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Date : 20081124

Dossier : IMM‑2695‑08

Référence : 2008 CF 1307

Toronto (Ontario), le 24 novembre 2008

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

SAMUEL KYAMBADDE

(ALIAS KYAMBADDE SAMUEL)

 

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a refusé au demandeur la qualité de réfugié au sens de la Convention et la qualité de personne à protéger. Le demandeur allègue que la Commission n’a pas bien apprécié sa crédibilité et qu’elle aurait dû examiner s’il est ou non un réfugié « sur place ». Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis qu’aucun des moyens invoqués par le demandeur n’est fondé, et je rejette la présente demande.

 

 

Le contexte

[2]               Le demandeur est un Ougandais âgé de 37 ans qui est au Canada depuis le 5 août 2006. Il dit qu’il risque d’être persécuté par les autorités ougandaises en raison de son homosexualité.

 

[3]               Le demandeur dit qu’il a commencé à avoir des relations homosexuelles en 1987 alors qu’il fréquentait l’école secondaire. Il a été suspendu de l’école en 1988 lorsque lui‑même et son amant, Godfrey, furent soupçonnés d’avoir des relations homosexuelles. Pressé par sa famille, le demandeur a débuté une relation hétérosexuelle en 1992. Cette relation s’est poursuivie jusqu’en 2002, période au cours de laquelle il est devenu le père de trois fils et a également adopté deux autres enfants.

 

[4]               Il a témoigné que son unique compagnon homosexuel en Ouganda fut Godfrey et qu’ils ont poursuivi leur relation durant près de 20 ans jusqu’à son départ pour le Canada. Le 14 mai 2006, le demandeur et Godfrey se livraient à des relations sexuelles sur une plage lorsqu’ils furent brutalisés par [traduction] « la police locale et des voyous ». Lorsque le demandeur a repris conscience, il était sous garde policière à l’hôpital. Avec l’aide d’un ami, John, le demandeur a pu s’échapper de l’hôpital le soir du 15 mai 2006 et se rendre à l’île de Buvuma, où il séjourna et reçut des soins médicaux jusqu’au 11 juin 2006, date à laquelle il fut emmené à Nairobi, au Kenya. Au Kenya, il a rempli une demande de visa de visiteur pour venir au Canada afin d’assister à une conférence sur le sida à Toronto en août 2006. Il est arrivé au Canada le 5 août 2006 et a demandé l’asile le 9 août 2006.

 

[5]               La Commission a estimé que le demandeur n’avait pas établi objectivement sa crainte de persécution parce qu’il n’était pas crédible sur des aspects essentiels de son témoignage. Plus précisément, elle a trouvé que le demandeur n’était pas crédible à propos de sa relation prétendue avec Godfrey. Elle n’était pas persuadée que le demandeur avait eu une liaison intime de longue durée avec Godfrey en Ouganda. La Commission a trouvé aussi que son témoignage concernant son ami John, qui lui avait apporté une aide pour qu’il puisse quitter l’Ouganda, n’était pas crédible et, selon elle, il était plus probable que John était un agent à qui le demandeur s’était adressé dans le dessein précis de partir pour le Canada. La Commission a aussi mis en doute la véracité des dires du demandeur qui affirmait avoir reçu des soins médicaux et, de façon générale, elle a tiré une inférence défavorable de l’ensemble du témoignage du demandeur. Sur ce fondement, elle a rejeté la demande d’asile.

 

Les questions en litige

[6]               Le demandeur soutient que la Commission s’est fourvoyée sous deux aspects :

i.                     La Commission a commis une erreur dans ses conclusions touchant la crédibilité du demandeur et la vraisemblance de son récit;

ii.                   la Commission a commis une erreur en négligeant d’examiner si le demandeur pouvait être un réfugié « sur place », vu qu’il était devenu, durant son séjour au Canada, un militant des droits des homosexuels.

 

[7]               Le demandeur, se fondant sur l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, dit que la première question est révisable selon la norme de la décision raisonnable et que la seconde, étant une question de droit, doit être revue selon la norme de la décision correcte.

 

[8]               Le défendeur fait valoir que la manière dont la Commission a apprécié la crédibilité du demandeur est raisonnable et que sa décision sur ce point n’est donc pas susceptible de contrôle. Il dit aussi que, même si la Commission aurait dû examiner si le demandeur était un réfugié « sur place », la preuve produite ne suffisait pas à faire du demandeur au Canada un militant des droits des homosexuels.

