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Date : 20081126

Dossier : IMM-2078-08

Référence : 2008 CF 1321

Ottawa (Ontario), le 26 novembre 2008

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

CHANG QING SONG

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’MMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), visant le contrôle judiciaire de la décision du 2 avril 2008 (la Décision), par laquelle le tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande présentée par le demandeur en vue de se voir reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger, sur le fondement des articles 96 et 97 de la Loi.

 

 

 

LE CONTEXTE

[2]               Le demandeur est un citoyen de 48 ans de la République populaire de Chine. Il est marié et a une fille.

 

[3]               Le père du demandeur est décédé en juin 2005. Son décès a incité le demandeur à adhérer au christianisme et à se joindre à une maison-église par l’intermédiaire de son ami Wei Zhou. Le 19 juin 2005, le demandeur a participé à sa première messe dans une maison‑église, et a continué de s’y rendre régulièrement jusqu’en mai 2006. Puisque cette église n’était pas reconnue auprès du gouvernement chinois, les gens qui la fréquentaient prenaient des précautions pour ne pas être découverts.

 

[4]               La femme du demandeur ne fréquentait pas la maison‑église, car elle ne partageait pas sa foi chrétienne. Le demandeur a été baptisé à l’église le 15 janvier 2005, et recevait l’eucharistie lorsque son pasteur effectuait des visites.

 

[5]               L’église a été découverte par la police chinoise le 21 mai 2006. Ce jour là, le demandeur était en retard à la messe, car il avait transporté sa mère à l’hôpital. Ayant remarqué les voitures de police, il a préféré faire demi-tour par mesure de précaution.

 

[6]               Plus tard dans la soirée, le demandeur a reçu un appel téléphonique de son ami Wei Zhou, l’informant qu’il y avait eu une descente à l’église, mais qu’il avait réussi à s’enfuir. Il a suggéré au demandeur de se cacher afin d’assurer sa sécurité. Le demandeur s’est caché dans la maison de son oncle dans un autre village.

 

[7]               Alors que le demandeur était caché, sa femme l’a informé que des représentants du Bureau de la sécurité publique (le BSP) étaient venus chez eux pour le rechercher relativement à des activités religieuses illégales. La femme du demandeur a nié, au BSP, que son mari avait participé à des activités religieuses illégales. Le BSP l’a toutefois informée qu’il avait déjà arrêté trois croyants et qu’il détenait suffisamment de preuve contre le demandeur.

 

[8]               Aussitôt, la famille du demandeur a engagé des passeurs pour le faire sortir clandestinement de la Chine. Le BSP est venu chez lui pour l’arrêter le 23 juin 2006.

 

[9]               Il est arrivé à Vancouver, au Canada, le 2 octobre 2006. En octobre 2006, il a commencé à fréquenter l’église Living Water Assembly de Toronto tous les dimanches. Le demandeur a également été baptisé à cette église le jour de Noël 2006.

 

[10]           La fille du demandeur étudie présentement au Japon. Son père l’a incité à adhérer au christianisme puisqu’elle habite désormais dans un pays libre et démocratique. Elle s’informe sur cette religion depuis mai 2007.

 

[11]           L’audience relative à la demande d’asile du demandeur a eu lieu le 26 mars 2008. Le demandeur a témoigné par l’intermédiaire d’un interprète mandarin-anglais. Lors de cette audience, il a présenté un témoignage de vive voix concernant ses activités chrétiennes en Chine et au Canada. Le 17 avril 2008, sa demande d’asile a été rejetée.

 

[12]           Le demandeur reconnaît qu’il était nerveux à l’audience et qu’il a oublié de mentionner qu’une bénédiction était prononcée à la fin de la messe à son église.

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

 

[13]           La Commission a conclu que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

 

[14]           La Commission a estimé que le témoignage de vive voix du demandeur et les documents à l’appui qu’il avait présentés prouvaient son identité de ressortissant de la République populaire de Chine. Toutefois, selon la prépondérance des probabilités, la Commission a conclu que le demandeur n’est pas et n’a jamais été membre d’une église chrétienne clandestine en République populaire de Chine.

