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Date : 20081030

Dossier : T‑1272‑97

Référence : 2008 CF 1121

Ottawa (Ontario), le 30 octobre 2008

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

ENTRE :

MERCK & CO. INC. et

MERCK FROSST CANADA LTD.

 

demanderesses

 

et

 

APOTEX INC. et

APOTEX FERMENTATION INC.

 

défenderesses

 

et

 

BIOGAL PHARMACEUTICAL WORKS LTD.

 

mise en cause

 

 

 

VERSION PUBLIQUE DES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET DE L’ORDONNANCE

 

 

 

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Les défenderesses (Apotex Inc. et Apotex Fermentation Inc.) ont déposé une requête pour obtenir une ordonnance annulant les paragraphes 1 et 9 de l’ordonnance du protonotaire datée du 20 décembre 2007. L’ordonnance sollicitée obligerait aussi les demanderesses à répondre aux questions 81, 82, 56 et 57 mentionnés dans l’ordonnance du protonotaire.

 

[2]               La demanderesse Merck & Co. Inc. (Merck) est la titulaire du brevet canadien n° 1,161,380 (le brevet 380). Les demanderesses Merck & Co. Inc. et Merck Frosst Canada Ltd. ont allégué dans la déclaration que les défenderesses ont contrefait le brevet 380.

 

[3]               Au cours de l’interrogatoire préalable, les demanderesses ont répondu à certaines questions posées se rapportant aux analyses qu’elles avaient conduites, mais elles ont encore revendiqué un privilège pour ce qui concernait les analyses. Il en va de même pour une question portant sur les procédures de contrôle de la qualité visant à prévenir la contamination.

 

[4]               Les défenderesses ont donc posé plusieurs questions complémentaires, à savoir les questions 81, 82, 56 et 57. Les demanderesses ont refusé de répondre à ces questions en alléguant un privilège.

 

[5]               Les défenderesses ont prétendu que les demanderesses avaient renoncé au privilège en consentant à une communication partielle de l’information.

 

[6]               Le refus des demanderesses de répondre aux questions a été l’objet d’une requête présentée au protonotaire. Le protonotaire s’est prononcé ainsi, aux paragraphes 1 et 9 de son ordonnance :

[traduction]

1.         Il ne sera pas répondu aux questions nos 80, 81 et 82 au motif qu’il n’a pas été renoncé au privilège, puisque la réponse donnée par les demanderesses fait explicitement état d’une absence de renonciation. Si les demanderesses produisent un rapport d’expert se rapportant aux conclusions exposées dans la réponse donnée durant l’interrogatoire préalable, toute l’information factuelle demandée par les défenderesses apparaîtra dans le rapport d’expert.

 

[…]

 

9.         Il ne sera pas répondu aux questions nos 56 et 57 pour la même raison que les questions Monaghan nos 80 à 82 susmentionnées.

 

 

[7]               Dans leur appel, les défenderesses faisaient appel des décisions du protonotaire se rapportant aux questions 81, 82, 56 et 57.

 

[8]               La question en litige

            La décision du protonotaire se rapportant à ces questions doit‑elle être maintenue ou annulée?

 

[9]               Dans l’arrêt Merck & Co. c. Apotex Inc. (2003), 30 C.P.R. (4th) 40, la Cour d’appel fédérale écrivait ce qui suit, aux paragraphes 17 à 19 :

17.       Dans l’arrêt Canada c. Aqua‑Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.), la Cour énonce dans les termes suivants la norme de contrôle applicable aux ordonnances discrétionnaires des protonotaires (le juge MacGuigan, J.C.A., à la page 463) :

 

Selon en particulier la conclusion tirée par lord Wright dans Evans v. Bartlam, [1937] A.C. 473 (H.L.) à la page 484, et par le juge Lacourcière, J.C.A., dans Stoicevski v. Casement (1983), 43 O.R. (2d) 436 (C. Div.), le juge saisi de l’appel contre l’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

 

a) l’ordonnance est entachée d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits,

 

b) l’ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal.

 

Si l’ordonnance discrétionnaire est manifestement erronée parce que le protonotaire a commis une erreur de droit (concept qui, à mon avis, embrasse aussi la décision discrétionnaire fondée sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits) ou si elle porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal, le juge saisi du recours doit exercer son propre pouvoir discrétionnaire en reprenant l’affaire depuis le début. [Renvoi omis.]

