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Date :  20080923

Dossier :  IMM-3643-08

Référence :  2008 CF 1068

Ottawa (Ontario), le 23 septembre 2008

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

IRIS LILIANA DOMENZAIN MALAGON

demanderesse

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

ET

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Au préalable

[1]               Cette Cour a souvent conclu que des allégations de risque qui ont été jugées non fondées par la Commission et l’agent de l’Évaluation des risques avant renvoi (ÉRAR), à la fois ne peuvent servir de fondement pour établir un préjudice irréparable dans le contexte d’une requête en sursis (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 145, 137 A.C.W.S. (3d) 156). Ce principe relatif à la crédibilité est adaptable dans le contexte du défaut de renverser la présomption de protection étatique. 

[2]               En ce qui concerne les bouleversements de la famille et la séparation que devra supporter le conjoint de madame Malagon, il ne s’agit pas d’un préjudice irréparable, mais plutôt d’un phénomène inhérent au renvoi (Malyy c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 388, 156 A.C.W.S. (3d) 1150 aux par. 17-18; Sofela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 245, 146 A.C.W.S. (3d) 306 aux par. 4 et 5; Radji c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 100, 308 F.T.R. 175 au par. 39). En conclure autrement rendrait impraticable le renvoi des individus n’ayant pas le droit de demeurer au Canada. De plus, tel que rappelé dans Golubyev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 394, 156 A.C.W.S. (3d) 1147 au paragraphe 12 : le critère du préjudice irréparable est un critère sévère qui oblige à démontrer l’existence d’une menace sérieuse à la vie ou à la sécurité du demandeur.

 

[3]               Pour ces raisons, madame Malagon n’a pas démontré de préjudice irréparable. Ce motif à lui seul justifie le rejet de la requête.

 

II.  Procédure judiciaire

[4]               La demanderesse a déposé une requête en vue d’obtenir le sursis de son renvoi vers le Mexique, prévu pour le 25 septembre 2008, à 06h00.

 

[5]               La procédure sous-jacente est une Demande d’autorisation et de contrôle judiciaire (DACJ) attaquant l’ÉRAR, rendue le 5 juin 2008

 

III.  Faits

[6]               La demanderesse, madame Iris Liliana Domenzain Malagon, âgée de 33 ans, est citoyenne du Mexique.

 

[7]               Le 8 octobre 2005, madame Malagon arrive au Canada et fait une demande d’asile le 24 février 2006.

 

[8]               Le 14 mai 2007, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Commission) rejette sa demande d’asile au motif qu’elle n’a pas renversé la présomption de protection étatique et qu’elle n’a pas démontré l’absence de possibilité de refuge intérieur.

 

[9]               Le 20 août 2007, cette Cour rejette la demande d’autorisation et contrôle judiciaire à l’encontre de cette décision.

 

[10]           Autour du 10 octobre 2007, l’Agence des services frontaliers du Canada (Agence) envoie à madame Malagon une convocation en vue de son éventuel renvoi. La lettre l’informe également de son droit potentiel à une demande d’ÉRAR. Madame Malagon se présente à l’Agence le 6 mars 2008, le retard étant vraisemblablement dû à un changement d’adresse.

 

[11]           Le 15 mars 2008, madame Malagon se marie à un citoyen canadien. Le 20 mars 2008, elle dépose une demande d’ÉRAR. Le 3 avril 2008, elle dépose une demande de résidence permanente dans la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada.

[12]           Le 5 juin 2008, la demande d’ÉRAR est rejetée. Une DACJ de cette décision est déposée le 15 août 2008.

 

[13]           Le 5 août 2008, madame Malagon dépose une demande de sursis administratif, rejetée le 6 août 2008. Le 20 août 2008, madame Malagon dépose une DACJ à l’encontre de ce refus, sans mettre sa demande en état.

