement que le principe actif est la clarithromycine, mais sans préciser une forme particulière quelconque. C’est à cet AC que Sandoz a fait référence, ce qui a donné ainsi lieu à la présente instance.

 

c) L’anticipation

            i) Le critère juridique applicable

[65]           Dans l’arrêt Sanofi, précité, particulièrement aux paragraphes 18 à 50, la Cour suprême du Canada a passé très récemment en revue le droit relatif à l’antériorité. Aux paragraphes 20 à 22 de cet arrêt, la Cour suprême analyse le critère juridique applicable à l’antériorité que le juge de première instance avait utilisé, à savoir : « l’invention exacte a déjà été faite et a été divulguée au public ». Ce critère, écrit la Cour suprême au paragraphe 23 de son arrêt, était excessif :

[23]     Pour les motifs qui suivent et au vu de la jurisprudence récente, j’estime respectueusement que le juge de première instance a exagéré la rigueur du critère de l’antériorité en considérant que l’« invention exacte » devait déjà avoir été faite et avoir été rendue publique.

 

 

[66]           Aux paragraphes 24 à 37 de son arrêt, la Cour suprême analyse en y souscrivant l’arrêt Synthon, précité, rendu par la Chambre des lords. Pour qu’il y ait antériorité, il y a deux conditions distinctes à remplir : divulgation antérieure et caractère réalisable.

 

[67]           La divulgation antérieure signifie que le brevet antérieur (publication, utilisation ou autre divulgation) doit divulguer ce qui, une fois réalisé, contreferait nécessairement le brevet (la revendication en litige). La personne versée dans l’art qui examine la divulgation est censée tenter de comprendre ce que signifiait le brevet antérieur (ou l’autre divulgation). Les essais successifs sont exclus; l’antériorité doit être simplement lue à des fins de compréhension.

 

[68]           La seconde condition est celle du caractère réalisable : la personne versée dans l’art aurait pu réaliser ce qui a été divulgué. À ce stade, on suppose que cette personne est disposée à procéder par essais successifs pour arriver à l’invention. Au paragraphe 37 de l’arrêt Sanofi, la Cour suprême résume une liste non exhaustive de facteurs qu’il est possible d’appliquer au moment d’examiner la question du caractère réalisable :

[37]     Au vu de cette jurisprudence, j’estime que les facteurs suivants — dont l’énumération n’est pas exhaustive et l’applicabilité dépend de la preuve — doivent normalement être considérés.

 

1. Le caractère réalisable est apprécié au regard du brevet antérieur dans son ensemble, mémoire descriptif et revendications compris. Il n’y a aucune raison de limiter les éléments du brevet antérieur dont tient compte la personne versée dans l’art pour découvrir comment exécuter ou réaliser l’invention que vise le brevet subséquent. L’antériorité est constituée de la totalité du brevet antérieur.

 

2. La personne versée dans l’art peut faire appel à ses connaissances générales courantes pour compléter les données du brevet antérieur.  Les connaissances générales courantes s’entendent des connaissances que possède généralement une personne versée dans l’art en cause au moment considéré.

 

3. Le brevet antérieur doit renfermer suffisamment de renseignements pour permettre l’exécution du brevet subséquent sans trop de difficultés.  Le caractère excessif des difficultés dépend de la nature de l’invention.  Par exemple, lorsque celle‑ci relève d’un domaine technique où les essais sont monnaie courante, le seuil de ce qui constitue une difficulté excessive tend à être plus élevé que lorsque des efforts moindres sont la norme.  Lorsqu’il est nécessaire de franchir une étape inventive, la divulgation antérieure ne satisfait pas au critère du caractère réalisable.  Les essais courants sont toutefois admis et il n’en résulte pas de difficultés excessives.  L’expérimentation ou les essais successifs ne doivent cependant pas se prolonger, et ce, même dans un domaine technique où ils sont monnaie courante. Aucune limite n’est fixée quant à la durée des efforts consacrés; toutefois, les essais successifs prolongés ou ardus ne sont pas tenus pour courants.

 

4. Les erreurs ou omissions manifestes du brevet antérieur ne font pas obstacle au caractère réalisable lorsque des habiletés et des connaissances raisonnables permettaient d’y remédier.

 

 

[69]           À cette analyse de la Cour suprême il convient d’ajouter les commentaires du juge Floyd, de la English Chancery Court, Patents Division, dans une affaire tranchée récemment, le 30 juin 2008 : Actavis UK Limited c. Janssen Pharmaceutica N.V., [2008] EWHC 1422 (Pat), et où il a appliqué le droit établi dans Synthon, précité. Le juge Floyd prenait en considération l’argument suivant : il faut que l’antériorité divulgue une chose qui, si elle est mise à exécution, [traduction] « aboutira inévitablement » à ce qui est revendiqué dans le brevet en litige et, s’il subsiste un doute quelconque, il ne peut donc pas y avoir d’antériorité. Le juge Floyd a rejeté cet argument. La Cour, a‑t‑il déclaré, est tenue de prendre en considération la preuve selon la norme civile habituelle de la [traduction] « prépondérance des probabilités » et non selon une [traduction] « norme quasi criminelle ». Voici ce qu’il écrit, au paragraphe 85 de sa décision :

                        [traduction]

85. Cette conclusion est‑elle suffisante pour obtenir un résultat inévitable? La loi exige que cette caractéristique de la revendication soit le résultat inévitable de l’exécution de l’enseignement antérieur. Est‑ce à dire que s’il y a une autre possibilité, même assez éloignée, que l’on arrive à un autre résultat, il me faudrait conclure que le résultat n’est pas inévitable? Où ai‑je à établir ce qui, selon la prépondérance des probabilités, se produirait en réalité? Selon moi, c’est cette dernière approche qui est la bonne. Le critère du résultat inévitable n’oblige pas à prouver des faits particuliers d’après une norme quasi criminelle. Il peut être impossible d’établir les faits techniques pertinents en fonction de cette norme‑là. Mais c’est tout autre chose s’il ressort de la preuve que, parfois, il s’ensuivra un certain résultat et, parfois, un autre, suivant les conditions que l’on utilise. Mais rien de cela n’est suggéré en l’espèce. Il est simplement question de ce qui se produit en réalité.