 

[15]           Cette conclusion était fondée sur plusieurs renseignements soumis à l’agent :

1)                  Le demandeur, après seulement deux conversations avec un ami et sachant qu’il pouvait être arrêté et emprisonné et causer des problèmes à sa famille, a décidé de se joindre à l’église chrétienne clandestine;

2)                  Le demandeur a omis de mentionner si une bénédiction était prononcée à la fin de la messe;

3)                  Le BSP n’a pas, et n’a jamais eu, l’intention d’arrêter le demandeur en raison de ses activités religieuses;

4)                  Le demandeur était en mesure de quitter la République populaire de Chine en utilisant son propre passeport, même s’il soutenait que les passeurs avaient obtenu son passeport et son visa canadien illégalement;

5)                  Il est invraisemblable que les passeurs aient pu soudoyer les agents de l’aéroport de Beijing pour permettre au demandeur de passer le contrôle, car ils auraient eu à soudoyer des centaines d’agents, étant donné qu’il est impossible de savoir quel agent de la police des frontières serait en devoir ou vers quelle file le demandeur serait dirigé.

 

[16]           La Commission a conclu que le demandeur aurait très bien pu acquérir ses connaissances au sujet du christianisme au Canada pour fabriquer sa demande d’asile. Le demandeur n’a pas expliqué davantage à la Commission la raison pour laquelle il craignait la persécution en République populaire de Chine. Par conséquent, cette dernière a conclu qu’il ne risquait pas sérieusement d’être persécuté ou d’être exposé personnellement à une menace à sa vie, à des traitements ou peines cruels et inusités, ou d’être soumis à la torture par une autorité quelconque en République populaire de Chine.

 

[17]           De plus, la Commission a conclu que le demandeur pouvait retourner en République populaire de Chine sans craindre la persécution et que, s’il souhaitait réellement se convertir au christianisme, il pouvait y pratiquer cette religion librement dans une église reconnue.

 

[18]           La Commission a cité la preuve documentaire indiquant que des dizaines de millions de protestants en République populaire de Chine fréquentent des églises reconnues. De plus, la preuve a établi que les autorités ne sont pas favorables aux maisons‑églises soient déconseillées, mais celles­‑ci sont de plus en plus tolérées.

 

[19]           La Commission a estimé que la demande d’asile du demandeur n’avait pas été présentée « de bonne foi », et l’a donc rejeté.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[20]           Le demandeur soulève les questions suivantes :

1)      La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle lors de son évaluation de la crédibilité du demandeur?

2)      La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que le demandeur pouvait pratiquer la religion chrétienne à l’église patriotique de Chine?

 

 

 

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[21]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

Personne à protéger

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Person in need of protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

Person in need of protection

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[22]           Dans Dunsmuir c. New Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a reconnu que, bien que la norme de la décision raisonnable simpliciter et celle de la décision manifestement raisonnable soient théoriquement différentes, « les difficultés analytiques soulevées par l’application des différentes normes réduisent à néant toute utilité conceptuelle découlant de la plus grande souplesse propre à l’existence de normes de contrôle multiples » (Dunsmuir, au par. 44). Par conséquent, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il y avait lieu de fondre en une seule les deux normes de raisonnabilité.

 

[23]           Dans Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a également conclu qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à l’analyse relative à la norme de contrôle. En fait, lorsque la norme de contrôle applicable à une question particulière soumise au tribunal de révision est bien établie par la jurisprudence, ce dernier doit adopter cette norme. Si elle ne l’est pas, alors le tribunal de révision doit tenir compte des quatre facteurs se rapportant à l’analyse relative à la norme de contrôle.

 

[24]           Ainsi, à la lumière de Dunsmuir et des autres arrêts de la Cour suprême du Canada, j’estime que la norme de contrôle applicable à la présente question est celle de la raisonnabilité. Lorsqu’un tribunal procède au contrôle d’une décision suivant la norme de la raisonnabilité, l’analyse tient à la « justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au par. 47). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la Décision est déraisonnable, en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

LES ARGUMENTS

            Le demandeur

                        La crédibilité

 

[25]           Le demandeur soutient que, conformément au principe fondamental et central du droit des réfugiés, lorsqu’un demandeur d’asile affirme sous serment que certaines allégations sont vraies, il existe une présomption qu’elles le sont à moins de raisons valides de les réfuter : Permaul c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1983] A.C.F. no 1082 (C.A.F.), et Armson c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] A.C.F. no 800 (C.A.F.).