 

IV.  Points en litige

[14]           (1) La requête en sursis de la demanderesse est-elle fondée, en regard des critères confirmés par la Cour d’appel fédérale dans Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1988] A.C.F. no 587 (QL), 86 N.R. 302 (C.A.F.) ?

(2) La conclusion recherchée par la demanderesse est-elle valide ?

 

V.  Analyse

            A.  Le test de Toth

[15]           La Cour doit déterminer si la demanderesse satisfait aux trois critères confirmés dans l’arrêt Toth, ci-dessus:

(i)                  l’existence d’une question sérieuse à trancher relativement à la procédure sous-jacente;

(ii)                un préjudice irréparable si le sursis n’est pas accordé; et

(iii)               le fait que la balance des inconvénients penche en sa faveur.

 

[16]           Le test de Toth étant conjonctif, le défaut de la demanderesse d’établir un seul des trois critères ci-haut doit mener au rejet de sa requête en sursis. (Jaziri c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1086, [2007] A.C.F. no 1417 (QL) au par. 3; Cruz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 166, 146 A.C.W.S. (3d) 128 au par. 3.)

 

i) Question sérieuse

[17]           Madame Malagon se devait de démontrer l’existence d’une question sérieuse relativement à la procédure sous-jacente, c’est-à-dire l’ÉRAR. Or, une étude de cette décision et des arguments de madame Malagon ne démontre l’existence d’aucune question sérieuse.

 

Une entrevue aurait dû être accordée par l’agente

 

[18]           Aux paragraphes 3 à 7 de son Mémoire, madame Malagon argumente que l’agente aurait dû lui accorder une entrevue afin de régler justement la question de crédibilité.

 

[19]           Cet argument n’est pas fondé, puisque l’agente n’a tiré aucune conclusion de crédibilité.

 

[20]           Certaines des conclusions de l’agente se rapportent à l’absence d’éléments de preuve et au poids de la preuve soumise, ce qui est clairement différent des questions de crédibilité. (Abdellah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 786, [2007] A.C.F. no 1037(QL) aux par. 26, 27, 29, 31 et 32.)

 

[21]           De plus, l’élément central et décisif de la décision est le défaut de madame Malagon d’avoir demandé la protection de son État et son défaut d’avoir renversé la protection étatique.

[22]           Aux termes de l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (Règlement), la tenue d’une audience n’est requise que si des éléments de preuve soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité d’un demandeur. Il ne s’agit là que d’un des trois critères conjonctifs de cette disposition.

 

[23]           Tel que précisé par cette Cour, la tenue d’une audience dans le contexte de l’ÉRAR est exceptionnelle (Bhallu c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 1324, 134 A.C.W.S. (3d) 471). Ce n'est que dans l'hypothèse où la crédibilité est au cœur de la décision et aurait un impact déterminant sur cette dernière qu'une audition est exigée (Abdellah, ci-dessus aux par. 29 et 30).

 

[24]           Ainsi, même si l’agente avait invoqué de façon périphérique la crédibilité, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, elle n’aurait quand même pas eu l’obligation de convoquer madame Malagon à un entretien physique. (Kaba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1113, [2006] A.C.F. no 1420 (QL) aux par. 29 et 30.)

 

[25]           Aux paragraphes 10 à 15 de son Affidavit, madame Malagon prétend que l’agente devait lui accorder une entrevue afin de débattre de la preuve avant de tirer ses conclusions.

 

[26]           Cette allégation est également sans fondement, pour les raisons supplémentaires suivantes.

 

[27]           L’évaluation d’une demande d’ÉRAR n’implique pas un échange de points de vue entre le demandeur et l’agent. (Aoutlev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 111, [2007] A.C.F. no 183 (QL) au par. 39.)