 

Analyse

Les conclusions touchant la crédibilité et la vraisemblance

[9]               La Commission a conclu que la présumée liaison homosexuelle du demandeur avec Godfrey n’était pas crédible parce qu’il n’avait pas de cartes, de lettres, de cadeaux ou autres souvenirs montrant l’authenticité de cette liaison. Le demandeur a témoigné que les seuls articles qu’ils avaient échangés étaient des vêtements tels que pantalons et chemises, et qu’ils n’avaient pas échangé d’autres cadeaux. Qui plus est, le demandeur a témoigné que, après que lui‑même et Godfrey furent battus, il n’avait essayé qu’une seule fois de communiquer avec Godfrey pour savoir comment il allait. Il a témoigné que, en Ouganda, il avait essayé une fois, en vain, de l’appeler. La Commission a estimé que son témoignage concernant sa liaison avec Godfrey « sonnait faux », car quelqu’un qui se trouve dans une relation de longue durée se serait inquiété pour la sécurité et le bien‑être de son partenaire et aurait fait davantage pour le trouver. Le demandeur dit que la Commission a considéré selon une perspective occidentale son attitude dans cette relation et qu’il n’était nullement invraisemblable qu’il ne cherche pas en Ouganda à communiquer avec Godfrey, car cela aurait pu mettre en danger Godfrey et n’importe quel émissaire. Le demandeur dit aussi qu’il n’était nullement invraisemblable qu’il décide, une fois au Canada, de faire une croix sur le passé et de n’établir aucun contact avec Godfrey.

 

[10]           Je ne suis pas du tout persuadé que les émotions humaines fondamentales que sont l’amour et la compassion pour une autre personne soient si différentes au Canada et en Ouganda. Selon moi, il était raisonnable pour la Commission de douter que cette relation d’une durée de 20 ans ait existé alors que le demandeur a ressenti si peu d’inquiétude pour son amant. Le demandeur a témoigné qu’il n’avait tenté qu’une seule fois de communiquer avec celui qui était son compagnon depuis 20 ans, après que celui‑ci fut battu au point de perdre connaissance. Dans ces conditions, il est très possible que Godfrey ait été gravement blessé ou ait succombé, or le demandeur n’a rien fait pour s’enquérir de son état, ni même pour savoir si son amant de longue date était encore en vie. Je crois que cette indifférence suscite de sérieux doutes sur la crédibilité du demandeur, et la Commission a eu raison de penser que cette relation n’avait jamais existé.

 

[11]           La Commission a aussi mis en doute la crédibilité du témoignage du demandeur concernant les soins qu’il disait avoir reçus au Centre de santé des îles de Buvuma, parce que la note rédigée par cet établissement différait du témoignage du demandeur. La note de l’établissement précise qu’il s’est présenté à la clinique pour obtenir des soins. Cependant, le demandeur a dit qu’il n’avait pas été soigné au Centre de santé, mais plutôt qu’il avait reçu des soins au domicile d’un vieil homme, sur l’île où il séjournait. La note ne dit nulle part que le demandeur a été soigné dans une maison ou à un endroit autre que le Centre de santé. La Commission a donc mis en doute son authenticité. À mon avis, compte tenu de la preuve, elle a eu raison de conclure ainsi.

 

[12]           La Commission a également jugé invraisemblable le témoignage du demandeur selon lequel il avait pu sortir de l’hôpital en marchant et couvrir une grande distance en bateau jusqu’à l’île de Buvuma, après avoir été battu la veille seulement, au point de perdre connaissance. Si l’on ajoute à cela les autres éléments portant sur les soins médicaux reçus par le demandeur à son arrivée sur l’île, on ne saurait dire que la Commission a eu tort de conclure à l’invraisemblance du témoignage.

