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Date : 20081118

Dossier : IMM‑970‑08

Référence : 2008 CF 1284

Ottawa (Ontario), le 18 novembre 2008

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

LI, DI TANG

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’autorisation et de contrôle judiciaire visant la décision rendue le 14 décembre 2007 par un agent des visas (l’agent), dans laquelle l’agent a conclu que Li, Di Tang (le demandeur) ne satisfait pas aux exigences pour l’obtention d’un permis de travail.

 

I.          Les questions en litige

[2]               La présente demande pose les questions suivantes :

1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

2.         L’agent a‑t‑il commis une erreur en décidant de ne pas accorder le permis de travail?

3.         L’agent a‑t‑il manqué aux principes de justice naturelle en ne donnant pas au demandeur l’occasion d’être entendu en entrevue?

4.         Les motifs de l’agent sont‑ils adéquats?

 

[3]               La demande de contrôle judiciaire sera accueillie pour les motifs qui suivent.

 

II.        Le contexte factuel

[4]               Le demandeur, âgé de 34 ans, est un citoyen de la République populaire de Chine (la RPC ou la Chine) à qui on a offert un travail au restaurant Silver Dragon à Halifax, en Nouvelle‑Écosse. L’offre d’emploi est demeurée valide jusqu’au 31 juillet 2008, afin que le demandeur ait suffisamment de temps pour obtenir un permis de travail.

 

[5]               Service Canada a rendu un avis sur le marché de travail (AMT) favorable et a validé l’offre d’emploi. Le demandeur a ensuite demandé un permis de travail de deux ans au consulat canadien à Shanghai, en Chine, le 13 décembre 2007. Obtenir un AMT favorable est l’une des exigences pour l’obtention d’un permis de travail.

 

[6]               Le lendemain, le 14 décembre 2007, on a dit au demandeur de venir récupérer ses documents et on lui a remis une lettre de refus.

 

III.       La décision à l’étude

[7]               L’agent des visas a refusé la demande parce qu’il n’était pas convaincu que le demandeur quitterait le Canada à l’expiration de son permis de travail.

 

[8]               Le demandeur devait prouver qu’il satisfaisait à toutes les exigences énoncées à la partie 11 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), concernant la classe des travailleurs. En particulier, le demandeur devait convaincre l’agent des visas qu’il ne contreviendrait pas aux conditions d’admission et qu’il n’appartenait pas à une catégorie de personnes interdites de territoire selon la Loi. Le demandeur devait aussi convaincre l’agent des visas qu’il était de bonne foi et qu’il quitterait le Canada à la fin de la période autorisée pour son séjour.

 

[9]               Selon les notes inscrites par l’agent dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI), l’agent a refusé la demande de permis de travail du demandeur pour les raisons suivantes, entre autres :

 

[traduction]

L’INTÉRESSÉ N’A JAMAIS VOYAGÉ AUPARAVANT

LE DEMANDEUR EST CÉLIBATAIRE, ET A PEU DE LIENS FAMILIAUX EN RPC

 

[…]

 

L’INTÉRESSÉ TRAVAILLE À SHANGHAI EN TANT QUE CUISINIER DANS UN RESTAURANT DEPUIS SEPTEMBRE 06, SALAIRE MENSUEL 5 500 RMB; ENVIRON 9 400 $CAN PAR ANNÉE; AUCUNE GARANTIE QU’IL RETROUVERA SON EMPLOI À SON RETOUR EN RPC DU RESTAURANT DE XIAN YUE HIEN;

 

LE TRAVAIL AU CANADA PAYERA 30 000 $ PAR ANNÉE, 3 FOIS PLUS, DONC INCITE TRÈS FORTEMENT À RESTER AU CANADA AU‑DELÀ DU SÉJOUR APPROUVÉ;

 

L’INTÉRESSÉ OCCUPE SON EMPLOI DEPUIS MOINS D’UN AN ET CHERCHE DÉJÀ À CHANGER D’EMPLOYEUR;

 

[…]

 

LE DEMANDEUR N’A PAS RÉUSSI À DÉMONTRER QU’IL EST BIEN ÉTABLI EN RPC OU QU’IL A SUFFISAMMENT DE LIENS POUR GARANTIR SON DÉPART DU CANADA À LA FIN DE SON SÉJOUR AUTORISÉ;

 

COMPTE TENU DES RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS, JE NE SUIS PAS CONVAINCU QUE LE DEMANDEUR SERAIT UN VISITEUR DE BONNE FOI AU CANADA ET QUITTERAIT LE CANADA COMME PRÉVU;

 

 

IV.       Les dispositions pertinentes

[10]           Les dispositions pertinentes sont jointes aux présents motifs, dans l’annexe A.