 

 

[70]           Il convient par ailleurs de prendre en considération l’arrêt qu’a récemment rendu la Cour suprême du Canada dans F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, où le juge Rothstein, s’exprimant au nom de la Cour, déclare au paragraphe 40 que dans les instances civiles il n’existe qu’une seule norme de preuve, la prépondérance des probabilités :

[40]     Comme l’a fait la Chambre des lords au Royaume‑Uni, notre Cour devrait selon moi affirmer une fois pour toutes qu’il n’existe au Canada qu’une seule norme de preuve en matière civile, celle de la prépondérance des probabilités. Le contexte constitue évidemment un élément important et le juge ne doit pas faire abstraction, lorsque les circonstances s’y prêtent, de la probabilité ou de l’improbabilité intrinsèque des faits allégués non plus que de la gravité des allégations ou de leurs conséquences. Toutefois, ces considérations ne modifient en rien la norme de preuve. À mon humble avis, pour les motifs qui suivent, il faut écarter les approches énumérées précédemment.

 

 

[71]           Dans les affaires telles que celle‑ci, il y a une autre question juridique qui se pose. Quelle est la situation lorsque, lors de l’exécution de l’antériorité, une substance particulière était présente et agissait comme elle a toujours agi, mais que cette substance n’a pas été reconnue comme telle ou comme agissant de cette manière particulière? Comme le dit le juge Floyd au paragraphe 99 de la décision Actavis, précitée :

                        [traduction]

99. À mon avis, le simple fait d’expliquer le mécanisme qui sous‑tend un usage déjà décrit dans l’antériorité ne peut, à lui seul, donner lieu à une nouveauté.

 

 

[72]           Il est utile à cet égard de prendre en considération une décision antérieure de lord Hoffman, de la Chambre des lords, dans Merrell Dow Pharmaceuticals Inc. c. H.N. Norton & Co. Ltd., [1996] R.P.C. 76, où il était question de savoir si un produit pharmaceutique revendiqué avait été divulgué auparavant par son utilisation. L’utilisation antérieure se faisait par la voie du métabolisme dans le corps humain, c’est‑à‑dire qu’une composition pharmaceutique connexe mais différente était ingérée mais que, dans le foie, elle se transformait dans une certaine mesure. Elle était « métabolisée » et devenait le produit chimique revendiqué dans le brevet en litige. Cependant, personne n’avait analysé antérieurement s’il se produisait une réaction quelconque dans le foie. Le « métabolite » lui‑même n’avait pas été identifié auparavant. Lord Hoffman a déclaré que l’antériorité était suffisante pour invalider l’invention revendiquée. Ce faisant, il s’est fondé sur une affaire entendue devant l’Office européen des brevets, où il était déclaré qu’un brevet revendiquant un procédé de fabrication de concentrés de saveur à partir de substances végétales ou animales par extraction, avec des solvants de graisses sous pression et en présence d’eau, était antériorisé par d’anciennes recettes de cuisine concernant la cuisson sous pression de poulets ou de ragoûts. Personne ne savait que l’on extrayait des concentrés de saveur, mais cela se faisait, et la revendication était donc antériorisée. Comme l’a déclaré lord Hoffman à la page 90, aux lignes 8 et 9, [traduction] « si la recette qui permet inévitablement d’obtenir la substance fait partie de l’état de la technique, il en va de même de la substance ». Plus loin, sur la même page 90, aux lignes 49 et 52, lord Hoffman ajoute ce qui suit :

                        [traduction]

Le fait qu’ils n’auraient pas été capables de décrire la réaction chimique en ces termes ne veut pas dire qu’ils n’exploitaient pas l’invention. La question de savoir si une personne exploite ou non une invention est un fait objectif, indépendamment de ce que cette personne sait ou pense au sujet de ce qu’elle fait.

 

 

[73]           À la suite de ce passage cité, lord Hoffman, au bas de page 90 et au haut de la page 91 de l’arrêt, examine la situation dans laquelle un brevet revendique une utilisation pour le produit. Si l’utilisation revendiquée est différente de l’utilisation antérieure du produit non décelé mais néanmoins présent, il s’ensuit que l’utilisation revendiquée n’est peut‑être pas antériorisée. Toutefois, si l’utilisation antérieure est la même que celle qui est revendiquée, la revendication est antériorisée. Voici ce qu’il écrit :

[traduction]

La situation peut être différente lorsque l’invention est une utilisation pour un produit; dans un tel cas, il est possible qu’une personne exploite uniquement l’invention quand elle l’utilise pour l’objet breveté : voir, à la section suivante, l’exposé concernant le cas de l’additif réducteur de friction de MOBIL). L’indien de l’Amazonie qui ingère de l’écorce en poudre contre la fièvre prend de la quinine, même s’il pense que le traitement est efficace parce que les dieux favorisent l’arbre d’où provient l’écorce. Les enseignements de sa médecine traditionnelle contiennent suffisamment d’informations pour lui permettre de faire exactement ce qu’aurait fait un scientifique présent dans la forêt qui voulait soigner une fièvre mais n’avait pas de sulfate de quinine. Les volontaires qui, dans les essais cliniques, prenaient de la terfénadine faisaient exactement ce qu’ils auraient fait s’ils avaient assisté au colloque de Merrell Dow à Strasbourg et décidé d’essayer de fabriquer le métabolite acide dans leur foie en ingérant de la terfénadine.

