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Date : 20081117

Dossier : IMM‑1877‑08

Référence : 2008 CF 1223

Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2008

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

ENTRE :

DEREGE LEMMA WOLDEGABRIEL

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur Derege Lemma Woldegabriel sollicite, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2002, ch. 27 ( la Loi), le contrôle judiciaire de la décision d’un agent d’ERAR (l’agent), en date du 6 mars 2008, qui a rejeté sa demande d’examen des risques avant renvoi.

 

I.          Points litigieux

[2]               La présente demande soulève les points suivants :

a)   L’agent d’ERAR a‑t‑il commis une erreur pour avoir accordé un poids négligeable à la déclaration du père du demandeur au motif que le père avait tout intérêt à ce que la demande d’ERAR de son fils soit accordée?

b)   L’agent d’ERAR a‑t‑il commis une erreur pour avoir laissé de côté la preuve qui donnait à penser que le demandeur était exposé à un risque en Éthiopie en tant que personne soupçonnée de soutenir un parti d’opposition?

c)   L’agent d’ERAR a‑t‑il commis une erreur pour avoir laissé de côté la preuve qui donnait à penser que le demandeur, en tant que jeune de sexe masculin, était exposé à un risque en Éthiopie?

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

II.        Contexte

[4]               Une mesure d’expulsion pour cause de criminalité a été prononcée contre le demandeur, un Éthiopien âgé de 30 ans, résident permanent du Canada, qui a obtenu le droit d’établissement le 7 mai 1993. La Section d’appel de l’immigration (la SAI) lui a accordé un sursis d’exécution de la mesure d’expulsion, moyennant des conditions, mais le demandeur a récidivé, entraînant l’annulation du sursis par décision de la SAI rendue le 23 mai 2007. En tant que personne sous le coup d’une mesure de renvoi exécutoire, le demandeur s’est vu offrir la possibilité de présenter une demande d’ERAR.

 

[5]               Le père du demandeur, Lemma Woldegabriel, auparavant de nationalité éthiopienne, était autrefois membre de l’Union démocratique éthiopienne (EDU), qui était en opposition avec le parti au pouvoir. Le père du demandeur a participé à de nombreuses manifestations d’opposition au gouvernement et a été arrêté à trois reprises par des agents de l’État. Les trois frères aînés du père étaient eux aussi des membres de l’EDU qui ont été arrêtés, et l’un d’eux a été torturé par des agents de l’État.

 

[6]               Le père du demandeur, laissant son épouse et ses enfants derrière lui, avait pu monnayer son départ de l’Éthiopie en 1981. Il s’était rendu au Kenya, où il avait demandé l’asile et avait été admis comme réfugié au sens de la Convention. La mère du demandeur fut importunée à de nombreuses reprises par des gens qui voulaient savoir où se trouvait son mari.

 

[7]               Le demandeur et ses frères et sœurs ont quitté clandestinement l’Éthiopie, leur père croyant que, compte tenu de ses activités, ils ne pourraient jamais obtenir de passeports. Le demandeur est finalement arrivé au Canada en 1993.

 

[8]               En Éthiopie, les autorités ont placé en détention la mère du demandeur après le départ de ses enfants. Elle est tombée malade durant sa détention, puis a succombé.

 

[9]               Le frère du demandeur, Alemayehu Woldegabriel, a été expulsé du Canada vers l’Éthiopie en 1998. Une fois arrivé à l’aéroport, il a été placé en détention durant une semaine, au cours de laquelle il a été battu.

 

[10]           Durant des protestations étudiantes en Éthiopie en 2001, l’oncle et le cousin du demandeur ont été arrêtés, car on les soupçonnait d’avoir laissé des étudiants photocopier des tracts antigouvernementaux sur le lieu de travail de l’oncle. Le frère du demandeur, Alemayehu, et son cousin ont été torturés. À la suite de cet événement, Alemayehu a été sommé de se présenter à la police une fois par semaine, mais il s’est enfui au Kenya et a transmis une demande d’asile, qui était encore pendante au moment de l’audition de la demande d’ERAR du demandeur.