 

[26]           Le demandeur fait valoir que la Commission n’avait pas suffisamment de motifs pour rejeter la présomption de véracité en l’espèce. Il a d’autant plus raison, puisque les motifs à l’appui de la conclusion défavorable quant à sa crédibilité sont principalement fondés sur le fait qu’il a omis de mentionner qu’une bénédiction était prononcée à la messe de sa maison‑église en Chine. Le demandeur a déclaré qu’il était très nerveux, et il s’agit là d’une explication crédible quant à la raison pour laquelle il n’a pas mentionné au départ qu’une bénédiction était prononcée lorsqu’il décrivait la messe.

 

[27]           Le demandeur affirme que la Commission a été excessivement critique en fondant sa décision sur son omission de mentionner la bénédiction. Il cite et invoque la décision de notre Cour dans Gjota c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 1299, au paragraphe 5 :

[5] […] Comme il a été jugé dans Attakora c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 99 N.R. 168 (C.A.F.), la Commission doit éviter de manifester trop de zèle à déceler des contradictions dans le témoignage d’un demandeur et ne doit pas faire preuve d’une vigilance excessive en examinant à la loupe les dépositions des personnes qui témoignent par l’intermédiaire d’un interprète. En l’espèce, je suis convaincu que la Commission a examiné de façon trop minutieuse le témoignage du demandeur concernant cette question.

 

           

[28]           Le demandeur a également soutenu que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a conclu qu’il était invraisemblable que le passeur ait pu soudoyer les agents de l’aéroport. Le demandeur mentionne que notre Cour a renversé une conclusion semblable de la Commission dans une décision récente intitulée Zhang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2008 CF 533.

 

[29]           Le demandeur affirme qu’il n’a pas acquis ses connaissances sur le christianisme lorsqu’il était au Canada. Là encore, il cite la décision Zhang, au paragraphe 13, lequel prévoit qu’à moins qu’un tribunal puisse mentionner ou fournir des faits pour prouver son inférence, il émet simplement des conjectures. C’est ce que la Commission a fait en l’espèce.

 

[30]           Dans Zhang, notre Cour a estimé que Mme Zhang aurait pu acquérir ses connaissances du Falun Gong autant au Canada qu’en Chine. Notre Cour a conclu que la Commission n’avait pas mentionné ou établi de faits qui lui permettaient de conclure qu’il était plus probable que les connaissances de Mme Zhang aient été acquises au Canada. Par conséquent, notre Cour a estimé que la conclusion de la Commission portant que Mme Zhang avait acquis ses connaissances du Falun Gong au Canada constituait une conjecture.

 

 

[31]           Le demandeur conclut, à partir de la jurisprudence citée précédemment, que l’évaluation défavorable de sa crédibilité devrait être annulée.

 

La pratique à l’église patriotique chinoise

 

[32]           Le demandeur fait valoir qu’il fréquentait l’église Living Water Assembly de Toronto depuis plus d’un an et demi. Il a déclaré que l’église patriotique de Chine offense ses croyances chrétiennes et qu’elle n’est pas une véritable église chrétienne, car elle est contrôlée par le Parti communiste, qui est athée. De plus, l’église patriotique place le Parti communiste devant Dieu, ce qui constitue une violation des Dix Commandements.

 

[33]           Dans sa lettre du 20 janvier 2008 présentée à la Commission, le révérend Ko de l’église Living Water Assembly affirme qu’il est allé en Chine continentale à plusieurs reprises; il sait que les chrétiens y sont persécutés et que les vrais chrétiens ne peuvent pratiquer leur religion ouvertement et librement.

 

[34]           Le demandeur poursuit en traitant de la preuve documentaire présentée à la Commission au soutien de sa thèse. Il prétend que la Commission, même si elle reconnaît la preuve documentaire, ne mentionne pas les documents à l’appui de ses affirmations sur la répression religieuse et la persécution qui continuent en Chine. Le demandeur affirme que cette utilisation sélective de ses documents constitue une erreur susceptible de contrôle de la part de la Commission.

 

[35]           Le demandeur mentionne également que dans ses motifs, la Commission fait référence à des renseignements sur Shanghai, alors qu’il est originaire de Tianjin. Il soutient que la Commission a simplement « coupé-collé » une autre décision qui ne s’applique pas en l’espèce. Ainsi, la Commission a commis plusieurs erreurs de droit susceptibles de contrôle dans son évaluation de la présente demande d’asile.