 

 

[74]           Lord Hoffman a traité plus en détail de ce point dans l’arrêt Synthon, précité, au paragraphe 22 :

                        [traduction]

22.       Si je puis résumer l’effet de ces deux énoncés bien connus, le document invoqué comme antériorité doit exposer un objet dont l’exécution entraînerait nécessairement la contrefaçon du brevet. La raison peut en être que l’antériorité divulgue la même invention. Dans ce cas, il ne fait aucun doute que l’exécution de l’invention antérieure constituerait une contrefaçon, et ce fait est en général manifeste pour la personne qui connaît à la fois l’antériorité et le brevet. Mais la contrefaçon de brevet n’est pas subordonnée à la condition de la pratique consciente : « le point de savoir si une personne exploite ou non [une] […] invention est un fait objectif, indépendant de ce qu’elle‑même sait ou pense de son action » (Merrell Dow Pharmaceuticals Inc c. N.H. Norton & Co. Ltd., [1996] R.P.C. 76, à la page 90). Il s’ensuit que, indépendamment du point de savoir si quiconque en serait conscient au moment pertinent, lorsque l’objet décrit dans la publication antérieure est exécutable et de nature telle que, s’il est exécuté, la contrefaçon du brevet en résultera nécessairement, la condition de la divulgation antérieure est remplie. Le drapeau a été planté, même si l’auteur de l’antériorité l’a planté à son insu.

 

 

[75]           Pour résumer les exigences juridiques en matière d’antériorité, dans le contexte des circonstances de l’espèce :

a.       Pour qu’il y ait antériorité, il doit y avoir à la fois divulgation et caractère réalisable de l’invention revendiquée.

b.      Il n’est pas obligatoire que la divulgation soit une [traduction] « description exacte » de l’invention revendiquée. La divulgation doit être suffisante pour que, lorsqu’elle est lue par une personne versée dans l’art qui est disposée à comprendre ce qui est dit, il soit possible de la comprendre sans devoir procéder par essais successifs.

c.       Si la divulgation est suffisante, ce qui est divulgué doit permettre à une personne versée dans l’art de l’exécuter. Il est possible de procéder à une certaine quantité d’essais successifs du type de ceux auxquels on s’attendrait habituellement.

d.      La divulgation, lorsqu’elle est exécutée, peut l’être sans qu’une personne reconnaisse nécessairement ce qui est présent ou ce qui se passe.

e.       Si l’invention revendiquée est axée sur une utilisation différente de celle qui a été divulguée antérieurement et réalisée, alors cette utilisation revendiquée n’est pas antériorisée. Cependant, si l’utilisation revendiquée est la même que l’utilisation antérieurement divulguée et réalisée, il y a alors antériorité.

f.        La Cour est tenue de se prononcer sur la divulgation et la réalisation en se fondant sur la norme de preuve habituelle de la prépondérance des probabilités, et non sur une norme plus stricte, comme une norme quasi criminelle.

g.       Si une personne exécutant la divulgation antérieure contrefaisait la revendication, alors cette dernière est antériorisée.

 

ii) Application aux faits de l’espèce

[76]           Il faut garder clairement à l’esprit l’invention revendiquée car c’est sur l’invention, telle que revendiquée, que doit porter l’examen de l’antériorité. La revendication 5, rédigée plus simplement, est la suivante :

[traduction]

5. L’utilisation de la clarithromycine de forme I dans le traitement des infections bactériennes chez un mammifère‑hôte.

 

Et, telle qu’interprétée antérieurement :

[traduction]

5. L’utilisation de la clarithromycine, dont au moins une partie est de forme I, dans le traitement des infections bactériennes chez un mammifère‑hôte.

 

 

[77]           Dans l’avis d’allégation, Sandoz déclare que les revendications 1 à 38 du brevet 527, lesquelles sont maintenant réduites à ces fins à la revendication 5 du brevet 527, sont invalides pour cause d’antériorité et d’évidence. Pour les besoins des présents motifs, il suffit de se concentrer sur les allégations visant le brevet no 4,990,602 déposé aux États‑Unis (le brevet 602). Ces allégations, tirées de la page 53 de l’avis d’allégation, sont les suivantes :

[traduction]

290. Les revendications 1 à 38 concernant la forme I sont invalides pour cause d’antériorité et d’évidence. La forme I était connue avant la date de revendication, ainsi qu’il est indiqué dans l’antériorité décrite ci‑dessous :

[…]

291. Il est également admis que la forme I est produite par la méthode exposée dans le brevet américain antérieur no 4,990,602 (document 65 de Sandoz), aux lignes 1 à 6 de la page 10, de la divulgation du brevet 732 : « [L]e composé 6‑O‑méthylérythromycine A a été créé à partir d’érythromycine […] selon la méthode décrite dans le brevet américain no 4,990,602 afin d’obtenir le composé 6‑O‑méthylérythromycine A de forme I. » Le fait d’identifier et de caractériser un composé existant ne confère aucune nouveauté.

[…]

293. La forme I et son utilisation en tant qu’antibiotique étaient connues avant la date de revendication du brevet 527, telle qu’indiquée ci‑dessus, et, de ce fait, les revendications de la forme I dans le traitement d’une infection bactérienne ou en tant qu’antibiotique sont invalides pour cause d’antériorité et d’évidence.

