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                                                                                                                                  Date : 20021108

 

                                                                                                                       Dossier : IMM-5696-01

 

                                                                                                     Référence neutre : 2002 CFPI 1162

 

ENTRE :

 

                                                            ISSAM AL YAMANI

 

                                                                                                                                           demandeur

 

                                                                             et

 

LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

                                                                                                                                             défendeur

 

 

                                                  MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

 

LE JUGE KELEN

 

[1]        La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision par laquelle la Section d’arbitrage de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté, en date du 28 novembre 2001, la requête du demandeur pour faire suspendre une enquête établie sous le régime de la Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), en vue de déterminer s’il est ou a été membre d’une organisation terroriste, à savoir une personne visée à l’alinéa 27(1)a) et à la division 19(1)f)(iii)(B), du fait de son appartenance au Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) avant 1992.

 

 

 


[2]        Il s’agit de la troisième tentative d’enquête du défendeur concernant l’admissibilité du demandeur comme résident permanent, en raison de sa participation aux activités du FPLP. Les deux premières tentatives ont été repoussées par notre Cour en 1996 et en 2000. Cette fois‑ci, le demandeur sollicite l’arrêt de l’enquête pour les motifs suivants :

 

(i)         Le ministre ne peut entreprendre une nouvelle enquête, compte tenu du principe de l’autorité de la chose jugée, à savoir qu’il a été établi, au regard des mêmes faits, dans les deux décisions judiciaires antérieures que le demandeur n’était pas une personne non admissible.

 

(ii)        Subsidiairement, la nouvelle enquête devrait être interdite pour cause d’irrecevabilité pour identité des questions en litige parce que la question soulevée dans les allégations actuelles est la même que celle qui a fait l’objet des instances antérieures.

 

(iii)       La nouvelle enquête est un abus de procédure, un principe de common law pouvant être invoqué afin qu’il soit sursis à une procédure administrative.

 

(iv)       Par cette nouvelle enquête, le ministre cherche à faire appliquer les dispositions modifiées de la Loi, lesquelles ne peuvent être appliquées de manière rétroactive à M. Al Yamani parce qu’elles sont entrées en vigueur après son établissement à titre de résident permanent et la rupture de ses liens avec le FPLP.

 

 

 

EXPOSÉ DES FAITS

 

De 1985 à 2001

 

[3]        Le demandeur est un Palestinien apatride qui a immigré au Canada le 27 avril 1985 et obtenu le statut de résident permanent. Il fait l’objet d’un rapport alléguant, en vertu de l’alinéa 27(1)a) de la Loi, qu’il appartient à une catégorie de personnes visées à la division 19(1)f)(iii)(B) du fait de son appartenance au FPLP, une organisation se livrant à des actes de terrorisme, avant 1992.

 

 

 


De 1988 à 1992

 

[4]        M. Al Yamani a demandé la citoyenneté canadienne le 3 mai 1988. À la suite de cette demande, il a fait l’objet d’une enquête de sécurité par le Service canadien du renseignement de sécurité. Le 29 mai 1992, il a été avisé que le solliciteur général et le ministre avaient adressé au Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité (CSARS) un rapport le concernant, en vertu du paragraphe 39(2) de la Loi sur l’immigration. Ce rapport alléguait que M. Al Yamani appartenait aux catégories de personnes visées aux alinéas 19(1)e), 19(1)g) et 27(1)c) de la Loi, tels qu’ils étaient rédigés avant la Loi modifiant la Loi sur l’immigration et d’autres lois en conséquence, L.C. 1992, ch. 49 (les Modifications), qui est entrée en vigueur le 1er février 1993.

 

 

De 1993 à 1994

 

[5]        Le CSARS a présenté, en date du 3 août 1993, un rapport dans lequel il concluait que M. Al Yamani appartenait à la catégorie de personnes visées à l’alinéa 19(1)g) parce qu’il existait des motifs raisonnables de croire qu’il faisait partie du FPLP. À la suite de ce rapport, le gouverneur en conseil a ordonné la délivrance d’une attestation de sécurité et le ministre a produit un rapport en vertu de l’article 27 de la Loi et une directive prévoyant la tenue d’une enquête. La Cour a suspendu l’enquête dans l’attente de l’issue de la demande de contrôle judiciaire du rapport du CSARS et de la directive du gouverneur en conseil. Voir Al Yamani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1994), 80 F.T.R. 307.

 

 

De 1995 à 1996 – Premier contrôle judiciaire par la Cour fédérale

 


[6]        M. le juge MacKay a entendu la demande de contrôle judiciaire et annulé le rapport du CSARS. Voir Al Yamani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (no 2), [1996] 1 C.F. 174 (1re inst.) Le demandeur a fait valoir que la partie de l’alinéa 19(1)g) qui le rendait inadmissible du seul fait de son appartenance à une organisation susceptible de commettre des actes de violence portait atteinte à sa liberté d’association en vertu de l’alinéa 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, sous l’Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.U.), 1982, ch. 11 [L.R.C. (1985), App. II, no 44]. Ses prétentions ont été résumées comme il suit à la page 223 par le juge MacKay :

 

Le requérant fait valoir que le libellé de l'alinéa 19(1)g) a une portée trop vaste. Il n'établit pas de distinction entre les organisations exclusivement consacrées aux activités violentes de nature à porter atteinte à la vie ou à la sécurité humaines au Canada et d'autres organisations aux objectifs divers qui peuvent comprendre des membres peu engagés et ne participant qu'aux activités pacifiques. Il vise des personnes, pour la seule raison de leur association à une organisation, alors qu'elles ne sont pas elles-mêmes susceptibles de commettre des actes de violence ou de se livrer à des activités illégales au Canada.

 

 

 

Le juge MacKay a accepté les arguments du demandeur et conclu en ces termes aux pages 229 et 230 :

 

Selon moi, l'alinéa 19(1)g), dans la mesure où il a trait aux personnes dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles appartiennent à une organisation susceptible de commettre des actes de violence de nature à porter atteinte à la vie ou à la sécurité humaines au Canada, limite la liberté d'association, et cette restriction n'est pas une limite dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. Il enfreint donc l'alinéa 2d) de la Charte et il n'a pas d'effet en vertu de l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 [...].

 

 

 

La Cour a accueilli la demande, annulé le rapport du CSARS et déclaré la décision du gouverneur en conseil non valide. Le juge MacKay a renvoyé l’affaire au CSARS pour qu’il décide de la ligne de conduite appropriée à adopter. Dans sa décision, ni les conclusions de fait ni les applications du droit contenues dans le rapport du CSARS n’ont été contestées et les autres catégories de personnes non admissibles visées à l’alinéa 19(1)g) n’ont pas été abordées.

