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Date :  20081121

Dossier :  IMM-1044-08

Référence :  2008 CF 1292

Ottawa (Ontario), le 21 novembre 2008

En présence de Monsieur le juge Beaudry 

 

ENTRE :

DAVID MOHILOV

LEILA MOHILOV

SHIMON MOHILOV

ARIEL MOHILOV

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la loi) à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) rendue par le commissaire Pierre Duquette, le 8 février 2008, selon laquelle les demandeurs n’ont pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni de personnes à protéger.

 

 

I.          Question en litige

[2]               La Cour considère pertinentes les questions suivantes :

a.                   Est-ce que le tribunal a erré en concluant que le demandeur principal ne serait pas forcément appelé à commettre des violations au droit international humanitaire?

b.                  Est-ce que le tribunal a erré au sujet de la peine quant à la désertion en se fiant à la peine qui a été imposée au demandeur principal dans le passé?

 

[3]               La demande de contrôle judiciaire sera rejetée pour les raisons suivantes.

 

II.        Contexte factuel

[4]               Les demandeurs sont citoyens d’Israël. Le demandeur principal, David Mohilov est âgé de 34 ans et il est l’époux de Leila Mohilov, âgée de 31 ans, ainsi que le père de Shimon et d’Ariel, tous deux mineurs.

 

[5]               Le demandeur principal a immigré d’ex-URSS (Russie) vers Israël en juin 1994. En mai 1996, il a été appelé pour son service militaire qui s’est poursuivi jusqu’en septembre 1996. À la fin de son entraînement, on lui a dit qu’il serait appelé en 1997 dans des unités actives.

 

[6]               En septembre 1997, pour échapper à l’armée, il est allé au Canada où il a vécu comme visiteur pendant un an, jusqu’en septembre 1998.

 

[7]               Même s’il aurait dû être appelé à chaque année pour une durée d’un mois pour son service militaire, le demandeur principal n’a eu aucune nouvelle du service militaire jusqu’en juin 2003 lorsque les autorités ont découvert, lors d’un contrôle d’identité, qu’il était recherché par l’armée. Il a été détenu pendant deux jours et envoyé par la suite comme patrouilleur pendant un mois.

 

[8]               Le demandeur principal s’est marié à Leila, une musulmane, en août 2003. Leila avait immigré en Israël de la Russie en février 2001. Le demandeur a ensuite été exempté de l’armée en 2004 parce que son épouse était enceinte. Le 5 juin 2005, il a servi un mois comme patrouilleur. En juin 2006, il a été convoqué pour faire son service annuel d’un mois du 5 juillet au 5 août dans une base militaire près de la frontière libanaise.

 

[9]               Le demandeur principal a quitté pour le Canada le 27 juin 2006 afin de ne pas être dans l’armée active et il a demandé l’asile le 15 décembre 2006. Son épouse et ses enfants sont arrivés au Canada le 8 décembre 2006 et ont aussi demandé l’asile en même temps que le demandeur principal. Les demandeurs disent craindre d’être persécutés du fait de leur religion, de leur nationalité et de leurs opinions politiques. Ils estiment aussi être des personnes à protéger parce qu’ils disent être exposée à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, de même qu’au risque d’être soumis à la torture.

 

[10]           Leila Mohilov, base sa demande sur celle de son mari et ajoute qu’elle a un nom musulman et qu’elle a été discriminée.

 

III.       Décision contestée

[11]           Le tribunal a d’abord noté que demandeur principal a fait un mois de service militaire en 2005 sans problème et sans protestation. Lorsqu’il est venu au Canada la deuxième fois, le demandeur cherchait à éviter le service de 2006. Le demandeur a expliqué qu’il devait se présenter à la base Zir Filadelfi, qui se trouvait près de la frontière libanaise, donc il a conclu qu’il aurait été appelé au combat. Il a déclaré qu’il n’aurait pas quitté Israël s’il n’avait pas été envoyé dans une unité semblable. Il a dit ne pas avoir d’objection à servir dans l’armée, en autant qu’il ne soit pas intégré dans une unité de combat, car il aurait alors à attaquer des civils et à détruire leurs maisons.