 

[28]           Le fardeau de démontrer un risque avant renvoi repose sur le demandeur au moment de la soumission de sa demande :

[22] [...] Dans l’affaire dont je suis saisi, il appartenait aux demandeurs de prouver le bien-fondé de leurs affirmations et de produire les preuves nécessaires à cette fin. Les preuves produites étaient ambiguës et parfois contradictoires. Rien ne permet d’affirmer que lagente a délibérément ignoré certains faits, et je suis davis qu’elle a agi de bonne foi. Elle n’était nullement tenue de chercher des preuves complémentaires ou de faire d’autres investigations. Elle devait étudier le dossier et rendre une décision daprès les preuves qu’elle avait devant elle. À mon avis, il ne lui incombait pas déclaircir davantage la preuve...

 

(Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 872, 256 F.T.R. 53.)

 

 

[29]           C’est au demandeur qu’il incombe de présenter une preuve convenable :

[13]      L’agent ERAR ne joue aucun rôle dans la présentation de la preuve. Si la preuve est insuffisante, le demandeur doit en supporter les conséquences et l’agent n’a aucune obligation de l’en aviser...

 

[14]      Il n’appartient pas à l’agent ERAR de signaler les carences de la preuve au demandeur...

 

(Lupsa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 311, 159 A.C.W.S. (3d) 419; également Tuhin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 22, [2007] A.C.F. no 36 (QL) au par. 4.)

 

[30]           Madame Malagon n’aurait pas soumis de pièces à l’appui de ses allégations à l’effet que sa mère aurait été victime de menaces en novembre 2007 et d’un vol d’automobile en décembre 2007 (Dossier de requête aux pp. 19A, 19B; lire conjointement avec la p. 9 aux par. 6, 9 et 13). L’agente était en droit de ne pas se satisfaire de simples allégations constituant ouï-dire, puisqu’elle devait juger des risques avant renvoi sous l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch 27 (LIPR) selon la prépondérance de la preuve. (Jaouadi c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 1549, 305 F.T.R. 122 au par. 32.)

 

[31]           Ce débat ne change rien à la conclusion centrale de l’agente d’ÉRAR à l’effet que la présomption de protection étatique n’a pas été renversée.

 

L’agente devait tirer ses propres conclusions

 

[32]           Au paragraphe 9 de son Mémoire, madame Malagon allègue que l’agente devait tirer ses propres conclusions quant à la protection de l’État et non pas simplement s’en remettre aux conclusions déjà tirées par la Commission à ce sujet.

 

[33]           Cet argument est erroné pour deux raisons.

 

[34]           Premièrement, l’agente a fait sa propre analyse quant à la question de la protection étatique, tel qu’il ressort de ses motifs. (Dossier de requête à la p. 70 aux par. 5 à 8.)

 

[35]           Deuxièmement, le rôle de l’agent d’ÉRAR est d’évaluer les risques de retour d’un demandeur qui n’ont pu être évalués par le tribunal, soit parce que ces risques n’étaient pas encore survenus au moment de la décision, soit parce que le demandeur ne pouvait pas raisonnablement présenter la preuve de ces risques au moment de cette décision. (Alinéa 113a) de la LIPR; Aslani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 324, [2008] A.C.F. no 390 (QL) au par. 14.)

 

[36]           Une preuve non datée n’est pas susceptible de répondre à ce critère.

 

[37]           Même si l’agente n’était pas liée par la décision de la Commission, elle pouvait en prendre considération dans ses motifs. (Aslani, ci- dessus; également Rai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 12, aux par. 36 et 37.)

 

[38]           À ce titre, la décision de la Commission s’avère très instructive quant au défaut de madame Malagon de renverser la présomption de protection étatique et du caractère déraisonnable de son refus de faire appel à son État avant de demander la protection à l’international :

[…]  selon ses propres dires à l’audience, [la demanderesse] n’a jamais porté plainte auprès d’aucune instance et autorité que ce soit.

 

Interrogée à savoir pourquoi elle n’avait pas demandé la protection des autorités de son pays, la demanderesse a déclaré qu’elle n’avait pas de preuves, que la police ne faisait, de toute façon, rien et qu’elle avait peur.

