Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20081126

Dossier : IMM-1005-08

Référence : 2008 CF 1320

Ottawa (Ontario), le 26 novembre 2008

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

BALVINDER KAUR, MANINDER KAUR

et SARABJIT SINGH

demandeurs

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), de la décision défavorable rendue le 23 janvier 2008 par un agent d’examen des risques avant renvoi (l’agent d’ERAR) et communiquée aux demandeurs le 20 février 2008 (la décision).

 

LES FAITS

 

[2]               Balvinder Kaur (la demanderesse principale) est née au Panjab, en Inde, au sein d’une famille sikhe. Elle s’est mariée le 1er mars 1970 et a cinq filles et un fils.

[3]               À la suite du meurtre de la première ministre Indira Gandhi commis par ses gardes du corps sikhs en 1984, la communauté sikhe en Inde fut visée agressivement par les hindous. La demanderesse principale allègue que sa maison à New Delhi a été attaquée plusieurs fois par des militants hindous dans les années 90.

 

[4]               La demanderesse principale allègue que, lors de la première attaque, elle a été battue à coups de poings et de bâtons, que sa maison a été détruite et que ses objets de valeur ont été volés. Les agresseurs l’ont menacée en lui disant que si elle communiquait avec la police, ils l’attaqueraient de nouveau. Cependant, elle a affirmé s’être rendue à un poste de police à New Delhi, mais que le policier à qui elle a parlé a refusé de rédiger un rapport. 

 

[5]               Pour ce qui est de la deuxième attaque de son domicile qu’elle affirme avoir subie, la demanderesse principale explique qu’elle et ses enfants ont été très gravement battus. Cela l’a incitée à déménager dans une autre partie de New Delhi.

 

[6]               La demanderesse principale déclare que, deux ans plus tard, quatre terroristes sikhs munis d’armes à feu sont entrés un soir dans sa maison illégalement et lui ont ordonné de leur servir à manger. Ils sont repartis aux petites heures du matin, mais sont revenus plusieurs jours après et ont réclamé 20 000 roupies. Ils lui ont dit qu’ils enlèveraient ses enfants si elle n’avait pas l’argent à leur prochaine visite.

 

[7]               La demanderesse principale affirme qu’on lui a demandé, de même qu’à son mari, de se rendre au poste de police pour répondre à des questions au sujet des terroristes sikhs. Elle explique qu’ils ont été détenus, battus et interrogés quant à savoir s’ils avaient des liens avec les terroristes. Des parents de la demanderesse principale ont graissé la patte aux policiers pour qu’ils libèrent celle-ci et son mari. Elle affirme que les membres de sa famille leur ont conseillé de quitter le pays pour de bon.

 

[8]               De la fin 1995 à octobre 1996, la demanderesse principale, son mari et leurs enfants célibataires ont vendu leur propriété et ont demandé les visas dont ils avaient besoin pour déménager aux États-Unis. La demanderesse principale est arrivée aux États‑Unis le 1er octobre 1996 accompagnée de sa fille aînée et de son fils. Son mari est arrivé le 3 octobre 1996 accompagné de ses deux filles cadettes. Les demandeurs ont sollicité l’asile aux États-Unis en 1997, mais leur demande a été rejetée en 2000. Ils ont interjeté appel de la décision, mais en octobre 2003, l’appel a été rejeté et les demandeurs ont dû quitter les É.-U.

 

[9]               Les demandeurs sont arrivés au Canada et ont revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention ou de personnes à protéger. La demande d’asile a été rejetée et la demande d’autorisation de pourvoi à la Cour fédérale a été rejetée le 16 juin 2006.

 

 

 

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

 

[10]           L’agent a reçu une demande d’ERAR datée du 14 août 2006 ainsi que des observations datées du 29 août 2006. Aucune audience n’a été tenue.