 

Le défendeur

            La crédibilité

 

[36]           Le défendeur affirme que la Commission n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que le demandeur n’était pas crédible. De plus, la Commission a l’obligation d’énoncer ses conclusions défavorables à la crédibilité du demandeur en termes clairs et explicites au moyen d’exemples pour étayer ses doutes quant à la preuve : Hilo c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] A.C.F. no 228.

 

[37]           Le défendeur affirme que la décision de la Commission est fondée notamment sur le fait que le demandeur ne connaissait pas assez les cérémonies chrétiennes, et sur le fait qu’il prétend avoir quitté la Chine avec son propre passeport authentique alors qu’il était recherché par le BSP.

[38]           Le défendeur invoque la décision Maldonado c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 C.F. 302 (C.A.F.), à la page 305, pour faire valoir que l’application de la présomption selon laquelle un témoignage est vrai est fondée sur l’absence de raisons d’en douter. Le défendeur prétend que la Commission avait de nombreuses raisons de douter de la véracité de la preuve du demandeur. La Commission a notamment estimé qu’il était invraisemblable que le demandeur se joigne à une église chrétienne clandestine après seulement deux conversations avec un ami, surtout compte tenu des risques bien connus que représenterait un tel acte. De plus, le demandeur a donné trois réponses différentes à la question de savoir comment il avait réussi à passer le contrôle de la sécurité à l’aéroport avec son propre passeport, alors qu’il était recherché par le BSP. La Commission a également rejeté la preuve du demandeur portant qu’il avait obtenu un passeport à son nom illégalement grâce à un passeur, et qu’il l’avait remis à ce dernier après avoir passé les douanes canadiennes.

 

[39]           S’appuyant sur la décision Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 732 au paragraphe 4, le défendeur fait valoir que personne, mieux que la Commission, n’est en mesure de jauger la crédibilité ou la plausibilité d’un témoignage et de tirer les inférences qui s’imposent.

 

[40]           Le défendeur soutient que devant des inférences ou des conclusions que la Commission pourrait raisonnablement tirer au vu du dossier, la Cour ne devrait pas intervenir, qu’elle soit ou non en accord avec ces inférences : Aguebor. Le demandeur n’est simplement pas d’accord avec les conclusions de la Commission qui étaient fondées sur la preuve dont elle disposait. L’intervention de la Cour n’est pas justifiée : Brar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] A.C.F. no 346 (C.A.F.) et Ye c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 1233. Si la Commission ne croit pas qu’un incident principal est survenu, toute autre erreur reprochée n’a aucune pertinence : Yang c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 121 (C.A.F.).

 

[41]           Le défendeur soutient que la Commission est un tribunal spécialisé et que la preuve relative à la situation dans le pays en cause ainsi qu’à d’autres questions de fait relèvent de sa compétence. Par conséquent, la Commission a le droit de déterminer le poids qu’il convient d’accorder à chacun des éléments de preuve et de tirer ses conclusions en fonction de la preuve. Notre Cour ne devrait pas substituer son opinion à celle de la Commission : Shehzad Khokhar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2008 CF 449 et art. 162 de la Loi.

 

[42]           Le défendeur affirme également que le demandeur n’a pas établi que la Commission a ignoré ou mal interprété ses éléments de preuve. Ses arguments se résument au fait que la Commission n’a pas apprécié la preuve en sa faveur. Les questions de crédibilité et d’appréciation de la preuve relèvent de la compétence de la Commission, et ce n’est pas à notre Cour d’apprécier de nouveau la preuve : Brar; Bela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 902, au par. 13; Fernando c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] CFPI 993; Castro c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 787 (C.F. 1re inst.) et Nosa c. Canada (Solliciteur général) 2004 CF 1248.

 

[43]           Le défendeur cite et invoque les propos qu’a tenus le juge en chef Thurlow (alors juge en chef de la Cour d’appel fédérale) au paragraphe 1 dans Brar :

Nous estimons que la plaidoirie de l’avocat du requérant ne soulève que des questions ayant trait à la crédibilité et au poids des éléments de preuve et ne fournit aucun fondement légal permettant à cette cour de modifier la décision de la Commission d’appel de l’immigration.

