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Date :  20081118

Dossier :  IMM-1299-08

Référence :  2008 CF 1286

Ottawa (Ontario), le 18 novembre 2008

En présence de Monsieur le juge Beaudry 

 

ENTRE :

JOSE CARLOS HERMIDA GONZALEZ

RITA MONTERO HERMIDA FERNANDEZ

LUIS ALBERTO HERMIDA MONTERO

CARLOS OMAR HERMIDA MONTERO

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la loi) à l’encontre de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) rendue par le commissaire Girard Landry, le 20 février 2008. Selon cette décision, le demandeur principal, Jose Carlos Hermida Gonzalez, est exclu de l’application de la définition de réfugié au sens de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (la Convention) aux termes des alinéas 1F(a) et 1F(c) de l’article premier de la Convention. Le tribunal a aussi conclu que la demanderesse et les deux enfants n'ont pas la qualité de « réfugié » au sens de la Convention ni celle de « personne à protéger ».

 

I.          Questions en litige

[2]               Les questions suivantes sont pertinentes :

1.         Est-ce que le tribunal a erré en concluant que le demandeur principal est exclu en vertu de la Convention?

2.         Est-ce que le tribunal a erré en concluant que le témoignage des autres demandeurs n’était pas crédible?

 

II.        Contexte factuel

[3]               Le demandeur principal, Jose Carlos Hermida Gonzalez, âgé de 43 ans et son épouse Rita Montero Fernandez, 42 ans ont deux enfants : Luis Alberto Hermida Montero et Carlos Omar Hermida Montero, âgés de 12 ans et de 17 ans respectivement, tous citoyens mexicains.

 

[4]               Rita Montero Fernandez et ses enfants basent leur demande d’asile sur celle du demandeur principal.

 

[5]               Ce dernier est  professeur et a œuvré au sein de l’armée mexicaine du 17 janvier 1992 au 30 mai 1997 à titre d’infiltrateur (taupe).

 

[6]               Il travaillait à titre de premier maître au sein de l’infanterie marine, Services spéciaux d’opérations, et il effectuait des opérations secrètes contre les narcotrafiquants. Le demandeur rédigeait des rapports et les remettait à sa Dépendance qui les remettait à la Troisième Zone Navale. Cela pouvait conduire à la détention et à des arrestations.

 

[7]               Selon lui la police municipale et la police fédérale routière effectuaient les arrestations et emprisonnaient les sujets à la suite des rapports qu’il complétait et son rôle se limitait à infiltrer le milieu.

 

[8]               Suite au déplacement du demandeur à la 4e Dépendance au nord de Veracruz, il a appris d’un infiltrateur que le capitaine était l’un des chefs de bandes de trafiquants dans cette région. Ce dernier lui aurait demandé de se renseigner sur sa propre bande.

 

[9]               Le 30 mai 1997, en rentrant chez lui, le demandeur fut attaqué par un groupe de gens armés. Il fut blessé et l’un de ses amis vétérinaire lui a procuré des médicaments car le demandeur ne voulait pas être retracé à un hôpital.

 

[10]           Il a ensuite appris que deux de ses collègues, ainsi qu’un caporal qui recevait les rapports avaient été torturés et assassinés. Il décida alors de déserter l’armée.

 

[11]           Il craignait qu’on le surveille, et afin de sauver sa vie il s'installa illégalement aux États-Unis à partir du 3 mars 1998. Suite aux événements du 11 septembre 2001, voyant ses chances minimes d'obtenir un statut légal, il retourna au Mexique le 4 septembre 2003. Il arriva au Canada le 21 juillet 2004 et a fait une demande d’asile.

 

[12]           L’épouse et les enfants ont vécu cachés au Mexique chez les parents de cette dernière et ils ont quitté le pays le 16 août 2005 afin de rejoindre le demandeur principal revendiquant l’asile le même jour.

 

III.       Décision contestée

[13]           Le tribunal a conclu que le demandeur principal est exclu aux termes des alinéas 1F(a) et 1F(c) de l’article premier de la Convention. Le tribunal a aussi rejeté les demandes des autres demandeurs en estimant que leur histoire était non-crédible.