 

[11]           Le demandeur a présenté une demande d’ERAR le 9 avril 2007, où il exposait les quatre craintes suivantes :

a)      Il serait fiché par les autorités éthiopiennes en rapport avec l’adhésion de son père au parti EDU. Il serait mis en détention parce que suspecté d’être ou d’avoir été un sympathisant ou un membre de deux cellules issues de l’EDU, la Coalition pour l’unité et la démocratie (CUD) (également appelée Kinijit) ou les Forces démocratiques éthiopiennes unies (UEDF), et il serait torturé et/ou éliminé.

b)      Il serait fiché parce qu’il est un jeune Éthiopien de sexe masculin. Tous les jeunes comme lui de sexe masculin sont exposés à un risque élevé d’être arrêtés et torturés par le gouvernement parce qu’ils sont suspectés de subversion.

c)      Le demandeur serait torturé et/ou éliminé par les autorités éthiopiennes pour avoir auparavant monnayé son départ de l’Éthiopie.

d)      Il serait fiché par les autorités en raison des démêlés de son frère Alemayehu avec les autorités et aussi parce que son frère ne s’était pas présenté à la police comme il devait le faire. Les autorités imputeraient des intentions antigouvernementales au demandeur, le croiraient complice des activités criminelles de son frère et le puniraient sur ce chef, ou bien elles le puniraient tout simplement parce que son frère ne s’était pas présenté à la police.

 

III.       La décision contestée

[12]           L’agent a rejeté la demande d’ERAR, estimant que le demandeur ne serait pas exposé à un risque de persécution, à un risque de torture, à une menace pour sa vie ou à un risque de subir des peines ou traitements cruels et inusités s’il était renvoyé dans le pays dont il a la nationalité.

 

[13]           L’agent a accordé un poids négligeable à la déclaration du père du demandeur, pour les raisons suivantes :

a)      Le père avait tout intérêt à ce que la demande d’ERAR de son fils soit admise.

b)      La déclaration n’étayait pas les allégations apparaissant dans la demande de protection faite par le demandeur, allégations qui n’étaient que conjectures et n’étaient pas appuyées par une preuve objective.

c)      La déclaration mentionnait qu’il était un membre du parti EDU qui placardait des affiches et participait à des manifestations d’opposition au gouvernement. La preuve ne suffisait pas à montrer que le père du demandeur était, au sein du parti EDU, un activiste d’une telle importance ou un membre à ce point en vue que les autorités chercheraient à détenir le demandeur ou à lui nuire en raison de ses liens avec son père. L’agent s’est fondé sur une directive opérationnelle du Home Office du Royaume‑Uni où il était écrit que, par suite de l’apaisement de la situation politique en 2006, il n’était guère probable que les demandeurs d’asile qui étaient des activistes ou des sympathisants de faible ou moyenne influence au sein de l’alliance CUD soient exposés à de mauvais traitements équivalant à de la persécution.

 

[14]           La preuve n’a pas persuadé l’agent que le demandeur éveillerait l’intérêt des autorités en Éthiopie en raison de l’appartenance de son père au parti EDU. Il a aussi relevé que le père du demandeur n’avait pas mis les pieds en Éthiopie depuis 20 ans.

 

[15]           L’agent a ensuite rejeté l’argument du demandeur qui disait être exposé à un risque en tant que jeune Éthiopien de sexe masculin, car ce risque n’était pas appuyé par une preuve documentaire objective. Invoquant la décision Kaba c. Canada, 2007 CF 647, 160 A.C.W.S. (3d) 524, l’agent a estimé que le demandeur n’avait pas apporté la preuve suffisante d’un risque auquel il serait personnellement exposé, pouvant être distingué du risque couru par l’ensemble de la population en Éthiopie.

 

[16]           L’agent a conclu que le demandeur ne serait pas fiché en raison de son départ illégal de l’Éthiopie, et cela pour les raisons suivantes :

a)   Le demandeur avait quitté l’Éthiopie plus de 10 ans auparavant, et la preuve n’a pas convaincu l’agent que le demandeur présenterait de l’intérêt pour les autorités s’il devait retourner en Éthiopie.

b)   Rien ne permettait de croire que les autorités savaient que le demandeur avait quitté l’Éthiopie, et aucune preuve documentaire n’avait été produite montrant que ceux qui avaient quitté l’Éthiopie illégalement étaient persécutés.