 

Le tribunal a donc ensuite demandé à la demanderesse comment elle pouvait savoir que la police ne l’aiderait pas, puisqu’elle ne s’était pas prévalue de ce que les autorités de son pays pouvaient mettre à sa disposition pour l’aider.

 

Celle-ci a alors indiqué avoir été il y a une dizaine d’années victime de violence conjugale et qu’elle s’était adressée aux autorités policières qui l’auraient tout d’abord référée à des organismes d’aide aux femmes victimes de violence, tout en, selon les propres dires de la demanderesse, lui mentionnant que si cela ne fonctionnait pas elle pouvait en tout temps retourner les voir.

 

Elle mentionne ensuite qu’elle n’avait pas été satisfaite des services de ces organismes mais qu’elle n’était pas retournée à la police car elle avait décidé de revenir avec son conjoint.

 

Le tribunal retient que les réponses de la demanderesse n’expliquent pas pourquoi elle ne s’est pas adressée aux autorités policières et qu’au surplus, elles démontrent, dans l’exemple choisi, que la police n’avait pas refusé d’intervenir. (La Cour souligne.)

 

(Motifs du tribunal aux pp. 1 et 2.)

 

[39]           Le système de protection international est une option de dernier recours, une protection supplétive, tel que l’a confirmé la Cour suprême du Canada. (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689 au par. 18.)

 

[40]           En l’espèce, il y a défaut total de demander la protection nationale. De plus, c’est par réticence et manque de confiance que madame Malagon explique son défaut. Or, une réticence subjective ne saurait excuser un demandeur de ne pas s’être prévalu de la protection nationale d’abord. (Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 134, 165 A.C.W.S. (3d) 336 au par. 9; Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1126, 141 A.C.W.S. (3d) 822 au par. 10.)

 

 

 

 

 

L’agente a mal apprécié la preuve

 

[41]           Aux paragraphes 10 à 13 de son Mémoire, madame Malagon argumente que l’agente a mal apprécié la preuve. L’argument de madame Malagon est difficile à cerner. Quoi qu’il en soit, son allégation n’est pas conforme à la réalité.

 

[42]           L’analyse de l’agente est nuancée. Elle décrit les faiblesses du système au Mexique, tout en concluant qu’il y existe une protection. Elle rappelle que le Mexique est une démocratie et que l’État y est structuré. De plus, elle énumère les recours s’offrant aux victimes qui ne sont pas satisfaites de l’aide reçue, et mentionne qu’il existe une protection contre les agents voyous.

 

[43]           Tel que confirmé par la jurisprudence, la protection étatique n’a pas à être parfaite. Si l’État a le contrôle de son territoire et qu’il fait des efforts sérieux pour protéger ses citoyens, le fait qu’il existe des faiblesses dans cette protection ne saurait suffire pour réfuter la présomption de protection étatique. (Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Villafranca, 150 N.R. 232, 37 A.C.W.S. (3d) 1259; Burgos c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1537, 160 A.C.W.S. (3d) 696 au par. 36.)

 

[44]           Ce que madame Malagon propose en l’espèce est une réévaluation de la preuve. Tel que récemment rappelé par la Cour dans Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 408, [2008] A.C.F. no 547 (QL):

[17]      Quand le demandeur plaide que la décision du Tribunal passe sous silence une preuve que lui considère importante, ou que cette décision ne retient qu’une certaine partie de la preuve de préférence à une autre qu’il considère plus importante, il demande ni plus et ni moins  à cette Cour de réévaluer la preuve présentée à l’appui de la revendication d’asile et de substituer son opinion à celle du Tribunal. Une telle avenue est interdite dans le cadre d’un contrôle judiciaire...

 

(Également par. 18 et 19 dans Singh, ci-dessus.)