 

[14]           Pendant la période où le demandeur exerçait son travail d’infiltration et qu’il fournissait des listes de gens à arrêter, la preuve documentaire souligne des cas d'exactions et de tortures commis par les forces de l’ordre, l’armée et les services de sécurité. Le tribunal cite des extraits de cette preuve documentaire et conclut que tous les services et les corps d’armée de terre et de marine ont commis des exactions, de la torture, des enlèvements et des meurtres.

 

[15]           À l'audience, le demandeur a témoigné qu’il ignorait tout de ces crimes par l’armée mexicaine. Cependant, compte tenu de la période de 1992 à 1997 à laquelle le demandeur a fait des rapports et livré des noms, le tribunal estime qu’il y a des raisons sérieuses de croire qu’il est complice des crimes mentionnés dans la preuve documentaire.

 

[16]           Citant Ramirez c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 2 C.F. 306 (C.A.F.), le tribunal a procédé à appliquer les six critères mentionnés.

 

[17]           Quant au premier, méthodes de recrutement : le tribunal considère que le demandeur a adhéré volontairement par altruisme et il a travaillé pendant cinq ans. Ensuite, la nature de l’organisation : le demandeur procédait à faire des investigations secrètes en infiltrant les milieux de drogues pour démanteler les réseaux de distribution. Ensuite, il portait le titre de maître, premier officier de l’organisation. Ce titre ajouté au temps passé au sein de cet organisme a fait en sorte selon le tribunal qu'il est invraisemblable que le demandeur n’ait pas été au courant des exactions commises par l’organisation. Il aurait pu quitter en tout temps sans s’exposer à des risques mais il a quitté seulement lorsqu’il n’a pas eu le choix.

 

[18]           Le tribunal a donc déterminé qu'il existait des motifs sérieux de croire que le demandeur avait été complice de la commission de crimes contre l’humanité, en raison de sa participation constante pendant plusieurs années aux activités de la Troisième Zone Navale Militaire du Mexique.

 

[19]           Quant à l'épouse et les enfants, le tribunal n'a pas cru le témoignage de la demanderesse à l'effet qu’ils seraient restés cachés pendant sept ans sans sortir de la maison et que les enfants n’allaient pas à l’école. Lorsque le tribunal a demandé à l'épouse ce qu'elle craignait, elle n'a pas pu répondre. Les enfants auraient déclaré à l'agent d'immigration qu'ils étaient étudiants contredisant ainsi leur mère qui prétendait que ces derniers ne sortaient jamais de la maison et qu'elle leur donnait parfois des cours.

[20]           Lors de l’audience, l’épouse a reconnu qu’elle n’a jamais su ce que faisait son mari, ni pourquoi il avait fui le Mexique. Ce n’est qu’à l’audience du 10 octobre 2006 qu’elle a appris le nom du persécuteur. Le tribunal a conclu que l’attitude de l’épouse est contraire à celle d’une personne qui craint pour sa vie.

 

IV.       Législation pertinente

[21]           Le chapitre premier de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 :

 

Article premier. -- Définition du terme « réfugié »

 

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :
 

a) Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un rime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;
 

c) Qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

 

Article 1. Definition of the term “refugee”

 

F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that.

 

(a) He has committed a crime against peace, a war crime, or a crime against humanity, as defined in the international instruments drawn up to make provision in respect of such crimes;

 

 

(c) He has been guilty of acts contrary to the purposes and principles of the United Nations.

 

 

 

 

 

V.        Analyse

A.        Norme de contrôle

[22]           La complicité du demandeur à des actes commis par l’armée du Mexique et son exclusion en vertu de l’article premier de la Convention est une question mixte de droit et de faits (Mankoto c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 294, 149 A.C.W.S. (3d) 1107, au paragraphe 16; Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 39, 238 F.T.R. 194, au paragraphe 14). La norme de contrôle applicable était celle de la décision raisonnable simpliciter.

 

[23]           Suite à la décision récente dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la norme applicable est la nouvelle norme de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47). La Cour ne doit pas intervenir tant que la décision du tribunal administratif est raisonnable et elle ne peut substituer son propre avis au seul motif qu’elle aurait pu en venir à une conclusion différente.