 

 

[78]           Il convient de noter que, dans l’exposé qui suit, aucune référence n’est faite aux informations que l’on cherchait à faire radier de la preuve et de l’argumentation de Sandoz dans la requête d’Abbott que j’ai rejetée.

 

[79]           Le brevet 602 est une divulgation antérieure qui a été établie le 5 février 1991, soit plus de cinq ans avant la date de revendication du 29 juillet 1996. Il est donc opportun pour ce qui est de l’antériorité.

 

[80]           Le brevet 602 commence par énoncer, au début de la colonne 1, les éléments qui, selon les parties, étaient déjà connus plus tôt, à savoir que la clarithromycine (6‑O‑méthylérythromycine A) était déjà connue, tout comme son utilisation en tant qu’agent antibactérien, et qu’il existait plusieurs méthodes connues pour la préparer :

[traduction]

CONTEXTE DE L’INVENTION

 

a.                   Domaine de l’invention

 

La présente invention concerne des dérivés de l’érythromycine A ainsi qu’une méthode permettant de les préparer.

 

b.                  Description des antériorités

 

Les 6‑O‑alkylérythromycines sont utiles en tant qu’agents antibactériens ou en tant qu’intermédiaires pour la synthèse des agents antibactériens. Par exemple, le composé 6‑O‑méthylérythromycine A est non seulement stable dans des conditions acides, mais il présente aussi une activité antibactérienne marquée par rapport à l’érythromycine A. Notamment, ce composé manifeste un excellent effet dans le traitement des infections par voie orale, et il s’agit donc d’un agent antibactérien utile.

 

On sait qu’il y a eu dans le passé plusieurs méthodes de préparation du composé 6‑O‑méthylérythromycine A, par exemple […]

 

 

[81]           Un exemple relatif à la préparation de la clarithromycine est présenté à la colonne 22, sous le titre [traduction] « Exemple d’antériorité 1 ». Je n’en reproduis ici que la dernière partie :

[traduction]

(2) À une solution de 2 g du composé, obtenu ci‑dessus, et de 1,1 g de bisulfite de sodium dans 20 ml d’éthanol/eau (1/1) a été ajouté 0,25 ml d’acide formique 99 %, et le mélange a été porté à ébullition sous reflux pendant 100 minutes. À la réaction en solution ont été ajoutés 30 ml d’eau; 5 ml de solution aqueuse d’hydroxyde de sodium 2 N ont été ajoutés goutte à goutte et, ensuite, le mélange a été brassé sous refroidissement par glace durant 2 heures. Le précipité ainsi formé a été recueilli par filtrage et recristallisé dans l’éthanol afin d’obtenir 1,51 g de 6‑O‑méthylérythromycine A, point de fusion de 223o‑225oC.

 

 

[82]           Cet exemple montre que la clarithromycine est recristallisée, c’est‑à‑dire que le produit obtenu se présente sous une forme cristalline et que le point de fusion se situe entre 223 oC et 225 oC. Ce point correspond au point de fusion applicable à la forme I indiqué dans le tableau relatif à la technique ACD, à la figure 1c, du brevet 527.

 

[83]           C’est donc dire que le brevet 602 révèle une forme cristalline de la clarithromycine qui est utile dans le traitement des infections par voie orale et qui est utile en tant qu’agent antibactérien. La forme cristalline n’est pas identifiée par des valeurs 2 θ, mais uniquement par un point de fusion. Le nom « forme I », comme nous l’avons vu plus tôt, est tout simplement arbitraire; l’important ici est que le produit est identifié comme cristallin et qu’il a un point de fusion qui est le même que pour le produit appelé plus tard forme I. C’est donc dire qu’à l’instar du cas des métabolites ou de celui du poulet frit, nous avons affaire à une substance non identifiée dont l’utilisation est la même que celle qui est revendiquée dans la revendication 5 du brevet 527.

 

[84]           Il ressort de la preuve qu’Abbott a elle‑même identifié la forme cristalline présente sous la forme I dans un brevet qui lui a été délivré plusieurs années plus tard. Dans le brevet canadien 2,261,732 (le brevet 732) délivré à Abbott et publié le 5 février 1998, Abbott reconnaît que le procédé décrit dans le brevet 602 produit de la clarithromycine de forme I. Il importe peu que le brevet 732 ait été rendu public après la « date de revendication » du brevet 527. Ce qui importe, c’est qu’Abbott a elle‑même reconnu que la forme cristalline non identifiée du brevet 602 est celle qui est aujourd’hui identifiée comme étant de forme I. À la page 10 du brevet 732, Abbott indique ce qui suit :

[traduction]

Exemple de référence

 

Le composé 6‑O‑méthylérythromycine A a été préparé à partir d’érythromycine A par l’oximation du carbonyle C‑9, par la protection des groupes hydroxy C‑2 et C‑4, par la méthylation du groupe hydroxy C‑6, par la désoximation et par l’enlèvement des groupes de protection, ainsi que par la recristallisation dans l’éthanol, conformément à la méthode employée par le brevet américain no 4.990.602 afin d’obtenir le 6‑O‑méthylérythromycine A de forme I.

 

 

[85]           La forme I dont il est question dans cet exemple est la même que celle révélée dans le brevet 527 qui est à l’étude en l’espèce car, à la page 2 du brevet 732, il est fait référence au brevet américain sur lequel on revendique la priorité dans le brevet 527. À la page 2 du brevet 732, aux lignes 9 et 10, on peut lire ce qui suit :

[traduction]

La forme I est divulguée dans le brevet américain simultanément en instance 5,858,986, déposé à la même date le 29 juillet 1996.