 

[17]           L’agent a aussi rejeté l’argument du demandeur qui disait être exposé à un risque en raison des démêlés de son frère avec les autorités, parce que ce risque n’était pas confirmé par la preuve documentaire. La lettre produite par le frère du demandeur ne portait pas sur la situation personnelle du demandeur, ni ne confirmait les risques mentionnés dans la demande d’ERAR.

 

[18]           L’agent a accordé un poids négligeable à la déclaration du demandeur, car cette déclaration n’étayait aucun des risques mentionnés dans la demande d’ERAR, la déclaration indiquant simplement que les craintes du demandeur étaient celles dont faisait état la déclaration de son père. Par ailleurs, la déclaration du demandeur ne contenait aucun renseignement additionnel se rapportant à sa situation personnelle, ni ne faisait état d’une preuve objective confirmant les prétendus risques indiqués dans la demande d’ERAR.

 

[19]           L’agent s’est exprimé sur la situation ayant cours en Éthiopie et a reconnu que des chefs et membres des partis d’opposition avaient été harcelés, intimidés et dans certains cas détenus avant et durant les élections de 2005. Cependant, la procédure d’ERAR consiste à évaluer le risque d’une manière prospective. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, l’agent, se focalisant sur l’avenir, a donc estimé qu’il n’existait qu’une simple possibilité que le demandeur soit persécuté en Éthiopie et qu’il n’était guère probable qu’il soit exposé à un risque de torture, à une menace pour sa vie ou à un risque de subir des peines ou traitements cruels et inusités en cas de retour en Éthiopie.

 

IV.       Analyse

A.        Norme de contrôle

[20]           Avant l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, de la Cour suprême du Canada, une décision qui faisait suite à une demande d’ERAR était évaluée d’après la norme de la décision raisonnable simpliciter (Figurado c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 347, [2005] 4 R.C.F. 387, et Demirovic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1284, 142 A.C.W.S. (3d) 831). Il était accepté aussi que les questions de fait devaient être revues d’après la norme de la décision manifestement déraisonnable, les questions mixtes de droit et de fait d’après la norme de la décision raisonnable, et les questions de droit d’après la norme de la décision correcte (Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 437, 272 F.T.R. 62, paragraphe 19).

 

[21]           Depuis l’arrêt Dunsmuir, les décisions qui font suite à des demandes d’ERAR doivent encore appeler une retenue de la part de la Cour et sont révisables d’après la nouvelle norme de la décision raisonnable. La Cour n’interviendra donc dans la décision de l’agent d’ERAR que si cette décision n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (arrêt Dunsmuir, précité, paragraphe 47). Pour qu’une décision soit raisonnable, elle doit être justifiée et témoigner de la transparence et de l’intelligibilité du processus décisionnel.

 

1.         L’agent d’ERAR a‑t‑il commis une erreur pour avoir accordé un poids négligeable à la déclaration du père du demandeur, au motif que le père avait tout intérêt à ce que la demande d’ERAR de son fils soit admise?

 

[22]           L’agent a accordé peu de poids à la déclaration du père du demandeur au motif que cette déclaration était intéressée. Le demandeur dit que, ce faisant, l’agent a commis une erreur de droit. La déclaration rédigée par le père du demandeur confirmait qu’il était membre de l’EDU, un parti qui s’était finalement scindé en deux formations. Le demandeur a dit que, en raison de la manière dont le gouvernement actuel traitait les membres et sympathisants des deux nouveaux partis d’opposition (l’UEDF et la CUD), il y avait de sérieux motifs de croire que le demandeur serait détenu et torturé en raison des liens antérieurs de son père avec l’EDU, liens qui amèneraient le gouvernement actuel à croire qu’il souscrivait au programme politique des partis d’opposition.

 

[23]           Selon le demandeur, l’agent a laissé de côté, en raison de l’absence d’une preuve objective, la partie de la déclaration du père portant sur le frère du demandeur, lequel s’était trouvé dans une situation semblable à celle du demandeur et avait été détenu durant une semaine par les autorités éthiopiennes à son retour dans ce pays, puis battu. Le demandeur dit qu’il est raisonnable de croire qu’il subirait le même genre de traitements que ceux infligés à son frère s’il devait retourner en Éthiopie.

