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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date : 20081114

Dossier : IMM‑1883‑08

Référence : 2008 CF 1267

Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2008

En présence de monsieur le juge Kelen

 

 

ENTRE :

 

VICTOR FERNANDO MEDINA MORALES

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision, datée du 10 décembre 2007, par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur, un citoyen mexicain, n’est pas un réfugié au sens de la Convention et qu’il n’a pas la qualité de personne à protéger puisqu’il a une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Mexico.

 

LES FAITS

[2]               Le demandeur est âgé de 29 ans. Il est entré au Canada le 10 janvier 2007 et il a demandé l’asile en invoquant sa crainte d’être persécuté au Mexique du fait de son homosexualité.

 

[3]               En septembre 2006, le demandeur s’est engagé dans une liaison avec Jose Gonzalez Jiminez, un étudiant à l’université où il travaillait. Le père de M. Jiminez, Alberto Jiminez, est avocat auprès de la Procuraduria General de la Republica (PGR), soit le bureau du procureur général. Le demandeur affirme que, à ce titre, M. Jiminez père a sous ses ordres les policiers qui font la patrouille.

 

[4]               Le demandeur affirme que M. Jiminez était furieux lorsqu’il a su qu’il avait une liaison avec Jose. Le demandeur affirme que M. Jiminez s’est rendu à l’université où il travaillait et qu’il a parlé au doyen de l’université. Le demandeur a dû se présenter au bureau du doyen et on lui a dit qu’une plainte grave avait été formulée à son endroit. On l’a informé à la mi‑décembre que son contrat avec l’université ne serait pas renouvelé.

 

[5]               Au début de décembre, alors qu’il marchait entre l’arrêt d’autobus et chez lui, deux policiers ont assailli le demandeur et l’ont injurié, l’ont frappé et lui ont dit [traduction] « de rester loin de Jose ». Le demandeur affirme qu’il a tenté de déposer une plainte auprès de la police, mais qu’il a quitté le poste de police après avoir constaté qu’un de ses agresseurs s’y trouvait.

 

[6]               Le demandeur a par la suite quitté sa résidence à Villahermosa et est allé vivre avec des parents à Oaxaca. Il affirme que, après son départ, sa famille a reçu des notes et des dessins de menaces et que des cousins « macho » ont exprimé leur colère à l’égard de son homosexualité. Le demandeur est venu au Canada le 10 janvier 2007.

 

[7]               Le demandeur affirme qu’il craint d’être tué par le père de Jose Jiminez, par des policiers ou par des membres homophobes de sa collectivité, dont ses propres cousins, s’il retourne au Mexique.

 

[8]               Depuis son arrivée au Canada, le demandeur s’est engagé dans une relation d’union de fait avec un citoyen canadien. Le demandeur affirme que son conjoint canadien et lui souhaitent fonder une famille et avoir des enfants ensemble. Il soutient qu’il ne pourrait pas jouer le rôle de parent d’un enfant en entretenant une relation homosexuelle au Mexique, et que ce fait en soi constitue de la persécution et un traitement cruel et inusité.

 

La décision faisant l’objet du contrôle

[9]               La Commission a entendu le 10 décembre 2007 la demande d’asile présentée par le demandeur. Elle a rejeté cette demande au motif que le demandeur avait une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Mexico. Dans sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur n’a pas contesté la conclusion à cet égard.

 

LA QUESTION EN LITIGE

[10]           Le point sur lequel la Cour doit se pencher dans la présente demande consiste à établir si la Commission a commis une erreur du fait d’avoir omis d’examiner la question de savoir si la restriction quant à la capacité pour le demandeur d’adopter un enfant et d’en être le parent au Mexique, compte tenu de son orientation sexuelle, constitue de la persécution ou un traitement cruel et inusité.

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[11]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, 372 N.R. 1, au paragraphe 62, la Cour suprême du Canada a déclaré que, dans une première étape dans l’analyse de la norme de contrôle, la cour de révision « vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ».