 

[13]           La Commission a aussi mis en doute et trouvé invraisemblable le récit du demandeur concernant son ami John et l’aide que celui‑ci lui a apporté pour lui permettre de quitter l’hôpital et d’organiser son départ pour le Canada. Le demandeur a témoigné que John était le père d’un ancien étudiant qu’il avait aidé et que c’est pour cette raison que John lui avait manifesté sa générosité. Le demandeur a témoigné que, alors qu’il se trouvait à l’hôpital sous garde policière, quelqu’un à l’hôpital lui a offert son téléphone cellulaire pour qu’il puisse appeler John. John est arrivé, puis a soudoyé les policiers pour qu’ils ferment les yeux sur leur évasion. John a ensuite emmené le demandeur jusqu’à l’île et a pris les dispositions nécessaires, apparemment à ses propres frais, afin de permettre au demandeur de partir pour le Canada. John a non seulement payé le billet d’avion et entrepris les démarches afin que le demandeur obtienne un visa pour le Canada, mais encore il a conseillé au demandeur de ne pas solliciter l’asile au « point d’entrée ». La Commission a estimé, avec raison selon moi, qu’il était invraisemblable qu’une personne ne connaissant pas les pratiques internationales en matière d’immigration ni les questions d’asile emploie l’expression « point d’entrée ». Selon moi, il n’était nullement déraisonnable pour la Commission de conclure que John n’était pas un ami, mais un intermédiaire engagé par le demandeur pour qu’il l’aide à quitter l’Ouganda.

 

[14]           En définitive, selon moi, les conclusions de la Commission touchant la crédibilité du demandeur et la vraisemblance de son récit étaient fondées sur la preuve, sur la raison et sur le bon sens.

 

La revendication du statut de réfugié « sur place »

[15]           Le demandeur dit que la Commission a commis une erreur en négligeant d’examiner s’il était devenu un réfugié « sur place » après son arrivée au Canada et après qu’il fut devenu un militant de la communauté homosexuelle. Une personne qui n’est pas un réfugié lorsqu’elle quitte son pays, mais qui le devient plus tard, est un réfugié « sur place ». Cela peut se produire soit en raison de certaines circonstances qui surviennent dans le pays d’origine durant l’absence de l’intéressé, soit en raison de telle ou telle décision prise par l’intéressé alors qu’il se trouve en dehors de son pays. Le demandeur a produit un témoignage qui montre que les homosexuels se heurtent le plus souvent à la discrimination et à des obstacles juridiques en Ouganda. L’un des documents révèle que le gouvernement menace et dénigre régulièrement les homosexuels et que les militants des droits des homosexuels sont en butte au harcèlement. Au vu de cette preuve, le demandeur dit que, en tant que militant des droits des homosexuels, il sera exposé à un risque en cas de retour en Ouganda.

 

[16]           Dans la décision Mohajery c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 185, le juge Blanchard écrivait que « la question de réfugié sur place doit être examinée dans la mesure où il ressort du dossier une preuve perceptible que des activités susceptibles d’engendrer des conséquences négatives dans l’éventualité d’un retour ont eu lieu au Canada, et ce, même si les demandeurs n’ont pas spécifiquement demandé à la Commission de procéder à cette analyse ».

 

[17]           Le demandeur était représenté par un avocat devant la Commission, et aucune revendication du statut de réfugié « sur place » n’a été faite durant l’audience. Je partage l’avis du juge Blanchard pour qui, même si une telle revendication n’a pas été faite, la Commission est tenue en droit d’évoquer une telle revendication dans les circonstances qui le justifient. Cependant, en l’espèce, non seulement telle revendication n’a pas été faite par l’avocat du demandeur, mais encore l’avocat du demandeur a reconnu avec la Commission que la seule question en litige était la demande d’asile fondée sur l’homosexualité du demandeur. Le dossier certifié du tribunal, aux pages 157 et 158, révèle l’échange suivant :

[traduction]

LE COMMISSAIRE : … Bon ce matin, je commencerai par poser des questions.

 

Et les points sur lesquels je voudrais en savoir davantage – vous prétendez que, en raison de votre orientation sexuelle, c’est‑à‑dire en tant qu’homosexuel, vous avez été persécuté en Ouganda et vous craignez de l’être encore dans l’avenir. Bon, je vais vous poser des questions précises sur le sujet.

 

Lorsque vous êtes arrivé au Canada, vous n’avez pas tout de suite demandé l’asile. Vous êtes arrivé au Canada le 5 août 2006 et vous n’avez demandé l’asile que le 9 août 2006.