 

[24]           Le défendeur dit que les raisons qu’avait l’agent d’accorder un poids négligeable à la déclaration du père étaient diverses et bien raisonnées. L’agent a exposé clairement les raisons qu’il avait d’accorder un poids négligeable à la déclaration du père du demandeur, raisons qui allaient bien au‑delà de l’affirmation de l’agent selon laquelle le père avait tout intérêt à ce que la demande d’ERAR de son fils soit admise (Kimbudi c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 40 N.R. 566 (C.A.F.).

 

[25]           Je suis d’avis que la décision de l’agent d’accorder un poids négligeable à la déclaration du père du demandeur était raisonnable, au vu des circonstances. Son analyse allait au‑delà de l’intérêt bien compris du père et comportait d’autres éléments, par exemple le rôle et la position du père au sein du parti d’opposition, et le fait que le père du demandeur avait quitté l’Éthiopie plus de 20 ans auparavant.

 

2.         L’agent d’ERAR a‑t‑il commis une erreur pour avoir laissé de côté la preuve qui donnait à penser que le demandeur était exposé à un risque en Éthiopie en tant que personne soupçonnée de soutenir un parti d’opposition?

 

[26]           Selon le demandeur, les autorités éthiopiennes avaient usé de violence envers les dissidents politiques. Il a évoqué la propension du gouvernement à recourir aux arrestations et détentions arbitraires, surtout envers ceux qu’il soupçonnait d’être des sympathisants ou des membres de l’opposition, et il a fait état de rapports selon lesquels les détenus étaient souvent battus ou maltraités par les agents de sécurité (dossier du demandeur, pages 40, 42 et 69). Le demandeur dit qu’il serait exposé à un risque de persécution, à un risque de torture ou au risque de subir des traitements ou peines cruels et inusités s’il devait retourner en Éthiopie, et cela à cause des actes criminels de son frère dont il serait vu comme complice.

 

[27]           Le demandeur affirme que l’agent n’a pas tenu compte du fait que son frère avait été torturé et battu à cause de ses prétendues activités antigouvernementales et qu’il avait fui l’Éthiopie, en violation de l’obligation qu’il avait de se présenter chaque semaine à la police. Étant donné que sa mère avait été constamment importunée, puis emprisonnée, après que son mari a quitté l’Éthiopie, le demandeur dit qu’il y a de sérieuses raisons de croire que les autorités éthiopiennes arrêteraient et cibleraient un membre de la famille, à cause des actes criminels imputés à son frère, ou des convictions politiques de son père.

 

[28]           Le demandeur croit qu’il est exposé à un risque en cas de retour en Éthiopie, en raison de l’appartenance antérieure de son père à l’EDU, et il croit qu’il serait stigmatisé par l’appartenance de son père à un parti d’opposition, et fiché en tant que personne soupçonnée d’être membre ou sympathisant d’un parti d’opposition.

 

[29]           L’agent a estimé que la crainte du demandeur était fondée sur des conjectures et n’était pas appuyée par la preuve documentaire. Selon lui, le père du demandeur n’avait pas exercé une influence telle que son fils serait détenu et inquiété à son retour en Éthiopie. Il s’est fondé sur un rapport du Home Office du Royaume‑Uni, où l’on écrivait que seuls les activistes de haut niveau couraient le risque de subir de mauvais traitements équivalant à de la persécution.

 

[30]           Le demandeur ne conteste pas que l’agent était fondé à préférer les conclusions du rapport du Home Office du Royaume‑Uni plutôt que celles du rapport du Département d’État des États‑Unis, qu’il avait consulté. Cependant, le demandeur invoque la décision Cepeda‑Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 157 F.T.R. 35 (C.F. 1re inst.), et il dit que l’agent a commis une erreur parce qu’il a laissé de côté ou mal interprété la preuve qui donnait à penser que ce n’étaient pas seulement les activistes bien en vue qui étaient exposés à un risque de persécution, mais également ceux qui étaient soupçonnés de sympathiser avec les partis d’opposition.

 

[31]           Le défendeur fait valoir que l’agent d’ERAR a fait une analyse très détaillée de la preuve documentaire et qu’il a évalué d’après cette preuve les risques allégués par le demandeur. L’agent a conclu que le demandeur ne présentait pas le profil ni la situation personnelle d’une personne qui serait dans l’avenir exposée à davantage qu’une simple possibilité de subir un préjudice. Il était raisonnable de la part de l’agent d’arriver à cette conclusion.