 

V.        Analyse

A.        Quelle est la norme de contrôle applicable?

[11]           Le demandeur soutient que la Cour devrait accorder moins de déférence à la décision de certaines entités administratives, étant donné que la Cour se penche fréquemment sur des questions relevant du domaine factuel dans lequel ces tribunaux sont spécialisés. Le demandeur estime que l’expérience de la Cour dans ces domaines factuels devrait constituer l’expertise requise pour primer la compétence des tribunaux dans leurs propres domaines d’expertise.

 

[12]           Selon le défendeur, le demandeur semble oublier que cette expertise est aussi considérée, en règle générale comme étant l’avantage que possède les décideurs de troisième niveau sur les cours de contrôle parce qu’ils ont la possibilité d’examiner la preuve directement.

 

[13]           Le défendeur soutient que la norme de contrôle applicable aux questions de fait dans le contexte du droit de l’immigration et du droit administratif fédéral en général se trouve à l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7 (Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 R.C.F. 392). La norme de contrôle d’origine législative applicable aux questions de fait a traditionnellement été associée à la norme de la décision manifestement déraisonnable, laquelle demande le degré le plus élevé possible de déférence envers la décision d’un tribunal administratif. Selon le défendeur, la Cour a récemment statué que l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, n’a pas ouvert la porte à un degré moindre de déférence que celui qui existait avant l’abolition de la norme de la décision manifestement déraisonnable (Bielecki c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 442, 166 A.C.W.S. (3d) 305). Par conséquent, puisqu’il s’applique au contrôle judiciaire dans le domaine de l’immigration et du droit des réfugiés, l’arrêt Dunsmuir ne change pas le processus analytique et la tentative du demandeur de soutenir le contraire est inutile.

 

[14]           La Cour s’est penchée sur la norme de contrôle applicable aux décisions rendues par un agent des visas dans la décision Hassani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, [2007] 3 R.C.F. 501, où il est statué que, dans le contexte d’une décision générale d’un agent des visas, la norme de contrôle applicable était la décision manifestement déraisonnable.

 

[15]           À la suite de la décision rendue récemment dans l’arrêt Dunsmuir, la question de savoir si l’agent des visas a commis une erreur dans son évaluation des faits propres à la demande est susceptible de contrôle selon la nouvelle norme de la raisonnabilité.

 

[16]           En conséquence, la Cour n’interviendra pour modifier la décision d’un agent des visas que si celle‑ci n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). Pour qu’une décision soit raisonnable, il doit y avoir justification, transparence et intelligibilité du processus décisionnel.

 

[17]           En outre, les questions d’équité procédurale devraient toujours être examinées selon la norme de la décision correcte (Ellis‑Don Ltd. c. Ontario (Commission des relations de travail), 2001 CSC 4, [2001] 1 R.C.S. 221, au paragraphe 65). Lorsqu’on conclut qu’il y a eu manquement à l’obligation d’équité, en règle générale, la décision devrait être annulée (Sketchley, précité, au paragraphe 54).

 

B.         L’agent a‑t‑il commis une erreur en décidant de ne pas accorder le permis de travail?

[18]           Selon le demandeur, la validation de l’offre d’emploi existe pour permettre aux employeurs canadiens de parer à la pénurie de main‑d’œuvre, comme l’énonce l’article 3 de la Loi. Le demandeur soutient qu’il n’y a aucune logique entre l’examen des faits et la conclusion de l’agent en l’espèce.

 

[19]           Le demandeur ne voulait pas demander une lettre de son employeur actuel avant que la question de son permis de travail soit réglée définitivement. Cependant, le demandeur a bel et bien produit une preuve de son expérience de travail en tant que cuisinier en fournissant une confirmation de son emploi de 2004 à 2006. Il a également produit une preuve concernant son emploi actuel au restaurant Xianyehien en fournissant un [traduction] « certificat d’emploi » et des photos de lui‑même au travail dans la cuisine. Si l’agent avait eu besoin d’une véritable lettre de l’employeur, il aurait dû le faire savoir au demandeur.

