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Date : 20081202

Dossier : IMM‑1527‑08

Référence : 2008 CF 1338

Ottawa (Ontario), le 2 décembre 2008

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

GUNWANT RAI

SURINDER KAUR alias KURAMI

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Introduction

[1]               [49]           La déférence inhérente à la norme de la raisonnabilité implique donc que la cour de révision tienne dûment compte des conclusions du décideur. Comme l’explique Mullan, le principe de la déférence [traduction] « reconnaît que dans beaucoup de cas, les personnes qui se consacrent quotidiennement à l’application de régimes administratifs souvent complexes possèdent ou acquièrent une grande connaissance ou sensibilité à l’égard des impératifs et des subtilités des régimes législatifs en cause » : D. J. Mullan, « Establishing the Standard of Review – The Struggle for Complexity? » (2004), 17 C.J.A.L.P. 59, p. 93. La déférence commande en somme le respect de la volonté du législateur de s’en remettre, pour certaines choses, à des décideurs administratifs, de même que des raisonnements et des décisions fondés sur une expertise et une expérience dans un domaine particulier, ainsi que de la différence entre les fonctions d’une cour de justice et celles d’un organisme administratif dans le système constitutionnel canadien.

 

(Comme l’a mentionné la majorité dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190).

 

II.  Procédure judiciaire

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision en date du 4 mars 2008, par laquelle une agente d’immigration a rejeté la demande de résidence permanente des demandeurs, laquelle était fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (la demande CH), conformément à l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

 

III.  Faits

[3]               Les demandeurs, M. Gunwant Rai et Mme Surinder Kaur, alias Kurami, sont des citoyens indiens. Le demandeur principal, M. Rai, est arrivé au Canada en 1989.

 

[4]               En 1992, M. Rai a revendiqué le statut de réfugié. Après un premier refus, qui a été annulé par la Cour fédérale, la revendication a encore une fois été refusée en 1995.

 

[5]               En 1992, M. Rai a fait l’objet d’une interdiction de séjour conditionnelle, laquelle a pris effet le 11 avril 1997.

 

[6]               En 1998, M. Rai a déposé une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, laquelle a été acceptée lors de la première évaluation, le 21 avril 1998. Lors de la seconde évaluation, la demande a été rejetée pour cause d’interdiction de territoire, M. Rai ayant été déclaré coupable de deux chefs d’agression sexuelle en 2000 (DCT, aux pages 302 et 306; voir également la pièce B jointe à l’affidavit de Francine Lauzé).

 

[7]               En 2003, M. Rai a déposé une demande en vue d’un examen des risques avant renvoi (l’ERAR) (DCT, aux pages 467 et 497; voir également la pièce C jointe à l’affidavit de Francine Lauzé). Cette demande a été refusée le 8 octobre 2003 (DCT, à la page 453).

 

[8]               Après qu’il eut omis de se présenter, comme on le lui avait demandé, en vue d’être renvoyé du Canada le 16 février 2004, un mandat d’arrestation a été délivré à l’encontre de M. Rai le 17 février 2004 (pièce D jointe à l’affidavit de Francine Lauzé, et DCT, à la page 330).

 

[9]               Au mois de juillet 2007, M. Rai a déposé une autre demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Cette demande CH, qui est ici en cause, a été refusée le 4 mars 2008 (DCT, à la page 247).

 

[10]           L’agente a conclu que les demandeurs n’avaient pas invoqué des motifs d’ordre humanitaire suffisants pour justifier la levée de l’application du paragraphe 11(1) de la LIPR. En particulier, l’agente n’a pas cru que les demandeurs subiraient des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’ils étaient obligés de demander la résidence permanente à l’extérieur du Canada.

 

[11]           Mme Kaur est arrivée au Canada au mois de mars 2004 et elle a demandé l’asile. À l’appui de sa demande d’asile, elle a allégué qu’elle avait perdu sa fille en 1985 et que son mari avait disparu en 1994. Il s’agit d’une fausse déclaration que Mme Kaur a faite en vue de tenter d’induire en erreur les autorités de l’Immigration, bien que Mme Kaur ait par la suite corrigé sa déclaration; néanmoins, l’allégation initiale avait été faite.