 

18.     Le juge MacGuigan a ensuite expliqué, aux pages 464 et 465, que la question de savoir si une question est déterminante pour l’issue de l’affaire doit être tranchée sans égard à la réponse que le protonotaire y a donnée :

 

Il me semble qu’une décision qui peut être ainsi soit interlocutoire soit définitive selon la manière dont elle est rendue, même si elle est interlocutoire en raison du résultat, doit néanmoins être considérée comme déterminante pour la solution définitive de la cause principale. Autrement dit, pour savoir si le résultat de la procédure est un facteur déterminant de l’issue du principal, il faut examiner le point à trancher avant que le protonotaire ne réponde à la question, alors que pour savoir si la décision est interlocutoire ou définitive (ce qui est purement une question de forme), la question doit se poser après la décision du protonotaire. Il me semble que toute autre approche réduirait la question de fond de « l’influence déterminante sur l’issue du principal » à une question purement procédurale de distinction entre décision interlocutoire et décision définitive, et protégerait toutes les décisions interlocutoires contre les attaques (sauf le cas d’erreur de droit).

 

C’est probablement pourquoi, selon moi, il utilise les mots « [l’ordonnance] porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal », plutôt que « [l’ordonnance] a une influence déterminante sur l’issue du principal ». L’accent est mis sur le sujet des ordonnances et non sur leur effet. Dans un cas comme celui de l’espèce, la question à se poser est de savoir si les modifications proposées sont en soi déterminantes, qu’elles soient ou non autorisées. Si elles sont déterminantes, le juge doit exercer son pouvoir discrétionnaire de novo.

 

19.     Afin d’éviter la confusion que nous voyons parfois découler du choix des termes employés par le juge MacGuigan, je pense qu’il est approprié de reformuler légèrement le critère de la norme de contrôle. Je saisirai l’occasion pour renverser l’ordre des propositions initiales pour la raison pratique que le juge doit logiquement d’abord trancher la question de savoir si les questions sont déterminantes pour l’issue de l’affaire. Ce n’est que quand elles ne le sont pas que le juge a effectivement besoin de se demander si les ordonnances sont clairement erronées. J’énoncerais le critère comme suit :

 

« Le juge saisi de l’appel contre l’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

 

a) l’ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal,

 

b) l’ordonnance est entachée d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits. »

 

 

 

[10]           La question soulevée dans le présent appel n’a pas une influence déterminante sur l’issue du principal. Par conséquent, je dois me demander si l’ordonnance du protonotaire était entachée d’erreur flagrante, « en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits » (arrêt Aqua‑Gem, précité) me conduisant ainsi à exercer mon pouvoir discrétionnaire de novo.

 

[11]           Les questions et réponses ayant donné lieu aux questions qui sont l’objet du présent appel se présentent ainsi :

Les questions posées à Merck & Co. lors de la première série d’interrogatoires préalables :

[traduction]

Point de Merck n°

Question

Réponse

 

3

Dire si Merck a mené des analyses sur le [Coniothyrium fuckelii] à l’état pur pour savoir s’il produit ou non de la lovastatine.

Merck a bien procédé à l’analyse du Coniothyrium fuckelii obtenu de l’ATCC et n’a pas établi que le Coniothyrium fuckelii produisait de la lovastatine. Merck ne renonce pas au privilège se rapportant à cette analyse [non souligné dans l’original].

27

Dire sur quels faits et renseignements est fondé le paragraphe 70 de la déclaration de Merck.

Merck a procédé à une analyse AFI pour voir s’il y avait contamination et a constaté qu’elle n’était pas en mesure de déceler le Coniothyrium fuckelii ni l’Aspergillus terreus. Merck ne renonce pas au privilège se rapportant à l’analyse [non souligné dans l’original].

 

Les questions posées à Merck Frosst lors de la première série d’interrogatoires préalables :

[traduction]

Point de Merck n°

Question

Réponse

 

117

Dire comment et en quoi les procédures de contrôle de la qualité n’ont pas suffi à prévenir la contamination.