 

 

 

De 1997 à 1998

 


[7]        Le CSARS a décidé de recommencer l’audition en 1997 et continué d’appliquer les dispositions de la Loi en vigueur avant les Modifications. Dans son rapport, le CSARS a fait un certain nombre de conclusions, notamment :

 

(i)         À la page 19, il a écrit : [traduction] « Mis à part sa participation aux actes de subversion commis par le FPLP, je ne puis ignorer la preuve selon laquelle M. Yamani a participé en 1977 à l’attentat à la bombe contre le bureau d’Air Egypt dans les Émirats arabes unis. [¼] Dans cette perspective, l’attentat à la bombe contre Air Egypt peut être considéré comme un acte subversif dirigé contre l’État d’Israël, que le Canada reconnaît comme une démocratie. »

(ii)        À la page 20, il a affirmé : « Il n’existe aucune raison de croire que le FPLP est moins déterminé à atteindre ses buts et qu’il serait moins disposé à commettre des actes de terrorisme au Canada, s’il l’estimait nécessaire pour parvenir à ses fins. Je conclus donc qu’il existe toujours une possibilité que le FPLP commette des actes de violence au Canada. »

(iii)       À la page 21, il a ajouté : « Je constate que le quartier général du FPLP au Moyen-Orient a confié à M. Yamani la responsabilité d’agir comme agent de liaison et de faciliter les déplacements pour toutes les activités du FPLP en Amérique du Nord parce qu’il se trouvait précisément au Canada. »

(iv)       À la page 21, il a conclu comme suit : « À partir de tous les éléments de preuve qui m’ont été soumis, je conclus que M. Yamani ne reconnaît les faits que s’il estime qu’ils ne peuvent pas être utilisés contre lui ou que s’il constate que le Service les connaît déjà, dans une certaine mesure. Compte tenu de son engagement bien établi envers la « cause du FPLP » et de sa position de tête dirigeante, je conclus qu’on peut penser, pour des motifs raisonnables, que M. Yamani participera aux activités illicites du FPLP si on le lui demande. »

 

Le CSARS a décidé que le demandeur était une personne dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu’elle se livrera à des actes de subversion, au sens de l’alinéa 19(1)e), et une personne dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu’elle commettra des actes de violence au Canada ou prendra part aux activités illégales d’une organisation susceptible de commettre des actes de violence au Canada, au sens de l’alinéa 19(1)g). La décision du CSARS ne traitait pas de la partie de l’alinéa 19(1)g) que le juge MacKay a déclaré inconstitutionnelle.

 

 


De 1999 à 2001 – Deuxième contrôle judiciaire par la Cour fédérale

 

[8]        Le demandeur a prié la Cour de procéder au contrôle judiciaire du rapport. Le 14 mars 2000, M. le juge Gibson a annulé le rapport du CSARS. Voir Al Yamani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (no 3), [2000] 3 C.F. 433  (1re inst.). Il a conclu que le CSARS avait fait erreur parce qu’il n’avait pas analysé le sens du mot « subversion » figurant à l’alinéa 19(1)e). Il a écrit aux pages 474 et 475 :

 

[...] je suis convaincu que, selon la norme de la décision correcte, le Comité de surveillance a commis une erreur de droit en s’appuyant, sans analyse plus approfondie, sur la définition ou la description de la « subversion » énoncée dans la décision [Re Shandi (1992), 51 F.T.R. 252]. Le Comité de surveillance semble avoir ignoré, pour l’essentiel, le témoignage convaincant que lui a offert le professeur Whitaker, dont des extraits assez longs ont déjà été cités dans les présents motifs, quant au caractère vague du concept de la subversion, et son opinion réfléchie selon laquelle ce concept englobe deux éléments essentiels, soit un élément de clandestinité ou de tromperie, dont la présence semble avoir été établie en l’espèce, et un élément de destruction de l’intérieur. Si l’on reconnaît que ces éléments sont essentiels à toute définition de la subversion, il est évident que le demandeur ne peut avoir participé à des actes de subversion contre Israël, directement ou du fait de son appui et de son appartenance au FPLP.

 

Le juge Gibson a également conclu que le CSARS n’avait pas convenablement analysé les éléments de preuve dont il disposait avant de tirer la conclusion selon laquelle le demandeur appartenait à une catégorie de personnes visées à l’alinéa 19(1)g). Il a écrit à la page 476 :

 

Le Comité de surveillance n’a pas fait mention de la preuve qui lui a été présentée, selon laquelle le FPLP n’a plus l’influence qu’il avait. Il ne rejette pas la preuve émanant du demandeur selon laquelle le Canada est sans intérêt pour le FPLP. Le Comité de surveillance ne cite aucun élément de preuve qui lui a été exposé et en raison duquel sa conclusion qu’ « il existe toujours une possibilité que le FPLP commette des actes de violence au Canada » ne constituerait pas une pure supposition.

 

L’affaire a été renvoyée au CSARS pour qu’une formation différemment constituée procède à un nouvel examen.

 


[9]        Le demandeur a été avisé le 17 octobre 2000 que le solliciteur général et le ministre mettaient fin à l’établissement d’un rapport de sécurité le concernant. Néanmoins, le dossier du demandeur a été transmis à Immigration Canada et le ministre a produit un rapport et une directive prévoyant la tenue d’une enquête, alléguant que le demandeur était une personne visée à l’alinéa 27(1)a) et à la division 19(1)f)(iii)(B) entrés en vigueur après les Modifications. Une enquête a été tenue, les 11 et 12 octobre 2001, devant la Section d’arbitrage de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Le demandeur a déposé une requête préliminaire en vue d’obtenir une ordonnance suspendant l’enquête ou rejetant les allégations à son endroit. Sa requête a été rejetée et la décision correspondante fait maintenant l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

 


A)        Dispositions pertinentes de la Loi avant les Modifications

 

[10]      Avant les Modifications, les alinéas 19(1)e) et g) de la Loi étaient rédigés comme suit :

 

 


19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible:

 

[...]

 

e)  celles qui, s'étant livrées à des actes d'espionnage où  de subversion contre des institutions démocratiques au sens ou cette expression s'entend au Canada, ne peuvent convaincre le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national ou celles dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu'elles se livreront à ces actes;

 

[...]

 

g)  celles dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu'elles commettront des actes de violence de nature à porter atteinte à la vie ou à la sécurité humaines au Canada, ou qu'elles appartiennent à une organisation susceptible de commettre de tels actes ou qu'elles sont susceptibles de prendre part aux activités illégales d'une telle organisation;

 

 


 19. (1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes:

 

[...]

 

(e) persons who have engaged in or there are reasonable grounds to believe will engage in acts of espionage or subversion against democratic government, institutions or processes, as they are understood in Canada, except persons who, having engaged in such acts, have satisfied the Minister that their admission would not be detrimental to the national interest;

 

[...]

 

(g) persons who there are reasonable grounds to believe will engage in acts of violence that would or might endanger the lives or safety of persons in Canada or are members of or are likely to participate in the unlawful activities of an organization that is likely to engage in such acts of violence;

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


[11]      L’alinéa 27(1)c) de la Loi a été abrogé dans les Modifications. Avant les Modifications, il était rédigé comme suit :

 


27. (1) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit faire part au sous‑ministre, dans un rapport écrit et circonstancié, de renseignements concernant un résident permanent et indiquant que celui‑ci, selon le cas :

 

[...]