 

[20]           En outre, le demandeur soutient que le fait qu’il a travaillé dans six restaurants différents ne permet pas de conclure qu’il a l’intention de rester au Canada, ou encore de dépasser la durée de séjour autorisée. L’agent aurait dû expliquer ce raisonnement.

 

[21]           Le demandeur prétend que les demandeurs de permis n’ont pas à deviner à l’avance les interrogations ou les doutes qui pourraient subsister chez l’agent après que les demandeurs ont déposé les documents requis. Le décideur devrait demander les renseignements additionnels dont il pourrait avoir besoin pour évaluer la demande du demandeur.

 

[22]           Le défendeur soutient que, selon la liste de vérification des documents, le demandeur était tenu de remettre l’original d’une lettre comportant l’adresse et le numéro de téléphone de son unité de travail actuelle et énonçant son poste actuel, ses tâches, son revenu et ses avantages. S’il était impossible pour le demandeur de présenter une preuve de son emploi actuel, il aurait dû le mentionner dans sa lettre, comme il l’a fait pour tous les certificats qu’il ne pouvait obtenir et qu’il a mentionnés dans sa demande.

 

[23]           En outre, selon le défendeur, il incombe au demandeur de fournir à l’agent des visas tous les documents nécessaires à l’appui de sa demande (Madan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1999) 172 F.T.R. 262, 90 A.C.W.S. (3d) 465 (C.F. 1re inst.); Kostev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 913, 107 A.C.W.S. (3d) 1066). L’agent des visas n’a pas l’obligation de demander des renseignements supplémentaires lorsque le demandeur est au courant du fardeau dont il doit s’acquitter.

 

[24]           Le fait que le demandeur recevra un salaire trois fois plus élevé que celui qu’il reçoit en Chine pourrait être un facteur l’incitant à rester au Canada, mais ce ne serait le cas que si le coût de la vie était également pris en considération. La différence entre le coût de la vie au Canada et celui en Chine n’a pas été prise en considération en l’espèce, par conséquent, selon le demandeur, cette conclusion tirée par l’agent était déraisonnable.

 

[25]           Le défendeur soutient qu’il était sans aucun doute plus que raisonnable pour l’agent des visas de considérer comme un facteur incitant le demandeur à demeurer au Canada le fait qu’il triplerait son salaire pendant qu’il travaillerait au pays.

 

[26]           Le demandeur affirme que, si avoir voyagé auparavant en ayant respecté durée de séjour autorisée peut démontrer la bonne foi, ne pas avoir voyagé par le passé ne permet pas de conclure qu’une personne dépassera la durée de séjour autorisée. Cette conclusion aurait pour prémisse que les gens n’ayant jamais voyagé risquent plus de dépasser la durée permise; il s’agirait d’une conclusion illogique parce que ne pas avoir voyagé ne révèle rien sur les infractions possibles (Ogunfowora c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 471, 157 A.C.W.S. (3d) 628).

 

[27]           Le demandeur soutient que la conclusion de l’agent selon laquelle il avait peu de liens familiaux en RPC est déraisonnable. Le fait qu’un demandeur soit célibataire dans un pays où est appliqué la politique de l’enfant unique ne permet pas à un agent de conclure automatiquement que le demandeur a peu de liens familiaux. Le père, la mère et le frère du demandeur habitent tous en Chine. Cela ne fait pas en sorte que le demandeur est plus susceptible de vouloir rester dans un autre pays, ou encore de dépasser la durée de son séjour (Zhang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1493, 244 F.T.R. 299). Le demandeur croit qu’il s’agit d’une généralisation abusive. À tout le moins, cette conclusion aurait nécessité une enquête plus poussée par l’agent des liens familiaux et de l’établissement en Chine du demandeur.

 

[28]           Selon le demandeur, l’agent devait montrer qu’il y avait une probabilité ou une possibilité sérieuse que le demandeur dépasse la durée autorisée de son séjour ou qu’il manque aux conditions de son permis de travail. L’agent ne peut être convaincu par une simple possibilité, car cela relèverait de la conjecture. Le demandeur croit que les faits en l’espèce ne permettent pas à l’agent de conclure que le demandeur aura des raisons de demeurer au Canada, ou encore de dépasser la durée autorisée de son séjour.

 

[29]           Même si la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur avait une raison de demeurer plus longtemps s’avère raisonnable, elle ne suffirait pas à justifier le refus d’accorder un visa au demandeur. Selon ce dernier, s’il avait une raison de demeurer plus longtemps, il aurait demandé une prolongation de son visa ou un autre document qui lui aurait permis d’obtenir ce qu’il voulait.