 

[11]           L’agent d’ERAR a souligné que les demandeurs avaient déjà présenté une demande du statut de réfugié au sens de la Convention au Canada, qui avait été rejetée le 6 mars 2006 par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission). La Commission a donné les raisons suivantes pour sa décision :

1.                  Les extrémistes hindous qui perpétraient des actes de violence entre 1984 et 1993 le faisaient au hasard. Je conclus que, par conséquent, compte tenu du changement de situation pour les sikhs en Inde, la crainte des demandeurs d’asile de retourner dans ce pays n’est pas fondée;

2.                  L’invasion de la maison par des militants sikhs, décrite par la demandeure d’asile principale, n’a pas, selon la prépondérance des probabilités, eu lieu. J’ai tiré cette conclusion parce que ce type d’activité ne se faisait qu’au Penjab et, en 1993, cela n’arrivait pas très souvent, sinon jamais, dans la capitale, Delhi, laquelle se trouve à environ 200 kilomètres de l’État du Penjab. Même si je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que l’invasion de la maison n’a pas eu lieu, je conclus également qu’il n’y a aucune possibilité sérieuse que les mêmes militants soient intéressés à enlever ou tuer les demandeurs d’asile en 2006, soit 10 ans après leur départ de Delhi pour l’Amérique;

3.                  Il y a toujours une possibilité, en Inde, que les demandeurs d’asile soient enlevés, tués ou voient leur maison envahie. Toutefois, j’estime que cette possibilité n’est pas plus importante pour les présents demandeurs d’asile que pour toute autre personne en Inde; il ne s’agit pas d’un risque ou d’un danger personnel;

4.                  J’estime, selon toute vraisemblance, que la police ne s’intéresse pas aux demandeurs d’asile. La police serait intéressée à trouver et à poursuivre en justice davantage les militants que des femmes au foyer ou commerçants innocents. Il n’y a certainement aucune chance raisonnable que la police soit intéressée par les demandeurs d’asile en Inde aujourd’hui.

 

 

[12]           L’agent d’ERAR s’est fondé sur l’alinéa 113a) de la Loi et le paragraphe 161(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), pour déclarer ce qui suit à la page 3 des notes versées au dossier :

[traduction]

Les demandeurs exposent sensiblement les mêmes circonstances qu’ils ont présentées à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Ils n’ont pas réfuté les conclusions importantes de la Commission. Ils ont présenté des documents à l’appui des présentes demandes, ce qui comprend le rapport de 2005 sur l’Inde du Département d’État des É.-U., des extraits d’articles sur Internet sur la brutalité des policiers, un article (non daté) concernant les atrocités commises contre les sikhs et le rapport médical du Dr Meier de l’Hôpital Mount Sinai à Toronto. Certains des documents présentés sont antérieurs à la décision de la Commission et étaient disponibles ou ont été pris en compte par la Commission. Les autres documents sont de nature générale et ne traitent pas de la situation particulière des demandeurs ou ne réfutent pas les conclusions de la Commission. Je crois qu’aucun de ces documents ne constitue une preuve de l’existence de nouveaux risques auxquels seraient exposés personnellement les demandeurs et qui seraient apparus après la décision de la Commission. L’article non daté susmentionné semble traiter d’incidents du passé et non de faits récents. Son contenu n’est pas étayé par la recherche la plus récente sur la situation du pays. Cependant, j’ai tenu compte de tous ces documents dans mon appréciation de la situation du pays.

 

 

[13]           L’agent d’ERAR se fonde ensuite sur la décision du juge Kelen dans Kaybaki c. Canada (Solliciteur général du Canada), 2004 CF 32, au paragraphe 11 : « La procédure d’évaluation du risque avant renvoi ne saurait se transformer en une seconde audience du statut de réfugié. Cette procédure a pour objet d’évaluer les nouveaux risques pouvant surgir entre l’audience et la date du renvoi. »

 

 

[14]           L’agent d’ERAR conclut que les demandeurs n’ont pas présenté de preuves objectives suffisantes pour démontrer un changement de la situation en Inde depuis la décision de la Commission ou l’existence de nouveaux risques.