 

c) travaille ou incite au renversement d'un gouvernement par la force;

 

 


 27. (1) Where an immigration officer or a peace officer is in possession of information indicating that a permanent resident is a person who

 

[...]

 

(c)  is engaged in or instigating subversion by force of any government,

 

[...]

 

the immigration officer or peace officer shall forward a written report to the Deputy Minister setting out the details of such information.

 


 

 

 

 

[12]      Avant les Modifications, le paragraphe 40(1) de la Loi était rédigé comme suit :

 


40. (1) S'il est d'avis, après étude du rapport du comité de surveillance, que l'intéressé se trouve vraiment dans l'une des situations visées aux alinéas 39(2)a) ou b), le gouverneur en conseil peut ordonner au ministre de délivrer une attestation à cet effet.

 

 


40. (1) Where, after considering a report made by the Review Committee referred to in subsection 39(9), the Governor in Council is satisfied that the person with respect to whom the report was made is a person referred to in paragraph 39(2)(a) or (b), as the case may be, the Governor in Council may direct the Minister to issue a certificate to that effect.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

B)        Disposition transitoire pertinente


 

[13]      L’article 110 de la Loi modifiant la Loi sur l’immigration et d’autres lois en conséquence, précitée, est une disposition transitoire pertinente qui prévoit ce qui suit :

 


110. Les enquêtes ou audiences prévues par des dispositions de la Loi sur l’immigration modifiées ou abrogées par la présente loi sont tenues, et les décisions auxquelles elles donnent lieu sont rendues, comme si ces dispositions n’avaient pas été modifiées ou abrogées si, à la date d’entrée en vigueur de la modification ou de l’abrogation, elles avaient été commencées.

 


110. Any inquiry or hearing under any provision of the Immigration Act amended or repealed by this Act that was commenced before the coming into force of the amendment or repeal shall continue to a determination as though that provision had not been amended or repealed.


 

 

 

C)        Dispositions pertinentes de la Loi après les Modifications

 

[14]      Après les Modifications, la division 19(1)f)(iii)(B) de la Loi était rédigée comme suit : 

 


19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

 

[...]

f) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles_:

[...]

(iii) soit sont ou ont été membres d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle se livre ou s'est livrée_:

[...]

 

(B) soit à des actes de terrorisme,

le présent alinéa ne visant toutefois pas les personnes qui convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national;


19. (1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes:

 

[...]

f) persons who there are reasonable grounds to believe

[...]

(iii) are or were members of an organization that there are reasonable grounds to believe is or was engaged in

 

[...]

 

(B) terrorism,

except persons who have satisfied the Minister that their admission would not be detrimental to the national interest;

 

 


 

 

[15]      L’alinéa 27(1)a) de la Loi était rédigé comme suit :

 


27. (1) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit faire part au sous‑ministre, dans un rapport écrit et circonstancié, de renseignements concernant un résident permanent et indiquant que celui‑ci, selon le cas_:

 

a) appartient à l'une des catégories non admissibles visées aux alinéas 19(1)c.2), d), e), f), g), k) ou l);

 

 

 

 


27. (1) An immigration officer or a peace officer shall forward a written report to the Deputy Minister setting out the details of any information in the possession of the immigration officer or peace officer indicating that a permanent resident is a person who

 

(a) is a member of an inadmissible class described in paragraph 19(1)(c.2), (d), (e), (f), (g), (k) or (l);


 

 

[16]      L’article 34 de la Loi est un article pertinent quant à la défense de res judicata soulevée par le demandeur. Cette disposition n’a pas été modifiée en 1993.

 


34. Les décisions rendues en application de la présente loi n'ont pas pour effet d'interdire la tenue d'une autre enquête par suite d'un autre rapport fait en vertu de l'alinéa 20(1)a) ou des paragraphes 27(1) ou (2) ou par suite d'une arrestation et d'une garde effectuées à cette fin en vertu de l'article 103.

 


34. No decision given under this Act prevents the holding of a further inquiry by reason of the making of another report under paragraph 20(1)(a) or subsection 27(1) or (2) or by reason of arrest and detention for an inquiry pursuant to section 103.

 


 

 

 

[17]      Après les Modifications, le paragraphe 40(1) était rédigé comme suit :

 


40. (1) S'il est d'avis, après étude du rapport fait en vertu du paragraphe 39(9) par le comité de surveillance ou la personne nommée au titre du paragraphe 39.1(1), que l'intéressé appartient à l'une des catégories visées à l'alinéa 19(1)c.2), au sous‑alinéa 19(1)d)(ii), aux alinéas 19(1)e), f), g), k) ou l) ou 27(1)a.1), au sous‑alinéa 27(1)a.3)(ii) ou aux alinéas 27(1)g) ou h), le gouverneur en conseil peut ordonner au ministre de délivrer une attestation à cet effet.

 


 40. (1) Where, after considering a report made under subsection 39(9) by the Review Committee or the person appointed under subsection 39.1(1), the Governor in Council is satisfied that the person with respect to whom the report was made is a person described in paragraph 19(1)(c.2), subparagraph 19(1)(d)(ii), paragraph 19(1)(e), (f), (g), (k) or (l) or 27(1)(a.1), subparagraph 27(1)(a.3)(ii) or paragraph 27(1)(g) or (h), the Governor in Council may direct the Minister to issue a certificate to that effect.

 

 


NORME DE CONTRÔLE

 


[18]      Les questions de droit qui « s’écartent du domaine d’expertise fondamental du tribunal » constituent un facteur militant en faveur de la norme de la décision correcte. Voir Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, au paragraphe 38. Bien que la Cour fasse généralement montre de retenue à l’égard de la décision d’un arbitre, la décision en l’espèce comportait des questions de droit ne relevant pas du domaine d’expertise d’un arbitre. Par conséquent, la norme de contrôle appropriée est celle de la décision correcte.

 

 

 

ANALYSE

 

1.         Principe de l’autorité de la chose jugée

 

a)         Irrecevabilité pour identité des causes d’action

 

[19]      Devant l’arbitre, le demandeur a soulevé les défenses de res judicata et d’irrecevabilité pour identité des questions en litige. La notion de  Res judicata est définie comme suit dans le Black’s Law Dictionary (St. Paul, MN : West Group, 1999) :

 

[traduction] [Latin de « chose jugée »] 1. Une question qui a été réglée de manière définitive dans une décision judiciaire.  2. Une défense affirmative empêchant les même parties d’engager une seconde poursuite fondée sur la même réclamation ou sur toute autre réclamation qui découle de la même opération ou série d’opérations et qui aurait pu être soulevée dans la première poursuite – mais qui ne l’a pas été. [...]