 

 

[86]           Abbott a donc elle‑même reconnu que la forme cristalline non identifiée du brevet 602 est en fait la forme I qu’identifient les valeurs 2 θ applicables.

 

[87]           De ce fait, le brevet 602 constitue une divulgation de l’utilisation de la clarithromycine sous forme cristalline dans le traitement des infections bactériennes. Les mammifères ne sont pas expressément mentionnés comme bénéficiaires d’un tel traitement dans le brevet 602, mais l’emploi des mots [traduction] « par voie orale » dans le passage figurant à la colonne I qui a été cité plus tôt dénote clairement que c’est un mammifère, probablement un humain, qui est traité.

 

[88]           Il importe peu que la forme cristalline dont il est question dans le brevet 602 n’ait pas été divulguée par l’utilisation du terme « forme I » lui‑même, car il s’agit simplement d’un nom commode qui lui a été attribué ultérieurement. Nous savons qu’il s’agissait de ce que l’on appelle aujourd’hui la forme I car Abbott elle‑même l’a reconnu.

 

[89]           Le brevet 602 est habilitant. Il décrit la clarithromycine, son utilisation et la façon de la fabriquer sous une forme cristalline, qui est la forme I. Mettre en pratique ce qui est enseigné par le brevet 602 reviendrait à contrefaire la revendication 5 du brevet 527.

 

[90]           Il ressort également de la preuve que les experts retenus à la fois par Abbott et Sandoz s’entendent pour dire qu’au moins certaines des formes cristallines produites à l’aide du brevet 602 ainsi que d’autres références d’antériorité seraient la forme I. Les experts d’Abbott : M. Byrn (paragraphes 124 et 134 de son affidavit) et M. Atwood (paragraphe 225 de son affidavit) sont d’avis que dans les conditions de séchage probables qui ont été utilisées, on obtiendrait un mélange de cristaux de forme 0 et de forme I. Le fait qu’il ne s’agisse pas entièrement de la forme I est sans importance, car les parties ont convenu qu’une interprétation appropriée de la revendication 5 envisage une combinaison de formes cristallines de la clarithromycine qui inclut la forme I. Les experts de Sandoz étaient plus sûrs que la forme I serait le cristal obtenu (affidavit de M. Rohani, paragraphe 604, affidavit de M. Lee‑Ruff, paragraphes 136 à 138, affidavit de M. Eckhardt, paragraphes 195 et 196). Il importe peu de savoir si les cristaux étaient entièrement de forme I ou une combinaison de la forme I et de quelque chose d’autre; l’interprétation convenue de la revendication 5 a été satisfaite.

 

[91]           Les antériorités que Sandoz a citées pourraient, de la même façon, être analysées avec des résultats semblables. Je ne suis pas entré dans les détails car ces antériorités, bien qu’elles soient mentionnées à titre de références dans l’avis d’allégation, n’ont pas fait l’objet d’une analyse précise dans le texte de l’avis. Il est inutile de le faire parce que le brevet 602 est suffisant pour invalider la revendication 5 du brevet 527 pour cause d’antériorité.

 

[92]           L’allégation selon laquelle la revendication 5 du brevet 527 est invalide pour cause d’antériorité est donc justifiée.

 

c) L’évidence

            i) La conclusion d’antériorité

[93]           Il est n’est nul besoin d’examiner si la revendication 5 du brevet 527 est elle aussi invalide pour cause d’évidence puisqu’elle l’est pour cause d’antériorité. Comme l’a déclaré lord Hoffman dans l’arrêt Synthon, précité, aux paragraphes 20 à 22, et s’il restait de la [traduction] « place »? En l’espèce, la lecture du brevet 602 ne laisse aucune [traduction] « place »; il englobe tout ce que couvre la revendication 5.

 

ii) L’affirmation de « place » d’Abbot

[94]           Advenant que des cours d’instance supérieure aient à examiner la présente affaire, je vais prendre en considération les affirmations d’Abbott.

 

[95]           Abbott reconnaît que la clarithromycine était une molécule connue et reconnue pour être utilisée pour traiter les humains en tant qu’antibiotique; elle a reconnu aussi que l’on savait que la clarithromycine était cristalline. Abbott soutient que l’on ignorait que la clarithromycine pouvait exister sous plusieurs formes cristallines, c’est‑à‑dire qu’elle était polymorphe. Abbott déclare que si une personne versée dans l’art fabriquait ou rencontrait une forme cristalline jusque‑là inconnue ou non identifiée, cette personne ne saurait pas si cette forme pourrait servir à traiter les infections et, en particulier, si elle serait suffisamment soluble pour être utilisée à cette fin. Abbott invoque le contre‑interrogatoire des experts de Sandoz (M. Eckhardt question 192, M. Lee‑Ruff, question 351) où il est dit que si elle était insoluble sous une forme particulière, elle ne pourrait pas servir d’antibiotique, ainsi que son propre expert (affidavit de M. Atwood, paragraphe 181), qui dit que, sous une forme insoluble, la matière traverserait le corps après avoir été ingérée, comme dans le cas d’un enfant qui avalerait une pièce de monnaie.

 

[96]           Dire qu’une chose, si elle est insoluble, ne fonctionnera pas, ce n’est qu’énoncer une vérité d’évidence. Mais là n’est pas la question lorsqu’on examine la question de l’évidence. La question, pour déterminer l’évidence, est celle qu’a énoncée la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sanofi, au paragraphe 66 : allait‑il plus ou moins de soi pour une personne versée dans l’art de faire l’essai de la solubilité de la forme cristalline pour voir si elle fonctionnerait?