 

[24]           La jurisprudence établie avant Dunsmuir prévoyait que les questions purement factuelles étaient soumises à la norme de la décision manifestement déraisonnable (Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, [2005] 2 R.C.S. 100, au paragraphe 38; Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de la Citoyenneté), (1994) 160 N.R. 315, 42 A.C.W.S. (3d) 886 (C.A.F.), au paragraphe 4).

 

[25]           Pour ce qui est de la deuxième question, à savoir si le témoignage des autres demandeurs est crédible, l’évaluation est une question qui relève de l’expertise du tribunal et qui est sujette à la norme de la décision raisonnable selon Dunsmuir.

 

1. Est-ce que le tribunal a erré en concluant que le demandeur principal est exclu en vertu de la Convention?

 

[26]           Le demandeur cite plusieurs arrêts et plaide que le tribunal a mal interprété le droit et les faits dans le présent dossier (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Nagra (1999), 93 A.C.W.S. (3d) 130, [1999] A.C.F. no 1643 (C.F. 1ère inst.) (QL); Salazar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1999) 166 F.T.R. 109, 89 A.C.W.S. (3d) 120 (C.F. 1ère inst.); Musansi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 105 A.C.W.S. (3d) 727, [2001] A.C.F. no 65 (C.F. 1ère inst.) (QL); Alwan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 109, 120 A.C.W.S. (3d) 276).

 

[27]           Dans Ramirez, la Cour d’appel fédérale a déterminé six critères pour savoir si un individu doit être considéré comme complice d’un crime contre l’humanité. Les facteurs sont les suivants : la méthode de recrutement, le poste et le rang du demandeur dans l’organisation, la nature de l’organisation, la connaissance du demandeur au sujet des atrocités, la durée de sa participation aux activités de l’organisation et la possibilité de quitter.

 

[28]           Pour ce qui est du premier critère : le demandeur soumet qu’il s’est joint volontairement à l’armée mexicaine le 17 janvier 1992, mais ceci était une année avant que l’armée ait commis des actes à l’encontre des droits humains selon la preuve documentaire. Son travail consistait uniquement à obtenir des noms et adresses. Il n'était pas impliqué dans la capture des narcotrafiquants.

 

[29]           Quant au deuxième et troisième, le demandeur soutient que le tribunal n’a pas déclaré que l’armée comme organisation visait principalement des fins limitées et brutales. Le demandeur dit n’avoir jamais eu connaissance des abus allégués.

 

[30]           Le demandeur argumente qu’il ne faisait que la « taupe » et qu’il n’avait aucun pouvoir décisionnel dans l’organisation, donc le poste qu’il occupait ne le rendait pas complice.

 

[31]           Face au quatrième critère, il soumet avoir peu de connaissance de l’organisation comme telle. Il ajoute que son travail s'arrêtait à donner le nom des individus à la police municipale ou à la police fédérale qui elles procédaient aux arrestations. Il n'a jamais eu connaissance de l'existence de meurtres ou de tortures avant 1997. Il n'avait pas accès à la documentation mentionnée par le tribunal dans sa décision et il n'utilisait pas l’Internet à ce moment-là.

 

[32]           Pour ce qui des deux derniers critères, le demandeur prétend qu’il a déserté l’armée mexicaine aussitôt qu’il a pris connaissance de violations des droits humains commis par des gens liés à l’organisation.

 

 

[33]           Le défendeur soutient que le tribunal s’est prononcé sur la question de savoir si l’organisation à laquelle appartenait le demandeur avait commis des crimes contre l’humanité mais n'a pas déclaré que l'organisation était vouée à des fins cruelles et brutales. C'est pourquoi le tribunal a procédé à analyser les critères dans Ramirez.

 

[34]           Le défendeur plaide que ce dernier ne s'est pas trompé lorsqu'il a considéré les six critères dans  Ramirez.

 

[35]           Le défendeur souligne aussi que le tribunal était justifié de tirer des inférences de la preuve en s’appuyant sur la rationalité et le sens commun (Shahamati c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 415 (C.A.F.) (QL)).

 

[36]           Le défendeur estime qu’il n’était pas déraisonnable que le tribunal ait conclu à l'invraisemblance de la non-connaissance du demandeur quant aux crimes commis par l'organisation.