 

 

 

 


[20]      Même si, en substance, le demandeur a soulevé deux moyens de défense différents, en common law, l’irrecevabilité pour identité des questions en litige ne représente que l’une des deux formes du principe de l’autorité de la chose jugée, l’autre étant l’irrecevabilité pour identité des causes d’action. Voir l’arrêt Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 R.C.S. 460. Bien que les notions de chose jugée, d’irrecevabilité pour identité des questions en litige et d’irrecevabilité pour identité des causes d’action sont souvent très étroitement liées, elles ont des sens distincts. Les principes sur lesquels reposent les deux formes d’irrecevabilité sont décrits dans la définition en deux volets donnée précédemment et ont été récemment expliqués par la Cour d’appel fédérale dans Apotex Inc. c. Merck et Co., 2002 CAF 210, aux paragraphes 24 et 25 :

 

Les principes concernant l’autorité de la chose jugée ont été établis par deux arrêts de principe de la Cour suprême du Canada : Angle c. Ministre du Revenu national [1975] 2 R.C.S. 248 et  Doering c. Grandview (Ville), [1976] 2 R.C.S. 621. Dans l’arrêt Angle, précité, le juge Dickson a noté, à la page 254, que la chose jugée s’applique fondamentalement à deux formes d’irrecevabilité, soit l’irrecevabilité pour identité des causes d’action et l’irrecevabilité pour identité des questions en litige, qui reposent toutes les deux sur des principes similaires. Premièrement, tout litige doit avoir une fin et deuxièmement, une personne ne doit pas être poursuivie deux fois pour la même cause d’action.

 

Ces deux formes d’irrecevabilité, identiques au plan des principes, sont différentes dans leur application. L’irrecevabilité pour identité des causes d’action interdit à une personne d’intenter une action contre une autre personne dans le cas où la cause d’action a fait l’objet d’une décision finale d’un tribunal compétent. L’irrecevabilité pour identité des questions en litige est plus large et s’applique à des causes d’action distinctes. Elle intervient, selon la jurisprudence, lorsqu’une même question a déjà été tranchée, que la décision judiciaire donnant lieu à l’irrecevabilité est finale et que les parties à la décision judiciaire ou leurs ayants droit sont les mêmes que les parties à l’instance où est soulevée la question de l’irrecevabilité (voir l’arrêt Carl Zeiss Stiftung c. Rayner & Keeler Ltd. (No. 2), [1967] 1 A.C. 853, à la page 93, cité par le juge Dickson dans l’arrêt Angle, précité, à la page 254). [Non souligné dans l’original.]

 

L’irrecevabilité pour identité des causes d’action comprend l’essence de la défense de res judicata du demandeur fondée sur Doering c. Grandview (Ville), [1976] 2 R.C.S. 621, un arrêt de la Cour suprême portant sur l’irrecevabilité pour identité des causes d’action. Pour ce motif, la Cour traitera la défense de res judicata du demandeur comme une défense d’irrecevabilité pour identité des causes d’action.

 

[21]      Le principe fondamental de l’irrecevabilité pour identité des causes d’action est que le demandeur doit soulever l’objet de toute l’affaire en rapport avec la cause d’action en une seule fois et une fois pour toutes, et tous les recours découlant de la cause d’action fondée sur l’objet. (Voir Donald J. Lange, The Doctrine of Res Judicata in Canada (Toronto : Butterworths, 2000), à la page 111.) Le même principe s’applique aux défendeurs qui doivent soulever tous les moyens de défense fondés sur l’objet en une seule fois.

 


[22]      Le demandeur fait valoir que le principe de l’autorité de la chose jugée empêche le ministre d’entreprendre une nouvelle enquête fondée sur un motif de non‑admissibilité qui était connu au moment des instances antérieures, mais qui n’a pas été soulevé. Les avocats du demandeur ont demandé la suspension de l’instance pour cette raison. L’arbitre a décidé que l’enquête pouvait se poursuivre parce que les allégations étaient différentes de celles soulevées dans les instances antérieures. L’arbitre a établi une distinction fondée sur la nature des catégories de personnes non admissibles et sur le fait que les deux instances antérieures avaient été instruites sous le régime des dispositions en vigueur avant les Modifications.

 

[23]      Même s’il est plutôt difficile d’établir la « cause d’action » exacte en l’espèce, celle‑ci importe peu au résultat. La cause d’action dans les instances antérieures pouvait être interprétée de façon restrictive comme étant la non‑admissibilité du demandeur en application des alinéas 19(1)e) et g). Cette approche a été celle adoptée par l’arbitre. La nouvelle cause d’action, à savoir si le demandeur appartient à la catégorie de personnes non admissibles visées à la division 19(1)f)(iii)(B), est différente de celle des instances antérieures et l’irrecevabilité pour identité des causes d’action ne lui ferait donc pas obstacle.

 


[24]      Toutefois, même si la cause d’action des instances antérieures était interprétée largement, à savoir si le demandeur était une personne non admissible au Canada, l’irrecevabilité pour identité des causes d’action ne s’appliquerait toujours pas. Tel qu’il a été mentionné par la Cour d’appel fédérale dans la décision Apotex, précitée, l’irrecevabilité pour identité des causes d’action interdit à une personne d’intenter une action contre une autre personne dans le cas où la cause d’action a fait l’objet d’une décision finale d’un tribunal compétent. M. Al Yamani n’a jamais fait l’objet d’une décision finale à l’égard de sa non‑admissibilité. La question de savoir si M. Al Yamani était une personne non admissible a fait l’objet de deux rapports du CSARS, mais la Section d’arbitrage, l’organisme ayant autorité pour prendre une décision finale sur la non‑admissibilité des personnes, n’en a jamais été saisie. Le rôle du CSARS consiste à faire une recommandation au gouverneur en conseil quant à la délivrance d’une attestation en application du paragraphe 40(1). Bien que deux enquêtes concernant le demandeur aient été entamées, celles‑ci ont été interrompues à l’étape préliminaire par le recours efficace à une demande de contrôle judiciaire du rapport pertinent du CSARS. Dans les affaires Al Yamani (no 2) et Al Yamani (no 3), la Cour n’a pas non plus prononcé de décision finale sur la non‑admissibilité du demandeur. Il ressort clairement que la Cour a renvoyé l’affaire au CSARS à deux reprises pour un nouvel examen. Cette question n’a donc pas été tranchée de manière définitive et demeure ouverte.

 

[25]      Par conséquent, la Cour estime que l’arbitre n’a pas fait erreur en concluant que la défense de res judicata ne faisait pas obstacle à la nouvelle enquête.

 

b)         Irrecevabilité pour identité des questions en litiges

 

[26]      Dans la décision Apotex, précitée, la Cour d’appel fédérale a établi que l’irrecevabilité pour identité des questions en litige s’applique quand la même question a été tranchée dans une décision judiciaire intéressant les mêmes parties.

 

[27]      Le demandeur soutient que l’irrecevabilité pour identité des questions en litige s’applique à la nouvelle enquête. Il prétend que cette fin de non‑recevoir devrait empêcher la nouvelle enquête parce que la question en litige soulevée dans les allégations actuelles, à savoir si le demandeur est une personne non admissible du fait de sa participation aux activités du FPLP avant 1992, est la même que celle soulevée dans les instances antérieures. De l’avis du demandeur, la Cour a tranché de manière définitive dans Al Yamani (no 2) que son appartenance au FPLP dans le passé ne pouvait servir de fondement à une mesure de renvoi.