 

IV.  Point litigieux

[12]           L’agente a‑t‑elle commis une erreur dans sa décision fondée sur des motifs d’ordre humanitaire?

 

V.  Dispositions législatives

[13]           Une demande d’examen visant à permettre au demandeur de rester au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR est composée de deux évaluations distinctes (article 68 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement); voir en outre le Guide IP5 « Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire »).

 

[14]           La première évaluation consiste à déterminer s’il convient ou non de lever les critères de sélection applicables, de façon que les demandeurs puissent demander la résidence permanente depuis le Canada. Il incombe aux demandeurs de convaincre l’agent d’immigration que les facteurs d’ordre humanitaire qui existent dans leur cas sont suffisants pour justifier la levée des critères. Plus précisément, les demandeurs doivent convaincre l’agent d’immigration que, vu leur situation, l’obligation de demander un visa de résident permanent à l’extérieur du Canada leur causerait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives.

 

[15]           La seconde évaluation consiste à déterminer si les demandeurs ont ou non l’intention d’établir leur résidence permanente au Canada et s’ils sont ou non interdits de territoire (article 68 et alinéas 72(1)b) et e) du Règlement).

 

[16]           En l’espèce, la demande visant l’obtention du statut de résident permanent pour des motifs d’ordre humanitaire a été rejetée lors de la première évaluation. En d’autres termes, l’agente a conclu que les demandeurs n’avaient pas réussi à établir les difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives qui leur seraient causées s’ils devaient demander leur visa de résident permanent à l’extérieur du Canada.

 

VI.  Norme de contrôle

[17]           La norme de contrôle applicable à la décision de l’agente, en ce qui concerne la question de savoir s’il convient ou non de lever les critères pour des motifs d’ordre humanitaire, est la raisonnabilité (Tikhonova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 847, [2008] A.C.F. no 1068 (QL); Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 646, 167 A.C.W.S. (3d) 974, aux paragraphes 10 à 13).

 

[18]           Comme il en a récemment été fait mention dans la décision Tikhonova, précitée, la Cour n’interviendra que si, au regard des faits et du droit, la décision n’est pas l’une des issues possibles acceptables :

[16]      [...] Lorsqu’une décision est examinée selon la norme de la raisonnabilité, l’analyse s’attache à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir au paragraphe 47). En d’autres termes, la Cour ne peut intervenir que si la décision de l’agent était déraisonnable, c’est‑à‑dire si elle n’est pas l’une des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

[19]           Compte tenu des documents et des renseignements fournis à l’agente, la demande de levée des critères était fondée sur deux motifs d’ordre humanitaire; (1) le degré d’établissement au Canada; (2) le risque que comporte un retour en Inde pour demander un visa.

 

VII.  Analyse

Le degré d’établissement

[20]           Plus précisément, l’agente d’immigration a fait remarquer que le degré d’établissement des demandeurs au Canada n’était pas suffisant pour causer des difficultés s’ils devaient demander un visa de résident permanent depuis l’Inde. Les demandeurs contestent cette conclusion en invoquant plusieurs motifs.

 

a) Les déclarations de culpabilité prononcées au criminel

[21]           Premièrement, le demandeur principal allègue que l’agente n’avait pas le droit de tenir compte des déclarations de culpabilité pour agression sexuelle dont il avait fait l’objet au criminel; toutefois, le Guide IP5, qui renferme les directives applicables à de telles demandes, prévoit expressément qu’une déclaration de culpabilité prononcée au criminel constitue une considération pertinente à la première étape de l’évaluation (IP5, sections 11.2 et 11.3).

 

[22]           La section 11.2 du Guide IP5 prévoit qu’en évaluant le degré d’établissement du demandeur au Canada à la première étape de l’évaluation, l’agent peut s’arrêter à la question de savoir si le demandeur a « un bon dossier civil au Canada (p. ex., aucune intervention de la police ou d’autres autorités pour abus de conjoint ou d’enfants, condamnation criminelle) » (IP5, section 11.2, à la page 27).

