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Date : 20081114

Dossier : IMM-1053-08

Référence : 2008 CF 1279

Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2008

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

SOOKELAL RAMJATTAN

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               La question dont la Cour est saisie concerne le caractère raisonnable d’une décision par laquelle une agente d’exécution a refusé de différer un renvoi malgré les prétentions du demandeur selon lesquelles des problèmes de santé mentale et une demande en instance fondée sur des circonstances d’ordre humanitaire (la demande CH) justifiaient le report.

 

[2]               À l’audience, le demandeur a cherché à se fonder sur la décision Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 341, du moins pour justifier une question à certifier, advenant que la présente demande de contrôle judiciaire serait rejetée en raison de son caractère théorique.

 

II.         CONTEXTE

[3]               Le demandeur demande que la décision de l’agente d’exécution soit renvoyée à un autre agent d’exécution pour qu’une nouvelle décision soit rendue et jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande CH. La Cour comprend que cette demande, figurant dans le dossier du demandeur et réitérée à l’audience, constitue une demande en vue de faire différer le renvoi jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande CH.

 

[4]               Le demandeur, un citoyen de Trinité-et-Tobago, est entré au Canada à titre de visiteur en février 2001 et est demeuré au pays sans statut juridique après l’expiration de son visa.

 

[5]               La demande d’asile du demandeur a été considérée comme abandonnée, sa demande d’examen des risques avant renvoi (l’ERAR) a été rejetée et sa demande d’autorisation de contrôle judiciaire a également été rejetée.

 

[6]               En 2006, lorsque la demande d’ERAR était toujours en cours de traitement, le demandeur a déposé une demande CH qui est encore en instance.

 

[7]               À la suite de la décision défavorable de l’ERAR, le demandeur a obtenu de la Cour un sursis en attendant qu’il soit statué sur la demande de contrôle judiciaire de la décision du défendeur de refuser de différer le renvoi. Cependant, l’autorisation de contrôle judiciaire du demandeur concernant le refus de différer son renvoi a finalement été rejetée.

 

[8]               Par la suite, en février 2008, le demandeur a une fois de plus été convoqué aux fins de son renvoi. Une demande de report a été rejetée et la présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a été déposée.

 

[9]               Enfin, pour terminer l’historique des procédures, le juge Gibson a sursis à la mesure de renvoi qui était prévue pour février 2008 jusqu’à la première des dates suivantes : [traduction] la date qui correspond au trentième jour après la décision quant à la demande CH du demandeur ou la date à laquelle une décision définitive est rendue sur la demande de contrôle judiciaire. C’est de cette dernière situation, le contrôle de la décision quant au report, dont il s’agit en l’espèce.

 

[10]           Le demandeur, qui est entré au Canada en tant que visiteur, a décidé d’y rester, et ce, parce que comme l’a affirmé sa sœur, qu’il avait fait de très grands progrès sur les plans psychologique et physique au pays. Cependant, la demande de report reposait principalement sur l’existence d’une demande CH toujours en instance.

 

[11]           L’agente d’exécution a tenu compte de l’existence de la demande CH en instance et a souligné que celle-ci ne constituait pas un obstacle au renvoi et qu’à l’époque, une décision à son égard n’était pas imminente. L’agente a également examiné l’état de santé mentale du demandeur et la situation de la famille, facteurs pris en compte dans la décision antérieure quant au report à l’égard de laquelle la demande d’autorisation avait été rejetée. L’agente d’exécution n’a trouvé aucun fondement pour justifier le report du renvoi.

 

III.       ANALYSE

[12]           La norme de contrôle judiciaire applicable à la décision d’un agent d’exécution quant à un report est celle de la décision raisonnable. Il importe de souligner que la gamme d’issues raisonnables est limitée compte tenu du pouvoir discrétionnaire restreint conféré à l’agent d’exécution.

 

[13]           L’affaire qui nous occupe, comme beaucoup d’autres renvois ayant fait l’objet d’un sursis, soulève la question du caractère théorique (voir Baron, précitée). Cependant, la présente affaire est légèrement mais sensiblement différente des autres affaires relatives au caractère théorique. Dans la présente affaire, le juge Gibson, à un moment où la question du caractère théorique était connue de la Cour, a accordé un sursis jusqu’à ce que la demande CH soit tranchée (une décision qui rendrait certainement la présente affaire théorique) ou jusqu’à ce que la décision définitive du présent contrôle soit rendue. Dans son ordonnance, le juge Gibson envisageait l’examen par la Cour des questions soulevées dans le présent contrôle judiciaire. Je suis d’avis que le bien-fondé de la décision de refuser le report du renvoi devrait être examiné, compte tenu de l’ordonnance du juge Gibson et de l’exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire d’entendre une affaire même si elle est théorique.

 

[14]           À mon avis, l’agente a tenu compte de tous les éléments de preuve pertinents qui lui avaient été présentés. Un ERAR valide avait déjà été effectué, lequel avait traités des mêmes questions relatives à la situation personnelle du demandeur, et aucun changement important n’était survenu quant à cette situation.

 

[15]           J’ai rejeté l’argument du demandeur selon lequel le pouvoir d’ordonner le renvoi « dès que les circonstances le permettent » (Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2002, ch. 27, art. 48) nécessite un examen des facteurs CH prévus à l’article 25. En conclure ainsi équivaudrait à convertir une demande de report en demande CH. La simple existence d’une demande CH n’empêche pas l’exécution d’une mesure de renvoi (Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 187 F.T.R. 219).

 

[16]           Il n’y avait rien de déraisonnable dans le refus de différer le renvoi. De plus, advenant le succès de la demande CH du demandeur, il n’y aurait aucun empêchement à son retour au Canada.

 

[17]           En plus du caractère raisonnable de la décision, il y a bien sûr le fait que la date du renvoi est passée. Une nouvelle date doit être fixée et, peut-être faudra-t-il invoquer de nouveaux motifs pour justifier un report.

 

IV.       CONCLUSION

[18]           Étant donné que le présent contrôle judiciaire est rejeté pour un motif autre que celui du caractère théorique, aucune question, contrairement à la décision Baron, précitée, ne sera certifiée.

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A.Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1053-08

 

INTITULÉ :                                       SOOKELAL RAMJATTAN

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 14 novembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Cecil L. Rotenberg, c.r.

 

POUR LE DEMANDEUR

Judy Michaely

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cecil L. Rotenburg, c.r.

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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