 

[45]           Dans son Mémoire, madame Malagon confirme l’analyse de l’agente, en faisant état d’une preuve documentaire qui témoigne des efforts et des succès des autorités mexicaines dans la lutte aux agents corrompus. (Dossier de requête, aux pp. 105 et 137 : référence à « Mexico’s Corruption Crackdown »).

 

[46]           La jurisprudence confirme que les agents d’ÉRAR disposent de compétences particulières pour ce qui est d’apprécier la preuve dont ils sont saisis (Kaur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1612, 264 F.T.R. 282 au par. 25). Le poids de la preuve relève exclusivement de l'évaluation de l'agente (Tuhin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 22, 167 A.C.W.S. (3d) 574 au par. 4).

 

[47]           Enfin, plusieurs jugements récents confirment que l’analyse de l’agente n’est pas déraisonnable dans un contexte mexicain.

 

[48]           Dans Navarro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 358, [2008] A.C.F. no 463 (QL), cause dans laquelle l’agent persécuteur était un policier voyou et ses acolytes, cette Cour a conclu :

[17]      Le Tribunal était fondé de ne pas considérer ces explications suffisantes pour repousser la présomption de protection étatique. La preuve documentaire démontre que les autorités du Mexique déploient de sérieux efforts pour protéger les victimes qui se trouvent dans la situation des demandeurs. Même si la situation est encore loin d’être parfaite, nous ne sommes pas ici en présence d’une situation où l’appareil étatique n’assume plus ses responsabilités. Dans ces circonstances, l’État doit à tout le moins se voir offrir une possibilité réelle d’intervenir avant que l’on puisse conclure qu’il n’est pas en mesure d’offrir la protection requise par l’un de ses citoyens...

 

[49]           Dans Sanchez, ci-dessus, cause dans laquelle l’agent à l’origine de la persécution était un agent fédéral (Sanchez, ci-dessus au par. 2), cette Cour a écrit:

[12]      Peu importe les lacunes qui peuvent exister dans le système de justice pénale mexicain, le Mexique est une démocratie qui fonctionne, dotée d’un appareil étatique en mesure d’assurer une certaine protection à ses citoyens. Selon l’arrêt Hinzman, précité, le fardeau qu’a une personne d’établir qu’elle ne devrait pas avoir à épuiser tous les recours disponibles dans son pays est lourd et, compte tenu des faits constatés par la Commission, les demandeurs ne se sont visiblement pas acquittés de ce fardeau.

 

[50]           Dans de la Rosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 83, 164 A.C.W.S. (3d) 497, cette Cour a conclu:

[11]      Concernant la conclusion relative à l’existence d’une protection de l’État, la Commission pouvait tirer la conclusion selon laquelle le demandeur n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour réfuter la présomption de protection de l’État. Le Mexique a été jugé comme une démocratie régie par un gouvernement qui fonctionne. De façon générale, rien ne laissait croire que le Mexique était incapable d’assurer une protection.

 

[12]      La Cour pouvait conclure que le demandeur n’avait pas suffisamment cherché à obtenir la protection de l’État pour réussir à la convaincre qu’il ne pouvait se prévaloir personnellement de cette protection.

 

[51]           Enfin, la contestation de madame Malagon quant au traitement des articles d’ordre général déposés devant l’agente (Dossier de requête à la p. 9 aux par. 13 à 17), n’est pas susceptible d’aider sa cause, puisque, entre autres, elle a refusé toute tentative de revendiquer l’aide disponible.

 

[52]           Compte tenu de ce qui précède, il n’était pas déraisonnable pour l’agente de conclure au défaut de madame Malagon d’avoir rempli son fardeau quant à la question de la protection étatique.

 

[53]           Madame Malagon n’a pas démontré de question sérieuse et ceci suffit pour rejeter la requête en sursis.

 

ii) Préjudice irréparable

[54]           En l’espèce, comme préjudice irréparable, madame Malagon allègue les risques liés à son retour ainsi que la séparation qu’aura à supporter son conjoint. (Dossier de requête à la p. 10 au par. 25.)