 

[37]           D’après le défendeur, la jurisprudence n’a jamais exigé, pour conclure à la complicité par association que le revendicateur soit lié à des crimes précis, qu'il les ait commis ou que les crimes soient directement ou indirectement attribuables à des omissions ou à des actes du demandeur d'asile lui-même (Sumaida c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] 3 C.F. 66 (C.A.F.)).

 

[38]           Le défendeur précise que dans le cadre de l'application des alinéas 1F(a) et 1F(c) de la Convention, la Cour d’appel fédérale a déjà décidé que le ministre doit seulement se conformer à la norme de preuve comprise dans l’expression « raisons sérieuses de penser ». Cette norme est inférieure à celle requise en droit criminel (hors de tout doute raisonnable) ou en droit civil (prépondérance des probabilités) (Moreno c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 298 (C.A.F.)).

 

[39]           La complicité par association a été précisée dans Bazargan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1996) 205 N.R. 282, 67 A.C.W.S. (3d) 132 (C.A.F.), aux paragraphes 11 et 12 :

Il va de soi, nous semble-t-il, qu’une "participation personnelle et consciente" puisse être directe ou indirecte et qu'elle ne requière pas l'appartenance formelle au groupe qui, en dernier ressort, s'adonne aux activités condamnées. Ce n'est pas tant le fait d'oeuvrer au sein d'un groupe qui rend quelqu'un complice des activités du groupe, que le fait de contribuer, de près ou de loin, de l'intérieur ou de l'extérieur, en toute connaissance de cause, aux dites activités ou de les rendre possibles. Il n’est nul besoin d’être un membre pour être un collaborateur. La complicité, nous disait le juge MacGuigan à la page 318 [de Ramirez] « dépend essentiellement de l’existence d’une intention commune et de la connaissance que toutes les parties en cause en ont ». Celui qui met sa propre roue dans l'engrenage d'une opération qui n'est pas la sienne mais dont il sait qu'elle mènera vraisemblablement à la commission d'un crime international, s'expose à l'application de la clause d'exclusion au même titre que celui qui participe directement à l'opération.

 

Cela dit, tout devient question de faits. Le Ministre n'a pas à prouver la culpabilité de l'intimé. Il n'a qu'à démontrer - et la norme de preuve qu'il doit satisfaire est "moindre que la prépondérance des probabilités" - qu'il a des raisons sérieuses de penser que l'intimé est coupable. …

 

[40]           Dans Harb, au paragraphe 11, on a expliqué comment cette notion de complicité par association pouvait servir de base à une exclusion sous l’alinéa 1F(a) de la Convention :

… Ce n'est pas la nature des crimes reprochés à l'appelant qui mène à son exclusion, mais celle des crimes reprochés aux organisations auxquelles on lui reproche de s'être associé. Dès lors que ces organisations commettent des crimes contre l'humanité et que l'appelant rencontre les exigences d'appartenance au groupe, de connaissance, de participation ou de complicité imposées par la jurisprudence (voir, notamment, Ramirez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 2 C.F. 306 (C.A.); Moreno c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 298 (C.A.); Sivakumar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 433 (C.A.); Sumaida c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [2000) 3 C.F. 66 (C.A.); et Bazargan c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1996), 205 N.R. 282 (C.A.F.)), l'exclusion s'applique quand bien même les gestes concrets posés par l'appelant lui-même ne seraient pas, en tant que tels, des crimes contre l'humanité. Bref, si l'organisation persécute la population civile, ce n'est pas parce que l'appelant lui-même n'aurait persécuté que la population militaire qu'il échappe à l'exclusion, s'il est par ailleurs complice par association.

 

[41]           En l’espèce, je suis d’avis que la décision contestée soulève des problèmes. Le tribunal a relevé de la preuve documentaire à l’effet que de nombreuses exactions ont été commises par l'armée mexicaine. Cependant, la simple appartenance à une organisation responsable de crimes contre l'humanité ne suffit pas en soi pour qu’il y ait complicité. Dans Sivakumar, la Cour a déclaré que plus qu’une personne occupe une position importante au sein de l’organisation, plus sa complicité sera probable.