 

[28]      Lord Guest a énoncé les trois conditions de l’irrecevabilité pour identité des questions en litige dans Carl Zeiss Stiftung c. Rayner & Keeler Ltd. (no 2), [1967] 1 A.C. 853 (H.L.), à la page 935. Voici ces trois conditions :

[traduction]

i.          la même question a déjà été tranchée;

ii.          la décision judiciaire donnant lieu à l’irrecevabilité était finale;

iii.         les parties à la décision judiciaire ou leurs ayants droit sont les mêmes personnes que les parties à l’instance où est soulevée la fin de non‑recevoir.


 

Ces trois conditions ont été adoptées en droit canadien par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Angle c. Ministre du Revenu national [1975] 2 R.C.S. 248 et ont été utilisées dans le domaine du droit de l’immigration par la Cour d’appel fédérale (voir Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Chung, [1993] 2 C.F. 42. La décision d’un tribunal administratif peut être considérée comme une « décision judiciaire » donnant lieu à l’irrecevabilité pour identité des questions en litige dans  une instance subséquente d’un autre tribunal administratif (voir Danyluk, précitée, aux paragraphes 21 et 22, et Canada (P.G.) c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) (1991), 43 F.T.R. 47.

 

[29]      L’irrecevabilité pour identité des questions en litige ne s’applique pas en l’espèce. Bien que la troisième condition du critère de common law soit réalisée, les deux premières conditions ne le sont pas. Le premier élément du critère n’est pas satisfait parce que l’enquête actuelle ne porte pas sur la même question que celle soulevée dans les instances antérieures. La question soulevée dans l’enquête actuelle consiste à déterminer si le demandeur est une personne visée à l’alinéa 27(1)a) et à la division 19(1)f)(iii)(B) en raison de son appartenance au FPLP avant 1992. Il ne s’agit pas de la même question que celle dont la Cour a été saisie dans Al Yamani (no 2). La question en litige dans cette dernière affaire portait sur la constitutionnalité de la partie de l’alinéa 19(1)g) qui rendait non admissible une personne en raison de son appartenance à une organisation susceptible de commettre des actes de violence. Le juge MacKay a explicitement limité sa décision à l’inconstitutionnalité de l’alinéa 19(1)g). Il a écrit à la page 241 de la décision :

 

J'estime que le requérant n'a pas prouvé que les conclusions de fait ou les applications du droit du rapport du CSARS étaient erronées d'une façon qui justifierait l'intervention de la Cour. Le seul motif d'annulation de la conclusion du CSARS est le fait qu'elle s'appuie sur la partie de l'alinéa 19(1)g) dont j'estime qu'elle est inconstitutionnelle. C'est le comité lui-même qui est le mieux placé pour décider des méthodes d'enquête applicables au requérant une fois qu'il a reçu le rapport établi par les ministres concernés en vertu du paragraphe 39(2) de la Loi. En ce qui me concerne, les conclusions du rapport du 3 août 1993 tiennent, exception faite de celle qui établit que le requérant est visé par l'alinéa 19(1)g) dont j'estime qu'il est contraire à l'alinéa 2d) de la Charte et d'une manière qui ne peut se justifier par l'article premier. [...] [Non souligné dans l’original.]

 


Le juge MacKay n’a pas écarté non plus la possibilité que l’appartenance du demandeur au FPLP dans le passé soit utilisée dans des procédures ultérieures pour demander son renvoi en application d’une autre partie de l’article 19. Cela est démontré par l’énoncé suivant qui a été extrait de la page 241 de la décision :

 

[...] Je suis par ailleurs d'avis que l'alinéa 19(1)g), dans la mesure où il renvoie à des personnes dont il y a « des motifs raisonnables, . . . qu'elles appartiennent à une organisation susceptible de commettre [des actes de violence] » (« de nature à porter atteinte à la vie ou à la sécurité humaines au Canada »), enfreint l'alinéa 2d ) de la Charte, qui garantit à chacun la liberté d'association. J'estime qu'il n'a pas été prouvé que la limitation de cette liberté en vertu de la partie incriminée de la disposition en cause est une limite raisonnable dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. Je fais remarquer que cette décision ne concerne pas les autres catégories de personnes visées à l'alinéa 19(1)g) de la Loi. [Non souligné dans l’original.]

 

 

Dans cet énoncé, le juge MacKay a indiqué que le CSARS, ou le ministre, pouvait lancer, à l’endroit de M. Al Yamani, de nouvelles procédures fondées sur les catégories de personnes non admissibles visées dans les autres parties de l’article 19. C’est précisément ce que le ministre a fait en l’espèce. La question soulevée dans la nouvelle enquête n’est pas la même que celle soulevée dans Al Yamani (no 2).

 

[30]      En outre, les conclusions du juge MacKay relativement à la liberté d’association ne peuvent être appliquées à la division 19(1)f)(iii)(B) parce que celle‑ci diffère en substance de l’ancien alinéa 19(1)g). L’alinéa 19(1)f) comprend maintenant une clause excluant de la non‑admissibilité « les personnes qui convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national ». Dans Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, au paragraphe 110, la Cour suprême du Canada a affirmé que cette clause permet à un demandeur d’« établir que l'association avec le groupe terroriste qu'on lui reproche avait un caractère innocent » et conclu que la disposition 19(1)f)(iii)(B) ne viole pas les alinéas 2b) ou 2d) de la Charte.

 


[31]      Le second élément du critère de l’irrecevabilité pour identité des questions en litige n’est pas satisfait parce que les décisions relatives aux instances antérieures n’étaient pas des décisions finales sur la non‑admissibilité. Cette question a été abordée précédemment lorsqu’il a été décidé que l’irrecevabilité pour identité des causes d’action ne s’appliquait pas. Comme le critère en trois volets n’est pas satisfait, l’arbitre n’a pas commis d’erreur en rejetant la défense d’irrecevabilité pour identité des questions en litige du demandeur.

 

c)         Application de l’article 34

 

[32]      Même s’il s’agissait d’un cas de chose jugée, l’article 34 de la Loi écarte le principe de l’autorité de la chose jugée à l’égard des mesures prises en vertu de l’article 27 de la Loi. Voir Rabbat c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] 2 C.F. 46 (1re inst.), Cortez c. Canada (Secrétaire d’État) (1994), 74 F.T.R. 9, Halm c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] 1 C.F. 547 (1re inst.) et Yousif c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 167 F.T.R. 85.

