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Date :  20081120

Dossier :  IMM-1257-08

Référence :  2008 CF 1290

Ottawa (Ontario), le 20 novembre 2008

En présence de Monsieur le juge Beaudry 

 

ENTRE :

MOUCTAR SOUARESY

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT MODIFIÉS

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la loi) datée le 14 mars 2008 pour obtenir un jugement déclaratoire ou une injonction permanente ou une ordonnance afin d'obliger le défendeur à effectuer l'évaluation de la demande de résidence permanente fondée sur des considérations humanitaires (CH) appuyée d'un parrainage que le demandeur a déposé le 2 février 2008.

 

 

I.          Contexte factuel

[2]               Le demandeur, Mouctar Souaresy, est né le 5 mai 1966, à Forecariah, en Guinée. Il appartient à l’ethnie Malinke.

 

[3]               Il dit avoir joint les rangs de l’armée guinéenne le 1er novembre 1998. Il aurait participé à la défense de la région de Macenta attaquée par les rebelles sierra-léonais en septembre 2000. Suite aux dissensions au sein de l’armée guinéenne, il fut arrêté et accusé de complicité avec les rebelles du Sierra Leone, du fait des origines sierra-léonaises de sa mère et de ses idées sur l’assassinat de son ami maltraité en prison.

 

[4]               Il a été détenu du 25 août 2001 au 10 mars 2004 dans des conditions qu’il qualifie d’extrêmement pénibles. Le demandeur s’est évadé pour prendre le chemin de l’exil et il est passé par le Mali, la France et les États-Unis. Un mandat d’arrêt a été émis contre lui en avril 2004.

 

[5]               Il est arrivé au Canada le 30 mars 2004 et il a déposé une demande d’asile le 11 mai 2004. Le 3 août 2006, le tribunal a décidé de l’exclure en vertu des articles 1F(a) et 1F(c) de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 (la Convention) à cause de son travail dans l’armée guinéenne lors des conflits avec les rebelles sierra-léonais.

 

[6]               La demande de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée le 22 novembre 2006 (IMM-4708-06).

[7]               Entre temps, le demandeur a rencontré Mme Fatim Touré, une citoyenne canadienne d’origine guinéenne, le 5 mai 2005 et ils se sont mariés le 7 août 2005.

 

[8]               Avant la décision du tribunal du 3 août 2006, une demande de résidence permanente parrainée par son épouse dans la catégorie des époux ou conjoints de fait avait été déposée par l’épouse du demandeur le 8 février 2006. Cette demande de parrainage a été rejetée le 7 janvier 2008. Cette décision n’a pas fait l’objet d’une contestation devant la Cour.

 

[9]               Le 29 octobre 2007, le demandeur a déposé une demande d’Évaluation des risques avant renvoi (ERAR). La demande fut rejetée le 10 janvier 2008 et la décision négative fut communiquée le 20 février 2008. Le demandeur a contesté cette décision mais la Cour fédérale a rejeté sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire le 5 mai 2008, faute par ce dernier d'avoir déposé son dossier.

 

[10]           Au début de février 2008, il dépose une demande de résidence permanente pour des considérations humanitaires appuyée du parrainage de son épouse. Dans cette demande, une composante d'allégations de risque est insérée basée sur de la nouvelle preuve qui n'avait pas fait l'objet d'une évaluation lors de l’ERAR.

 

[11]           Le demandeur dépose la présente demande le 14 mars 2008. Les conclusions recherchées sont les suivantes :

 

ANNULER la décision de l'agent de renvoi voulant déporter M. Souaresy sans étude de son dossier;

 

ORDONNER à Citoyenneté et Immigration Canada d'effectuer une évaluation des raisons humanitaires dans le du [sic] dossier du demandeur devant un autre agent;

 

DÉCLARER que le renvoi de M. Souaresy dans son pays serait contraire à la Charte canadiennes [sic] des droits et libertés;

 

ET RENDRE toute autre ordonnance jugée appropriée par la Cour.

 

[12]           Le 4 avril 2008, le juge Lemieux rejette la requête en sursis greffée à la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision ERAR.