 

[12]           Le tribunal explique que le demandeur principal ne pouvait pas prévoir qu’il y aurait une guerre de 34 jours entre le Liban et Israël, débutant le 12 juillet 2006, au moment où il a décidé d’aller au Canada et il ne peut pas justifier son départ par cette guerre déclenchée plus tard. Le tribunal a toutefois considéré le demandeur crédible quand il a dit qu’il ne voulait pas tuer des civils, même si cette hypothèse n’était pas nécessairement imminente en juin 2006.

 

[13]           Le tribunal a mentionné que le demandeur principal n’a jamais fait partie d’une organisation, ni d’un parti politique et n’a jamais manifesté publiquement son opposition à des attaques contre des civils. La seule preuve reçue par le tribunal à ce sujet constitue l’affirmation personnelle du demandeur.

 

[14]           Le tribunal a reconnu qu’il y a de la preuve au dossier (rapports d’Amnistie internationale et de Human Rights Watch concernant le Liban) indiquant que des crimes de guerre ont été commis durant la guerre entre Israël et le Liban en juillet et août 2006. Par contre, cette guerre est terminée et le demandeur principal n’aurait pas à participer à cette guerre s’il devait retourner en Israël. Jusqu’à maintenant, le demandeur a participé au service militaire trois fois pour des périodes variant entre un et quatre mois et on ne lui a jamais demandé de commettre des crimes contre l’humanité. Le tribunal a affirmé qu’un très faible pourcentage du demi-million de militaires israéliens a tiré sur des civils pendant la guerre de 34 jours.

 

[15]           De plus, le demandeur n’était pas un gradé et n’avait pas à prendre de décisions sur la conduite de la guerre. Comme dans la cause Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 420, [2007] 1 R.C.F. 561, il n’était qu’un simple fantassin. S’il est vrai que des crimes ont été commis, rien ne prouve que le demandeur aurait été appelé à en commettre. Rien dans la preuve soumise n’indique que le demandeur ne serait pas en mesure d’expliquer son refus d’agir sur un ordre illégal et qu’il serait condamné à une peine déraisonnable s’il refusait d’agir.

 

[16]           Le tribunal estime que le demandeur principal n’a jamais eu à poser des gestes répréhensibles. Rien dans la preuve soumise n’indique que le demandeur aurait été obligé de participer à des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité, et ce, même s’il est appelé pour servir à la frontière du Liban.

 

[17]           Le tribunal reconnaît que la preuve au dossier est à l’effet que le service militaire est obligatoire en Israël et qu’il n’y a pas de service alternatif ou service civil. Les hommes doivent faire un mois de service militaire par année jusqu’à l’âge de 45 ans. Tout gouvernement a un droit reconnu d’exiger de ses citoyens d’accomplir un service militaire et d’imposer des peines à ceux qui refusent ou qui désertent. Les sanctions varient, mais généralement, il ne s’agit pas de persécution. Cependant, le tribunal constate que dans certaines circonstances, un déserteur ou un insoumis peut être considéré comme un réfugié.

 

[18]           Le tribunal cite le professeur James Hathaway, qui constate qu’un demandeur n’est pas un réfugié uniquement parce qu’il ne veut pas servir dans l’armée. Par contre, il existe trois exceptions à ce principe, qui sont mentionnées par la Cour dans l’arrêt Lebedev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 728, 314 F.T.R. 286 :

            1.         l’insoumission peut avoir un lien avec un des motifs prévus par la Convention si la conscription en vue d’un but licite et légitime s’effectue de manière discriminatoire ou si la peine infligée au déserteur est entachée de partialité pour l’un des motifs prévus par la Convention;

            2.         l’insoumission peut entraîner la reconnaissance du statut de réfugié si elle reflète l’opinion politique implicite que le service militaire en question est foncièrement illégitime au regard  du droit international;

            3.         la dernière exception s’applique aux personnes ayant des « objections de principe » au service militaire, plus connues sous le nom d’« objecteurs de conscience ».