 

[97]           Il n’est pas nécessaire d’énumérer les questions posées dans l’arrêt Windsurfing que la Cour suprême a exposées dans l’arrêt Sanofi, au paragraphe 67. Tout dans les antériorités : molécule, utilisation et forme cristalline, est présent dans les antériorités, et les parties en ont déjà convenu. La seule question qui subsiste, telle qu’énoncée par Abbott, consiste à savoir si cette forme cristalline particulière est suffisamment soluble pour que l’on puisse s’en servir à une fin thérapeutique.

 

[98]           Les experts de Sandoz (affidavit de M. Lee‑Ruff, paragraphe 204 à 219, affidavit de M. Rohani, paragraphes 324 à 343 et 648) font remarquer que l’on reconnaîtrait qu’une certaine solubilité est requise. Le taux de solubilité ne semble pas critique, car le taux de solubilité de la forme II est, semble‑t‑il, trois fois inférieur à celui de la forme I; la forme II est tout à fait suffisante pour un produit commercial. La solubilité est une question qui viendrait à l’esprit de n’importe quelle personne versée dans l’art. Aucune preuve n’indique que des essais de solubilité ne seraient pas une opération technique courante.

 

[99]           Si l’on examine la preuve selon la prépondérance des probabilités, il va de soi qu’une personne versée dans l’art vérifierait la solubilité de n’importe quel cristal nouvellement identifié pour déterminer s’il était soluble à un taux suffisant pour revêtir une utilité thérapeutique.

 

[100]       S’il était nécessaire de le faire, je conclurais que la revendication 5 du brevet 527 était évidente. L’allégation de Sandoz selon laquelle cette revendication était invalide pour cause d’évidence est justifiée.

 

LA CONTREFAÇON

            a) L’allégation de non‑contrefaçon de Sandoz

[101]       Selon l’avis d’allégation de Sandoz, certaines revendications du brevet 527, dont la revendication 5, ne seraient pas contrefaites. Certaines allégations sont formulées aux paragraphes 282 et 283 de l’avis, et Sandoz s’engage à produire les [traduction] « passages pertinents » des observations que Sandoz a soumises au ministre une fois qu’une ordonnance de confidentialité sera rendue. Le texte des paragraphes 282 et 283 est le suivant :

[traduction]

282. Sandoz allègue que les revendications 3‑5, 9‑11 et 13‑38 ne seront pas contrefaites par la fabrication, la construction, l’utilisation ou la vente, par Sandoz, des produits de Sandoz.

 

283. Le produit de Sandoz ne contrefera pas les revendications 4, 5, 10, 11 et 26‑38 parce que ce produit ne contiendra pas la forme I et ne sera pas une composition de la forme I à utiliser dans le traitement des infections bactériennes ou en tant qu’antibiotique. S’il fallait que la forme I se forme dans le procédé de Sandoz, elle ne contreferait pas les revendications 4‑5, 10‑11 et 26‑38 parce que la forme I ne serait pas utilisée dans le traitement des infections bactériennes ou en tant qu’antibiotique.

 

 

            b) La preuve

[102]       Après l’introduction de la présente demande, une ordonnance de confidentialité a été rendue et Sandoz a produit des extraits des observations qu’elle avait déposées auprès du ministre. Il s’agissait, notamment, de passages tirés de ce que l’on appelle une fiche maîtresse de médicament (FMM), qui comprenaient quelques données et analyses relatives aux procédés de fabrication de la part d’une tierce partie qui fournira la clarithromycine à Sandoz. Aucun échantillon proprement dit n’a été fourni, car Sandoz n’en avait fourni aucun au ministre. Aucune donnée concrète autre que les informations figurant dans les passages tirés de la FMM au sujet de la clarithromycine que Sandoz entend utiliser dans son produit ne figure dans le dossier. Aucun échantillon n’a été produit, obtenu ou mis à l’essai par une partie quelconque. La seule preuve est ce qui figure dans les passages extraits de la FMM que Sandoz a produits, ainsi que les opinions des experts retenus par Abbott et Sandoz au sujet de ce qui ressort de la documentation.

 

[103]       Les points essentiels figurant dans la documentation relative à la FMM qui donne lieu aux arguments soulevés par les parties font l’objet d’une ordonnance de confidentialité et sont les suivants :

                                                               i.      un graphique produit à la suite d’analyses de DRXP auxquels a été soumis un échantillon le 26 juillet 2001;

                                                             ii.      un énoncé portant que la clarithromycine à fournir présentera quatre pics observés par DRXP et dont les valeurs 2 θ sont les suivantes : 8.5o, 9.5o, 10.9o et 11.5o;

                                                            iii.      un énoncé indiquant ce qui suit : [traduction] « Dans la documentation spécialisée, des polymorphes différents ont été décrits pour la clarithromycine. Nous pouvons confirmer que le produit identifié dans la présente FMM correspond à la forme II du polymorphe, qui est la même que la norme UPS. » Aucune preuve n’a été donnée sur ce que peut être cette « norme UPS »;

                                                           iv.      un procédé de préparation de la clarithromycine est présenté; ce procédé se rend jusqu’au point où ce qui est décrit comme un intermédiaire de la clarithromycine est produit et nettoyé avec un solvant X et facultativement recristallisé et séché sous vide, sans que la température dépasse X degrés. Voici ce qui est indiqué :

[traduction]

100 kg d’intermédiaire de la clarithromycine, sous forme humide ou sèche, et d’un solvant X sont chargés dans le réacteur. Le mélange est chauffé jusqu’à la température de reflux et brassé jusqu’à ce que l’on obtienne une solution complète ou quasi complète. La solution peut être facultativement filtrée et transférée. L’équipement est lavé avec une quantité suffisante du solvant X, qui est également ajoutée à la solution précédente. Facultativement, la solution est concentrée par distillation. Elle est refroidie à une température inférieure à la température Y, dans des étapes de refroidissement différentes. Lors de chaque étape de refroidissement, le mélange réactif est brassé pendant quelques minutes. Si la suspension est transférée à un autre récipient, l’équipement est nettoyé avec la quantité requise du solvant X.