 

[23]           La section 11.3 du Guide IP5 énonce la procédure à suivre si, « avant ou pendant l’étude des facteurs CH, on découvre une interdiction de territoire connue ou soupçonnée » (IP5, section 11.3, à la page 27). Voici ce qui est dit :

Le rapport entre ces faits et la décision CH est important, puisque l’agent, à ce stade, ne prend pas de décision d’interdiction de territoire ou de non‑interdiction de territoire. Il examine toutes les circonstances personnelles du demandeur, telles que fournies par ce dernier et connues du Ministère, pour décider si les motifs sont suffisants pour prendre une décision CH favorable.

 

Les faits liés à l’interdiction de territoire connue ou soupçonnée peuvent être pertinents à la décision CH (par exemple, le demandeur a été condamné au criminel). Dans l’étude de la décision CH, l’agent ne doit pas se soucier de savoir si la condamnation rend ou non le demandeur interdit de territoire. Toutefois, il peut tenir compte de facteurs comme les actions du demandeur, notamment celles qui ont mené à la condamnation et qui ont suivi.

 

[24]           La procédure établie dans le Guide IP5 a été approuvée par la juge Eleanor Dawson dans la décision Espino c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 74, 308 F.T.R. 92, confirmée par la Cour d’appel fédérale dans 2008 CAF 77, 164 A.C.W.S. (3d) 680 :

[35]      Je ne souscris pas à l’affirmation selon laquelle l’actuel processus est arbitraire, ou contraire à l’intention du législateur parce qu’il traite de la même manière toutes les formes d’interdiction de territoire. Pour reprendre l’exemple que les demandeurs ont cité, je n’admets pas l’idée selon laquelle à la première étape de l’évaluation [traduction] « les pires criminels sont mis sur le même pied que les personnes qui contreviennent à la [Loi] pour des raisons simplement techniques ». Certes, aucune décision en matière d’interdiction de territoire n’est prise à la première étape, car, comme le mentionne clairement la section 11.3 du guide IP 5 (reproduite plus haut), les faits relatifs à l’interdiction de territoire doivent être pertinents à la décision fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

 

[25]           Le fait que le demandeur principal se serait vu infliger une peine minimale, que la période de probation est terminée, que toutes les conditions ont été remplies et qu’il est admissible à un pardon a été pris en compte par l’agente lorsqu’elle a conclu que l’inobservation des lois canadiennes constitue un élément défavorable pour ce qui est du degré d’établissement. En ce sens, la conclusion de l’agente n’est pas arbitraire, contrairement à ce que le demandeur principal a allégué.

 

[26]           De même, le demandeur principal allègue que l’agente n’a pas tenu compte de la raison pour laquelle il n’a pas pu obtenir un pardon; toutefois, aucune preuve n’a été présentée à l’appui de l’allégation selon laquelle la personne qui n’a pas de statut au Canada ne peut pas obtenir un pardon ou qu’un pardon aurait été accordé au demandeur principal.

 

b) La preuve d’emploi

[27]           Deuxièmement, le demandeur principal soutient que l’agente a commis une erreur en concluant que rien ne montrait qu’il avait travaillé depuis 2004.

 

[28]           Le demandeur principal n’a pas soumis le moindre document pour corroborer l’allégation selon laquelle il travaille depuis 2004. En outre, lorsqu’il a été contre‑interrogé au sujet de son affidavit, le demandeur principal a déclaré qu’il ne travaillait pas à ce moment‑là, et qu’il n’avait travaillé que de temps en temps depuis 2004.

 

[29]           Le demandeur principal a affirmé qu’il suffisait qu’il établisse qu’il avait travaillé au Canada pendant 15 ans. Cette allégation est dénuée de fondement.

 

[30]           La demande CH a été déposée en 2007, de sorte que l’emploi actuel du demandeur principal constitue la partie la plus pertinente de son expérience professionnelle.