 

[55]           Les risques de retour ont déjà été évalués par deux instances administratives, le tribunal et l’agente, qui ont toutes deux conclu dans le même sens. De plus, cette Cour a confirmé le caractère raisonnable de la décision de la Commission en refusant la DACJ à l’encontre de la décision de la Commission. Depuis l’ordonnance de cette Cour, la situation n’a pas changé, tel que le confirme l’ÉRAR.

 

[56]           Cette Cour a souvent conclu que des allégations de risque qui ont été jugées non fondées par la Commission et l’agent d’ÉRAR à la fois ne peuvent servir de fondement pour établir un préjudice irréparable dans le contexte d’une requête en sursis (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 145, 137 A.C.W.S. (3d) 156). Ce principe relatif à la crédibilité est adaptable dans le contexte du défaut de renverser la présomption de protection étatique. 

 

[57]           En ce qui concerne les bouleversements de la famille et la séparation que devra supporter le conjoint de madame Malagon, il ne s’agit pas d’un préjudice irréparable, mais plutôt d’un phénomène inhérent au renvoi (Malyy, ci-dessus; Sofela, ci-dessus; Radji, ci-dessus). En conclure autrement rendrait impraticable le renvoi des individus n’ayant pas le droit de demeurer au Canada. De plus, tel que rappelé dans Golubyev, ci-dessus au paragraphe 12 : le critère du préjudice irréparable est un critère sévère qui oblige à démontrer l’existence d’une menace sérieuse à la vie ou à la sécurité du demandeur.

 

[58]           Pour ces raisons, madame Malagon n’a pas démontré de préjudice irréparable. Ce motif à lui seul justifie le rejet de la requête.

 

ii) Balance des inconvénients

[59]           Le paragraphe 48(2) de la LIPR prévoit qu’une mesure de renvoi doit être exécutée dès que les circonstances le permettent. Cette situation prévaut en l’espèce.

 

[60]           Le renvoi de madame Malagon n’est pas simplement une question de commodité administrative, il s'agit plutôt de l'intégrité et de l'équité du système canadien de contrôle de l'immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système. (Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261, 132 A.C.W.S. (3d) 547 au par. 22.)

 

[61]           Pour ces raisons, la balance des inconvénients penche en faveur de l’intérêt public à ce que le processus d’immigration prévu par la Loi suive son cours.

 

B.  Invalidité de la conclusion recherchée

[62]           Madame Malagon demande à cette Cour de surseoir à son renvoi jusqu’à ce que sa DACJ soit déterminée ou jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue sur sa demande de résidence permanente.

 

[63]           Cette conclusion est invalide, puisqu’elle requiert de la Cour qu’elle outrepasse sa compétence.

 

[64]           La jurisprudence confirme que d’accorder un sursis dans l’attente d’un événement qui ne constitue pas la procédure sous-jacente au sursis équivaut à un excès de compétence, en violation de l’article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R. (1985), ch. F-7 (D’Souza c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 1304, [2007] A.C.F. no 1702 (QL) aux par. 36 à 41; Razzaq c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 442, 290 F.T.R. 79 au par. 9; Muhammad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 156, 146 A.C.W.S. (3d) 127 au par. 13).

 

VI.  Conclusion

[65]           Compte tenu de tout ce qui précède, madame Malagon ne rencontre pas les critères établis par la jurisprudence relativement à l’obtention d’un sursis judiciaire. 


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la requête en sursis déposée par la demanderesse soit rejetée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3643-08

 

INTITULÉ :                                       IRIS LILIANA DOMENZAIN MALAGON

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE

                                                            DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA

                                                            PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 22 septembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 23 septembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Luc R. Desmarais

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Bassam Khouri

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

LUC R. DESMARAIS

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-Procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

 

 

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