 

[19]           Le demandeur ne prétend pas que sa convocation au service militaire est discriminatoire ou que les peines éventuellement encourues pourraient être appliquées de façon partiale à cause d’un motif de la Convention. Il appuie sa demande sur la deuxième exception car il considère que la dernière convocation en juillet 2006 l’aurait associé à des actions militaires illégitimes.

 

[20]           Cette exception est visée aux paragraphes 170 et 171 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (le Guide du HCNUR). Pour être visé par le paragraphe 170 du Guide, le demandeur doit refuser de servir dans l’armée en raison de ses convictions politiques, religieuses ou morales ou pour des raisons de conscience valables. Le paragraphe 171 énonce qu’une conviction morale ou politique authentique ne permet pas toujours de justifier une demande de statut de réfugié. Ce paragraphe exige aussi qu’il y ait aussi des éléments de preuve objectifs démontrant que « le type d’action militaire auquel l’individu en question ne veut pas s’associer est condamné par la communauté internationale comme étant contraire aux règles de conduite les plus élémentaires ». Le demandeur n’a produit aucune preuve spécifique sur la violation des droits de l’homme dans les actions militaires d’Israël dans les territoires occupés ou au Liban. Il n’a pas pu prouver que des violations sérieuses et nombreuses ont été commises et qu’il ne pourrait s’y soustraire s’il était conscrit. La deuxième exception ne s’applique donc pas au demandeur.

 

[21]           S’il devait retourner en Israël, le demandeur aurait probablement à subir les conséquences de sa désertion. Le tribunal se fie à la peine minime qui lui a été imposée, soit deux jours d’emprisonnement pour avoir évité le service de 1997 à 2003. D’ailleurs, le demandeur n’a pas démontré qu’il serait condamné à une peine exagérée ou que celle-ci serait entachée de partialité pour l’un des motifs prévus par la Convention.

 

[22]           Le tribunal a aussi décidé que la demande d’asile de la demanderesse et ses enfants, qui basent leurs demandes sur celle du demandeur principal, ne saurait être acceptée.

 

[23]           La demanderesse a aussi allégué qu’elle était discriminée parce qu’elle avait un nom musulman. Les quelques exemples qu’elle a relevé à l’audience ne ressemblent pas à de la persécution. D’après le tribunal, la demanderesse n’a pas prouvé avoir une crainte raisonnable de persécution si elle devait retourner en Israël.

 

[24]           Enfin, rien dans la preuve ne démontre que les demandeurs sont des personnes à protéger en vertu de l’article 97 de la loi.

 

IV.       Législation pertinente

[25]           La législation pertinente se retrouve à l’Annexe « A » à la fin de ces motifs.

 

V.        Analyse

1. Est-ce que le tribunal a erré en concluant que le demandeur principal ne serait pas forcément appelé à commettre des violations au droit international humanitaire?

 

[26]           Selon le demandeur, la question de savoir s’il a été appelé à commettre des violations au droit international est une question de droit qui tombe sous la norme de la décision correcte (Lebedev, ci-dessus au paragraphe 54 et Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, [2005] 2 R.C.S. 100 au paragraphe 37).

 

[27]           Il explique que dans l’examen de la participation à des violations au droit international humanitaire, le tribunal considère le nombre total de militants en Israël et le fait qu’un très faible pourcentage de ces militaires ont dû tirer sur des civils lors de la guerre au Liban. Le tribunal aurait dû considérer qu’il y a d’autres violations graves des droits humains commis par les militaires israéliens dans d’autres endroits où ils sont mobilisés. Le pourcentage de soldats qui commettent ces violations est donc plus élevé que ce que croit le tribunal.

 

[28]           Le tribunal reproche au demandeur principal d’avoir quitté Israël avant le début des hostilités avec le Liban et que si le demandeur devait maintenant retourner en Israël, sa participation à des violations au droit international humanitaire ne serait pas dans le cadre de la guerre entre Israël et le Liban car celle-ci s’est terminée en août 2006. Le demandeur soumet que son objection n’est pas limitée au territoire ou dans le cadre de la guerre avec le Liban, mais dans tous les endroits où les militaires israéliens doivent commettre des violations au droit international humanitaire. Le tribunal aurait donc dû examiner les autres endroits où les forces armées israéliennes commettent de graves violations des droits de l’homme.