 

[42]           Dans le cas sous étude, le titre du poste du demandeur semble illustrer qu’il occupait un poste important mais en réalité, il ne faisait que recueillir des noms et des adresses et il n’occupait pas de poste décisionnel au sein de la gestion. La preuve ne démontre pas qu’il ait participé directement ou indirectement ou qu’il ait influencé ou approuvé les crimes qui ont été commis. De plus, le demandeur se rapportait à un caporal qui n'avait pas le titre d'officier. On avait accordé au demandeur le titre de maître qui était le titre le plus bas dans l'échelle de la catégorie des officiers et ceci à des fins salariales (dossier du tribunal, page 861).

 

[43]           Rien ne démontre que le demandeur avait une intention commune. Dans son témoignage il a déclaré que lorsqu’il s’est joint à l’armée, il était professeur et ses intentions étaient très louables : il voulait aider les jeunes pour faire en sorte qu’ils ne consomment pas de drogues (dossier du tribunal, page 859).

 

[44]           J'estime que la preuve est ténue et mince pour en arriver à l'exclusion du demandeur. À part la preuve documentaire sur le Mexique et le titre qu'occupait le demandeur, je suis d'avis que le tribunal ne disposait pas d'éléments de preuve suffisants pour démontrer que le demandeur a été complice par association.

 

2. Est-ce que le tribunal a erré en concluant que le témoignage des autres demandeurs n'était pas crédible?

 

[45]           Dans son mémoire, la demanderesse affirme que les enfants n’étaient pas enfermés comme tel, mais qu’ils étaient à la maison et qu’ils ne sortaient pas dans la rue sauf pour aller chez le médecin ou pour des cas d'urgence. Rien selon elle n'est venu contredire son témoignage.

 

[46]           Le témoignage du fils le plus âgé confirme celui de la demanderesse à l'effet qu'il est allé à l'école jusqu'en troisième année seulement et qu'il ne connaissait pas la raison pour laquelle il n'avait pas pu continuer son primaire (dossier du tribunal, pages 926 et 927). Il corrobore le témoignage de sa mère concernant les cours qu’elle lui procurait pour l’aider à lire.

 

[47]           La demanderesse a expliqué qu'elle se cachait à la suite d'un ordre de son époux qui ne voulait pas lui dire qui était le persécuteur car il voulait que la famille en sache le moins possible dans le but de les protéger. Elle craignait cependant d'être tuée depuis que son époux avait été attaqué le 30 mai 1997.

 

[48]           Après une lecture attentive des notes sténographiques, je crois que le tribunal a mal interprété les témoignages rendus par les demandeurs. Il est vrai qu'à première vue certaines incompatibilités semblent exister. Cependant lorsque l'on compare les témoignages, je ne crois pas que des contradictions flagrantes puissent être décelées.

 

[49]           À titre d'exemple il n'est pas déraisonnable que les  enfants se considèrent comme des étudiants car il recevait des leçons de leur mère ainsi que de leur oncle Sergio et leur tante Flore (dossier du tribunal, page 928).

 

[50]           La demanderesse a témoigné à l'effet qu'elle a dû se réfugier chez sa mère même si elle ne connaissait pas le persécuteur. Elle savait cependant que c'était en rapport avec le travail de son époux. La maison familiale fut pillée en 2004 ce qui rend son témoignage plus crédible.

 

[51]           L’intervention de la Cour est justifiée car les motifs de la décision ne sont pas appuyés par la preuve.

 

[52]           Aucune question n'a été proposée pour être certifiée et ce dossier n'en contient aucune.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accordée. Le dossier est retourné pour être réexaminé par un tribunal nouvellement constitué. Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1299-08

 

INTITULÉ :                                       JOSE CARLOS HERMIDA GONZALEZ

                                                            RITA MONTERO HERMIDA FERNANDEZ

                                                            LUIS ALBERTO HERMIDA MONTERO

                                                            CARLOS OMAR HERMIDA MONTERO

                                                            et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                           L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 29 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                      le 18 novembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :                       

 

Jean Cantin                                                                   POUR LES DEMANDEURS

 

Lisa Maziade                                                                POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ÉTUDE JEAN CANTIN                                             POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

 

John Sims, c.r.                                                              POUR LE DÉFENDEUR       

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

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