 

LA QUESTION EN LITIGE

 

[15]           Les demandeurs ont soulevé la question suivante pour examen :

 

1.         Le défendeur a commis une erreur de droit en ne donnant aucun motif conforme à Baker.

 

 

 

LES DISPOSITIONS LÉGALES

[16]           Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables à la présente procédure :

Demande de protection

 

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

Examen de la demande

 

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

 

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

 

 

 

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3), sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

 

(i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

 

 

(ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

 

Application for protection

 

112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

 

Consideration of application

 

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

 

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

 

(i) in the case of an applicant for protection who is inadmissible on grounds of serious criminality, whether they are a danger to the public in Canada, or

 

(ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada.

 

 

[17]           Les dispositions suivantes du Règlement sont également applicables à la présente procédure :

Nouveaux éléments de preuve

 

161. (2) Il désigne, dans ses observations écrites, les éléments de preuve qui satisfont aux exigences prévues à l’alinéa 113a) de la Loi et indique dans quelle mesure ils s’appliquent dans son cas.

 

New evidence

 

 

161. (2) A person who makes written submissions must identify the evidence presented that meets the requirements of paragraph 113(a) of the Act and indicate how that evidence relates to them.

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[18]           Dans Cupid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 176, la Cour a conclu ce qui suit :

6.         Le premier argument de la demanderesse est que l’agente d’ERAR a commis une erreur en ne donnant pas de motifs adéquats à l’appui de sa décision. Comme il est allégué que l’agente d’ERAR n’a pas respecté les règles d’équité procédurale, la question du contrôle judiciaire ne fait pas l’objet d’une norme de contrôle. Soit l’agente d’ERAR a fourni des motifs adéquats, soit elle ne l’a pas fait.

 

LES ARGUMENTS

Les demandeurs

 

[19]           Les demandeurs se fondent sur Perez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1380, en raison de ce qui y est déclaré au sujet de l’objet de l’ERAR : 

12.  Il est bien établi qu’un ERAR n’a pas pour objet de servir d’appel d’une décision de la SPR (Kaybaki c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 32, au paragraphe 11; Yousef c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 1101, au paragraphe 21 (C.F.); Klais c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 949, au paragraphe 14 (C.F.)). La décision de la SPR doit être considérée comme définitive en ce qui concerne la question de la protection sous le régime des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), sous réserve seulement de la possibilité que de nouveaux éléments de preuve démontrent que le demandeur serait exposé à des risques nouveaux, différents ou additionnels qui n’auraient pas pu être envisagés au moment de la décision de la SPR. Ainsi, l’agent d’ERAR n’est pas tenu d’examiner les risques qui sont maintenant allégués par le demandeur. J’examinerai maintenant les faits de la demande d’ERAR.

 

 

[20]           Les demandeurs reconnaissent que Perez donne une définition restreinte de la portée de l’examen effectué par les agents d’ERAR. Toutefois, ils affirment que la décision en cause, particulièrement en ce qui concerne l’examen de la situation actuelle du pays effectué par l’agent d’ERAR, ne comprend aucune analyse. Les demandeurs soulignent qu’il y avait tout près de 100 pages d’information sur la situation du pays, mais que l’agent n’a rien exposé à cet égard.

 

[21]           Les demandeurs soutiennent aussi qu’un examen final du risque devrait être effectué avant de renvoyer un demandeur; voir Say c. Canada (Solliciteur général), 46 Imm. L.R. (3d) 255 (C.F.). Les demandeurs affirment que le fait de fournir des motifs valables démontrant clairement que tous les éléments de preuve devant le Tribunal ont été pris en compte est la seule façon de s’assurer qu’une appréciation du risque est effectuée, comme le prévoit le Parlement; voir Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (Baker). Les demandeurs se fondent sur la décision Raudales c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 385, laquelle cite Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, pour affirmer qu’est déraisonnable une décision qui n’est étayée par aucun motif capable de résister à un « examen assez poussé ».