 

[29]           Le demandeur principal allègue que la sanction de refuser de servir ou d’exécuter un ordre illégal peut être considérée comme de la persécution lorsque l’action militaire est condamnée par la communauté internationale.

 

[30]           Il soumet aussi que la norme de preuve applicable aux faits qui sous-tendent une demande d’asile est celle de la prépondérance des probabilités (Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 1, [2005] 3 R.C.F. 239). Ainsi, le demandeur principal ne doit pas prouver à 100% qu’il sera personnellement appelé à commettre des crimes.

 

[31]           Le défendeur estime que le tribunal a tenu compte de toutes les allégations et explications des demandeurs. Le demandeur principal n’a pas d’objection à servir dans l’armée, en autant qu’il n’est pas intégré dans une unité de combat et le tribunal avec raison a conclu qu’il n’avait pas démontré qu’on lui avait demandé de commettre des crimes contre des civils dans le passé ou qu’il serait appelé à en commettre s’il continuait à remplir ses obligations de réserviste.

 

[32]           De même, la preuve documentaire citée par le tribunal indique que malgré que des crimes de guerre ont été commis lors de la récente guerre avec le Liban, il n’y a pas eu de violations des droits humains systématiques de la part des forces militaires israéliennes.

 

[33]           Le défendeur note qu’il est bien établi qu’une aversion au service militaire ne permet pas, en soi, d’établir une crainte bien fondée de persécution (Musial c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1982] 1 C.F. 290; 38 N.R. 55 (C.A.F.); Popov c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 75 F.T.R. 90, 24 Imm. L.R. (2d) 242 (C.F. 1ère inst.)). D’autre part, le défendeur note que le demandeur savait, avant d’immigrer en Israël, qu’il aurait à faire un service militaire dans ce pays (Talman c. Canada (Solliciteur général), (1995) 93 F.T.R. 266, 54 A.C.W.S. (3d) 741 (C.F. 1ère inst.) et Kogan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 57 A.C.W.S. (3d) 87, [1995] A.C.F. no 865 (C.F. 1ère inst.) (QL)).

 

[34]           D’après le défendeur, le tribunal a correctement indiqué que la loi israélienne est d’application générale et qu’aucun caractère discriminatoire n’a été démontré (Zolfagharkhani c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 3 C.F. 540 (C.A.F.); Budaghyan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 20, 112 A.C.W.S. (3d) 934). De plus, il est reconnu que l’existence d’un service militaire obligatoire n’est pas un motif de protection (Ozunal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 560, 291 F.T.R. 305; Usta c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1525, 134 A.C.W.S. (3d) 1070).

 

[35]           Par ailleurs, considérant que le demandeur principal ne serait qu’un simple soldat, la participation d’un fantassin à une guerre licite est insuffisante pour justifier l’octroi du statut de réfugié et sa simple participation ne lui permet pas d’invoquer le paragraphe 171 du Guide du HCNUR (Hinzman, ci-dessus).

 

[36]           Bien que le tribunal ait reconnu que des crimes de guerre ont été commis durant la guerre de 34 jours, il ne s’agissait pas de violations systémiques des droits de la personne par les militaires. Le tribunal a correctement conclu que la preuve relative à la condamnation internationale était insuffisante.

 

[37]           De plus, le demandeur a omis de présenter de la preuve démontrant des situations courantes, autres que la guerre de 34 jours, où il serait appelé à commettre des violations au droit humanitaire international.

[38]           Après avoir analysé les assises de cette décision basée sur la preuve déposée, la Cour ne peut en conclure que son intervention est nécessaire ici. En effet, la conclusion du tribunal est supportée par les faits et la preuve documentaire que ce dernier avait à considérer.