 

[31]           Le demandeur principal a travaillé illégalement pendant plusieurs années. Il a détenu un permis de travail de 1994 à 2001 seulement. Il a de temps en temps travaillé au Canada pendant qu’il existait un mandat d’arrestation non exécuté.

 

[32]           Il n’incombait pas à l’agente de tenir compte du travail illégal. Un tel résultat n’est pas souhaitable. Comme le juge Marc Nadon l’a fait remarquer avec raison :

[21]      Chose plus importante, les directives ne laissent certainement pas entendre qu’un demandeur doit devenir autonome à tout prix et sans égard aux moyens. Par conséquent, je ne partage pas l’avis des demandeurs selon lequel [traduction] « il n’est pas pertinent de savoir si l’autonomie a été atteinte avec ou sans permis de travail » . À mon avis, la provenance de l’autonomie de l’intéressé est très pertinente; autrement, n’importe qui pourrait demander une dispense en se fondant sur l’autonomie, même si celle‑ci découle d’activités illégales. Je comprends qu’en l’espèce, les demandeurs ont travaillé honnêtement, quoique illégalement. Pourtant, les demandeurs ont sciemment tenté de contourner le système lorsqu’ils ont décidé de continuer à travailler sans autorisation. En effet, malgré le fait que les demandeurs ont été avisés à leur première entrevue qu’ils n’étaient pas autorisés à travailler et qu’ils devraient cesser de le faire, rien n’indiquait que les demandeurs avaient cessé de travailler au moment de la deuxième entrevue. En outre, leur avocat les avait prévenus des risques qu’ils couraient à travailler sans permis de travail ainsi que du prétendu avantage de démontrer l’autonomie (sans se soucier de sa provenance), et ils ont choisi de rester au Canada et d’y travailler illégalement.

[22]      Je crois comprendre que les demandeurs espéraient que le temps qu’ils passaient au Canada malgré la mesure d’interdiction de séjour contre eux pourrait leur être avantageux dans la mesure où ils pourraient démontrer qu’ils se sont bien adaptés à ce pays. Toutefois, à mon avis, les demandeurs ne peuvent ni ne doivent être « récompensés » pour avoir passé du temps au Canada alors qu’en fait, ils n’avaient pas le droit de le faire. Dans le même ordre d’idée, on doit légalement chercher à être autonome, et un demandeur ne doit pas pouvoir invoquer ses actes illégaux pour revendiquer par la suite un avantage comme une dispense ministérielle. Enfin, je souligne l’évidence même : le but de la dispense, en l’espèce, était de soustraire les demandeurs à l’exigence de devoir présenter leur demande de statut depuis l’étranger, et non de les dispenser d’autres dispositions législatives, comme l’exigence d’un permis de travail valide.

 

 

(Tartchinska c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 185 F.T.R. 161, 96 A.C.W.S. (3d) 112).

 

[33]           L’agente a conclu avec raison que le demandeur principal n’avait pas soumis de preuve en vue d’établir qu’il travaillait depuis 2004.

 

[34]           En outre, étant donné qu’aucune preuve d’emploi n’a été fournie, l’agente a conclu avec raison que le demandeur principal ne subirait pas de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’il devait mettre fin à son emploi en vue de demander un visa de résident permanent à l’extérieur du Canada. Elle a également conclu, avec raison, à l’inexistence d’une constante saine gestion financière (DCT, aux pages 250 et 251).

 

c) L’évaluation « psychologique »

[35]           Le demandeur principal allègue également que l’agente n’a pas tenu compte du rapport psychologique, en date du 15 février 2002. Cette allégation est inexacte. À la page 5 de ses motifs, l’agente énonce des motifs clairs justifiant le rejet de cet élément de preuve :

Pour commencer, le requérant a, par le passé, consulté un spécialiste de la santé mentale. Cependant, cette consultation était reliée aux difficultés qu’il éprouvait suite à ses problèmes légaux de l’année 1999 pour assaut sexuel. L’instabilité psychologique de l’époque était reliée non à des procédures d’immigration mais à des procédures criminelles au Canada. En conséquence, je n’accorde pas de poids à ce document pour venir supporter des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives en cas de retour en Inde.