 

[22]           Les demandeurs soutiennent que des motifs valables doivent être fournis dans les décisions relatives à l’ERAR; voir Dervishi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 354.

 

[23]           Les demandeurs concluent que les motifs fournis dans la présente affaire ne révèlent aucun examen valable de la preuve présentée à l’agent d’ERAR. Selon eux, il ne s’agit pas plus que de phrases passe-partout qui pourraient être utilisées dans des centaines d’affaires semblables. Les motifs sont constitués principalement d’une série de conclusions.

 

[24]           Selon les demandeurs, le défendeur a admis que l’agent d’ERAR n’a pas [traduction] « examiné la preuve de façon valable » lorsqu’il a allégué [traduction] « qu’il n’incombait pas à l’agent “d’examiner la preuve de façon valable” (cela avait déjà été fait par la Section de la protection des réfugiés) » et qu’il incombait aux demandeurs de démontrer que la décision de la SPR ne devait plus s’appliquer. Les demandeurs soutiennent que la prétention du défendeur selon laquelle un examen n’est pas nécessaire en raison du fardeau de présentation de la preuve qui incombe aux demandeurs n’atténue pas la nécessité pour le décideur d’examiner la preuve présentée et de fournir des motifs qui font état de cet examen.

 

Le défendeur

 

[25]           Le défendeur invoque l’alinéa 113a) de la Loi et le paragraphe 161(2) du Règlement. L’alinéa 113a) prévoit que, dans le cadre d’une audience relative à l’ERAR, le demandeur ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande d’asile ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou « qu’il n’était pas raisonnable […] de s’attendre à ce qu’il les ait présentés » à la Commission.  

 

[26]           Le défendeur affirme que le processus d’ERAR n’est pas un appel de la conclusion de la Commission. Il s’agit simplement d’une possibilité pour une personne visée par une mesure d’expulsion de prouver qu’elle est maintenant exposée à un risque étant donné des éléments de preuve nouveaux et à jour si elle veut faire l’objet d’une évaluation des nouveaux risques qui sont survenus depuis l’audience relative à la demande d’asile; voir Raza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 385; Hausleitner c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 641; H.K. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1612; Kaybaki c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 32.

 

[27]           Le défendeur fait remarquer, comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans Raza, que l’alinéa 113a) de la Loi a été édictée dans le but d’éviter la « multiplication […] abusive des recours ». Le processus prévoit que l’agent de protection doit respecter une décision défavorable de la Commission, sauf si de nouveaux éléments de preuves sont apparus, qui auraient pu avoir un effet sur cette décision. Seule la preuve « substantielle » doit être prise en compte par l’agent de protection, et la preuve n’est « substantielle » que dans le cas où la demande d’asile aurait « probablement » été accueillie si cette preuve avait été présentée à la Commission. Tous les autres éléments de preuve présentés comme étant des faits nouveaux doivent être rejetés s’ils ne démontrent pas que les faits pertinents le jour de la décision de l’agent de protection sont substantiellement différents de ceux constatés par la Commission.

 

[28]           Le défendeur conclut que les conclusions de l’agent d’ERAR sont raisonnables et que les demandeurs n’ont démontré aucune erreur de sa part. Les demandeurs ne sont simplement pas satisfaits de la décision rendue, ce qui ne constitue pas un fondement adéquat pour étayer une demande présentée à la Cour. Il incombait aux demandeurs de démontrer que la décision de la SPR ne s’appliquait plus. Leur demande fondée sur l’article 96 avait été rejetée par la SPR et, selon le défendeur, rien ne justifiait la remise en cause de cette décision, compte tenu surtout du fait que les demandeurs avaient tardé à demander l’asile et de la plausibilité de leur récit. Quant à leur demande fondée sur l’article 97, les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils seraient vraisemblablement exposés à un risque.

 

ANALYSE

 

[29]           L’allégation des demandeurs que la décision en cause ne comporte aucune analyse, [traduction] « particulièrement en ce qui concerne l’examen de la situation actuelle du pays », ne trouve aucun appui dans la décision.