 

2. Est-ce que le tribunal a erré au sujet de la peine quant à la désertion en se fiant à la peine qui a été imposée au demandeur principal dans le passé?

 

[39]           La considération de la sanction qui pourrait être accordée au demandeur principal constitue une question de fait qui est soumise à la nouvelle norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190).

 

[40]           Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47). La Cour ne doit pas intervenir tant que la décision du tribunal est raisonnable et elle ne peut pas substituer son propre avis au seul motif qu’elle aurait pu en venir à une conclusion différente.

 

[41]           D’après le demandeur, le tribunal s’est fié à la peine minime qui lui a été imposée dans le passé pour présumer que la peine qu’il va encourir dans le futur ne sera pas sévère. Le demandeur note que la situation par rapport à la peine évolue au fil des années et en fonction de certains facteurs aggravants, donc il n’est pas approprié de considérer cette peine minime en l’espèce.

 

[42]           Le défendeur soumet qu’en ce qui concerne les sanctions reliées au refus d’accomplir le service militaire, la Cour a récemment reconnu que la possibilité d’emprisonnement pour une période allant jusqu’à 56 jours ne constituait pas une peine excessive ni draconienne ou de la persécution (Sounitsky c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 345, 166 A.C.W.S. (3d) 310).

 

[43]           Le défendeur ajoute que la preuve personnelle des demandeurs démontre que les conséquences du défaut du demandeur principal de se conformer à ses obligations militaires n’ont pas été graves et qu’il a aussi bénéficié d’exemptions, notamment car il fut emprisonné pendant seulement deux jours pour avoir évité le service militaire entre 1997 et 2003.

 

[44]           Le défendeur note que la sanction applicable aux déserteurs est une loi d’application générale. Le défendeur cite Musial, ci-dessus et soumet que lorsqu’une personne est punie pour avoir violé une loi d’application générale, c’est l’infraction commise et non  la motivation politique qui doit être considéré. La sanction découlant d’une loi d’application générale n’est pas suffisante pour constituer de la persécution, car il s’agit plutôt de poursuite et non de persécution (Lebedev, ci-dessus, au paragraphe 26).

 

[45]           Le demandeur principal allègue notamment qu’il craint retourner en Israël car il sera sanctionné pour avoir déserté l’armée.

 

[46]            En Israël, la loi d’application générale impose aux citoyens le service militaire et le demandeur n’a pas démontré que cette loi revêt un caractère de persécution pour un motif visé par la Convention (Zolfaghkarkhani, ci-dessus). Il est bien établi que le service militaire obligatoire n’équivaut pas à de la persécution et que l’aversion du conflit ou la peur de servir dans l’armée ne peut justifier la crainte de persécution fondée sur une loi (Garcia c. Canada (Secrétaire d’État) (1994), 47 A.C.W.S. (3d) 603, [1994] A.C.F. no 147 (C.F. 1ère inst.) (QL)).

 

[47]           Le demandeur n’a pas réussi à démontrer que la sanction découlant de la loi d’application générale pour avoir refusé de servir dans l’armée pourrait être considérée comme de la persécution ou qu’il s’agirait d’une peine exagérée ou d’une peine entachée de partialité pour l’un des motifs prévus par la Convention. La sanction mentionnée par le tribunal constitue un exemple d’une peine qui a déjà été infligée au demandeur principal pour avoir violé la loi.

 

[48]           La Cour ne considère pas déraisonnable que le tribunal ait mentionné la peine antérieure en analysant l’ensemble de la preuve soumise avant de conclure sur cette question. La Cour est d’avis que le tribunal n’a commis aucune erreur révisable.

 

[49]           Aucune question à être certifiée n’a été proposée et ce dossier n'en contient aucune.