Les procédures de contrôle de la qualité d’AFI n’ont pas non plus prévenu la contamination du Coniothyrium fuckelii par l’Aspergillus terreus durant les étapes de production de lovastatine, que ce soit au début, durant l’amélioration des souches, ou durant le traitement. N’ayant pas prévenu cette contamination, les procédures de contrôle de la qualité ne l’ont pas non plus identifié ou ont négligé de le faire. Les procédures de contrôle de la qualité employées dans l’AFI pour déceler une contamination n’ont pas suffi à déceler la contamination fongique. Cela aussi était l’objet d’un privilège au regard des analyses [non souligné dans l’original].

 

[12]           En conséquence, durant la deuxième série d’interrogatoires préalables, les questions suivantes ont été posées par les défenderesses. Les demanderesses ont refusé d’y répondre au motif qu’elles portaient sur des informations privilégiées.

Les questions posées à Merck & Co., Inc. (R. Monaghan) :

[traduction]

N° de question

N° de question de Merck

Demande

81

1260

Produire des copies de tous documents écrits se rapportant aux analyses mentionnées dans la question 3 de la pièce A, ce qui comprendrait les lettres d’engagement, la correspondance échangée avec les personnes, la partie ou les parties ayant conduit ces analyses, les dossiers se rapportant à la culture de l’échantillon, les supports employés et les conditions dans lesquelles la fermentation a eu lieu, ainsi que les dossiers relatifs aux procédures et méthodes employées dans les analyses effectives pour déceler la présence de lovastatine. Cette demande ne vise pas un quelconque avis d’un expert qui a conduit les analyses en ce qui concerne les conclusions qui ont pu être tirées de telles analyses, mais simplement l’information se rapportant à la conduite des essais et aux données effectives qui en ont été obtenues (voir la question 3 de la pièce A).

82

1278

Dire en quoi a consisté l’analyse qui est mentionnée dans la réponse à la question 27 de la pièce [sic]. Plus précisément, s’agissait‑il d’une analyse devant être utilisée dans des conditions de laboratoire ou des installations de production? L’analyse figurait‑elle ou était‑elle divulguée dans un seul document de l’AFI et, dans l’affirmative, quels documents?

À la connaissance de Merck, la même analyse a‑t‑elle été menée dans l’AFI?

 

Où l’analyse a‑t‑elle été menée?

 

Expliquer ce que signifient les mots « déceler la présence du CF ou de l’AT ».

 

Dire quels mécanismes de détection ont été utilisés et comment cette tentative de détection a été menée.

 

Dire s’il y a eu en fait deux analyses, une sur un lot de matériaux de culture coniothyrium fuckelii dans lequel l’AT a été artificiellement introduite, et une autre sur un lot de matériaux de culture AT dans lequel le CF a été artificiellement introduit.

 

Dire qui a mené les analyses et quelles directives ou quelle formation en matière de procédures AFI ont été données à ceux qui les ont menées.

 

Préciser les conditions dans lesquelles les analyses en question ont été conduites. Était‑ce les mêmes conditions que celles qui étaient employées dans l’AFI?

 

Dire quelles concentrations de microorganismes ont été utilisées.

 

Dire si les analyses ont permis de détecter des contaminants non fongiques et dire si, selon Merck, les analyses ont été en mesure de faire cela.

 

Dire si, dans les analyses qui ont été effectuées, les échantillons de CF et d’AT étaient placés dans le même récipient.

 

Dire si Merck a mené ou conduit ses propres procédures de contamination dans les mêmes conditions que celles appliquées pour exécuter les procédures d’essai de l’AFI et dire quels résultats, le cas échéant, ont été consignés, et si l’analyse de Merck, suivant ses protocoles, au cas où telle analyse a été menée, a permis de détecter la présence de l’un ou l’autre des microorganismes.

 

Dire si Merck sait si ses propres procédures ou protocoles pouvaient détecter une contamination.

 

Dire comment les analyses ont pu reproduire ou simuler les conditions de l’AFI.

 

Produire tous les documents se rapportant aux analyses, notamment les documents consignant ou relatant l’information qui était demandée ci‑dessus.

 

Les questions posées à Merck Frosst Canada Ltd. (R. Harvey) :

[traduction]

N° de question

N° de question de Merck

Demande

56

1079

S’agissant de la dernière phrase de la réponse à la question 117, c’est‑à‑dire :

 

« Cela aussi était l’objet d’un privilège au regard des analyses ».

 

Indiquer la nature de l’analyse, comment elle a été conduite, les protocoles employés et les procédures appliquées.