 

[30]           Compte tenu des notes du STIDI de l’agent et des renseignements fournis par le demandeur dans sa demande, j’estime que l’agent des visas n’a pas essayé sérieusement d’évaluer la force des liens du demandeur avec la Chine. Selon la Loi, le fardeau de la preuve incombe au demandeur, qui a tenté de s’en acquitter en fournissant des renseignements sur sa famille en Chine ainsi que sur son emploi et ses études. J’estime que l’agent n’a pas suffisamment pris en compte le fait que les liens familiaux du demandeur avec la Chine sont plutôt forts, puisqu’aucun membre de sa famille n’habite ailleurs qu’en RPC (Zhang, précitée). Pour ce motif, je conclus que le visa a été refusé à la suite d’une conclusion de fait erronée, laquelle ne tenait pas compte de la preuve documentaire produite.

 

C.        L’agent a‑t‑il manqué aux principes de justice naturelle en ne donnant pas l’occasion au demandeur d’être entendu en entrevue?

 

[31]           Le demandeur s’est vu refuser sa demande sur dossier et n’a jamais été reçu en entrevue. Le demandeur a déposé sa demande le 13 décembre 2007 et on lui a dit de venir chercher ses documents ainsi qu’une lettre de refus au consulat canadien dès le lendemain.

 

[32]           Le demandeur sait que l’entrevue n’est pas nécessaire au respect de la procédure, mais selon le paragraphe 200(1) du Règlement : « l’agent délivre un permis de travail à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis […] » Selon le demandeur, il ne serait pas nécessaire de mentionner le « contrôle » si la décision pouvait être prise sur dossier. Le demandeur est d’avis que la signification de « contrôle » dépend des faits propres à chaque cas et qu’il serait peut‑être plus prudent de procéder à une entrevue lorsque l’agent doit se former une opinion raisonnable sur une question moins tangible comme le dépassement de la durée de séjour autorisée ou une infraction à la loi.

 

[33]           Le demandeur soutient que l’agent a fondé sa conclusion sur une généralisation, c’est‑à‑dire que son établissement et ses liens n’étaient pas suffisants, plutôt que sur les faits propres à l’espèce quant à la possibilité du dépassement de la durée de séjour autorisée (Bonilla c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 20, 154 A.C.W.S. (3d) 692).

 

[34]           Le défendeur estime qu’il est important de placer en contexte les arguments du demandeur sur l’équité procédurale (Qin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 815, 116 A.C.W.S. (3d) 100, aux paragraphes 5 à 7). Selon le défendeur, l’agent des visas n’était pas obligé de donner une entrevue au demandeur ou de prendre des mesures pour lui permettre de dissiper ses doutes. Il n’incombe pas à l’agent des visas de donner une entrevue au demandeur ou de prendre d’autres mesures pour que ce dernier dissipe ses doutes issus des documents que le demandeur a fournis (Chow c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 996, 211 F.T.R. 90).

 

[35]           La Loi ne prévoit pas de droit à l’entrevue (Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1998) 151 F.T.R. 1, 79 A.C.W.S. (3d) 140, au paragraphe 28). Cependant, l’équité procédurale exige qu’un demandeur se voit donner l’occasion de dissiper les doutes d’un agent en certaines circonstances. Lorsque l’agent ne s’appuie sur aucune preuve extrinsèque, il n’apparaît pas clairement quand il est nécessaire de faire une entrevue avec le demandeur ou de lui accorder un droit de répondre. Pourtant, la jurisprudence donne à penser qu’il existe un droit de réponse en certaines circonstances.

 

[36]           Dans la décision Bonilla, précitée, au paragraphe 27, la Cour a conclu ceci :

Il ne s’agit pas ici d’un cas où la demande elle‑même de visa était incomplète, mais d’un cas où l’agent est arrivé à la conclusion subjective que la demanderesse ne retournerait pas en Colombie après avoir terminé ses études. Selon moi, l’agent aurait dû ici donner à la demanderesse l’occasion de répondre à sa préoccupation. La demanderesse n’avait aucun moyen de savoir que l’agent des visas suivrait son idée selon laquelle ceux ou celles qui sont dans leurs « années formatrices » ne peuvent pas venir étudier au Canada durant une période de quatre ans parce qu’il est improbable qu’ils retourneront dans leur pays. Le fait que l’agent des visas n’a pas donné à la demanderesse l’occasion de répondre à ses préoccupations constitue, au vu des faits de l’affaire, un manquement aux règles de la justice naturelle. […]

 

[37]           En l’espèce, rien dans la demande du demandeur, autre que la mention d’un salaire plus élevé au Canada, ne donne à penser que le demandeur a l’intention de demeurer pour toujours au Canada.