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Michel Beaudry »

Juge

 


Annexe « A »

Législation pertinente

 

Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (le Guide du HCNUR) :

 

167. Dans les pays où le service militaire est obligatoire, le fait de se soustraire à cette obligation ou insoumission est souvent une infraction punie par la loi. Quant à la désertion, elle est toujours dans tous les pays – que le service militaire soit obligatoire ou non – considérée comme une infraction. Les peines varient selon les pays et normalement leur imposition n'est pas considérée comme une forme de persécution. La crainte des poursuites et du châtiment pour désertion ou insoumission ne constitue pas pour autant une crainte justifiée d'être victime de persécutions au sens de la définition. En revanche, la désertion ou l'insoumission n'empêchent pas d'acquérir le statut de réfugié et une personne peut être à la fois un déserteur, ou un insoumis, et un réfugié.

 

168. Il va de soi qu'une personne n'est pas un réfugié si la seule raison pour laquelle elle a déserté ou n'a pas rejoint son corps comme elle en avait reçu l'ordre est son aversion du service militaire ou sa peur du combat. Elle peut, cependant, être un réfugié si sa désertion ou son insoumission s'accompagnent de motifs valables de quitter son pays ou de demeurer hors de son pays ou si elle a de quelque autre manière, au sens de la définition, des raisons de craindre d'être persécutée.

 

169. Un déserteur ou un insoumis peut donc être considéré comme un réfugié s'il peut démontrer qu'il se verrait infliger pour l'infraction militaire commise une peine d'une sévérité disproportionnée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. Il en irait de même si l'intéressé peut démontrer qu'il craint avec raison d'être persécuté pour ces motifs, indépendamment de la peine encourue pour désertion.

 

170. Cependant, dans certains cas, la nécessité d'accomplir un service militaire peut être la seule raison invoquée à l'appui d'une demande du statut de réfugié, par exemple lorsqu'une personne peut démontrer que l'accomplissement du service militaire requiert sa participation à une action militaire contraire à ses convictions politiques, religieuses ou morales ou à des raisons de conscience valables.

 

171. N'importe quelle conviction, aussi sincère soit-elle, ne peut justifier une demande de reconnaissance du statut de réfugié après désertion ou après insoumission. Il ne suffit pas qu'une personne soit en désaccord avec son gouvernement quant à la justification politique d'une action militaire particulière. Toutefois, lorsque le type d'action militaire auquel l'individu en question ne veut pas s'associer est condamné par la communauté internationale comme étant contraire aux règles de conduite les plus élémentaires, la peine prévue pour la désertion ou l'insoumission peut, compte tenu de toutes les autres exigences de la définition, être considérée en soi comme une persécution.

 

172. Le refus d'accomplir le service militaire peut également être fondé sur des convictions religieuses. Si un demandeur est à même de démontrer que ses convictions religieuses sont sincères et qu'elles ne sont pas prises en considération par les autorités de son pays lorsqu'elles exigent de lui qu'il accomplisse son service militaire, il peut faire admettre son droit au statut de réfugié. Toutes indications supplémentaires selon lesquelles le demandeur ou sa famille auraient rencontré des difficultés du fait de leurs convictions religieuses peuvent évidemment donner plus de poids à cette demande.

 

173. La question de savoir si l'objection à l'accomplissement du service militaire pour des raisons de conscience peut motiver une demande de reconnaissance du statut de réfugié doit également être considérée en tenant compte de l'évolution récente des idées sur ce point. Les États sont de plus en plus nombreux à avoir introduit dans leur législation ou leur réglementation administrative des dispositions selon lesquelles les personnes qui peuvent invoquer d'authentiques raisons de conscience sont exemptées du service militaire, soit totalement, soit sous réserve d'accomplir un service de remplacement (c'est-à-dire un service civil). L'introduction de semblables dispositions législatives ou administratives a également fait l'objet de recommandations de la part des institutions internationales.24 Compte tenu de cette évolution, les États contractants sont libres, s'ils le désirent, d'accorder le statut de réfugié aux personnes qui ont des objections à l'égard du service militaire pour d'authentiques raisons de conscience.