 

[33]      L’avocat du demandeur fait valoir que la Cour ne devrait pas appliquer l’article 34 parce que le nouveau rapport, quoique établi en vertu d’un article différent de la Loi, s’appuie sur le même ensemble de faits que les rapports à l’origine des instances antérieures. Il prétend que, dans les décisions précédentes touchant l’article 34, la Cour était aux prises avec soit un vice dans la première instance, soit une seconde enquête fondée sur un ensemble différent de faits, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 


[34]      La Cour a déjà décidé que l’article 34 s’applique aux procédures entamées en vertu d’un motif de non‑admissibilité différent mais fondées sur le même ensemble de faits (voir la décision Cortez précitée). Les faits en l’espèce sont extrêmement similaires à ceux de l’affaire Cortez. Un rapport avait été produit en vertu de l’article 27, après la condamnation du demandeur pour conduite avec facultés affaiblies. Ce rapport était fondé sur la non‑admissibilité par application des sous‑alinéas 19(2)a)(i) et (ii), tels qu’ils étaient rédigés avant le 1er février 1993. L’arbitre avait conclu que l’allégation n’était pas valide parce que les sous‑alinéas 19(2)a)(i) et (ii) établissaient à l’endroit du demandeur une distinction fondée sur l’âge, comme dans l’affaire Ruparel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1990] 3 C.F. 615. Après l’entrée en vigueur des Modifications, un nouveau rapport avait été produit en application de l’article 27, alléguant que le demandeur appartenait à une catégorie de personnes non admissibles en vertu du nouvel alinéa 19(2)a) au regard du même ensemble de faits. M. le juge Rouleau a conclu, à la page 13, que l’enquête pouvait se poursuivre parce que « l'article 34 exclut l'application du principe de l'autorité de la chose jugée dans le contexte précis de l'article 27 de la Loi ».

 

[35]      La présente affaire porte également sur une enquête fondée sur une nouvelle disposition de la Loi qui n’était pas en vigueur à l’époque de l’infraction et sur le même ensemble de faits que ceux allégués dans une enquête antérieure où la disposition en question a été jugée inconstitutionnelle. La Cour adopte le raisonnement du juge Rouleau et conclut que l’article 34 exclut l’application du principe de l’autorité de la chose jugée. L’arbitre n’a donc pas fait erreur en rejetant les défenses de res judicata et d’irrecevabilité pour identité des questions en litige du demandeur.

 

 

2.         Abus de procédure

Cinq facteurs

 

[36]      Le demandeur soutient que l’arbitre a fait erreur en n’appliquant pas la doctrine d’abus de procédure de la common law pour suspendre l’instance. Il prétend que l’abus de procédure repose sur les cinq facteurs :

 

1.                  L’enquête actuelle est fondée sur les mêmes faits que ceux des instances antérieures, à la seule différence que l’alinéa de la Loi n’est pas le même.

2.                  Le ministre a choisi d’intenter en 1997 des procédures fondées sur la Loi en vigueur avant le 1er février 1993. La nouvelle enquête fondée sur les dispositions modifiées de la Loi, qu’il entreprend maintenant, constitue de l’abus de procédure, car il aurait pu faire ce choix en 1997.

3.                  Le demandeur a déjà fait l’objet de deux procès sur la question et lui faire subir un autre procès est excessivement abusif.

4.                  Les procédures traînent en longueur.


5.                  Bien que les allégations puissent apparaître graves, après un examen objectif des faits, on s’aperçoit qu’ils ne sont pas aussi graves qu’ils semblent l’être.

 

Le critère

 

[37]      La Cour suprême du Canada a reconnu qu’il existe en common law un principe d’abus de procédure pouvant être invoqué pour demander la suspension d’une procédure administrative lorsque l’autorisation de continuer cette procédure serait abusive. Voir Blencoe c. Colombie‑Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.S.C. 307, aux paragraphes 116 et 117. Dans cet arrêt, M. le juge LeBel, dissident en partie, a expliqué le critère applicable en cas d’abus de procédure en droit administratif. Il a écrit au paragraphe 144 de la décision :

 

Lorsque nous nous demandons s'il y a eu abus de procédure selon le droit administratif, nous nous posons la même question fondamentale : un organisme administratif a‑t‑il traité des gens excessivement mal?

 

 

Après avoir examiné les cinq facteurs énumérés par le demandeur dans leur ensemble, la Cour conclut que M. Al Yamani n’a pas été traité « excessivement mal » et qu’il n’y a aucun abus de procédure.

 

Facteur 1

 

[38]      En ce qui a trait au premier facteur énuméré par le demandeur, la Cour a tranché précédemment que le ministre a le droit de lancer une nouvelle enquête fondée sur les mêmes faits que ceux des instances antérieures, mais en application d’un paragraphe différent de la Loi.

 

Facteur 2

 


[39]      Le deuxième facteur énoncé par le demandeur concerne la décision du ministre de procéder sur le fondement des dispositions en vigueur après les Modifications, ce qu’il n’a pas fait en 1997. La Cour ne croit pas que le ministre ait fait, en 1997, un choix qui liait contestation sur le fondement des motifs de non‑admissibilité existant avant les Modifications et qui l’empêche maintenant d’invoquer la division 19(1)f)(iii)(B). Après la décision Al Yamani (no 2), l’affaire a été renvoyée au CSARS et l’audition a été recommencée. Le CSARS a encore procédé en tenant compte du rapport du ministre daté du 29 mai 1992. L’article 110 de la Loi modifiant la Loi sur l’immigration et d’autres lois en conséquence, précitée, prévoyait que les enquêtes ou audiences commencées en application de dispositions de la Loi sur l’immigration modifiées ou abrogées par les Modifications étaient tenues, et les décisions auxquelles elles donnaient lieu étaient rendues, comme si ces dispositions n’avaient pas été modifiées ou abrogées. Conformément à cette disposition transitoire, le ministre était tenu de procéder sur le fondement des motifs de non‑admissibilité existant avant les Modifications devant le CSARS en 1997.

 

[40]      Par suite de l’affaire Al Yamani (no 3), le ministre n’a pas délivré d’attestation de sécurité fondée sur le rapport du 29 mai 1992. Le dossier a plutôt été envoyé à Immigration Canada et un nouveau rapport et une directive d’enquête, s’appuyant sur les dispositions en vigueur après les Modifications, ont été produits. Comme l’enquête actuelle n’est pas fondée sur le rapport produit avant les Modifications, le ministre n’est pas tenu de continuer d’appliquer les dispositions en vigueur avant les Modifications au cas de M. Al Yamani, comme l’article 110 le prévoit.

 

[41]      Le ministre n’a pas non plus fait d’abus de procédure en ne soulevant pas, en 1997, les motifs de non‑admissibilité en vigueur après les Modifications. Dans la décision Halm, précitée, le demandeur a également allégué l’abus de procédure parce que le ministre se livrait à du « blocage » en avançant seulement certains motifs de non‑admissibilité après l’annulation d’une ordonnance d’expulsion fondée sur des motifs invoqués antérieurement. M. le juge Rothstein a fait référence au champ d’application de l’article 34 en autorisant le ministre à entreprendre de nouvelles enquêtes et il a donné l’explication suivante à la page 570 :

 


[...] L'avocat du requérant soutient néanmoins que l'article 34 ne permet pas la tenue d'une seconde enquête lorsque les motifs justifiant la tenue de cette enquête étaient connus et qu'ils auraient pu être invoqués lors de la première enquête. Je ne vois cependant rien à l'article 34 qui permette de conclure qu'il ne s'applique pas en l'espèce. L'article 34 est libellé en des termes généraux. Si on l'amène à sa conclusion logique, l'argument du requérant signifie que, s'il existe des motifs d'expulsion qui sont connus mais qui ne sont pas invoqués par le ministre lors d'une enquête, l'article 34 ne permet pas de procéder à une autre enquête, et le Canada perd son droit d'expulser un étranger indésirable. Même l'avocat du requérant ne préconise pas un tel résultat.