 

[36]           En outre, le demandeur principal affirme que l’agente a commis une erreur en rejetant un rapport psychologique de M. David Woodbury, daté du 25 avril 2007 (page 310 du dossier de l’agente).

 

[37]           Le problème fondamental que pose cet argument est que M. Woodbury n’est pas psychologue, mais qu’il est plutôt conseiller en orientation. M. Woodbury ne peut pas fournir de diagnostic psychologique.

 

[38]           La Cour a déjà décidé que les rapports de M. Woodbury ne devaient pas être considérés comme des rapports psychologiques.

[6]        [...] Selon les motifs du juge Décary, c’est au demandeur qu’il incombe de démontrer que les inférences tirées par la Section du statut de réfugié ne pouvaient pas raisonnablement l’être. En ce qui concerne le manque de spontanéité lors de l’audience, le demandeur s’appuie exclusivement sur le rapport d’interview diagnostique de M. Woodbury. L’opinion du défendeur est que la SSR a apprécié ce rapport à sa juste valeur. Son auteur est un conseiller en orientation et non un psychologue clinicien possédant la compétence nécessaire pour donner un diagnostic de syndrome de stress post‑traumatique [...]

[Non souligné dans l’original.]

 

(Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1376, 110 A.C.W.S. (3d) 1113).

 

[39]           Aucun autre élément de preuve ne corrobore l’allégation relative à l’état dépressif du demandeur principal. De fait, lorsqu’on lui a demandé s’il y avait eu un suivi clinique ou médical, le demandeur principal n’a pas clairement dit qu’il était suivi pour ce trouble, ce qui serait logique s’il était atteint d’un trouble de stress post‑traumatique, s’il avait eu un épisode dépressif majeur et s’il avait été victime d’actes de violence physique entre les mains d’adultes.

 

[40]           Le demandeur principal a décidé de demander de l’aide professionnelle au sujet de son [traduction] « état », et ce, une seule fois, le 14 avril 2007, sur les conseils de son avocat, soit dix‑huit ans après son arrivée au Canada.

 

L’agente a‑t‑elle pris en considération d’une façon adéquate le risque couru au retour?

[41]           Le demandeur principal affirme que l’agente a commis une erreur en l’évaluant à titre de Sikh plutôt que d’Hindou; en outre, au paragraphe 9 de son mémoire supplémentaire, il affirme que son affidavit renferme une [traduction] « simple erreur », lorsqu’il déclare être Sikh plutôt qu’Hindou.

 

[42]           Voici un extrait de la transcription du contre‑interrogatoire que M. Rai a subi au sujet de son affidavit :

[traduction]

Q. Monsieur, au paragraphe 2 de votre affidavit, vous déclarez être Sikh. Je vous invite à lire le passage si vous le pouvez. Êtes‑vous Sikh?

 

R.   J’ai déjà mentionné au début être né dans une famille hindoue, et maintenant, en ce qui concerne la religion, il n’y a pas beaucoup de différences ou il n’y a pas de différences.

 

Q. Il n’y a pas de différences entre la religion sikhe et la religion hindoue?

 

R.   Non, voici ce que je voulais dire : nous, les êtres humains, sommes tous les mêmes. Il n’y a pas de différences. Nous avons tous la peau, nous avons tous le même sang, et ainsi de suite.

 

Q.  Non, nous comprenons bien, Monsieur, mais il s’agit de savoir si vous appartenez à l’une ou l’autre religion, que ce soit de naissance ou sur le plan culturel, ou si vous avez été élevé dans l’une des deux religions, parce que vous devez également comprendre que, lorsque vous êtes entré au Canada et que vous avez demandé l’asile, votre crainte de persécution était fondée sur certains événements qui sont importants pour votre religion. C’est pourquoi nous posons la question.