 

174. L'authenticité des convictions politiques, religieuses ou morales d'une personne ou la validité des raisons de conscience qu'elle oppose à l'accomplissement du service militaire doit, bien entendu, être établie par un examen approfondi de sa personnalité et de son passé. Le fait que cette personne a exprimé ses opinions avant l'appel sous les drapeaux ou qu'elle a déjà eu des difficultés avec les autorités en raison de ses convictions est un élément d'appréciation pertinent. De même, selon qu'elle a reçu l'ordre d'accomplir un service militaire obligatoire ou qu'au contraire elle s'est enrôlée dans l'armée comme volontaire, la sincérité de ses convictions pourra être appréciée différemment.

 

167. In countries where military service is compulsory, failure to perform this duty is frequently punishable by law. Moreover, whether military service is compulsory or not, desertion is invariably considered a criminal offence. The Penalties may vary from country to country, and are not normally regarded as persecution. Fear of prosecution and punishment for desertion or draft-evasion does not in itself constitute well-founded fear of persecution under the definition. Desertion or draft-evasion does not, on the other hand, exclude a person from being a refugee, and a person may be a refugee in addition to being a deserter or draft-evader.

 

 

 

168. A person is clearly not a refugee if his only reason for desertion or draft-evasion is his dislike of military service or fear of combat. He may, however, be a refugee if his desertion or evasion of military service is concomitant with other relevant motives for leaving or remaining outside his country, or if he otherwise has reasons, within the meaning of the definition, to fear persecution.

 

 

 

169. A deserter or draft-evader may also be considered a refugee if it can be shown that he would suffer disproportionately severe punishment for the military offence on account of his race, religion, nationality, membership of a particular social group or political opinion. The same would apply if it can be shown that he has well-founded fear of persecution on these grounds above and beyond the punishment for desertion.

 

 

170. There are, however, also cases where the necessity to perform military service may be the sole ground for a claim to refugee status, i.e. when a person can show that the performance of military service would have required his participation in military action contrary to his genuine political, religious or moral convictions, or to valid reasons of conscience.

 

 

171. Not every conviction, genuine though it may be, will constitute a sufficient reason for claiming refugee status after desertion or draft-evasion. It is not enough for a person to be in disagreement with his government regarding the political justification for a particular military action. Where, however, the type of military action, with which an individual does not wish to be associated, is condemned by the international community as contrary to basic rules of human conduct, punishment for desertion or draft-evasion could, in the light of all other requirements of the definition, in itself be regarded as persecution.

 

 

172. Refusal to perform military service may also be based on religious convictions. If an applicant is able to show that his religious convictions are genuine, and that such convictions are not taken into account by the authorities of his country in requiring him to perform military service, he may be able to establish a claim to refugee status. Such a claim would, of course, be supported by any additional indications that the applicant or his family may have encountered difficulties due to their religious convictions.

 

 

 

173. The question as to whether objection to performing military service for reasons of conscience can give rise to a valid claim to refugee status should also be considered in the light of more recent developments in this field. An increasing number of States have introduced legislation or administrative regulations whereby persons who can invoke genuine reasons of conscience are exempted from military service, either entirely or subject to their performing alternative (i.e. civilian) service. The introduction of such legislation or administrative regulations has also been the subject of recommendations by international agencies.24 In the light of these developments, it would be open to Contracting States, to grant refugee status to persons who object to performing military service for genuine reasons of conscience.

 

 

 

 

 

174. The genuineness of a person's political, religious or moral convictions, or of his reasons of conscience for objecting to performing military service, will of course need to be established by a thorough investigation of his personality and background. The fact that he may have manifested his views prior to being called to arms, or that he may already have encountered difficulties with the authorities because of his convictions, are relevant considerations. Whether he has been drafted into compulsory service or joined the army as a volunteer may also be indicative of the genuineness of his convictions.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1044-08

 

INTITULÉ :                                       DAVID MOHILOV

                                                            LEILA MOHILOV

                                                            SHIMON MOHILOV

                                                            ARIEL MOHILOV

                                                            et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                           L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 28 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                      le 21 novembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :                       

 

Luciano Mascaro                                                          POUR LES DEMANDEURS

 

Alain Langlois                                                               POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ARPIN, MASCARO ET ASSOCIÉS                          POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

 

John Sims, c.r.                                                              POUR LE DÉFENDEUR       

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

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