Date : 20080926
Dossier : IMM-4187-08
Référence : 2008 CF 1088
Ottawa (Ontario), le 26 septembre 2008
En présence de monsieur le juge Zinn
ENTRE :
le ministre de la sécurité publique
et de la protection civile
demandeur
et
Michael xanthoudakis et
Eneliko SABINE
défendeurs
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La Cour est saisie d’une demande présentée en application de l’article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales, par laquelle le ministre cherche à obtenir un sursis à l’exécution de l’ordonnance de mise en liberté conditionnelle des défendeurs rendue le 22 septembre 2008 par le commissaire de la Section de l’immigration Paul Kyba. Le ministre demande qu’il soit sursis à l’exécution de l’ordonnance en question jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue concernant la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire qu’il a présentée à son égard.
[2] M. Xanthoudakis est citoyen de l’Australie et propriétaire d’une entreprise qui vend des T-shirts. M. Sabine est citoyen de la Nouvelle-Zélande et travaille comme ingénieur mécanicien à l’Opéra de Sydney en Australie.
[3] Les défendeurs ont quitté l’Australie ensemble et sont arrivés au Canada le 18 septembre 2008. Ils ont été interrogés par les agents des services frontaliers du Canada à leur arrivée à Winnipeg. Ils ont affirmé être venus au Canada pour participer à une expédition de pêche en forêt, mais ils n’avaient apporté aucun équipement de pêche avec eux. Selon leurs dires, ils devaient être accueillis par un homme qu’ils avaient rencontré sur Internet. Toutefois, ils ne connaissaient pas le nom de cet homme, mais uniquement son numéro de téléphone.
[4] Les personnes qui sont venues les accueillir à l’aéroport sont des membres de Rock Machine, un groupe de motards qui était bien connu à la fin des années 90 et au début des années 2000 pour ses activités criminelles et le violent conflit qui l’a opposé aux motards membres des Hells Angels. Le commissaire a conclu que les demandeurs étaient censés se rendre de Winnipeg à Gimli, où ils devaient participer à une réunion au cours de laquelle ils seraient peut-être devenus membres de Rock Machine. Le ministre fait valoir que les défendeurs souhaitent créer une section de Rock Machine en Australie. Leurs bagages contenaient des vêtements et des insignes de Rock Machine ainsi qu’une liste des membres du groupe.
[5] Les défendeurs ont été détenus à l’aéroport et, conformément aux exigences du paragraphe 57(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, un contrôle des motifs justifiant le maintien en détention a eu lieu le 22 septembre 2008. Le ministre a demandé le maintien en détention pour le motif que les défendeurs constituaient un danger pour la sécurité publique et qu’ils se soustrairaient vraisemblablement à l’enquête. Le ministre a invoqué l’alinéa 246b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, D.O.R.S./2002-227, selon lequel « l’association à une organisation criminelle au sens du paragraphe 121(2) de la Loi » constitue un critère qu’il faut prendre en considération lorsqu’il s’agit de décider si une personne constitue un danger pour la sécurité du public. Le paragraphe en question définit une organisation criminelle comme étant « l’organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre ou s’est livrée à des activités faisant partie d’un plan d’activités criminelles […] ».
[6] Dans une décision qu’il a rendue immédiatement après le contrôle, le commissaire Paul Kyba a conclu que les défendeurs devaient être mis en liberté conditionnelle.
[7] Ayant présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision, le ministre demande maintenant à la Cour d’ordonner qu’il soit sursis à la mise en liberté des défendeurs.
[8] Pour pouvoir obtenir un sursis, un demandeur doit prouver : (1) qu’il existe une question sérieuse à trancher; (2) qu’il subirait un préjudice irréparable si l’ordonnance n’était pas accordée; et (3) que la balance des inconvénients favorise l’octroi de l’ordonnance : Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.).
[9] Après avoir entendu les observations des avocats des parties et pris connaissance des documents déposés, je suis convaincu que le ministre a satisfait au premier des trois volets du critère que je viens d’énoncer. Une question sérieuse a été soulevée, celle de savoir si le commissaire a commis une erreur et a appliqué un mauvais critère lorsqu’il s’est demandé si les défendeurs étaient des « membres » de Rock Machine, et non s’ils étaient « associés » au groupe en question. Une autre question sérieuse est celle de savoir si le commissaire, qui a jugé que Rock Machine avait été une organisation criminelle dans le passé, a commis une erreur en omettant de conclure que le groupe était par conséquent une « organisation criminelle » au sens du paragraphe 121(2) de la Loi.
[10] Compte tenu de la nature de la question sérieuse qui se pose en l’espèce, je conclus que le danger pour la sécurité du public qu’occasionnerait le refus d’accorder le sursis ne relève pas de la pure conjecture. Ce danger est réel et constitue un préjudice irréparable.
[11] La balance des inconvénients joue en faveur du ministre et de l’intérêt public qu’il y a à appliquer les dispositions de la Loi et à protéger les citoyens.
[12] Par conséquent, la Cour sursoit à l’exécution de l’ordonnance de mise en liberté des défendeurs rendue le 22 septembre 2008 par le commissaire Paul Kyba.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE qu’il soit sursis à l’exécution de la décision de Paul Kyba, datée du 22 septembre 2008, jusqu’au premier en date des jours suivants :
a) le jour où sera tranchée sur le fond la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire;
b) le jour où aura lieu le prochain contrôle des motifs de détention des défendeurs prévu par la Loi.
« Russel W. Zinn »
Juge
Traduction certifiée conforme
Aleksandra Koziorowska, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4187-08
INTITULÉ : LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c. MICHAEL XANTHOUDAKIS et
ENELIKO SABINE
LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa, Ontario
DATE DE L’AUDIENCE : Le 26 septembre 2008
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
DATE DES MOTIFS : Le 26 septembre 2008
COMPARUTIONS :
Sharlene M. Telles-Langdon
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Edward Rice
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POUR LES DÉFENDEURS |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
JOHN H. SIMS, c.r. Sous-procureur général du Canada Winnipeg (Manitoba)
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POUR LE DEMANDEUR |
EDWARD RICE Avocat Winnipeg (Manitoba)
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POUR LES DÉFENDEURS
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