 

 

En vertu de la Loi, le ministre peut se livrer à du « blocage » et il n’était pas tenu d’invoquer les motifs de non‑admissibilité en vigueur après les Modifications en 1997.

 

Facteurs 3 et 4

 

[42]      Les troisième et quatrième facteurs énoncés par le demandeur, à savoir que la tenue d’une autre enquête était excessivement abusive et que les procédures traînaient en longueur, ne donnent pas lieu à un abus de procédure. Même si la durée et le nombre des procédures dans la présente affaire préoccupent la Cour, rien ne prouve que cette situation est attribuable à une période d’inactivité prolongée du défendeur. Le demandeur n’a pas non plus allégué que le défendeur agissait pour un motif  inacceptable en commençant une autre enquête. Si les procédures durent depuis plus de 10 ans, c’est principalement parce que le demandeur a su utiliser avec succès les recours judiciaires dont il disposait. En lançant une nouvelle enquête, le ministre s’est consciencieusement conformé aux ordonnances précédentes de la Cour et il a agi dans les limites du pouvoir qui lui a été conféré par la Loi. Le délai, dans les circonstances, n’est pas un motif suffisant pour amener la Cour à conclure qu’il y a eu abus de procédure. Voir Estrada c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1987), 8 F.T.R. 317, et la décision Yousif précitée.

 

Facteur 5

 


[43]      Même si, pris individuellement, les quatre facteurs précédents ne donnent pas lieu à de l’abus de procédure, la Cour reconnaît qu’ils doivent être considérés dans leur ensemble et conjointement avec la gravité des allégations à l’endroit du demandeur. La Cour suprême du Canada dans R. c. Keyowski, [1988] 1 R.C.S. 657 a établi que la gravité du crime allégué était un facteur devant être pris en considération pour trancher la question de l’abus de procédure dans un contexte de droit criminel. Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Tobiass, [1997] 3 R.C.S. 391, à la page 429, la Cour suprême du Canada devait décider si la suspension de l’instance était un recours approprié dans le cas d’une atteinte à l’indépendance judiciaire. En exposant les facteurs appropriés à prendre en considération pour autoriser une suspension de l’instance, la Cour a reconnu ce qui suit au paragraphe 92 :

 

[...] [qu']il peut y avoir des cas où il sera approprié de mettre en balance les intérêts que servirait la suspension des procédures et l'intérêt que représente pour la société un jugement définitif statuant sur le fond. Naturellement, cela ne signifie pas qu'une préoccupation publique passagère puisse jamais l'emporter sur un acte apparenté à une conduite répréhensible grave. Au contraire, ce facteur ne fait que reconnaître que, dans certains cas, lorsqu'il n'est pas sûr que l'abus justifie la suspension des procédures, l'intérêt irrésistible de la société à ce qu'il y ait un débat sur le fond pourrait faire pencher la balance en faveur de la poursuite des procédures.

 

 

La Cour a refusé d’accorder la suspension des procédures dans Tobiass. L’un des motifs qu’elle a donnés est expliqué dans les termes suivants au paragraphe 109 :

 

[...] l'intérêt de la société à ce que soit rendu un jugement définitif sur le fond est évident. Il est impératif que la vérité se manifeste. S'il n'est pas prouvé que les appelants ont fait les choses qu'on leur reproche, ils garderont leur citoyenneté. Mais si les actes allégués sont établis, en tout ou en partie, les mesures appropriées devront être prises. Ce qui est en jeu ici, si peu que ce soit, c'est la réputation du Canada en tant que membre solidaire de la communauté internationale. À notre avis, cette préoccupation est de la plus haute importance.

 

 

Conformément à ces directives de la Cour suprême du Canada, notre Cour doit considérer la gravité de l’allégation à la lumière de la réputation du Canada en tant que membre solidaire de la communauté internationale.

 


[44]      Bien que les facteurs énumérés par le demandeur soient probants lorsqu’on les considère dans leur ensemble, suivant l’avis exprimé par la Cour suprême dans l’arrêt Tobiass, au paragraphe 107, l'intérêt qu'a la société à voir cette affaire aboutir « l'emporte sur la suspension des procédures ». Le rapport du CSARS de 1997 mentionnait que le demandeur avait participé aux activités terroristes du FPLP, notamment l’attentat à la bombe contre un bureau d’Air Egypt en 1977 et que le FPLP était prêt à commettre des actes de violence au Canada si cela était nécessaire pour parvenir à ses fins. Si ces allégations s’avèrent exactes, elles constitueront des crimes d’une grave nature et des mesures appropriées devront être prises. Comme la Cour suprême du Canada l’a affirmé au paragraphe 3 de l’arrêt Suresh, précité, le terrorisme est un « fléau manifeste » et « [p]our exprimer la volonté des citoyens, les gouvernements ont besoin des outils juridiques propres à leur permettre de relever efficacement ce défi ». Par ailleurs, si le demandeur n’a pas pris part aux activités de l’aile terroriste du FPLP, il aura la chance de démontrer à l’enquête qu’il est une personne dont l’admission « ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national » conformément à l’alinéa 19(1)f). S’il réussit à faire cette preuve, il conservera son statut de résident permanent.

 

 

[45]      La Cour est d’avis que l’affaire devrait être autorisée à passer à l’étape de l’enquête. Il n’y a eu en l’espèce aucun abus de procédure. Le ministre s’est consciencieusement conformé aux dispositions de la Loi et aux ordonnances de la Cour dans Al Yamani (no 2) et Al Yamani (no 3) en  lançant la nouvelle enquête.

 

3.         Rétroactivité

 

[46]      Le demandeur fait valoir que l’arbitre a commis une erreur de droit en concluant que les dispositions modifiées de la Loi (en date du 1er février 1993) s’appliquent à M. Al Yamani même si elles sont entrées en vigueur après son établissement à titre de résident permanent au Canada en 1985 et après la rupture de ses liens avec le FPLP en 1992.

 

[47]      Madame le juge L’Heureux-Dubé, s’exprimant au nom de la Cour dans l’arrêt Brosseau c. Alberta Securities Commission, [1989] 1 R.C.S. 301, a réitéré le principe fondamental de l’interprétation des lois qui veut qu’en cas de confusion quant au sens d’une loi, celle‑ci ne devrait pas être interprétée de manière à avoir un effet rétroactif. Toutefois, aux pages 317 à 319 de la décision, elle a affirmé que la présomption de non‑rétroactivité ne s’applique pas si le but de la loi n’est pas de punir la personne en question mais de protéger le public. L’interprétation correcte à donner est qu’une loi n’a pas d’effet rétroactif si son but réel est prospectif et qu’elle vise à protéger le public dans l’avenir. Elle a dit à la page 320 :

 

Elmer Driedger résume la question dans "Statutes: Retroactive, Retrospective Reflections" (1978), 56 R. du B. can. 264, à la p. 275 :


 

[TRADUCTION] Finalement, il faut se tourner vers l'objet de la loi. Si l'intention est de punir ou de pénaliser une personne pour ce qu'elle a fait, la présomption joue, parce qu'une nouvelle conséquence se rattache à un événement antérieur. Toutefois, si la nouvelle punition ou peine est destinée à protéger le public, la présomption ne joue pas.