 

[30]           L’agent d’ERAR fait référence aux documents présentés par les demandeurs et explique que [traduction] « [c]ertains des documents présentés sont antérieurs à la décision de la Commission et étaient disponibles ou ont été pris en compte par la Commission. Les autres documents sont de nature générale et ne traitent pas de la situation particulière des demandeurs ou ne réfutent pas les conclusions de la Commission. »

 

[31]           L’agent explique ensuite ce qui suit :

 

 

[traduction]

Je crois qu’aucun de ces documents ne constitue une preuve de l’existence de nouveaux risques auxquels seraient exposés personnellement les demandeurs et qui seraient apparus après la décision de la Commission. L’article non daté susmentionné semble traiter d’incidents du passé et non de faits récents. Son contenu n’est pas étayé par la recherche la plus récente sur la situation du pays. Cependant, j’ai tenu compte de tous ces documents dans mon appréciation de la situation du pays.

 

[32]           Les demandeurs se plaignent qu’il n’y a aucune analyse des risques auxquels ils affirment être exposés qui ait été faite en fonction de la situation actuelle du pays. En d’autres mots, bien que les risques auxquels les demandeurs disent être exposés demeurent les mêmes, un changement de la situation du pays pourrait permettre de conclure que les demandeurs seraient exposés à un risque s’ils étaient renvoyés en Inde. Les demandeurs affirment que l’agent d’ERAR n’a pas abordé adéquatement cette question.

 

[33]           Il faut examiner l’analyse de l’agent d’ERAR et l’étendue des motifs en prenant les conclusions de la Commission comme toile de fond, notamment que les demandeurs ne couraient pas un plus grand danger que toute autre personne en Inde, que l’invasion de la maison par des militants sikhs ne s’était pas produite et que la police ne s’intéressait pas aux demandeurs.

 

[34]           La conclusion de l’agent d’ERAR selon laquelle il n’y avait aucune preuve de l’existence de nouveaux risques auxquels seraient exposés personnellement les demandeurs était tout à fait raisonnable au vu des observations et de la preuve dont il disposait. Bien que l’agent ait employé des phrases qui figurent dans d’autres affaires, cela ne veut pas dire qu’une analyse inadéquate a été réalisée. Les agents d’ERAR entendent de nombreuses causes et ils ne peuvent pas toujours varier la façon dont ils énoncent leurs conclusions.

 

[35]           De plus, l’agent d’ERAR dit expressément qu’il a examiné tous les éléments de preuve ainsi que la situation actuelle du pays. Dans le contexte de la présente affaire, j’estime que l’agent n’était pas tenu de fournir une autre explication. Les demandeurs doivent bien comprendre que, compte tenu de la situation actuelle en Inde, l’agent a conclu que les risques invoqués par les demandeurs ne sont toujours pas plus importants que ceux auxquels est exposée toute autre personne en Inde.

 

[36]           Les demandeurs n’ont présenté aucune observation qui donne à entendre que les conclusions de l’agent d’ERAR étaient déraisonnables au vu de la preuve dont il disposait et de la situation actuelle du pays. À mon avis, les motifs fournis en l’espèce étaient également adéquats et conformes à Baker. Je ne vois aucune raison de modifier la décision en cause.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.      La présente demande est rejetée;

2.      Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Annie Beaulieu, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1005-08

 

INTITULÉ :                                       BALVINDER KAUR, MANINDER KAUR

                                                            et SARABJIT SINGH c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 septembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE RUSSELL   

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 26 novembre 2008

 

COMPARUTIONS

 

Wennie Lee

 

POUR LES DEMANDEURS

Neal Samson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

Lee & Company

Service d’assistance judiciaire, conseils juridiques et service de contentieux en matière d’immigration

TORONTO (ONTARIO)

 

 

POUR LES DEMANDEURS

 

JOHN H. SIMS, c.r.

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

TORONTO (ONTARIO)

 

 

 

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.