 

[32]           Selon le défendeur, la Cour a toujours dit qu’il ne lui appartient pas d’apprécier à nouveau la preuve que le décideur avait devant lui, car c’est là une tâche qui incombe à l’agent chargé de l’examen, et qui ne donne pas lieu à un contrôle judiciaire. Il y a aussi une présomption selon laquelle l’agent d’ERAR a considéré l’ensemble des preuves qu’il avait devant lui. Le défendeur invoque de nombreux précédents qui montrent qu’un décideur n’est pas tenu de faire état de chacune des preuves qu’il avait devant lui, et que, si une preuve n’est pas mentionnée, cela ne signifie pas qu’elle n’a pas été prise en compte.

 

[33]           Comme l’a dit le défendeur, il existe une présomption selon laquelle l’agent a considéré l’ensemble des preuves qu’il avait devant lui. Le demandeur, invoquant la décision Cepeda‑Gutierrez, dit que l’agent n’a pas, dans ses motifs, considéré la preuve contradictoire, ou a omis d’évoquer cette preuve, parce que cela aurait contredit ses conclusions de fait. Cependant, à la page 4 de ses motifs, l’agent énumère divers arguments avancés par le demandeur, ajoutant : [traduction] « J’ai attentivement examiné et considéré l’ensemble des preuves aux fins du présent examen. »

 

[34]           La Cour arrive à la conclusion que le décideur a bien considéré les circonstances de la présente affaire ainsi que les preuves pertinentes qu’il avait devant lui. Il est arrivé à une conclusion raisonnable qui ne justifie pas l’intervention de la Cour.

 

3.         L’agent d’ERAR a‑t‑il commis une erreur pour avoir laissé de côté la preuve qui donnait à penser que le demandeur était exposé à un risque en Éthiopie parce qu’il était un jeune de sexe masculin?

 

[35]           Le demandeur craint d’être exposé à une arrestation arbitraire et à la torture en tant que jeune Éthiopien de sexe masculin, parce que le gouvernement éthiopien a toujours fiché ces personnes. La position du demandeur est confirmée par Donald N. Levine, professeur de sociologie à l’Université de Chicago, et l’un des observateurs des élections de 2005 en Éthiopie, qui a rapporté l’arrestation de milliers de jeunes hommes, et leur transport vers des prisons éloignées au régime carcéral rigoureux. Le demandeur dit que, en laissant de côté cette information qui donnait à penser qu’il était exposé à un risque en tant que jeune de sexe masculin, l’agent a contrevenu aux principes exposés dans la décision Cepeda‑Gutierrez et a commis une erreur de droit.

 

[36]           Le défendeur dit que, après examen de la preuve documentaire, l’agent est arrivé à la conclusion que la preuve n’appuyait pas l’affirmation du demandeur selon laquelle tous les jeunes Éthiopiens de sexe masculin courent un risque élevé d’être arrêtés et torturés par le gouvernement parce qu’il les soupçonne de subversion. Le fait que l’agent n’a pas fait état d’une partie de phrase tirée d’un article de revue ne signifie pas qu’il a commis une erreur. Ainsi que l’écrivait la Cour dans le jugement Cupid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 176, 155 A.C.W.S. (3d) 396, au paragraphe 17 : « l’agente d’ERAR n’a pas commis d’erreur en ne faisant pas explicitement référence à tous les commentaires négatifs se trouvant dans les documents sur la situation du pays. »

 

[37]           L’agent a estimé avec raison que cette affirmation du demandeur n’était pas confirmée par la preuve documentaire objective. Comme je l’ai dit plus haut, il a tenu compte des preuves qu’il avait devant lui, et sa conclusion était raisonnable. La Cour ne voit aucune erreur susceptible de contrôle dans l’analyse qu’a faite l’agent de la preuve objective.

 

[38]           Les parties n’ont pas proposé qu’une question grave de portée générale soit certifiée et, à mon avis, aucune question du genre ne se pose.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE : la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑1877‑08

 

INTITULÉ :                                       DEREGE LEMMA WOLDEGABRIEL

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 21 OCTOBRE 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 17 NOVEMBRE 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Orman                                                                            POUR LE DEMANDEUR

 

Ned Djordjevic                                                                        POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Orman                                                                            POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

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