 

Il est possible aussi de recristalliser le produit en recourant à la même procédure. Après la dernière recristallisation, le solide est filtré et nettoyé avec une quantité suffisante de solvant X ou de solvant X aqueux. Le produit est séché sous vide sans dépasser la température X.

 

On obtient une quantité d’au moins 50 kg de clarithromycine. Plusieurs lots peuvent être séchés ensemble ou séchés et homogénéisés par la suite en vue d’obtenir un lot final homogène.

 

Après séchage, le produit peut être tamisé et/ou micronisé en vue de répondre aux besoins du client.

 

 

[104]       Ce sont ces renseignements‑là qui constituent le fondement des opinions contradictoires des experts et de l’argumentation des avocats.

 

c) L’opinion des experts

[105]       La preuve contient quelques affirmations simples de la part de Sandoz, à savoir que son produit est la forme II et qu’il comporte quatre valeurs 2 θ qui correspondent à celles que l’on associe à la forme II. Il s’agit là d’affirmations à propos desquelles les experts scientifiques ne peuvent pas être en désaccord, sauf pour permettre aux avocats de plaider en faveur de ces affirmations, ou de les considérer d’un œil sceptique.

 

[106]       Les experts ne s’entendent pas sur deux choses : le graphique obtenu par la technique DRXP et le résultat du séchage de la clarithromycine présente dans une solution [traduction] « sans dépasser la température X ».

 

[107]       Pour ce qui est du graphique DRXP, Abbott soutient qu’il date de 2001, alors que la description du procédé est datée de 2003 et ne peut donc pas être représentative d’un lot de fabrication quelconque. Abbott soutient de plus que, en tout état de cause, le graphique n’est pas représentatif de la totalité des lots de clarithromycine qui seront fabriqués et qu’au moins certains d’entre eux contiendront une part décelable de la forme I.

 

[108]       Quant à la question de savoir si le graphique en particulier révèle la présence de la forme I, Abbott se fonde sur une partie de la transcription du contre‑interrogatoire de son expert, M. Atwood, aux pages 11 à 23, où celui‑ci indique que du côté gauche du graphique il peut déceler deux pics confirmant la présence de la forme I. Il est possible que d’autres pics soient masqués par les autres pics du graphique qui illustrent la présence de la forme II. Sandoz soutient qu’il n’existe pas de tels pics et que, aux pages 17, 18, 22 et 23 de la même transcription, M. Atwood estime que la quantité de la forme I présente dans l’échantillon est de l’ordre de 1 à 2 %, mais également que le niveau de détection dans le passage d’essai est lui aussi de 1 à 2 %.

 

[109]       Autrement dit, soutient Sandoz, il est douteux que l’on puisse obtenir une détection fiable quelconque.

 

[110]       La preuve ne me convainc pas que cette DRXP particulière illustre la présence, dans l’échantillon analyse, d’une forme I décelable quelconque.

 

[111]       Abbott soutient par ailleurs qu’il ne s’agit là que d’un seul graphique concernant un seul échantillon et que l’on ne peut pas dire qu’il est représentatif de tous les lots de clarithromycine qui ont été ou qui seront fabriqués. Abbott ajoute que le protocole de fabrication qui précise que le séchage se fera sous vide [traduction] « sans dépasser la température X » signifie qu’un grand nombre de lots contiendront au moins une part de la forme I. Abbott invoque les éléments de preuve des experts, qui disent que si le séchage se fait au‑delà de 80 oC, les cristaux obtenus seront de la forme II (affidavit de M. Atwood, paragraphes 167 et 168), mais que s’il a lieu à une température se situant entre 50 oC et 80 oC, le produit obtenu sera principalement de forme I (contre‑interrogatoire de M. Rohani, question 207). Abbott soutient que, d’après la preuve, il n’est pas nécessaire que l’étape du séchage se fasse à une température particulière, tant qu’elle ne dépasse pas la température X (contre‑interrogatoire de M. Rohani, questions 1002 à 1011). Comme nous l’avons vu plus tôt dans les présents motifs, les antériorités indiquent que le séchage a habituellement lieu à une température variant entre la température ambiante (20 oC à 25 oC) et environ 40 oC à 50 oC. Au paragraphe 136 de son affidavit, M. Byrn présente un tableau montrant que, pour convertir la forme I en forme II à diverses températures, entre la température de 25 oC et la température X, il faudrait qu’il s’écoule entre 35 000 ans (25 oC) et 7,6 heures (température X). Il conclut au paragraphe 137 qu’il serait impossible, dans cette plage de températures, d’obtenir une forme II pure, une forme 0 pure ou une forme I pure dans tous les cas, ni même dans la plupart. En d’autres termes, la majeure partie de la matière produite inclura au moins de la forme I.