 

À un certain moment, vous vous êtes prévalu à nouveau de la protection de votre pays. Ce que je veux dire, c’est que vous avez quitté votre pays à un moment où vous éprouviez de la crainte, puis vous y êtes retourné. C’était lorsque vous vous êtes rendu au Kenya afin d’obtenir le visa pour aller au Canada.

 

Et finalement, comme dans tous les cas qui me sont soumis, votre crédibilité est en cause.

 

Donc, lorsque vous répondrez à mes questions, dites‑moi si vous ne les comprenez pas ou si vous essayez de deviner. Et si vous avez besoin d’une pause, ou d’un verre d’eau ou de n’importe quoi d’autre, vous me le dites. D’accord?

 

Vous deviez – vous devez toujours vous exprimer parce que nous sommes enregistrés.

 

LE DEMANDEUR D’ASILE : Très bien.

 

LE COMMISSAIRE : Comprenez‑vous?

 

LE DEMANDEUR D’ASILE : Oui, je ferai cela.

 

LE COMMISSAIRE . Merci.

 

Maître, y a‑t‑il d’autres points que je n’ai pas abordés ou d’autres aspects que nous devrions éclaircir?

 

LE CONSEIL DU DEMANDEUR D’ASILE : Non, je crois que vous n’avez rien omis, merci.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[18]           Durant l’audience de la Commission, l’avocat du demandeur était bien au fait du dossier documentaire, puisque c’est lui‑même qui l’avait présenté. Il n’y avait, hormis ce dossier, aucun élément susceptible d’étayer la revendication du statut de réfugié « sur place ». Je doute alors que l’on puisse affirmer que cette revendication pouvait être déduite du dossier.

 

[19]           Contrairement aux précédents invoqués par le demandeur, l’avocat du demandeur, pleinement au fait des éléments maintenant invoqués au soutien de la revendication du statut de réfugié « sur place », a informé explicitement la Commission que l’unique point qu’elle devait examiner était la demande d’asile fondée sur l’homosexualité du demandeur. À mon avis, dans ces conditions, il n’était pas nécessaire pour la Commission de se demander s’il y avait revendication du statut de réfugié « sur place », en l’absence d’une preuve claire et convaincante étayant une telle revendication, au point que la Commission aurait commis un déni de justice en décidant d’ignorer cette revendication. En l’espèce, il n’y avait aucune preuve du genre. Je suis même d’avis que la preuve pouvant autoriser une revendication du statut de réfugié « sur place » est si mince qu’il eût été déraisonnable pour la Commission de se fonder sur cette preuve pour dire que le demandeur était un réfugié « sur place ».

 

[20]           Le demandeur se fonde sur quatre lettres au soutien de sa revendication du statut de réfugié « sur place », des lettres qui d’après lui confirment son profil de militant des droits des homosexuels.

 

[21]           La première lettre, datée du 1er juillet 2007, est une lettre de reconnaissance rédigée par Pride Uganda Toronto. La lettre exprime la gratitude de cet organisme pour les activités bénévoles menées par le demandeur à Pride Uganda. On peut y lire que le demandeur a participé aux préparatifs de la semaine de la fierté au 519 Community Centre. L’appelant y est encouragé à poursuivre ses activités bénévoles en faveur de Pride Uganda et à continuer ses efforts pour que le groupe se fasse connaître du public.

 

[22]           La deuxième lettre, datée du 27 mars 2008, vient du Centre communautaire du 519, rue Church. Elle est adressée « à qui de droit » et elle confirme que le demandeur est membre du Centre, ainsi qu’un bénévole œuvrant pour Pride Uganda. On y explique que Pride Uganda est un groupe social et un groupe de soutien qui s’adresse aux homosexuels nouveaux venus au Canada et originaires des pays de l’Afrique de l’Est. Le demandeur y est décrit comme membre actif de [traduction] l’« équipe de facilitation » de Pride Uganda, et la lettre mentionne que [traduction] « il a aidé de nombreux nouveaux venus au Canada à se sentir bien dans un environnement communautaire ouvert aux homosexuels et qu’il s’est employé à préserver l’existence de Pride Uganda lorsque les organisateurs originels ont quitté le groupe ».