 

[44]           Le défendeur prétend que la Commission avait des éléments de preuve à sa disposition qui, dans leur ensemble, appuient son évaluation défavorable de la crédibilité du demandeur. Compte tenu de ces éléments de preuve, les conclusions et les inférences qu’elle a tirées étaient raisonnables. Par conséquent, la Cour ne devrait pas intervenir dans la Décision : Larue c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 484; Sidhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2001 CFPI 685 et Sharif c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2001 CFPI 542.

 

[45]           Le défendeur soutient également que la Décision ne devrait pas être scrutée à la loupe. Les conclusions de la Commission relatives à la crédibilité du demandeur étaient fondées sur la preuve et raisonnablement tirées au vu du dossier.

 

[46]           La Commission a estimé que le demandeur n’était pas un membre d’une église chrétienne clandestine craignant la persécution, car son histoire était invraisemblable. Même si elle avait été vraisemblable, la Commission aurait pu tirer une conclusion contraire : Krishnapillai c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) 2007 CF 563, au par. 11. Par conséquent, les conclusions de la Commission concernant la vraisemblance de l’histoire du demandeur étaient raisonnables.

 

La pratique à l’église patriotique chinoise

 

[47]           Le défendeur fait valoir relativement à cette question que la Commission a apprécié la preuve dont elle disposait en fonction de la capacité des protestants de pratiquer leur religion en Chine. La Commission a conclu que rien n’établissait que les membres des églises reconnues ne pouvaient pratiquer leur religion librement. Elle a également conclu qu’il existait des éléments de preuve démontrant que les autorités ne sont pas favorables aux maisons‑églises, mais celles‑ci sont de plus en plus tolérées. La Commission s’est fondée sur des renseignements tirés du quotidien Christian Science Monitor (« Chine : information sur la situation des protestants et le traitement que leur réservent les autorités, notamment au Fujian et au Guangdong (2001-2005) », CHN 100387.EF), notamment :

-                     [O]n a entamé en 2004 la construction de deux nouvelles églises protestantes à Beijing, dont chacune devait avoir une capacité de 4 000 à 5 000 personnes;

-                     Au moins cinq autres églises devaient être construites à Beijing en 2004; le long de la côte sud‑est de Chine, les protestants membres de l’Église non officielle participaient à des groupes d’étude sur la Bible, à des répétitions de chœurs et à des groupes de bénévoles;

-                     Tout en reconnaissant que des dirigeants religieux se faisaient parfois arrêter en Chine, le secrétaire exécutif du conseil chrétien de Hong Kong déclare dans une communication écrite à la Direction des recherches que selon le gouvernement central actuel, l’attitude à adopter vis-à-vis des groupes chrétiens non enregistrés doit être un mélange de dissuasion et de tolérance;

-                     Les autorités sont très conscientes des activités des groupes religieux non enregistrés; des dirigeants sont arrêtés régulièrement, non pas en raison de la politique sur la religion, mais plutôt lorsque les rencontres des groupes religieux non enregistrés « deviennent trop violentes ou visibles » ou lorsque les représentants locaux tentent d’extorquer de l’argent aux églises non enregistrées;

-                     En 2004, on a remarqué que les autorités des principales villes de Chine avaient commencé à traiter moins durement les protestants non enregistrés.

 

[48]           Le défendeur soutient que, même si notre Cour estime que la Commission a commis une erreur en concluant que le demandeur pouvait pratiquer sa religion dans une église reconnue – ce qu’il nie – cette conclusion n’était pas essentielle à la conclusion principale portant que le demandeur n’a pas établi qu’il était membre d’une église clandestine.

 

[49]           Le défendeur conclut en disant que le demandeur n’a fourni aucune preuve que la Commission a « coupé-collé » une autre décision. Il soutient que même si la Commission a peut‑être fait une erreur typographique, cette erreur est sans conséquence. La question déterminante était la crédibilité, et le lieu de naissance du demandeur n’était pas pertinent quant à la conclusion de la Commission relative à la crédibilité.

 

 

ANALYSE

 

[50]           J’accepte la thèse du défendeur selon laquelle les conclusions de l’agent relatives à la vraisemblance et à la crédibilité en l’espèce sont cumulatives et que, conformément à Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), au paragraphe 4, « [d]ans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d’attirer notre intervention, ses conclusions sont à l’abri du contrôle judiciaire ». Autrement dit, un degré élevé de retenue doit être exercé à l’égard des conclusions de la Commission relatives à la crédibilité en l’espèce, et il incombe au demandeur de démontrer que la Commission n’a pu tirer raisonnablement les inférences.