 

[112]       Sandoz répond à cela de deux façons. Premièrement, elle allègue qu’il n’y a aucune preuve qu’elle recristallisera le produit à une température inférieure à 80 oC et, deuxièmement, si elle recristallisait le produit à une température supérieure à 80 oC, le propre expert d’Abbott dit que le produit obtenu serait [traduction] « une forme II isolée », en se fondant sur l’affidavit de M. Atwood, au paragraphe 168. Abbott réplique en disant que lorsque M. Atwood a employé l’expression « forme II isolée », il l’utilisait dans le sens décrit au paragraphe 36 de son affidavit, c’est‑à‑dire que la forme II ne doit pas être simplement une forme transitoire non susceptible d’être soumise à la DRXP, mais elle doit être suffisamment existante, c’est‑à‑dire permanente, pour être capable d’être soumise à une telle analyse. Abbott compare l’emploi que fait M. Atwood de l’expression « forme II isolée » à l’expression « forme II pure », qui explique‑t‑il, au paragraphe 31 de son affidavit, est une chose qui ne comporte aucune forme I décelable. De ce fait, est‑il allégué, l’emploi par M. Atwood de l’expression « forme II isolée » n’exclut pas la clarithromycine dans les cas où la forme I décelable est présente.

 

[113]       En considérant la preuve dans son ensemble, je conclus qu’il est probable qu’un grand nombre des lots de clarithromycine qui seront peut‑être fabriqués seront soumis à une étape de séchage à une température suffisamment inférieure à la température X, et vraisemblablement dans la plage qui se situe entre la température ambiante et environ 50 oC, pour qu’il y ait, dans le produit obtenu, une certaine quantité décelable de forme I. C’est donc dire que la clarithromycine que Sandoz distribuerait probablement au Canada comporterait, dans plusieurs lots au moins, une quantité décelable de forme I, de sorte qu’elle serait visée par la revendication 5, convenablement interprétée.

 

[114]       Je suis conscient que pour démontrer que l’allégation de non‑contrefaçon est injustifiée (pour utiliser une double négation), le fardeau de la preuve incombe à Abbott. Comme l’a indiqué la juge Layden‑Stevenson dans la décision AstraZeneca AB c. Apotex Inc., 2006 CF 7, au paragraphe 23, le fardeau de prouver la contrefaçon incombe à Astra (Abbott, dans le cas présent) selon la prépondérance de la preuve :

[23]     Après avoir entendu l’argumentation touchant la charge de la preuve, j’ai formulé mon interprétation de la loi telle qu’elle est exposée dans une abondante jurisprudence qui débute avec l’arrêt Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social) (1994), 55 C.P.R. (3d) 302 (C.A.F.), et atteint son point culminant avec l’arrêt Genpharm Inc. c. Procter & Gamble Pharmaceuticals Canada, Inc. et al. (2004), 37 C.P.R. (4th) 289 (C.A.F.). Les avocats des deux parties ont convenu que j’avais correctement résumé le droit. En bref, les allégations de non‑contrefaçon de la défenderesse Apotex sont présumées vraies et le fardeau de persuasion incombe à la demanderesse Astra, qui doit établir, selon la prépondérance de la preuve, qu’aucune des allégations d’Apotex n’est justifiée. S’agissant de la validité, Astra peut s’appuyer sur la présomption de validité et Apotex doit alors assumer le fardeau de présentation pour la réfuter. Le fardeau de persuasion incombe toujours à Astra.

 

 

[115]       Je suis convaincu que l’on s’est acquitté du fardeau. Je conclus qu’il surviendra une recristallisation suffisante à une température inférieure à la température X, ainsi qu’à la température indiquée dans les antériorités comme se situant entre 20 oC et 50 oC, ou proche de cette température, pour produire au moins un peu de forme I décelable, ainsi que dans le produit ultime. C’est donc dire que l’allégation de Sandoz selon laquelle son produit ne contrefera pas la revendication 5 du brevet 527 est injustifiée.

 

CONCLUSION ET DÉPENS

[116]       Je tiens à féliciter les avocats d’Abbott et de Sandoz pour s’être efforcés dans une large mesure de réduire les questions en litige dans la présente demande à une seule revendication d’un seul brevet. La preuve, sous la forme de recueils bien structurés, a été clairement présentée. Les arguments invoqués étaient bien ciblés, y compris ceux portant sur l’effet de l’arrêt Sanofi qui venait tout juste d’être rendu public quelques jours avant l’audition de la présente demande.

 

[117]       J’ai conclu que l’allégation d’invalidité est justifiée, et que l’allégation de non‑contrefaçon ne l’est pas. En définitive, la demande d’interdiction sera rejetée.

 

[118]       J’ai invité les avocats des parties à présenter des observations écrites sur les dépens et à indiquer quel serait un montant approprié. Ces observations ont été présentées avant le prononcé des présents motifs, et les avocats ne connaissaient donc pas l’issue de la demande. Les parties ont convenu qu’il fallait fixer les dépens à un montant de 150 000 $. Je conviens qu’il s’agit là d’une somme appropriée et j’adjuge cette dernière à titre de dépens à Sandoz, la partie victorieuse.

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T‑135‑07

 

INTITULÉ :                                       LABORATOIRES ABBOTT et al. c.

                                                            LE MINISTRE DE LA SANTÉ et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATES DE L’AUDIENCE :             DU 24 AU 26 NOVEMBRE 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET DU JUGEMENT :                       LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 11 DÉCEMBRE 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Steven Mason

David Tait

POUR LES DEMANDERESSES

LABORATOIRES ABBOTT et al.

 

Edward Hore

Kevin Zive

Jonathan Mesiano-Crookston

POUR LA DÉFENDERESSE

SANDOZ CANADA INC.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Bureau 4700

Tour de la Banque Toronto-Dominion

Toronto Dominion Centre

Toronto (Ontario) K5K 1E6

Fax : 416-868-0673

 

POUR LES DEMANDERESSES

LABORATOIRES ABBOTT et al.

 

Hazzard & Hore

Avocats

141, rue Adelaide Ouest

Bureau 1002

Toronto (Ontario) M5H 3L5

Fax : 416-868-0673

POUR LA DÉFENDERESSE

SANDOZ CANADA INC.

 

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