57

1080

Produire les documents et renseignements se rapportant à l’analyse mentionnée dans la dernière phrase de la réponse à la question 177, qui divulguera l’information concernant ce qui a été analysé, comment il l’a été, quelles procédures ont été employées, les protocoles utilisés, les conditions dans lesquelles la fermentation a eu lieu, et toute autre information générale sur la nature des analyses effectuées.

 

[13]           Les défenderesses ont fait valoir que les demanderesses avaient renoncé à tout privilège qui pouvait exister lorsqu’elles ont communiqué certains renseignements en réponse aux questions ci‑dessus. Les demanderesses, quant à elles, affirment qu’elles ont explicitement indiqué dans leurs réponses qu’elles n’avaient pas renoncé au privilège.

 

[14]           Dans la décision K.F. Evans Ltd. c. Canada (Ministre des Affaires étrangères), [1996] A.C.F. n° 30, le juge Rothstein s’exprimait ainsi, aux pages 214 à 216 :

15.       La divulgation de certaines consultations juridiques dans les pièces fait qu’on se demande s’il n’y a pas eu renonciation à la protection du secret des communications entre avocat et client pour l’ensemble de ces pièces. À cet égard, il convient de rappeler ce passage si souvent cité de Wigmore on Evidence, révision de McNaughton (1961), volume VIII, pages 635 et 636 :

 

[traduction]

En quoi consiste la renonciation implicite?

 

La jurisprudence n’est pas claire à ce sujet. Pour répondre à cette question, il faut prendre en considération le double élément qui sous‑tend toute renonciation, savoir non seulement l’intention implicite, mais aussi le facteur équité et cohérence. La personne bénéficiant de la protection du secret serait rarement réputée y avoir renoncé si son intention de ne pas le faire était le seul facteur déterminant. Mais il y a toujours aussi cette considération objective, savoir que quand ses faits et gestes équivalent à une certaine divulgation, l’équité veut que cette protection prenne fin, qu’elle le veuille ou non. Après qu’elle a divulgué tant qu’elle a voulu, il ne lui est plus loisible de retenir le reste. Elle peut choisir soit de garder le secret soit de divulguer, mais après un certain point, son choix doit demeurer final.

 

16.     Dans S. & K. Processors Ltd. et al. v. Campbell Ave. Herring Products Ltd. et al., [1983] 4 W.W.R. 762, le juge McLaughlin (qui siégeait à l’époque à la Cour suprême de la Colombie‑Britannique) explique comment une renonciation partielle peut entraîner la divulgation intégrale, par les passages suivants en pages 764 à 766 :

 

[traduction]

La renonciation au secret est normalement établie quand il est prouvé que la personne qui en a le bénéfice : (1) sait qu’elle a droit à ce secret et (2) exprime volontairement l’intention d’y renoncer. Cependant, la renonciation peut aussi se produire en l’absence même de l’intention de renoncer, dans les cas où elle est dictée par l’équité et la cohérence. Il s’ensuit que la renonciation au secret d’une fraction d’une communication sera jugée équivalente à la renonciation à l’égard de l’ensemble de cette communication.

 

[…]

 

Dans les cas où il est jugé que l’équité requiert la renonciation implicite, il y a toujours une certaine manifestation de l’intention volontaire de renoncer au secret, du moins jusqu’à une certaine limite. Les règles de droit applicables font alors que l’équité et la cohérence exigent la renonciation intégrale.

 

Dans Lowry v. Canadian Mountain Holidays Ltd. (1984), 59 B.C.L.R. 137, le juge Finch de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique fait observer que, peu importe qu’un document porte sur un seul sujet ou non, la Cour doit examiner si une divulgation partielle aurait pour effet d’induire en erreur soit la Cour soit la partie adverse.

 

[…]

 

18.     Peut‑être par esprit de coopération, l’intimé a‑t‑il divulgué autant de consultations juridiques et de renseignements communiqués par son avocat qu’il pense pouvoir le faire sans dommage ou embarras. N’empêche qu’il y a eu contradiction.

 

[…]

 

22.     Une divulgation partielle aurait‑elle pour effet d’induire la Cour ou la requérante en erreur? La requérante soutient que le fait pour le ministre de s’en remettre à la recommandation du TEAC vaut délégation irrégulière de pouvoir ou limitation irrégulière de pouvoir discrétionnaire. Elle soutient aussi que la décision du ministre est fondée sur des considérations n’ayant aucun rapport avec l’affaire. La grande partie des renseignements divulgués fait état des relations entre l’administration fédérale et le TEAC ainsi que des facteurs pris en considération par le ministre pour ce qui est de la délivrance du permis d’exportation. C’est ce qui ressort des pages 16 et 17.