 

[51]           Maintenant que j’ai accepté cette thèse, je dois néanmoins conclure que, sur le fondement des faits et des inférences tirées par la Commission en l’espèce, la Décision est déraisonnable et  n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. J’en arrive à cette conclusion pour plusieurs motifs.

 

[52]           Tout d’abord, puisqu’il s’agit d’une Décision par laquelle l’agent a examiné un ensemble d’invraisemblances pour tirer ses conclusions relatives à la crédibilité, cela signifie qu’une erreur déraisonnable occasionne une rupture du raisonnement et met en doute la Décision dans son ensemble.

 

[53]           Ensuite, bon nombre de conclusions importantes ne sont tout simplement pas raisonnables.

[54]           Par exemple, l’agent a rejeté l’explication du demandeur concernant son omission de mentionner la bénédiction au motif que « le demandeur d’asile affirme avoir fréquenté l’église chrétienne clandestine chaque semaine entre le 19 juin 2005 et mai 2006, soit une période de près d’un an » et que « la bénédiction est un moment important et significatif au cours d’une messe ».

 

[55]           Le demandeur a affirmé qu’il était nerveux et a expliqué qu’il avait oublié de mentionner la bénédiction. Toutefois, lorsqu’on lui a demandé si une bénédiction était prononcée, il a répondu par l’affirmative sans hésitation.

 

[56]           Il s’agit d’un aspect insignifiant sur lequel fonder une conclusion défavorable à la crédibilité. Le fait que le demandeur a correctement et sans hésitation décrit le reste de la messe n’est pas pris en compte, et l’agent a choisi l’omission pour fonder sa conclusion. De plus, il affirme audacieusement, sans preuve ou explication, que « la bénédiction est un moment important et significatif au cours d’une messe ». L’agent n’explique pas ou ne justifie pas pourquoi la bénédiction est plus significative que, disons, la récitation du Notre Père, la lecture de la Bible, les homélies et la convocation de la prochaine réunion, qui sont toutes des activités que le demandeur a relatées correctement et sans hésitation.

 

[57]           Cet aspect ne saurait, en soi, rendre la Décision déraisonnable mais, tout comme le défendeur prétend que l’effet cumulatif des conclusions relatives à la vraisemblance et à la crédibilité en l’espèce est important, l’incidence cumulative des erreurs permet aussi de rendre la Décision déraisonnable. Interprétée dans son contexte, la conclusion relative à la bénédiction révèle que l’agent était empressé de trouver une façon de réfuter la présomption de véracité et qu’il a accordé à la question de la bénédiction un sens plus grand que celui qui peut lui être raisonnablement attribué. Voir Gjota.

 

[58]           L’agent a également fondé ses conclusions relatives à la crédibilité sur le fait que le demandeur « a dit s’être joint à une organisation illégale après seulement deux conversations et en connaissant les risques […] ». Cette conclusion est étrange, car, comme l’indique la page 225 du dossier certifié du tribunal, la Commission était d’accord avec les observations de l’avocat du demandeur selon lesquelles l’explication de son client sur la façon dont il est devenu chrétien et la raison qui l’a poussé à le faire n’était [traduction] « pas en soi invraisemblable ». La Commission avait répondu aux observations de l’avocat de la manière suivante : [traduction] « Ceci est très subjectif, je ne peux être en désaccord avec vous. »

 

[59]           Pourtant, dans ses motifs, la Commission est en désaccord et ne donne aucune explication justifiant un changement de position aussi extrême. À l’audience, l’avocat du demandeur croyait que cette question était tranchée en faveur de son client. S’il en avait été autrement, il aurait probablement modifié ses observations. Le changement de position inexpliqué de la Commission laisse croire, là encore, qu’elle cherchait une façon de soutenir ses conclusions selon lesquelles le demandeur n’avait pas droit à la présomption de véracité, plutôt que d’examiner la preuve objectivement.

 

[60]           La Commission passe au prochain point dans ses motifs en affirmant ce qui suit : « Pour étayer ma constatation selon laquelle le demandeur d’asile n’est pas, et n’a jamais été, membre d’une église chrétienne clandestine en République populaire de Chine […] » La Commission n’est pas chargée de trouver des façons d’« étayer » ses conclusions précédentes. Elle est chargée d’apprécier la preuve objectivement.