 

[12]           Dans la décision Allahi c. Canada (MCI), 2004 CF 271, 129 A.C.W.S. (3d) 574, M. le juge von Finckenstein a déclaré au paragraphe 8, en citant l’arrêt Ward c. Canada (Procureur général), [1993] 2 R.C.S. 689, et la décision Hartley c. Canada (2000), 189 F.T.R. 296, que « [l]a Commission a l’obligation de tenir compte de tous les arguments mis de l’avant par le demandeur et de toutes les raisons possibles pour lesquelles il pourrait être exposé à la persécution dans son pays d’origine ». Dans la décision Sampu c. Canada, 2001 CFPI 756, 107 A.C.W.S. (3d) 107, Mme la juge Tremblay‑Lamer a déclaré au paragraphe 10 que la Commission, « en ne tenant pas compte de l’ensemble des éléments de preuve dont elle disposait pour appuyer la revendication du demandeur » a commis une erreur de droit. La norme de contrôle appropriée quant à une erreur de droit est la décision correcte.

 

[13]           La question en litige dans la présente demande consiste à savoir si la Commission a commis une erreur de droit du fait d’avoir omis d’examiner un argument soulevé par l’appelant. Par conséquent, la décision sera examinée selon la norme de la décision correcte.

 

L’ANALYSE

[14]           Le demandeur affirme que l’un des motifs soulevés à l’audience était que son conjoint et lui ne seraient pas autorisés à se marier ou à adopter un enfant au Mexique en raison de leur orientation sexuelle. Le demandeur soutient qu’il s’agissait d’une question grave dont la Commission n’a pas fait mention dans sa décision.

 

[15]           La Cour doit conclure que la Commission n’a pas commis une erreur du fait de ne pas avoir traité de cette question comme s’il s’agissait d’une question importante relativement à la demande d’asile. Premièrement, le demandeur n’a pas soulevé avant l’audience cette question précise en tant que fondement de sa demande d’asile, que ce soit dans son Formulaire sur les renseignements personnels devant la Commission ou au moment où il est entré au Canada en disant qu’il voulait présenter une demande d’asile. Deuxièmement, au début de l’audience, le membre qui présidait l’audience a défini les questions importantes et a invité l’avocat du demandeur à formuler des commentaires sur ces questions. Une fois de plus, cette question précise n’a pas été mentionnée par le demandeur ou son avocat. Troisièmement, le demandeur a présenté lors de l’audience une preuve abondante qui s’étend sur 57 pages de transcription. Toutefois, le demandeur n’a fait à l’égard de cette question qu’une courte référence incidente à la fin de la présentation de sa preuve. Quatrièmement, le demandeur n’a fourni aucun élément de preuve documentaire établissant que les couples de même sexe ne peuvent au Mexique adopter légalement un enfant, laquelle preuve serait nécessaire pour faire une prétention à cet égard. Cinquièmement et finalement, la prétention est entièrement hypothétique puisque le demandeur n’a jamais tenté d’adopter un enfant au Mexique et n’a envisagé cette question qu’avec son nouveau conjoint de même sexe au Canada. Il s’agit d’une hypothèse puisque si la relation que le demandeur entretient avec un conjoint de même sexe au Canada est sérieuse, son conjoint canadien peut décider de parrainer la demande présentée par le demandeur à titre de conjoint en vue d’obtenir le statut de résident permanent au Canada où ils pourraient alors adopter un enfant. Pour ces cinq motifs, je conclus que cette question de l’adoption n’a pas été soumise à la Commission de la façon qu’il convenait pour qu’on puisse s’attendre à ce que cette dernière tire une conclusion précise sur la question.

 

[16]           Dans ces circonstances, il n’est pas déraisonnable ou erroné que la décision de la Commission ne traite pas de la question de l’adoption.

 

[17]           Pour les motifs énoncés, la demande doit être rejetée.

 

[18]           Les parties n’ont pas proposé la certification d’une question. Aucune question ne sera certifiée.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

Danièle Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑1883‑08

 

INTITULÉ :                                       VICTOR FERNANDO MEDINA MORALES c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 27 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 14 novembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Korman

 

POUR LE DEMANDEUR

Margherita Braccio

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Otis & Korman

Avocats

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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