 

R.   Oui, c’est vrai et il en est à peu près ainsi. Lorsque je suis entré au Canada, la situation était fort mauvaise, mais je veux ajouter quelque chose; à ce moment‑là nous étions en danger, il existe encore un danger.

 

Q. Je comprends, mais cela ne répond pas à ma question. Je vous demande quelle est votre religion.

 

R.   Je suis de religion hindoue.

 

Q.  Merci.

 

R.   Et autre chose, j’aime la religion chez les êtres humains.

 

Q.  Si nous pouvons revenir au paragraphe 2 de votre affidavit, voici ce qui y est dit :

            « Je suis un Sikh âgé de cinquante-quatre (54) ans, de l’Inde. »

Il n’est pas exact que vous soyez Sikh?

 

R.   Non.

 

(Transcription du contre‑interrogatoire relatif à l’affidavit, aux pages 6 à 8).

 

 

 

[43]           De plus, les documents fournis à l’agente dans la demande CH sont les suivants :

 

[44]           Le rapport de M. Woobury indique que M. Rai est Sikh et qu’il est un disciple du maître Gurwinder Singh (DCT, à la page 312; transcription, aux pages 12 à 14).

 

[45]           M. Rai a soumis une lettre attestant qu’il fait du bénévolat dans un temple sikh (transcription, aux pages 8 à 11; DCT, à la page 284).

 

[46]           Il est déclaré que la femme de M. Rai est Sikhe (DCT, aux pages 156, 216 et 238).

 

[47]           On ne saurait reprocher à l’agente de fournir un résumé fondé sur la preuve elle‑même. L’agente estimait, compte tenu de la preuve versée au dossier, que M. Rai était Sikh aux fins de l’évaluation du risque couru au retour.

 

Les autres facteurs évalués par l’agente

[48]           L’agente a pris d’autres facteurs en considération avant de rendre sa décision.

 

[49]           Premièrement, elle s’est demandé s’il y avait eu une incapacité prolongée de quitter le Canada, laquelle aurait donné lieu à l’établissement de M. Rai. En l’espèce, M. Rai est volontairement resté au Canada même s’il n’avait aucun statut et même s’il faisait l’objet d’une mesure de renvoi depuis l’année 2004. Si M. Rai est encore au Canada, cela lui est imputable (DCT, à la page 250).

 

[50]           Deuxièmement, M. Rai connaît la langue et la culture de son pays.

 

[51]           Troisièmement, M. Rai s’est brouillé avec son fils, qui habite quelque part aux États‑Unis, et n’a, à l’heure actuelle, plus de contact avec lui. Son retour en Inde n’aggraverait pas la séparation (DCT, à la page 250).

 

[52]           Quatrièmement, la femme de M. Rai elle‑même n’a pas de statut au Canada, ce qui aurait pu causer la séparation du couple (DCT, à la page 250).

 

[53]           Cinquièmement, il est raisonnable de supposer que les membres de la famille de M. Rai pourraient temporairement assurer le soutien de M. Rai à son retour en Inde (DCT, à la page 250).

 

[54]           Enfin, l’agente a conclu que la requête et les références soumises par M. Rai ne peuvent pas l’emporter sur les autres éléments qu’elle avait pris en considération (DCT, à la page 251).

 

[55]           L’agente a examiné et soupesé d’une façon appropriée tous les renseignements disponibles et les motifs qu’elle a énoncés sont raisonnables eu égard à la preuve.

 

VIII.  Conclusion

[56]           Les demandeurs n’ont pas réussi à démontrer que l’intervention de la Cour est justifiée; par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑1527‑08

 

INTITULÉ :                                                   GUNWANT RAI et

                                                                        SURINDER KAUR alias KURAMI

 

                                                                        c.

 

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 26 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT 

ET JUGEMENT :                                          Le juge Shore

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                   Le 2 décembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Victor Artinian

 

POUR LES DEMANDEURS

Alexandre Tavadian

Geneviève Bourbonnais

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Joseph W. Allen et associés

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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