 

[61]           La conclusion suivante est extrêmement importante quant à l’analyse globale de la Commission relative à la crédibilité du demandeur :

Lorsqu’on lui a demandé comment il avait pu quitter la République populaire de Chine par l’aéroport de Beijing en octobre 2006 s’il était recherché par le Bureau de la sécurité publique depuis juin 2006, le demandeur d’asile a indiqué que le passeur avait soudoyé les agents. Je rejette cette explication. Bien que la République populaire de Chine soit aux prises avec des problèmes liés à la corruption, j’estime que cette explication n’est pas vraisemblable; le passeur aurait eu à soudoyer des centaines d’agents, étant donné qu’il est impossible de savoir quel agent de la police des frontières serait en devoir ou vers quelle file le demandeur d’asile (et le passeur) seraient dirigés.

 

 

[62]           Cette conclusion est étrange, car l’avocat du demandeur avait expressément attiré l’attention de la Commission vers la preuve documentaire, laquelle démontrait précisément comment l’explication du demandeur pouvait être justifiée.

 

[63]           La demande d’information CHN36091.EF définit les mesures de sécurité et de contrôle des sorties à l’aéroport de Beijing :

Le système de contrôle des sorties de l'aéroport de Beijing est informatisé et tous les noms doivent être vérifiés à l'aide de ce système. Toutefois, comme pour tout système, des erreurs peuvent se produire ou des noms peuvent être entrés incorrectement, donc les personnes recherchées en Chine ne devraient pas pouvoir quitter le pays, mais cela peut se produire.

 

[64]           En fait, la juge Dawson a traité ce même point dans Zhang, où elle a conclu ce qui suit au paragraphe 11 :

En raison de la preuve susmentionnée, je conclus que la Commission a fait une conjecture lorsqu’elle a conclu qu’il y avait possiblement des centaines de fonctionnaires à soudoyer. Un seul fonctionnaire ayant accès au système informatique suffirait.

 

[65]           Ce même point et cette même conclusion s’appliquent exactement à l’espèce. En fait, lorsque cette conclusion a été portée à l’attention de la Commission par l’avocat du demandeur à l’audience, la Commission a répondu ce qui suit :

[traduction]

Avocat :                       Comme pour tout système, des erreurs peuvent se produire ou des noms peuvent être entrés incorrectement, donc les personnes recherchées en Chine ne devraient pas pouvoir quitter le pays, mais cela peut se produire. Ainsi, cette preuve confirme que cela peut se produire.

Président de l’audience :           C’est possible.

Avocat :                                   Oui, mais il s’agit de sa preuve, et elle confirme que cela peut se produire.

Président de l’audience :           Oui, d’accord, c’est juste.

 

[66]           La Commission a accepté à l’audience que ce type d’erreur pouvait se produire. Pourtant, dans ses motifs, elle se fonde sur de la pure conjecture pour conclure que le passeur aurait eu à soudoyer « des centaines d’agents » si le témoignage du demandeur était vrai.

 

[67]           Cette conclusion relative au témoignage du demandeur dans lequel il explique comment il a réussi à franchir l’aéroport de Beijing est cruciale quant à la Décision dans son ensemble.

 

[68]           De même, en ce qui concerne ses conclusions quant aux connaissances du demandeur relatives au christianisme et à l’endroit où il les a acquises, la Commission se fonde sur de la pure conjecture pour réfuter la présomption de véracité dont bénéficie le témoignage du demandeur selon lequel il est devenu chrétien et a acquis ses connaissances sur le christianisme en Chine. Le même point a été soulevé dans Zhang, et la juge Dawson l’a traité comme suit au paragraphe 13 :

Enfin, il est possible que Mme Zhang ait acquis ses connaissances du Falun Gong au Canada. Il est tout aussi possible que ses connaissances du Falun Gong aient été acquises en Chine. Il n’y a aucun fait établi, et certainement aucun mentionné par la Commission, selon lequel la Commission pouvait conclure qu’il était plus probable que les connaissances de Mme Zhang avaient été acquises au Canada. La conclusion selon laquelle la Commission a rejeté le témoignage de Mme Zhang concernant ses connaissances du Falun Gong constituait donc une conjecture parce que non étayée par la preuve. Selon la preuve, il était possible, sans que ce fût établi comme probable, que Mme Zhang ait acquis ses connaissances du Falun Gong au Canada.