 

[13]           Le même jour, le juge Lemieux accorde la requête en sursis greffée à la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire déposée le 14 mars 2008 « visant l'absence d'une décision de sa demande urgente de résidence permanente au Canada pour considérations humanitaires ... » (paragraphe 1, IMM-1257-08). Le sursis accordé est en vigueur jusqu'à ce que la Cour se prononce sur la présente demande.

 

II.        La demande

[14]           Le défendeur qualifie le présent recours de mandamus alors que le demandeur le qualifie de « jugement déclaratoire »  ou « injonction » ou tout autre vocable que la Cour pourrait bien désigner. À l'audition, après plusieurs questions de la Cour, le procureur du demandeur précise que le but du présent recours est d’éviter de façon permanente le renvoi de son client vers son pays.

 

[15]           À l'appui de cette demande, il allègue de la nouvelle preuve et réitère les mêmes arguments qui ont été plaidés devant le juge Lemieux lors du sursis accordé le 4 avril 2008.

 

[16]           Le demandeur ne dépose aucune décision sur laquelle pourrait se référer la Cour pour lui donner raison. Il cite cependant les arrêts suivants : Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2006 CSC 6, [2006] 1 R.C.S. 256; Elezi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 240, 166 A.C.W.S. (3d) 312; Perea c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 432, 166 A.C.W.S. (3d) 312; Omar c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 1740, 44 Imm. L.R. (3d) 114; Okoloubu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 FC 83, 145 A.C.W.S. (3d) 889, et réfère la Cour à certains extraits de doctrine.

 

[17]           Après analyse, la Cour est d’avis que la jurisprudence et doctrine citées par le demandeur ne peuvent servir d'assises aux conclusions qu’il recherche.

 

[18]           Premièrement, la Cour est d'accord avec le défendeur que le demandeur ne rencontre pas les critères pour l'obtention d’un mandamus afin de forcer le défendeur à rendre une décision sur sa demande de parrainage. La demande CH est datée du début de février 2008 alors que le présent recours a été déposé le 14 mars soit environ 40 jours plus tard. Ce délai ne peut sûrement pas être qualifié de déraisonnable pour justifier l'octroi d’un mandamus.

 

[19]           Deuxièmement, la Cour considère que la demande d'injonction permanente doit être refusée. Le demandeur possède encore des recours, soit, un deuxième ERAR ou une demande de sursis si le défendeur décide d'exécuter l'ordre de renvoi. D'ailleurs, il a déjà exercé ce recours avec succès devant le juge Lemieux.

 

[20]           Troisièmement, la Cour ne peut se prononcer dans l'abstrait sur une demande de jugement déclaratoire. Dans la cause sous étude, une première demande ERAR a déjà été refusée et la nouvelle preuve alléguée dans le contexte d'une demande CH et parrainage n'a pas encore fait l'objet d'une décision.

 

[21]           Cependant, étant donné les circonstances, la Cour suggère au défendeur de procéder de façon prioritaire à l'évaluation de la demande CH et parrainage du demandeur car la nouvelle documentation déposée par le demandeur semble à tout le moins sérieuse quant aux allégations de risques advenant un retour dans son pays.

 

[22]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[23]           Le demandeur propose la question suivante pour être certifiée :

 

Est-ce que les nouvelles preuves obtenues après une décision administrative sur les raisons humanitaires ou sur le risque de retour qui sont pertinents et conclusives sur une question centrale doivent être étudiés avant déportation en vertu de l'article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés lorsqu'on cherche à établir une violation de la Charte?

 

[24]           Le défendeur s'oppose à cette question et plaide qu'en plus d'être purement théorique et prématurée, cette question ne vise pas à clarifier un point de droit de portée générale qui n'a pas été réglé. La Cour est d'accord avec cette proposition.

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1257-08

 

INTITULÉ :                                       MOUCTAR SOUARESY

                                                            et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                           L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 30 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT MODIFIÉS :         Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                      le 20 novembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :                       

 

Stewart Istvanffy                                                           POUR LE DEMANDEUR

 

Alexandre Tavadian                                                      POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stewart Istvanffy                                                           POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John Sims, c.r.                                                              POUR LE DÉFENDEUR       

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

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