 

23.     Les passages occultés pour cause de secret des communications entre avocat et client renferment aussi des avis sur ces questions (par exemple le passage occulté no 19 en page 13). La contradiction résultant de la divulgation de certaines communications entre avocat et client et du maintien du secret d’autres consultations qui ont elles aussi un rapport avec les questions soulevées par la requérante, ne laisse pas d’être troublante. Dans les circonstances de la cause, pour garantir que la Cour et la requérante ne soient pas induites en erreur et au nom de la cohérence, l’intimé doit être considéré comme ayant renoncé à tous ses droits en matière de secret des communications entre avocat et client.

 

24.     Je conclus qu’il y a eu renonciation au secret de certaines communications entre avocat et client et que, dans les circonstances de la cause, l’équité et la cohérence requièrent la renonciation intégrale au secret. Il s’agit en l’espèce d’un cas où, comme l’a fait observer Wigmore, les faits et gestes de l’intimé équivalent à une certaine divulgation, en raison de laquelle l’équité veut que la protection prenne fin, que l’intimé le veuille ou non.

 

 

[15]           J’ai examiné les réponses données à la première série de questions et je suis d’avis qu’il y a eu renonciation au privilège pour certaines informations. À titre d’exemple, Merck aurait pu répondre simplement « oui » à la question n° 3 au lieu de dire [traduction] « Merck a bien procédé à l’analyse du Coniothyrium fuckelii obtenu de l’ATCC et n’a pas établi que le Coniothyrium fuckelii produisait de la lovastatine ». Merck aurait pu également revendiquer le privilège et ne pas répondre aux questions.

 

[16]           Puisque je suis d’avis que les demanderesses ont renoncé partiellement au privilège, je crois que, vu les circonstances de cette affaire, la cohérence et l’équité doivent conduire à une renonciation totale au privilège.

 

[17]           Lorsqu’il y a eu renonciation partielle au privilège comme c’est le cas ici, l’affirmation selon laquelle il n’est pas renoncé au privilège n’épargnera pas le privilège. Si tel était le cas, alors les demanderesses pourraient renoncer au privilège pour une partie de l’information et revendiquer le privilège pour le reste.

 

[18]           Je suis donc d’avis que l’ordonnance du protonotaire est entachée d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe, et sa décision sur ces points doit être annulée. Les paragraphes 1 et 9 de l’ordonnance du protonotaire doivent être annulés, et les demanderesses sont tenues de répondre aux questions 81, 82, 56 et 57.

 

[19]           Il ne m’est pas nécessaire d’examiner les autres moyens avancés par Apotex au soutien de son appel.

 

[20]           Les dépens de la requête seront adjugés aux défenderesses.

 


 

ORDONNANCE

 

[21]           LA COUR FAIT DROIT à la requête (à l’appel) et :

            1.         Les paragraphes 1 et 9 de l’ordonnance du protonotaire sont annulés, et les demanderesses sont tenues de répondre aux questions 81, 82, 56 et 57.

            2.         Les dépens de la requête (de l’appel) sont adjugés aux défenderesses.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T‑1272‑97

 

INTITULÉ :                                       MERCK & CO. INC. et

                                                            MERCK FROSST CANADA LTD.

                                                            - et -

                                                            APOTEX INC. et

                                                            APOTEX FERMENTATION INC.

                                                            - et -

                                                            BIOGAL PHARMACEUTICAL WORKS LTD.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 7 AVRIL 2008

 

VERSION CONFIDENTIELLE DES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE 

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             LE 30 OCTOBRE 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Glynnis P. Burt

Ariel Neuer

 

POUR LES DEMANDERESSES

John Simpson

 

 

John A. Myers

 

POUR LA DÉFENDERESSE,

Apotex Inc.

 

POUR LA DÉFENDERESSE,

Apotex Fermentation Inc.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCarthy Tétrault LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

 

Taylor McCaffrey LLP

Winnipeg (Manitoba)

POUR LA DÉFENDERESSE,

Apotex Inc.

 

POUR LA DÉFENDERESSE,

Apotex Fermentation Inc.

 

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