 

[23]           La troisième lettre, datée du 4 avril 2008, vient de l’AIDS Committee of Toronto. On y évoque l’engagement bénévole du demandeur, et on peut y lire que, depuis septembre 2007, le demandeur a accompli plus de 60 heures de bénévolat en s’occupant d’approche et de formation. Il est écrit à la fin de la lettre que l’organisation compte sur [traduction] « la poursuite de sa participation aux programmes d’extension des services à la collectivité appliqués par l’AIDS Committee of Toronto ».

 

[24]           La quatrième et dernière lettre, datée du 2 mai 2008, vient elle aussi de l’organisation appelée Pride Uganda Toronto. On y désigne le demandeur comme [traduction] « président bénévole du groupe ». La lettre précise que Pride Uganda Toronto est [traduction] « un groupe de soutien social ou de soutien par les pairs qui fut établi pour fédérer les gens des diverses orientations sexuelles dans notre collectivité et pour les aider à s’intégrer dans la collectivité canadienne ». Le demandeur est décrit comme une personne véritablement axée sur la collectivité, qui a à cœur d’améliorer la collectivité tout entière.

 

[25]           À mon avis, ces preuves ne permettent pas d’affirmer que le demandeur est un militant des droits des homosexuels qui a besoin d’une protection en tant que réfugié « sur place ». Les faits dont il s’agit ici sont assimilables à ceux qui furent soumis au juge von Finckenstein dans l’affaire Contreras c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 603, où il a conclu que les faits ne fondaient pas une revendication du statut de réfugié « sur place ». Il s’est exprimé ainsi :

16     […] Le demandeur soutient qu’il a transformé sa vie au Canada en devenant un défenseur des droits des personnes atteintes du SIDA ou infectées par le VIH et qu’il lui serait impossible de continuer dans cette veine au Mexique. Le demandeur s’appuie sur l’affaire Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, selon laquelle une personne qui s’associe à une organisation qui milite en faveur de la dignité humaine entre dans la définition de l’appartenance à un groupe social particulier. La Commission n’a pas examiné si le demandeur pouvait être considéré comme un « réfugié sur place » en raison de son droit de vivre ouvertement et de promouvoir les droits de la personne qui sont essentiels à sa dignité.

 

17     Le demandeur n’a pas mentionné ce fait dans son FRP. De plus, aucune preuve n’a été présentée à la Commission attestant le fait que le demandeur serait un militant au Canada à un point tel qu’il attirerait l’attention publique, ou le fait qu’être un militant l’exposerait à des risques au Mexique. Son travail bénévole se limite au fait d’être un pair‑conseiller. Aucune preuve n’a été présentée permettant de croire que son travail au Canada justifie une demande d’asile à titre de « réfugié sur place ». Bien que le demandeur semble être très fier de son travail et trouver que ses activités sont gratifiantes, cela ne devrait pas servir de fondement à l’obtention de l’asile.

 

[26]           Je suis d’avis que les observations du juge von Finckenstein sont à propos ici. La Commission n’a commis aucune erreur, au vu du dossier qu’elle avait devant elle, du seul fait qu’elle n’a pas examiné si le demandeur pouvait être considéré comme un réfugié « sur place ».

 

[27]           Le demandeur voudrait que soit certifiée la question suivante : Lorsque le demandeur est représenté par un conseil, la Commission est‑elle tenue d’examiner un point qui n’a pas été soulevé durant l’audience, mais qui apparaît nettement à la lecture du dossier? Le défendeur s’oppose à ce que cette question soit certifiée, au motif qu’elle est tributaire des faits et qu’il ne s’agit pas d’une question d’importance générale. Je partage son avis. En outre, cette question ne déterminerait pas l’issue d’un appel dans la présente affaire, puisque je suis arrivé à la conclusion que, même si une revendication du statut de réfugié « sur place » avait été envisagée par la Commission, il aurait été déraisonnable pour la Commission, au vu du dossier, de dire que le demandeur avait droit à une protection sur ce fondement.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n’est certifiée.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑2695‑08

 

INTITULÉ :                                       SAMUEL KYAMBADDE

                                                            (ALIAS KYAMBADDE SAMUEL) c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 19 NOVEMBRE 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 24 NOVEMBRE 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pamila Bhardwaj

POUR LE DEMANDEUR

 

Nur Muhammed‑Ally

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bhardwaj Pohani Law Office

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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