 

 

 

 

Une loi n’est pas non plus rétroactive simplement parce qu’elle anéantit des droits acquis tout en protégeant le public (voir E.A. Driedger, The Composition of Legislation; Legislative Forms and Precedents (Ottawa : ministère de la Justice, 1976), à la page 112). Même si, selon la règle générale, la Cour tentera de donner une interprétation qui porte le moins possible atteinte aux droits acquis, si la loi est claire et non ambiguë, elle s’appliquera suivant ses termes que les droits acquis soient touchés de manière préjudiciable ou non. (Voir Driedger, précité, à la page 107).

 

[48]      Tel qu’il a été mentionné précédemment, ces dispositions visent à protéger le public dans l’avenir. En prévoyant qu’un résident permanent, comme M. Al Yamani, peut faire l’objet d’un rapport s’il appartient à une catégorie de personnes non admissibles visées à l’alinéa 27(1)a), qui intègre la nouvelle division 19(1)f)(iii)(B), à savoir « celles [les personnes] dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elles ¼ sont ou ont été membres d’une organisation ¼ [qui] se livre ou s’est livrée ¼ à des actes de terrorisme », la loi fait en sorte que le Canada protège le public des actes de terrorisme.

 

[49]      Ni l’alinéa 27(1)a) ni la division 19(1)f)(iii)(B) ne s’appliquent de façon rétroactive. Le fait d'adopter une règle qui, dorénavant, exclurait des personnes du Canada en raison de leur conduite dans le passé ne signifie pas que la loi est appliquée rétroactivement. Voir Rudolph c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 2 C.F. 653 (C.A.), au paragraphe 6. M. le juge MacKay a appliqué ce principe dans McAllister c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] 2 C.F. 190 (1re inst.), paragraphe 52, et conclu que la division 19(1)f)(iii)(B) n’a pas d’effet rétroactif lorsqu’elle est appliquée à des revendicateurs du statut de réfugié. De la même manière, la Cour conclut que la division 19(1)f)(iii)(B) n’a pas d’effet rétroactif lorsqu’elle est appliquée à des résidents permanents.


[50]      La véritable question est de savoir si le droit acquis du demandeur de demeurer au Canada à titre de résident permanent peut être aboli pour des événements qui se sont produits avant l’entrée en vigueur des dispositions. Le libellé des dispositions pertinentes de la Loi est clair et sans ambiguïté. Lorsque l’alinéa 27(1)a) est lu conjointement avec la division 19(1)f)(iii)(B), le libellé révèle que ces dispositions visent à couvrir les événements survenus avant leur entrée en vigueur. L’alinéa 27(1)a) est rédigé comme suit :

 

27. (1) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit faire part au sous‑ministre, dans un rapport écrit et circonstancié, de renseignements concernant un résident permanent et indiquant que celui‑ci, selon le cas_:

 

a) appartient à l'une des catégories non admissibles visées aux alinéas 19(1)c.2), d), e), f), g), k) ou l); [Non souligné dans l’original.]

 

L’alinéa 27(1)a) établit qu’un résident permanent peut faire l’objet d’un rapport s’il appartient actuellement à une catégorie de personnes non admissibles visées à la division 19(1)f)(iii)(B), qui est rédigée comme suit :

 

19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

 

[...]

 

f) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles_:

 

[...]

 

(iii) soit sont ou ont été membres d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle se livre ou s'est livrée_:

 

[...]

 

(B) soit à des actes de terrorisme,

 

le présent alinéa ne visant toutefois pas les personnes qui convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national; [Non souligné dans l’original.]

 

 


Les mots « soit sont ou ont été membres » indiquent que la personne en question appartient maintenant à une catégorie de personnes non admissibles visées à la division 19(1)f)(iii)(B) si à un moment ou un autre de sa vie elle a été membre d’une organisation terroriste. Il n’est pas nécessaire que la personne ait été membre de l’organisation à un certain moment après l’entrée en vigueur de cette disposition. Ces dispositions ont pour effet de retirer au demandeur son droit acquis d’être résident permanent au Canada. Par conséquent, le fait que le demandeur ait rompu les liens avec le FPLP avant l’entrée en vigueur des Modifications n’est pas pertinent. La décision Cortez précitée

présente une situation similaire touchant le paragraphe 19(2).

 

[51]      Le demandeur a fait valoir que cette interprétation des articles 19 et 27 signifie qu’un demandeur pourrait se voir accorder le statut de résident permanent un jour seulement pour se le voir retirer un autre jour par une modification apportée aux lois de l’immigration. La Cour reconnaît que cela est possible. Néanmoins, compte tenu du fait que les résidents permanents ne jouissent pas d’un droit absolu de demeurer au Canada, le législateur fédéral a la prérogative d’adopter une politique d’immigration prescrivant les conditions auxquelles ceux‑ci doivent satisfaire pour demeurer au Canada (voir Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711. Il n’échoit pas à la Cour de contester la décision du législateur de créer des nouveaux motifs de non‑admissibilité qui peuvent avoir pour conséquence le renvoi de personnes ayant précédemment obtenu le statut de résident permanent dans ce pays.

 

[52]      Par conséquent, l’arbitre a correctement interprété et appliqué les règles d’interprétation des lois quant à la rétroactivité.


DISPOSITIF

 

[52]      Pour les motifs susmentionnés, la Cour rejette la présente demande et ordonne qu’il soit procédé à l’enquête. Les avocats disposent d’un délai de dix jours pour proposer des questions graves de portée générale pour la certification. Par la suite, ils auront un autre délai de dix jours pour déposer leurs arguments en réponse aux questions proposées.

 

 

 

 

 

 

   « Michael A. Kelen » _________________________

      Juge

 

 

OTTAWA (ONTARIO)

LE 8 NOVEMBRE 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-5696-01

 

INTITULÉ :                                                   ISSAM AL YAMANI

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE MERCREDI 23 OCTOBRE 2002  

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE VENDREDI 8 NOVEMBRE 2002

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mme Barbara Jackman                                                              Pour le demandeur

M. Ron Poulton

 

M. Donald McIntosh                                                                Pour le défendeur

M. Jamie Todd

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                             

 

Mme Barbara Jackman                                                              Pour le demandeur

Avocate

596, avenue St. Clair Ouest, bureau 3

Toronto (Ontario) M6C 1A6                                                   

 

Morris Rosenberg                                                                     Pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

 

 


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

 

                                                      Date : 20021108

 

                   Dossier : IMM-5696-01

 

 

ENTRE :

 

 

ISSAM AL YAMANI

 

demandeur

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE LIMMIGRATION

 

                                                                   défendeur

 

 

 

                                                      

 

MOTIFS DE LORDONNANCE

 

                                                      

 

 


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