 

[38]           En outre, le demandeur ne pouvait en aucune façon savoir que l’agent s’appuierait sur le fait qu’il recevrait un salaire plus élevé au Canada, qu’il avait souvent changé d’emploi en Chine, que la liste de ses emplois antérieurs était difficile à obtenir ou qu’il avait apparemment peu de liens familiaux en RPC. En l’espèce, l’entrevue aurait été un moyen indiqué pour permettre au demandeur d’expliquer la portée de ses liens familiaux en Chine. Il aurait pu communiquer des renseignements qu’il a fournis dans son affidavit complémentaire. La Cour estime que l’omission par l’agent des visas de donner au demandeur l’occasion de dissiper ses doutes, compte tenu des faits en l’espèce, constituait un manquement aux principes de justice naturelle.

 

[39]           Il n’est donc pas nécessaire de répondre à la dernière question.

 

[40]           Les parties n’ont pas présenté de question de portée générale et aucune n’est soulevée.

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour qu’il procède à un nouvel examen. Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, traductrice


Annexe « A »

Les dispositions pertinentes

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), paragraphes 200(1) et 200(3) : les permis de travail

200. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), l’agent délivre un permis de travail à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

 

a) l’étranger a demandé un permis de travail conformément à la section 2;

 

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable au titre de la section 2 de la partie 9;

 

c) il se trouve dans l’une des situations suivantes :

 

(i) il est visé par les articles 206, 207 ou 208,

 

(ii) il entend exercer un travail visé aux articles 204 ou 205,

 

(iii) il s’est vu présenter une offre d’emploi et l’agent a, en application de l’article 203, conclu que cette offre est authentique et que l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien;

 

d) [Abrogé, DORS/2004‑167, art. 56]

 

e) il satisfait aux exigences prévues à l’article 30.

 

200. (1) Subject to subsections (2) and (3), an officer shall issue a work permit to a foreign national if, following an examination, it is established that

 

(a) the foreign national applied for it in accordance with Division 2;

 

(b) the foreign national will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2 of Part 9;

 

(c) the foreign national

 

 

(i) is described in section 206, 207 or 208,

 

(ii) intends to perform work described in section 204 or 205, or

 

(iii) has been offered employment and an officer has determined under section 203 that the offer is genuine and that the employment is likely to result in a neutral or positive effect on the labour market in Canada; and

 

 

(d) [Repealed, SOR/2004‑167, s. 56]

 

(e) the requirements of section 30 are met.

 

(3) Le permis de travail ne peut être délivré à l’étranger dans les cas suivants :

 

(3) An officer shall not issue a work permit to a foreign national if

 

a) l’agent a des motifs raisonnables de croire que l’étranger est incapable d’exercer l’emploi pour lequel le permis de travail est demandé;

 

(a) there are reasonable grounds to believe that the foreign national is unable to perform the work sought;

 

b) l’étranger qui cherche à travailler dans la province de Québec ne détient pas le certificat d’acceptation qu’exige la législation de cette province et est assujetti à la décision prévue à l’article 203;

 

(b) in the case of a foreign national who intends to work in the Province of Quebec and does not hold a Certificat d’acceptation du Québec, a determination under section 203 is required and the laws of that Province require that the foreign national hold a Certificat d’acceptation du Québec;

 

c) le travail spécifique pour lequel l’étranger demande le permis est susceptible de nuire au règlement de tout conflit de travail en cours ou à l’emploi de toute personne touchée par ce conflit, à moins que la totalité ou la quasi-totalité des salariés touchés par le conflit de travail ne soient ni des citoyens canadiens ni des résidents permanents et que l’embauche de salariés pour les remplacer ne soit pas interdite par le droit canadien applicable dans la province où travaillent les salariés visés;

 

(c) the specific work that the foreign national intends to perform is likely to adversely affect the settlement of any labour dispute in progress or the employment of any person involved in the dispute, unless all or almost all of the workers involved in the labour dispute are not Canadian citizens or permanent residents and the hiring of workers to replace the workers involved in the labour dispute is not prohibited by the Canadian law applicable in the province where the workers involved in the labour dispute are employed;