 

[69]           Les pratiques religieuses du demandeur au Canada concordent entièrement avec son témoignage concernant la façon dont il est devenu chrétien en Chine et dont il a acquis ses connaissances religieuses. Rien à la disposition de la Commission ne permettait d’étayer sa conclusion conjecturale portant qu’il aurait pu acquérir ses connaissances religieuses au Canada plutôt qu’en Chine.

 

[70]           Le défendeur prétend que les conclusions de la Commission portant que le demandeur pouvait pratiquer sa religion librement en Chine dans une église approuvée par l’État constituent un motif subsidiaire à la Décision. Toutefois, la Décision dans son ensemble révèle que l’approche adoptée par la Commission quant à cette question est conforme à ses conclusions conjecturales qui font abstraction de la preuve fort pertinente produite par le demandeur.

 

[71]           La Commission a affirmé que « [r]ien n’indique que les membres des églises reconnues ne peuvent pas pratiquer leur religion librement ». Pourtant, elle disposait d’amplement de preuve démontrant que la religion n’est pas pratiquée librement dans les églises reconnues en Chine et que les membres d’églises clandestines sont persécutés. La Commission ne doit pas seulement apprécier et pondérer un salmigondis d’éléments de preuve contraires. Un article du China Aid cité par le demandeur mentionne clairement que [traduction] « l’État est le chef de l’Église » et que [traduction] « les messages religieux doivent être “compatibles avec le socialisme” ». Cela signifie que [traduction] « [l]es pasteurs sont dissuadés de prêcher la divinité de Jésus, ses miracles ou sa résurrection, pour que les croyants et les non-croyants puissent s’unir en vue de construire une Chine prospère et socialiste » :

[traduction] Par conséquent, de plus en plus de croyants ont abandonné les églises du Mouvement des Trois Autonomies pour commencer à se réunir dans leur maison. La plupart des chrétiens se réunissent maintenant dans des maisons‑églises, où ils prêchent, pratiquent leur religion et évangélisent, risquant de perdre leur emploi et leur maison, ainsi que de se faire arrêter, emprisonner, torturer et tuer […]

 

[72]           En présence de cette preuve, la Commission a estimé qu’elle pouvait raisonnablement conclure que « [r]ien n’indique que les membres des églises reconnues ne peuvent pas pratiquer leur religion librement ». À mon avis, si les pasteurs sont dissuadés de prêcher la divinité de Jésus, ses miracles et sa résurrection, ce qui fait en sorte que les croyants doivent se tourner vers des églises clandestines, alors les membres d’églises reconnues ne peuvent pratiquer et croire en la doctrine fondamentale de la religion chrétienne. Cela ne m’apparaît pas comme de la liberté religieuse et, à cet égard, les conclusions de la Commission sur ce point vont au‑delà des conclusions raisonnables que l’on peut tirer de la preuve.

 

[73]           Même si la Commission avait apprécié un « salmigondis d’éléments de preuve », elle aurait dû analyser la preuve convaincante qui réfute ses propres conclusions, conformément aux principes établis dans Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1425, aux paragraphes 14 à 17 et 27.

 

[74]           La Commission a apprécié la preuve de façon sélective dans le but d’« étayer » ses propres conclusions.

 

[75]           Je suis bien conscient que certaines conclusions de la Commission défavorables au demandeur ne sont pas déraisonnables. Par contre, j’estime que, considérées dans leur ensemble, les conclusions déraisonnables sont suffisantes pour invalider la Décision entière. Ainsi, la présente affaire devrait être renvoyée pour un nouvel examen.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que

 

1.      La présente demande soit accueillie et l’affaire est renvoyée pour un nouvel examen par un autre agent.

2.      Aucune question à certifier n’a été soumise.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Mylène Boudreau


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2078-08

 

INTITULÉ :                                       CHANG QING SONG c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 21 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE RUSSELL   

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 26 novembre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Mark Rosenblatt

 

POUR LE DEMANDEUR

Eleanor Elstub

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mark Rosenblatt

AVOCAT

TORONTO (ONTARIO)

 

 

POUR LE DEMANDEUR

 

JOHN H.SIMS, c.r.

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

TORONTO (ONTARIO)

 

 

 

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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