 

d) l’étranger cherche à entrer au Canada et à faire partie de la catégorie des aides familiaux, à moins qu’il ne se conforme à l’article 112;

 

(d) the foreign national seeks to enter Canada as a live-in caregiver and the foreign national does not meet the requirements of section 112; or

 

e) il a poursuivi des études ou exercé un emploi au Canada sans autorisation ou permis ou a enfreint les conditions de l’autorisation ou du permis qui lui a été délivré, sauf dans les cas suivants :

 

(e) the foreign national has engaged in unauthorized study or work in Canada or has failed to comply with a condition of a previous permit or authorization unless

 

(i) une période de six mois s’est écoulée depuis les faits reprochés,

 

(i) a period of six months has elapsed since the cessation of the unauthorized work or study or failure to comply with a condition,

 

(ii) ses études ou son travail n’ont pas été autorisés pour la seule raison que les conditions visées à l’alinéa 185a), aux sous-alinéas 185b)(i) à (iii) ou à l’alinéa 185c) n’ont pas été respectées,

 

(ii) the study or work was unauthorized by reason only that the foreign national did not comply with conditions imposed under paragraph 185(a), any of subparagraphs 185(b)(i) to (iii) or paragraph 185(c);

 

(iii) il est visé par l’article 206,

 

(iii) section 206 applies to them; or

 

(iv) il s’est subséquemment vu délivrer un permis de séjour temporaire au titre du paragraphe 24(1) de la Loi.

 

(iv) the foreign national was subsequently issued a temporary resident permit under subsection 24(1) of the Act.

 

Les paragraphes 203(1) et 203(3) du Règlement : l’effet sur le marché du travail

 

203. (1) Sur demande de permis de travail présentée conformément à la section 2 par un étranger, autre que celui visé à l’un des sous-alinéas 200(1)c)(i) et (ii), l’agent décide, en se fondant sur l’avis du ministère du Développement des ressources humaines, si l’offre d’emploi est authentique et si l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’avoir des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien.

203. (1) On application under Division 2 for a work permit made by a foreign national other than a foreign national referred to in subparagraphs 200(1)(c)(i) and (ii), an officer shall determine, on the basis of an opinion provided by the Department of Human Resources Development, if the job offer is genuine and if the employment of the foreign national is likely to have a neutral or positive effect on the labour market in Canada.

 

(3) Le ministère du Développement des ressources humaines fonde son avis sur les facteurs suivants :

 

(3) An opinion provided by the Department of Human Resources Development shall be based on the following factors:

 

a) l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’entraîner la création directe ou le maintien d’emplois pour des citoyens canadiens ou des résidents permanents;

 

(a) whether the employment of the foreign national is likely to result in direct job creation or job retention for Canadian citizens or permanent residents;

 

b) l’exécution du travail par l’étranger est susceptible d’entraîner le développement ou le transfert de compétences ou de connaissances au profit des citoyens canadiens ou des résidents permanents;

 

(b) whether the employment of the foreign national is likely to result in the creation or transfer of skills and knowledge for the benefit of Canadian citizens or permanent residents;

 

c) l’exécution du travail par l’étranger est susceptible de résorber une pénurie de main-d’oeuvre;

 

(c) whether the employment of the foreign national is likely to fill a labour shortage;

 

d) le salaire offert à l’étranger correspond aux taux de salaires courants pour cette profession et les conditions de travail qui lui sont offertes satisfont aux normes canadiennes généralement acceptées;

 

(d) whether the wages offered to the foreign national are consistent with the prevailing wage rate for the occupation and whether the working conditions meet generally accepted Canadian standards;

 

e) l’employeur a fait ou accepté de faire des efforts raisonnables pour embaucher ou former des citoyens canadiens ou des résidents permanents;

 

(e) whether the employer has made, or has agreed to make, reasonable efforts to hire or train Canadian citizens or permanent residents; and

 

f) le travail de l’étranger est susceptible de nuire au règlement d’un conflit de travail en cours ou à l’emploi de toute personne touchée par ce conflit.

(f) whether the employment of the foreign national is likely to adversely affect the settlement of any labour dispute in progress or the employment of any person involved in the dispute.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑970‑08

 

 

INTITULÉ :                                       LI, DI TANG

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 29 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 18 novembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jean‑François Bertrand                                                             POUR LE DEMANDEUR

 

Daniel Latulippe                                                                        POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bertrand, Deslauriers                                                                POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

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